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TRENTE-DEUXIÈME CONSIDÉRATION

De la confiance en la protection de Marie

« Celui qui m’aura trouvé trouvera la vie et il puisera le salut dans le Seigneur »
(Proverbes 8, 35)

Premier point

Quels remerciements ne devons-nous pas à la miséricorde de notre Dieu pour nous avoir donné, dans la très sainte Vierge Marie, une avocate capable, par ses prières, de nous obtenir toutes les grâces que nous désirons ! « O bonté vraiment étonnante de notre Dieu, s’écrie saint Bonaventure, nous sommes coupables ; et néanmoins, ô Marie, il vous a établie notre avocate avec un pouvoir assez grand pour nous obtenir tout ce que vous voulez ! » (S. Bonaventure (plutôt F. Jacques de Milan, cf éd. Quaracchi VIII, CXI), Stimulus amoris, p. 3, c. 19, medit. Super Salve Regina, Opera, t. 7, Lyon, 1668, p. 233). Pécheurs, mes frères, quelles que soient nos dettes envers la Justice divine et quant même nos péchés nous auraient déjà condamnés à l’enfer, ne désespérons pas, mais recourons à cette divine Mère ; réfugions-nous sous le manteau de sa protection et elle nous sauvera. Elle demande seulement que nous désirions avoir la bonne volonté de changer de vie. Désir sincère, et grande confiance en Marie ; et nous voilà sauvés. Pourquoi ? Parce que Marie est une Avocate puissante, une Avocate miséricordieuse, une Avocate désireuse de nous sauver tous.

Considérons premièrement que Marie est une avocate puissante, en sorte quelle peut tout en faveur de ses serviteurs auprès du souverain juge ; c’est là une prérogative toute spéciale et qu’elle tient du souverain Juge lui-même, lequel n’est autre que sont Fils. « Oui, s’écrie saint Bonaventure, c’est le grand privilège de Marie, de pouvoir tut auprès de son Fils ! » (S. Bonaventure (plutôt Conrad de Saxe, cf. éd. Quaracchi VIII, CXI), Sepculum B. Mariae Virginis, lect. 6, Opera, t. 4, Lyon, 1668, p. 439). Jamais, dit Jean Gerson (Jean Gerson, Sur le Magnificat, traité 6, Opera, t. 4, Anvers, 1706, col. 316), la Sainte Vierge ne demande rien à Dieu d’une volonté absolue, qu’elle ne l’obtienne ; et même, en sa qualité de Reine, elle envoie les anges vers ses serviteurs pour les éclairer, les purifier et les conduire à la perfection. Aussi la sainte Église, pour nous inspirer la confiance en cette grande Avocate, veut que nous l’invoquions sous le titre de Vierge puissante : Vierge puissante, priez pour nous. Et pourquoi Marie Jouit-elle d’un si puissant crédit ? Parce qu’elle est la Mère de Dieu. « Dans la prière de la Mère de Dieu, il y a, dit saint Antonin, comme un commandement ; impossible, dès lors, qu’elle ne soit pas exaucée » (S. Antonin de Florence, Summa theologica, p. 4, tit. 15, c. 17, § 4, t. 4, Vérone, 1740, col. 1029). Ses prières sont toujours celles d’une mère et jamais elles ne perdent aux yeux de Jésus un certain caractère d’autorité. Par conséquent il ne se peut pas que Marie prie et que Jésus ne l’exauce point. « Et ajoute saint Grégoire, archevêque de Nicomédie, c’est en quelque sorte pour acquitter sa dette envers sa Mère que le Rédempteur l’exauce toujours, car il en a reçu l’être humain, et toutes les demandes qu’elle lui adresse, il les accueille favorablement, comme pour satisfaire à un devoir de piété filiale » (Georges de Nicomédie, Oratio VI in SS. Deiparae ingressum, PG 100, 1439). Saint Théophile, évêque d’Alexandrie, va même jusqu’à dire : Le Fils aime à être prié par sa Mère ; car il veut lui accorder tout ce qu’elle demande, pour reconnaître ainsi le service qu’elle lui rendit en le revêtant de la chair humaine (S. Ephrem, Oration ad Deiparam, Opera, t. 3, Rome, 1746, p. 531. Quelques éditions anciennes attribuent certaines de ces prières à Théophile d’Alexandrie). « Réjouissez-vous, s’écriait en conséquence le martyr saint Méthode, réjouissez-vous, ô Marie ! Car tel est votre bonheur que vous avez pour débiteur le Fils de Dieu lui-même. Tous, nous sommes les débiteurs de Dieu ; vous seule, l’avez pour débiteur ».

