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Jn  11  47-83

Théophile. Les pharisiens auraient dû admirer et exalter l’auteur d’aussi grands miracles, et au contraire, ils forment le dessein de le mettre à mort : « Les pontifes et les pharisiens assemblèrent donc le conseil, » etc. — S. Augustin. (Traité 49.) Ils ne disent point : Croyons en lui, ces hommes pervers sont bien plus préoccupés de la pensée de faire le mal et de mettre à mort un innocent, que des moyens d’assurer leur propre salut. Et cependant la crainte les agite, et ils se consultent : « Et ils disaient : Que ferons-nous ? car cet homme opère beaucoup de miracles ? » — S. Chrys. Ils ne le regardent encore que comme un homme, après qu’il leur a donné une si grande preuve de sa divinité.

Origène. (Traité 28 sur S. Jean.) Le langage que tiennent les pontifes et les pharisiens nous donne une idée de l’étendue de leur folie et de leur aveuglement. Quelle folie, en effet, de reconnaître et d’attester que Jésus a opéré un grand nombre de miracles, et de penser qu’ils pouvaient néanmoins lui dresser des embûches, comme s’il n’était point capable de déjouer toutes leurs machinations ! Leur aveuglement n’est pas moins surprenant, de ne pas voir que celui qui pouvait opérer de si grands prodiges, pouvait également échapper à leurs embûches, à moins que dans leur pensée ses miracles ne fussent pas l’œuvre d’une puissance divine. Ils forment donc le dessein de ne point le laisser aller, ils s’imaginent par là empêcher ses disciples de croire en lui, et s’opposer à ce que les Romains ne détruisent leur pays et leur nation : « Si nous le laissons faire, disent-ils, tous croiront en lui, et les Romains viendront, » etc. — S. Chrys. (hom. 64.) En parlant de la sorte, ils veulent soulever le peuple, comme s’il courait le danger d’être soupçonné par les Romains de vouloir s’affranchir de leur domination, et leurs paroles peuvent ainsi se traduire : Si les Romains le voient entraîner la multitude après lui, ils en prendront ombrage, croiront que nous voulons nous ériger en pouvoir indépendant, et ils détruiront notre cité. Mais cette supposition était purement imaginaire ; car sur quoi reposait-elle ? Voyait-on Jésus entouré d’hommes en armes ? traînait-il après lui des escadrons de gardes ? Au contraire, ne cherchait-il pas la solitude ? Ils ne veulent pas qu’on les soupçonne de vouloir la mort du Sauveur, et ils mettent en avant le danger que courent leur cité et leur nation. — S. Augustin. Ou bien encore, ils craignirent que si tous venaient à croire en Jésus-Christ, il ne restât plus personne pour prendre contre les Romains la défense de leur ville et de leur temple ; car ils comprenaient que la doctrine de Jésus-Christ était contraire à leur temple et aux institutions données à leurs ancêtres. La crainte donc qu’ils avaient de perdre les choses du temps, les empêcha de penser à celles de l’éternité, et ils perdirent les unes et les autres ; car après la passion et la résurrection glorieuse du Sauveur, les Romains ruinèrent le pays et la nation des Juifs en les détruisant on en les emmenant en captivité.

Origène. (Traité 28) Dans le sens anagogique, les Gentils prirent la place du peuple de la circoncision, parce que leur chute est devenue le salut des Gentils. (Rm 11, 11.) Les Romains sont mis ici à la place des Gentils, c’est-à-dire ceux qui avaient l’empire à la place de ceux qui leur étaient soumis. Leur nationalité fut aussi détruite, car le peuple qui avait été le peuple de Dieu, cessa de l’être. — S. Chrys. (hom. 65.) Pendant qu’ils hésitaient et qu’ils soumettaient de nouveau cette question à la délibération du conseil, en disant : « Que faisons-nous, » un d’entre eux prend la parole et ouvre cet avis plein d’impudence et de cruauté : « Mais l’un deux, nommé Caïphe, qui était le pontife de cette année-là, leur dit, » etc.

