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12. Les réalités d’aujourd’hui

Daria Klanac : Nous vivons des temps où il ne s’agit plus d’évangéliser les païens, mais davantage de chercher comment ré-évangéliser les chrétiens…

Arnaud Dumouch : Et j’insiste à nouveau à ce sujet : soit, nous sommes à la fin des fins et, dans ce cas-là, l’apostasie des religions va se répandre dans le monde entier, elle va s’accroître jusqu’à la disparition quasi totale des religions. Soit, nous sommes, comme le pensaient Jean-Paul II et Marthe Robin[31], à une certaine étape de l’histoire et il y aura un renouveau. Jean-Paul II priait en disant que le troisième millénaire serait celui de l’évangélisation de la Chine. Il a peut-être raison, mais ce ne sont pas des paroles infaillibles, il y a un espoir, une intuition. Et Marthe Robin parlait d’un renouveau à venir, d’un printemps de l’Esprit Saint. (Seconde Pentecôte)

Seulement, cette prophétie de Marthe Robin peut signifier ce qu’on vit actuellement un printemps peu nombreux, mais extrêmement fécond, profond comme jamais. Comme on le voit à Medjugorje où des dizaines de milliers de pèlerins se convertissent, sont fidèles au pape, prient la Sainte Vierge, ont un culte profond pour l’Eucharistie. C’est peut-être cela le renouveau de Marthe Robin. Cela peut être aussi un renouveau puissant, un retour en masse des jeunes à la religion comme l’a connu l’islam au XXe siècle. Et donc, quelle que soit l’hypothèse en jeu, de toute façon, Dieu produira le salut éternel pour le plus grand nombre.

Si les religions disparaissaient, on ne pourrait plus vivre de la grâce, sauf un petit reste de fidèles. On serait donc séparé de Dieu durant cette vie terrestre. Mais cela produirait un avantage : l’angoisse, la soif, une vie dans un désert aride d’où jaillirait un fruit : à l’heure de la mort, quand apparaîtrait la verdure, l’oasis, tellement les gens seraient assoiffés de cet amour dont ils n’osaient même plus croire à l’existence.

D. Klanac : Le Concile Vatican II a mis l’accent sur l’ouverture à la réalité d’aujourd’hui, cependant les églises se sont vidées. Son aggiornamento a-t-il échoué ? 

A. Dumouch : C’est ce que disent les intégristes : « Regardez les fruits du Concile Vatican II : il a vidé les églises, donc c’est un mauvais Concile. »

Le fait que les Églises se sont vidées provient-il de Vatican II ou d’autre chose ? Je pense que cela vient simplement du fait que pendant un siècle l’Europe occidentale s’est livrée successivement à une série d’idoles monstrueuses que les papes ont montré du doigt. Mais les chrétiens n’ont pas été fidèles, ils n’ont pas écouté les papes, ils se sont détournés de l’Esprit Saint, à la fin de la Seconde Guerre mondiale. On peut dire que pendant 50 ans, l’Occident européen s’est livré aveuglément au nationalisme, malgré les avis des papes. On dit que c’est le Concile qui a tué la foi, parce que dans les années 50 les gens allaient à la messe et que l’Église était très vivante et qu’après le Concile Vatican II, les gens ont quitté les églises. La vérité est plus simple : le bâtiment tenait debout sur des colonnes pourries et il a suffi que le Concile Vatican II ouvre les portes, pour qu’un courant d’air fasse s’écrouler ce qui était moisi. Et là est apparue la vérité, à savoir qu’on allait à l’église parce que c’était culturel. Par contre quand, à cette époque-là, une fille se trouvait mère, elle était bannie de son village. À l’heure actuelle, les gens vont moins à l’Église pour pratiquer les sacrements, mais ceux qui y vont parfois, s’y rendent avec un vrai amour du Christ.

Avant la Seconde Guerre mondiale, il n’y avait peut-être pas plus de chrétiens que maintenant, mais sociologiquement tout le monde pratiquait. Aujourd’hui, seul un petit reste fervent demeure. La foule des juifs dépenaillés qui suivaient Jésus pour entendre son discours, quelquefois ne l’entendait pas. Ils venaient souvent pour qu’il leur fournisse du pain. Voyant leur comportement, on devrait dire qu’ils ne peuvent pas être prêts pour la moisson, pour la vie éternelle. Or Jésus se réjouissait en voyant ces pauvres gens et disait « la moisson est abondante ».[32] En regardant les âmes, il se peut qu’actuellement, dans la misère que vivent les gens séparés de toute vie de la grâce, souffrant d’angoisses, la moisson soit blanche.

 

31. (1902-1981) mystique catholique française, fondatrice des Foyers de Charité. Elle a reçu la visite de nombreux fondateurs de communautés nouvelles. Son dossier en vue d’une éventuelle béatification a été déposé auprès des autorités diocésaines en 1987 et transmis au Vatican en 1996. [↩]

32. Mt 9,37; Lc 10,2; Jn 4,35. [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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