C’est donc, conclut Cosme de Jérusalem (Cosme de Jérusalem, Hymnus VI ad Deiparam, PG 978, 482), un crédit tout-puissant que celui dont vous jouissez, ô Marie ! Oui, tout-puissant : et voici comment le prouve Richard de Saint Laurent : « Il est juste que la Mère partage la puissance avec son Fils ; et ainsi, leur puissance devant être la même, le Fils tout-puissant a rendu sa Mère toute-puissante. » (Richard de Saint-Laurent, De laudibus B.M. Virginis, lib. 4, c. 29, n. 1. L’ouvrage se trouve parmi les écrits de S. Albert le Grand, Opera, t. 20, Lyon, 1651, p. 146). Seulement, le Fils est tout-puissant par nature, la Mère est toute-puissante par grâce, c’est-à-dire qu’elle obtient par ses prières tout ce qu’elle demande, selon ce vers célèbre qu’on lui adresse : « Dieu peut tout, s’il commande ; et vous, si vous priez » (Ce distique est cité dans plusieurs ouvrages, toujours sans indication de la source). Telle est précisément la révélation faite à sainte Brigitte (S. Brigitte de Suède, Révélations, liv. 6, ch. 23 : « Vous êtes publiée Mère de miséricorde, et l’êtes, attendu que vous considérez les misères de tous, et me fléchissez à miséricorde ; demandez donc ce que vous désirez, car votre charitable demande ne peut être vaine » (Ferraige, t. 3, p. 249). Un jour elle entendit Jésus adresser à Marie ces paroles : « Ma Mère, demandez-moi ce que vous voulez ; car, vous le savez, quelle que soit votre demande, impossible que je ne l’exauce point ». Et il en donna tout aussitôt la raison : « De même que vous ne m’avez rien refusé, quand j’étais avec vous sur la terre, ainsi je ne puis, à mon tour, rien vous refuser, maintenant que vous êtes avec moi dans le ciel » (S. Brigitte de Suède, Ibid. lib. 1, ch. 24 : « Comme vous ne m’avez rien refusé sur la terre, je ne veux rien vous refuser dans le ciel » (Ferraige, t. 1, p. 68).

En somme, il n’y a personne, si criminel soit-il, que Marie ne puisse sauver par son intercession. « O Mère de Dieu, lui disait saint Grégoire de Nicomédie, vous avez une puissance qui dépasse tout ; afin que la multitude des péchés ne dépasse jamais votre clémence. Rien ne résiste à votre pouvoir ; car le Créateur regarde votre gloire comme la sienne propre » (Georges (et non Grégoire) de Nicomédie, Oratio VI in SS. Deiparae ingressum, PG 100, 1439). « Rien ne vous est impossible, lui dit également saint Pierre Damien, ô vous qui pouvez sauver même les désespérés » (S. Pierre Damien (plutôt Nicolas de Clairvaux, selon Glorieux, n. 144), Sermo 44 in Nativitate B. M. Virginis, sermon 1, PL 144, 740).