S. Augustin. On peut être surpris que Caïphe soit appelé le pontife de cette année, alors que Dieu n’avait établi qu’un seul grand-prêtre, qui n’avait de successeur qu’après sa mort. Il faut donc se rappeler que ta prétentions ambitieuses et les rivalités qui régnaient parmi les Juifs, les avaient amenés à instituer plusieurs grands-prêtres, qui exerçaient leur ministère tour à tour pendant un an. Peut-être même il y en avait plusieurs pour une même année, et d’autres leur succédaient l’année suivante.

Alcuin. Ainsi, l’historien Josèphe rapporte que c’est à prix d’argent que Caïphe avait acheté le souverain pontificat pour cette année-là.

Origène. (Traité 28.) La méchanceté de Caïphe ressort de cette circonstance qu’il était grand-prêtre pour cette année-là, dans laquelle notre Sauveur accomplit le ministère douloureux de sa passion : « Or, comme il était pontife de cette année-là, il leur dit : « Vous n’y entendez rien, et vous ne songez pas qu’il vous est avantageux qu’un seul homme meure pour le peuple. » — S. Chrys. (hom. 65.) Il semble leur dire : Vous êtes assis tranquillement et vous délibérez négligemment sur cette affaire, mais veuillez donc réfléchir que la vie d’un homme doit être comptée pour rien quand il s’agit de l’intérêt public. — Théophile. Il parle de la sorte dans une intention coupable, et cependant l’Esprit saint se sert de sa bouche pour prophétiser l’avenir : « Or, il ne dit pas cela de lui-même, mais étant le grand-prêtre de cette année, il prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation. »

