Accueil > Bibliothèque > Un entretien… > Tome 3 : La miséricorde de Dieu > La sainteté de l’Église
Daria Klanac : Le saint père Jean Paul II nous a donné l’exemple du courage et de l’humilité. Il nous a démontré qu’il était important de purifier la mémoire, de guérir nos blessures et celles des autres. Il nous a montré l’image d’une Église sainte.
Arnaud Dumouch : Composée des êtres pécheurs, l’Église n’est pas sainte en tant que communauté. L’Esprit Saint la dirige, tant par ses échecs que par ses réussites, vers la sainteté, vers un destin éternel. Aussi bien quand elle se trompe et qu’elle perd des croyants, que quand elle évangélise et qu’elle gagne des fidèles, l’Esprit Saint est là. C’est lui qui fait fleurir l’herbe et qui, quand il retient la pluie, la fait se dessécher. L’Église est sainte en tant que mise en mouvement par l’Esprit Saint. Mais cela ne se voit pas encore partout, dans toutes les parties du corps.
Nous verrons à l’heure de la mort et à la fin du monde à quel point l’Esprit Saint a bien travaillé. Faisant sauter sa sainte Église, en voie de purification, sur un seul pied : l’humilité. Il a bien travaillé en la conduisant au désert, en lui faisant perdre du terrain, en la privant de la grâce, en accablant d’angoisse les chrétiens qui ne savent plus pourquoi ils diminuent en nombre. Et puis par moments, en la faisant danser sur le pied de l’amour, en faisant refleurir ses œuvres, en incitant à nouveau les catholiques à évangéliser. Ce genre de comportement, Dieu l’a non seulement pour l’Église catholique, mais pour toutes les religions qui portent son nom. Aussi bien les protestants et les orthodoxes. Avec l’islam, il a donné un renouveau maintenant, ne serait-ce que pour secouer, inquiéter les Occidentaux qui s’installaient dans leur monde si parfait, pour qu’ils se réforment au bout du compte. Dieu aime bien utiliser le fouet quand les chrétiens abusent de leur liberté.
D. Klanac : Nos limites ne devraient pas alors nous empêcher d’être responsables et fidèles à la parole !
A. Dumouch : Mais oui, c’est cela. Cela veut dire qu’une fois que nous avons observé nos limites, et c’est pareil dans nos vies individuelles, elles doivent être le tremplin vers un départ plein de joie, plein de zèle. Et sachant qu’on est pardonné, permettre un nouveau départ dans l’action amoureuse vers Dieu et le prochain. Depuis 40 ans, les catholiques sont condamnés à vivre un apprentissage de l’humilité, du repentir, et bien que ce soit pour la génération suivante, préparant le tremplin pour une nouvelle évangélisation, comme le souhaitait Jean-Paul II.
D. Klanac : Comment faire comprendre au monde d’aujourd’hui l’infaillibilité du pape ?
A. Dumouch : D’abord, il faut savoir que seuls ceux qui ont reçu la grâce du Saint-Esprit y croient. Même pour ceux qui n’y croient pas, il est possible de faire comprendre cette infaillibilité, mais il ne faudra pas identifier infaillibilité et impeccabilité. Les papes ne sont pas infaillibles partout.
Je dirais que pour faire comprendre l’infaillibilité, il faut s’appuyer sur la doctrine la plus solidement établie dans l’Écriture. Dans la succession de Pierre, les papes se sont montrés des évêques très humbles, très effacés, auxquels pourtant les grands saints qui réunissaient les conciles faisaient appel pour une confirmation. Ils sentaient qu’il y avait quelque chose marqué de très net, dans l’Écriture. L’Église catholique n’a pris conscience de ce charisme particulier que plus tard, bien après l’Édit de Milan[20], quand elle est devenue une religion d’État. Elle a pris conscience de cela en se confrontant au texte de l’Écriture qui, lui, définit très précisément le domaine exact où s’exerce cette infaillibilité. Le texte le plus connu est celui où l’on voit Jésus demander à ses disciples : « Mais, pour vous, qui suis-je ? » Simon-Pierre répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » En réponse, Jésus lui dit : « (…) Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église et les Portes de l’Hadès ne tiendront pas contre elle. »[21] À ce moment-là, Jésus se met à enseigner en expliquant que bientôt le Fils de l’homme montera à Jérusalem où il sera arrêté par les anciens, il sera mis à mort. Pierre encore sans doute flatté de ce que Jésus venait de lui dire répond : « Dieu t’en préserve, Seigneur ! Non, cela ne t’arrivera point ! » Alors, Jésus se retourne vers lui et lui dit : « Passe derrière moi, Satan ! Tu me fais obstacle, car tes pensées ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes. »[22] À un autre endroit, Jésus dit : « (…) mais moi j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu [sous-entendu de ton triple reniement, de ta trahison], affermis tes frères. »[23] Ce deuxième texte semble contradictoire : j’ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille pas et voilà que tu vas défaillir. On pourrait se dire que la prière de Jésus n’est pas efficace ; mais ensuite, il dit « quand tu seras revenu, affermis tes frères. » Cela permet de comprendre dans quel aspect particulier Jésus a prié pour que la foi de Pierre ne défaille pas. Il ne s’agit pas de sa foi personnelle, du fait que lui est un saint homme qui croit que Jésus est vraiment le Messie et qu’il va ressusciter. Il s’agit de sa foi au sens de son enseignement de la foi.
D. Klanac : La confirmation qu’il doit faire à ses frères touche à ce qui est vrai ou faux dans le domaine de la foi, concernant le salut éternel.