Affections et prières

O ma reine et ma Mère bien aimée, ô Marie, je vous dis avec saint Germain : « Vous êtes toute-puissante pour sauver les pécheurs, et vous n’avez pas besoin que personne vous appuie auprès de Dieu, car vous êtes la Mère de la véritable vie » (S. Germain, In beatam SS. Deiparae dormitionem, sermon 2, PG 98, 350). Si donc je recours à vous, ô ma souveraine, tous mes péchés ne peuvent me faire désespérer de mon salut. Vous obtenez par vos prières tout ce que vous voulez ; si vous priez pour moi, certainement je serai sauvé. Sainte Mère de Dieu, ajouterai-je donc avec saint Bernard, « priez pour moi, pauvre pécheur, car votre Fils vous écoute toujours et vous accorde tout ce que vous lui demandez » (S. Bernard de Clairvaux (plutôt Ekbert de Schönau, selon Glorieux, n. 184), Deprecatio ad gloriosam Virginem, n. 7, PL 184, 1014). Il est vrai que je suis pécheur ; mais je veux me convertir et je me fais gloire de vous appartenir d’une manière spéciale. Il est vrai encore que je suis indigne de votre protection ; mais je sais que vous n’avez jamais abandonné aucun de ceux qui ont mis en vous leur confiance. Vous pouvez me sauver ; vous voulez me sauver ; et moi je me confie en vous. Quand j’étais perdu et que je ne pensais pas à vous, vous avez pensé à moi et vous m’avez obtenu la grâce de rentrer en moi-même. Combien plus dois-je me confier en vous, maintenant que je suis consacré à votre service et que, plein de confiance, je me recommande à votre bonté ! O Marie, priez pour moi et rendez-moi saint. Obtenez-moi la sainte persévérance ; obtenez-moi un grand amour pour votre Fils et pour vous, ô ma Mère tout aimable. Je vous aime, ô ma Reine, et j’espère vous aimer toujours. Et vous, aimez-moi aussi et que votre amour me change de pécheur en saint.

Deuxième point

Considérons en second lieu qu’autant Marie est une avocate puissante, autant elle est miséricordieuse, tellement miséricordieuse qu’elle ne saurait exclure de sa protection aucun de ceux qui l’implorent. « Les yeux du Seigneur sont arrêtés sur les justes », dit David (Psaume 33, 16). Mais, observe Richard de Saint Laurent, cette mère de miséricorde tient ses yeux fixés non seulement sur les justes, mais encore sur les pécheurs, pour empêcher les âmes de succomber, ou, tout du moins, pour relever par ses prières celles qui viennent à tomber. Telle une mère, les yeux attachés sur son enfant, l’empêche de tomber, ou, s’il tombe, s’empresse de le relever (Richard de Saint Laurent, De laudibus B. M. Virginis, lib. 5, c. 2, n. 10, op. cit. 162). Saint Bonaventure disait qu’en regardant Marie il lui semblait ne plus apercevoir que la miséricorde même. Aussi saint Bernard veut-il que, dans toutes nos nécessités, nous nous recommandions avec la plus grande confiance à cette puissante Avocate, parce qu’elle est toute douceur et toute bonté envers ceux qui réclament son secours. « Pourquoi, s’écrie le saint, la faiblesse humaine craindrait-elle de s’adresser à Marie ? Elle n’a rien d’austère, rien de terrible ; elle est toute suavité » (S. Bernard de Clairvaux, Sermon pour le dimanche dans l’octave de l’Assomption, n. 2, PL 183, 430 : « Que pourrait redouter notre humaine fragilité à s’approcher de Marie ? Il n’est rien de sévère en elle, rien de terrifiant : elle se révèle toute tendresse, offrant à tous le lait et la laine » (TZ, p. 683). De là ce texte où Marie se compare à l’olivier : « Je suis comme un bel olivier dans les champs » (Ecclésiastique 24, 19). De l’olive on ne retire que de l’huile, symbole de la bonté ; et des mains de Marie il ne découle que grâce et miséricordes en faveur de tous ceux qui se placent sous sa protection. De là encore ce titre que lui décerne Denys le Chartreux : « Avocate de tous les pécheurs qui se réfugient près d’elle » (Denys le Chartreux, De dignitate et laudibus B. V. Mariae, lib. 2, art. 3, Opera, t. 36, Montreuil-Tournai 1908, p. 99). O Dieu ! Quelle peine n’éprouvera pas le chrétien, quand au fond, de l’enfer, il pensera qu’il pouvait si aisément faire ici-bas son salut en implorant cette Mère de miséricorde et qu’il ne l’a pas fait, et que désormais il se trouve dans l’impossibilité de le faire ! La Très Sainte Vierge dit un jour à sainte Brigitte : « Tout le monde m’appelle la Mère de miséricorde et je le suis en effet ; parce que la miséricorde de mon Fils m’a rendu miséricordieuse » (S. Brigitte de Suède, Révélation, lib. 2, c. 23 : « Je suis appelée de tous Mère de miséricorde. Vraiment, ô ma fille ! La miséricorde de mon Fils m’a rendue miséricordieuse ; et moi, ayant vu ses miséricordes, j’ai été compatissante » (Ferraige, t. 1, p. 314). Et de fait, à qui sommes-nous redevable d’une telle Avocate et d’une telle protectrice, sinon à la miséricorde de Dieu, qui veut nous sauver tous ? En conséquence, ajoute Marie, « malheur à celui qui n’aura pas imploré ma miséricorde, alors qu’il le pouvait ! » Oui, malheur et éternel malheur à lui, d’avoir pu sur la terre m’implorer, moi, si bienfaisante et si bonne pour tous, et de s’être ainsi, par sa négligence, misérablement damné.