Origène. Tout homme qui prophétise n’est point par-là même prophète, de même qu’on n’est pas juste pour avoir fait une action juste, si par exemple on l’a faite par un motif de vaine gloire, Caïphe prophétise donc, mais sans être prophète, pas plus que Balaam. (Nb 23) Osera-t-on dire que ce n’est point par l’inspiration de l’Esprit saint que Caïphe a prophétisé, parce que l’esprit mauvais peut également rendre témoignage à Jésus, et prophétiser dans son intérêt, comme nous voyons les démons dire à Jésus : « Nous savons qui vous êtes, le saint de Dieu. » Mais son intention n’est pas de gagner des disciples à Jésus, c’est, au contraire, d’exciter contre lui ceux qui, dans le conseil avait mis en lui leur confiance, et de leur arracher une sentence de mort. D’ailleurs ces paroles : « Il vous est avantageux, » etc. qui sont une partie de la prophétie, sont-elles vraies ou fausses ? Si elles sont vraies, il s’ensuit que tous ceux qui, dans le conseil, se déclarent contre Jésus, seront sauvés, puisque Jésus meurt pour le salut du peuple ; et tous obtiendront cet avantage ; mais s’il est absurde de dire que Caïphe, et les antres membres du conseil qui délibéraient contre Jésus, soient sauvés, il est évident que ce n’est pas l’Esprit saint qui lui a dicté ces paroles, parce que l’Esprit saint ne ment jamais. Si l’on veut cependant que Caïphe ait dit ici la vérité, on comprendra ce que dit saint Paul : a Que la bonté de Dieu a voulu qu’il mourût pour tous, » (He 2, 9) et qu’il est le Sauveur de tous les hommes, surtout des fidèles. (1 Tm 4, 10.) Il reconnaîtra que toute cette prophétie est vraie dans son ensemble, à partir de ces mots : « Vous n’y entendez rien, » car ils ne connaissaient vraiment rien, eux qui ignoraient que Jésus est la vérité, la justice, la sagesse et la paix. Il est vrai encore qu’il était avantageux que ce seul homme (en tant qu’il est homme) mourût pour le peuple, car en tant qu’il est l’image du Dieu invisible, il ne peut être soumis à la mort. Il est mort pour le peuple en vertu de la puissance qu’il avait d’effacer les crimes de tout l’univers en les prenant sur lui. Cette réflexion de l’Evangéliste : « Il ne dit pas cela de lui-même, » nous apprend qu’il y a des choses que nous pouvons dire par nous-mêmes, sans avoir besoin pour cela d’aucun secours étranger, mais qu’il en est d’autres qui nous sont inspirées par une vertu secrète, bien que nous ne les comprenions point dans toute leur étendue. Dans ce dernier cas, nous nous attachons au sens que paraissent présenter les choses que nous disons, mais sans comprendre dans quelle intention elles nous ont été dictées. C’est ainsi que Caïphe ne dit rien ici de lui-même, et ne pense point faire une véritable prophétie, parce qu’il ne comprend pas le sens prophétique des paroles qu’il prononce. Tels étaient ces prétendus docteurs de la loi dont parle saint Paul : « Qui n’entendent ni ce qu’ils disent, ni ce qu’ils affirment. » (1 Tm 1, 7) — S. Augustin. (Traité 49.) Nous apprenons par cet exemple que des hommes livrés au mal peuvent recevoir l’esprit de prophétie pour prédire l’avenir, ce que l’Evangéliste attribue à un conseil secret de la divine providence, parce que Caïphe était grand-prêtre cette année. — S. Chrys. (hom. 65.) Voyez combien grande est la puissance de l’Esprit saint, qui peut faire sortir d’un esprit corrompu un oracle prophétique ! Voyez aussi la grandeur et la vertu du pouvoir pontifical. Caïphe est grand-prêtre, tout indigne qu’il est de cet honneur, et il prophétise sans savoir ce qu’il dit : La grâce ne s’est servi que de ses lèvres, et n’effleura même pas le cœur de cet homme profondément corrompu. — S. Augustin. Caïphe ne prophétisa que de la seule nation des Juifs, dans laquelle se trouvaient les brebis, dont le Seigneur a dit lui-même : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis qui ont péri de la maison d’Israël. » (Mt 15) Mais l’Evangéliste savait qu’il y avait d’autres brebis qui n’étaient pas de cette bergerie et qu’il fallait amener au bercail (Jn 10) ; et c’est pour cela qu’il ajoute : « Et non seulement pour la nation, mais afin de rassembler en un seul corps les enfants de Dieu. Il se place ici au point de rue de la prédestination, car les Gentils n’étaient alors ni les brebis, ni les enfants de Dieu.

S. Grég. (Moral., 6, 12 ou 13 dans les anc.) Les ennemis de Jésus mirent donc à exécution le dessein criminel qu’ils avaient formé. Ils firent mourir Jésus-Christ, pour empêcher la piété des fidèles de s’attacher à lui ; mais la foi grandit et s’accrut par les moyens mêmes que la cruauté des impies avait pris pour l’éteindre, et Jésus fit servir à l’accomplissement de ses desseins miséricordieux ce que la cruauté des hommes avait inventé contre lui. — Origène. (Traité 28.) Ces paroles de Caïphe les enflammèrent de colère, et ils résolurent dès lors de mettre à mort le Seigneur : « Depuis ce jour ils pensèrent à le faire mourir. » Si ce n’est point par l’inspiration de l’Esprit saint que Caïphe a prophétisé ; il y eut un autre esprit qui parla par la bouche de cet impie et qui excita ses semblables contre Jésus-Christ. Si cependant on veut absolument que l’Esprit saint ne soit pas étranger aux paroles de Caïphe et à la délibération qui suivit, on peut dire que de même qu’on voit des hommes faire servir à l’établissement de leur monstrueuse doctrine les saintes Ecritures qui ont pour objet l’utilité des fidèles, de même les pharisiens, en ne prenant point dans son vrai sens la prophétie véritable qui avait le Christ pour objet, en ont tiré comme conclusion le dessein de le mettre à mort. — S. Chrys. (hom. 65.) Ils cherchaient depuis longtemps à le faire mourir, et ils s’affermirent plus que jamais dans leur dessein.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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