Mais ce secours que nous réclamons de Marie, n’est-il pas à craindre, se demande saint Bonaventure, qu’elle nous le refuse ? Non, répond le saint ; il est impossible que Marie n’ait pas compassion des misérables ; et jamais elle n’eut le coeur de les abandonner dans leur misère (S. Bonaventure (plutôt F. Jacques de Milan), Stimulus amoris, p. 3, c. 13). Elle ne peut donc et jamais elle n’a pu refuser sa compassion et son assistance aux malheureux, quels qu’ils soient, qui ont réclamé son secours. Et cela par la raison que Dieu lui-même l’a constitué Reine et Mère de miséricorde. Et d’abord, comme Reine de miséricorde, il faut que Marie prenne à coeur les intérêts des misérables. « Vous êtes Reine de miséricorde, lui dit saint Bernard ; et quels sont les sujets de la miséricorde, sinon les misérables ? » (S. Bernard de Clairvaux (inauthentique, cf. Glorieux, 184), Meditatio in Salve Regina, n. 1, PL 184, 1077. Cette Meditatio est identique, selon Glorieux, au Stimulus amoris, pars. 3, c. 19, du pseudo-Bonaventure cité plusieurs fois dans ce chapitre). « Et ajoutait-il par humilité, puisque vous êtes Reine de miséricorde, et que je suis le plus misérable de tous les pécheurs, j’ai plus que personne le droit de me regarder comme votre sujet et vous devez avoir soin de moi plus que de tout autre, ô Reine de miséricorde ». Elle est en outre Mère de miséricorde ; et, comme telle, il lui faut veiller sur ses enfants malades, afin de les préserver de la mort ; car, grâce à sa bonté et à sa bonté toute seule, voilà ceux dont elle est devenue la Mère. Saint Basile l’appelle en conséquence un « hôpital public » (Basile de Séleucie, Orationes, oratio 17, PG 85, 222). Les hôpitaux sont faits pour tous les malades pauvres ; et plus on est pauvre, plus on a le droit d’y entrer. Ainsi, d’après saint Basile, plus sont misérables les pécheurs qui recourent à Marie, plus elle doit leur accorder sa bienveillance et ses soins.

Gardons-nous bien de douter un seul instant de la bonté de Marie. Un jour sainte Brigitte entendit le Sauveur dire à sa Mère : « Vous feriez miséricorde au démon lui-même, s’il vous en priait avec humilité » (S. Brigitte de Suède, Révélations extravagantes, c. 50 : « Vous feriez en quelque sorte miséricorde au diable s’il la demandait humblement » (Ferraige, t. 4, p. 255). Jamais l’orgueilleux Lucifer ne voudra s’humilier jusqu’à prier Marie. Mais si le misérable s’humiliait devant la divine Mère et qu’il implorât son secours, Marie par son intercession le délivrerait de l’enfer. Ce que Jésus Christ a voulu nous faire entendre par là, c’est précisément ce que la Très Sainte Vierge Marie elle-même dit à la sainte : « Lorsqu’un pécheur, si coupable soit-il, se présente avec un vrai désir de s’amender, aussitôt je me sens disposée à l’accueillir. Je n’examine pas combien il a péché, mais quelle volonté l’amène en ma présence. Car je n’ai pas la moindre répugnance à panser et à guérir ses blessures, puisqu’on me proclame et que je suis la Mère des miséricordes » (S. Brigitte de Suède, Révélations, liv. 2, c. 23; liv. 6, c. 117 (cf. Ferraige, t. 1, p. 314 et t. 3, p. 459). S. Alphonse réunit ici deux textes tirés de deux livres différents). De là ces encourageantes paroles de saint Bonaventure : « Pauvres pécheurs, déjà perdus sur la route de l’enfer, ne vous désespérez pas ; mais levez les yeux vers Marie et respirez en toute confiance ; car, dans sa miséricorde, cette bonne Mère vous conduira jusqu’à la mort » (S. Bonaventure (auteur inconnu, cf. éd. Quaracchi VIII, CXI), Psalterium B. M. Virginis, Ps. 18, Opera, t. 6, Lyon, 1668). « Cherchons donc, dit saint Bernard, la grâce que nous avons perdue et cherchons-la par Marie » (S. Bernard de Clairvaux, Sermon pour la Nativité de la B. V. Marie, L’Aqueduc, n. 8, PL 183, 441 : « Recherchons la grâce, et recherchons-la par Marie, car ce qu’elle cherche, elle le trouve (Mt 7, 7) et ne saurait en être privée » (TZ, p. 704). Cette grâce que nous avons perdue, elle l’a retrouvée, ajoute Richard de Saint-Laurent ; c’est donc à elle que nous devons nous adresser pour la recouvrer (Richard de Saint-Laurent, De laudibus B. M. Virginis, lib. 2, c. 3). Quand l’archange Gabriel vint annoncer à Marie quelle deviendrait Mère de Dieu, il lui dit entre autres choses : « Ne craignez point, Marie ; vous avez trouvé la grâce » (Luc 1, 30). Mais Marie, n’a jamais été privée de la grâce et même elle en a été toujours remplie ; comment alors l’Ange pouvait-il affirmer qu’elle avait trouvé la grâce ? Le cardinal Hugues répond que Marie retrouva la grâce non pas pour elle, puisqu’elle en avait toujours joui, mais pour nous, qui l’avons réellement perdue. C’est pourquoi, ajoute-t-il, nous devons aller à Marie et lui dire : O Reine, une chose perdue doit faire retour à son propriétaire ; cette grâce que vous avez retrouvée ne vous appartient pas, car vous n’avez jamais perdu la grâce ; mais elle est à nous qui l’avons perdue par le péché ; rendez-nous donc ce qui est à nous : « Qu’ils accourent donc aux pieds de Marie ; qu’ils accourent les pécheurs, et qu’ils lui disent avec confiance : Par nos péchés nous avons perdu la grâce ; vous l’avez trouvée : rendez-nous notre bien » (Hugues de Saint-Cher, Postilla super Lucam, in 1, 30, Opera, t. 6, Venise, 1703, p. 133).

Affections et prières

Voyez à vos pieds, Auguste Mère de Dieu, un misérable pécheur qui tant de fois par sa faute a perdu la grâce divine que votre Fils lui avait acquise par sa mort. O Mère de miséricorde, je viens à vous l’âme toute blessée et meurtrie ; ne me repoussez pas à cause de mes plaies ; mais que votre coeur s’ouvre d’autant plus à la compassion et secourez-moi. Voyez ma confiance en vous et ne m’abandonnez pas. Je ne vous demande pas les biens de la terre ; ce que je vous demande, c’est la grâce de Dieu et l’amour de votre Fils. O ma Mère ; priez et ne cessez jamais de prier pour moi. Mon salut doit me venir des mérites de Jésus Christ et de votre intercession. Puisque votre office est d’intercéder en faveur des pécheurs, je vous dirai avec saint Thomas de Villeneuve : O notre Avocate, remplissez votre office ; recommandez-moi à Dieu et défendez-moi (S. Thomas de Villeneuve, in festo Nativitatis B. M. Virginis, concio 3, Conciones, t. 2, Milan, 1760, col. 406). Si désespérée que soit ma cause, entre vos mains elle ne peut se perdre, vous êtes mon espérance. O Marie, je ne cesserai de vous servir, de vous secourir, surtout recourir à vous. Et vous, ne cessez de me secourir, surtout lorsque vous me verrez en danger de me perdre encore une fois la grâce de Dieu. O Marie, ô sainte Mère de Dieu, ayez pitié de moi.

Troisième point

Considérons en troisième lieu que Marie est une Avocate si miséricordieuse que non seulement elle secourt ceux qui l’implorent, mais elle-même se met à la recherche des malheureux pour les défendre et les sauver. Voici l’invitation qu’elle nous adresse, afin de nous encourager tous à espérer toutes sortes de biens, si nous l’invoquons : « En moi est toute l’espérance de la vie et de la vertu, venez tous à moi » (Ecclésiastique 24, 25). Elle nous appelle tous, justes et pécheurs, dit le dévot Pelbart, commentant ce passage (Pelbart de Themeswar, Stellarium coronae gloriosissimae Virginis, lib. 1, p. 4, art. 1, quarto, Venise, 1586, fol 19). « Le démon, dit saint Pierre, rôde sans cesse cherchant qui il pourra dévorer » (1 Pierre 5, 8). Cette divine Mère remarque Bernardin de Bustis, est, elle aussi, toujours en mouvement, mais pour trouver l’occasion d’arracher quelqu’un au danger (Bernardin de Busto, Mariale, p. 3, sermon 1, Milan, 1493, fol 1). Et en effet Marie ne serait plus une mère de miséricorde si elle n’avait assez de bonté pour compatir à nos maux et pour veiller toujours à notre salut, comme une mère ne peut voir ses enfants en danger de se perdre, sans qu’aussitôt elle vole à leur secours. « Et qui donc, dit saint Germain, qui donc, après Jésus Christ, votre Divin Fils, s’intéresse plus à notre salut que vous, ô Mère de miséricorde ? » (S. Germain, In Encaenia venerandae aedis SS. Deiparae…, PG 98, 379). « Vous montrez, ajoute saint Bonaventure, tant de miséricorde à secourir les misérables que votre plus grand désir semble être de faire miséricorde » (S. Bonaventure (plutôt F. Jacques de Milan), Stimulus amoris, medit. super Salve Regina, Opera, t. 8, Lyon, 1668, p. 231).

Nul doute donc que la Très Sainte Vierge ne nous secoure quand nous l’implorons ; et jamais elle ne répond à nos prières par un refus. Sa bonté est si grande, dit l’Idiota (Raymon Jourdan (dit l’Idiota), Contemplationes super vita gloriosae V. Mariae, prooemium, Summa aurea, t. 4, Paris, 1862, col. 851), qu’elle ne repousse personne. Mais c’est encore trop peu pour le coeur miséricordieux de Marie. Elle prévient nos demandes et s’emploie à nous secourir avant même que nous l’en priions. « Sa bonté, dit Richard de Saint-Victor (Richard de Saint-Victor, Explicatio in Cant. Canticorum, c. 23, PL 196, 475), est plus prompte que nos prières et elle plaide d’avance la cause des misérables. » Le même auteur dit encore : « Marie est si miséricordieuse qu’elle ne peut voir aucune misère sans y subvenir aussitôt ; à la vue d’une âme en peine, le lait de la miséricorde s’échappe de son coeur compatissant ». Ainsi faisait-elle durant les jours de sa vie terrestre, comme nous le voyons par ce qui arriva aux noces de Cana en Galilée. Le vin venant à manquer, elle n’attend pas qu’on la prie ; mais touchée de l’affliction et de la honte des époux, elle demande à son Fils de les consoler : « Ils n’ont plus de vin », lui dit-elle (Jean 11, 3) ; et c’est ainsi qu’elle obtient de Jésus le miraculeux changement de l’eau en vin. « Or, dit saint Bonaventure, si telle était la bonté de Marie pour les affligés, pendant qu’elle vivait encore ici-bas, bien plus grande est sa bonté, maintenant qu’élevée sur son trône dans le ciel, elle connaît mieux nos misères et y compatit davantage » (S. Bonaventure (plutôt Conrad de Saxe, cf. éd. Quaracchi VIII, CXI), Speculum B. M. Virginis, lect. 10, Opera, t. 6, Lyon, 1668, p. 444). « Et, ajoute Novarin (A. Novarinus, Electa sacra, lib. 4, exc. 72, n. 668, Venise, 1632, p. 287), puisque Marie fut si prompte à porter secours alors qu’on ne l’en priait pas, que ne fera-t-elle pas pour celui qui la prie ; et avec quel empressement ne lui viendra-t-elle pas en aide.

Ne cessons donc jamais de recourir dans tous nos besoins à cette Divine Mère. « Toujours, dit Richard de saint Laurent, vous la trouverez prête à vous accorder tous les secours que vous demanderez » (Richard de Saint-Laurent, De Laudibus B. M. Virginis, lib. 2, c. 1, n. 7). Et Bernardin de Bustis ajoute : « Elle désire plus nous faire du bien et de nous accorder ses faveurs que nous ne désirons de les recevoir » (Bernardin de Busto, Mariale, p. 2, sermon 5, Milan, 1493, fol. k 3). Marie est animée d’un tel désir de nous faire du bien et de nous sauver que, d’après saint Bonaventure, elle se tient pour offensée non seulement quand on l’insulte positivement, mais encore quand on ne lui demande aucune grâce. « O notre Reine, lui dit-il, ceux-là pèchent contre vous, non seulement qui vous font quelque injure mais encore qui ne vus prient pas » (Cité par Salazar, In Proverbiis, 8, 36, Paris, 1619, 725. Ces paroles, attribuées par Salazar au Speculum B. M. V., ne s’y trouvent pas). Par contre, affirme le saint docteur, celui qui recourt à Marie, toujours bien entendu avec la volonté de s’amender, celui-là est déjà sauvé. Aussi la proclame-t-il le salut de ceux qui l’invoquent. Recourons donc sans cesse à cette divine Mère et sans cesse disons-lui avec saint Bonaventure : « O ma Reine, j’ai mis en vous ma confiance et je ne serai pas confondu pour l’éternité. Non, non, je ne me damnerai pas, après avoir espéré en vous » (S. Bonaventure (inconnu, cf. éd. Quaracchi VIII, CXI), Psalterium B. M. Virginis, Ps. 30, Opera, t. 6, Lyon, 1668, p. 480).

Affections et prières

O Marie, voici qu’un malheureux esclave de l’enfer se jette à vos pieds pour implorer votre pitié. A la vérité, il ne mérite aucune faveur ; mais vous êtes la Mère de la miséricorde et c’est envers les plus indignes que la pitié s’exerce plus particulièrement. Tous le monde vous proclame le refuge et l’espérance des pécheurs ; vous êtes donc mon refuge et mon espérance. Je suis une pauvre brebis perdue ; mais, pour sauver les brebis perdues, le Verbe Éternel descendit du ciel et se fit votre fils ; et maintenant il veut que je recoure à vous et que vous me secouriez par vos prières,. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs. O Sainte Mère de Dieu, priez pour tous ; priez aussi votre fils pour moi. Dites-lui que je suis votre fidèle serviteur et que vous m’avez pris sous votre protection. Dites lui que j’ai mis en vous toutes mes espérances. Dites-lui qu’il me pardonne ; dites-lui que je me repens de toutes les offenses dont je me suis rendu coupable envers lui. Dites-lui que, s’inspirant de la miséricorde, il me donne la sainte persévérance. Dites-lui qu’il m’accorde la grâce de l’aimer de tout mon coeur. En un mot, dites-lui que vous voulez me sauver. Car il fait tout ce que vous voulez.

O Marie, mon Espérance, je m’abandonne à vous ; ayez pitié de moi.

Saint Alphonse de Liguori, Préparation à la mort, 1758. Texte numérisé par Jean-Marie W. (jesusmarie.com).

 

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