A. Dumouch : En 1870, l’Église a défini le dogme de l’infaillibilité, puis le Concile Vatican II a élargi cette infaillibilité en montrant qu’elle ne s’étendait pas seulement à des dogmes solennels, particuliers, mais également à l’enseignement habituel du pape, quand il parle de la foi et des mœurs, donc du salut. Le pape n’est infaillible que dans son enseignement en tant que pape, quand il exerce depuis la chaire de Pierre, quand il est pape et non pas un simple humain, un théologien privé.
Benoît XVI a écrit en privé de très nombreuses œuvres théologiques. Comme homme, le cardinal Ratzinger est faillible et comme pape, il est infaillible.
Je voudrais donc préciser : le pape n’est pas infaillible quand il parle de la foi comme personne privée, il l’est quand il parle en tant que pape et qu’il définit la foi.
D. Klanac : Cependant, là aussi il y a possibilité de confusion…
A. Dumouch : Dans les actes du pape, trois domaines sont abordés : le pape n’est pas seulement le Magistère, c’est-à-dire le maître en latin, celui qui enseigne intellectuellement le contenu de la foi où s’exerce l’infaillibilité ; il a reçu d’autres missions, dont celle de pasteur, de guide de l’Église. C’est un domaine pratique dans lequel il prend des décisions pastorales, concrètes. Faut-il, par exemple, agir de telle façon ou telle autre façon par rapport aux pédophiles ? Dans ce domaine-là, il n’y a pas d’infaillibilité possible, c’est prudentiel, le pape fait comme il peut, au mieux ; il adapte la politique de l’Église. Il y a des avantages et des inconvénients à telle action.
Prenons l’exemple de la pédophilie. À un moment donné, l’Église réglait ces cas dans les tribunaux ecclésiastiques ; chaque évêque étant responsable de son diocèse traitait ces cas de pédophilie. On s’est aperçu que cette pastorale ne fonctionnait pas parce que les évêques, connaissant trop leurs prêtres, voulaient être miséricordieux, voyait dans ces histoires de pédophilie l’équivalent d’un adultère. Du coup, la pastorale a changé en 1991 : le cardinal Ratzinger a décidé de tout ramener au niveau du Vatican, car ce sont des fautes graves. Cette pastorale différente fonctionnait mieux, mais n’était pas encore parfaite. Donc en 2010, nouvelle décision : tout prêtre soupçonné de pédophilie sera dénoncé systématiquement aussi à la justice civile. Ce n’est plus seulement une question de justice de l’Église. La pastorale est meilleure, plus adaptée au problème. Mais on verra qu’elle va présenter des inconvénients : peut-être qu’il y aura des prêtres innocents, trop vite dénoncés ; peut-être qu’il y aura un jour un suicide de prêtre déshonoré et qui n’avait rien fait. Donc, pas d’infaillibilité ici, mais une prudence qui doit être mue par la charité, la vérité, le meilleur bien de ceux qui doivent être protégés et en l’occurrence ce sont les enfants.
Le troisième domaine où le pape agit, c’est en tant que prêtre suprême. Le pape a le droit de changer la liturgie, sauf les paroles de la consécration instituées par Jésus. Il a le pouvoir, de gérer cela. Le pape Pie V, au moment du Concile de Trente[24] décida de changer la liturgie. En imposant dans l’Église latine une liturgie centralisée, la liturgie du canon romain, il unifia tout. Décision pastorale, décision liturgique qui présente des inconvénients, parce qu’elle a fait disparaître des trésors de liturgie ancienne, et que maintenant on a perdu. Mais, c’est une décision qui se comprend.
D. Klanac : Et puis arrive le Concile Vatican II et l’Église, par Paul VI, rechange la liturgie.
A. Dumouch : Oui, seulement l’Église le fait de manière assez intransigeante en France en disant que dès à présent la liturgie ancienne, celle de saint Pie V, ne sera plus utilisée, on parlera en français. Et, pratiquement du jour au lendemain, les évêques l’ont appliquée de manière extrêmement dure, sans respect pour la sensibilité des anciens qui, depuis leur enfance, allaient à la messe en latin. Et cela a provoqué des catastrophes. D’autre part, dans la liturgie de Vatican II, on s’est aperçu quand remettant la tendresse pour Dieu au centre de la messe, on avait provoqué une familiarité, un mépris pour l’Eucharistie. En 2008, le pape Benoît XVI, maître de la liturgie, prêtre suprême, a décidé de réinstaurer des gestes de respect. Il ne l’a pas fait trop vite cette fois. Non, il le fait doucement plutôt par la stimulation, l’invitation aux prêtres, que par l’imposition. Pas d’infaillibilité là-dedans non plus, c’est un domaine de la beauté, de la sensibilité, des arts.
Pour résumer, dans les trois fonctions du pape, prêtre suprême, pasteur suprême, Magistère de l’Église, l’infaillibilité ne marche que pour le rôle du Magistère et quand il parle en tant que pape.
D. Klanac : Mais tout ne devient pas forcément un dogme... Il y a plusieurs façons de le définir
A. Dumouch : Il y a plus ou moins de solennité dans la définition d’une doctrine touchant la foi et les mœurs, c’est-à-dire concernant le salut éternel.
Les dogmes solennels ont donc un ton solennel qui porte sur la foi ou sur les mœurs. Le dernier dogme solennel proclamé l’a été par Jean-Paul II dans sa Lettre apostolique sur le sacerdoce[25] où il affirme définitivement, afin qu’il n’y ait pas d’erreur possible, que les femmes ne sont pas appelées au sacerdoce ministériel. Voilà le ton est solennel, ça porte sur une doctrine de la foi, il ne dit pas plus que cela. Aux femmes de découvrir maintenant qu’elle est ce sacerdoce mystique, bien supérieur au sacerdoce ministériel parce qu’il est éternel celui-là, auquel Jésus les appelle. Aux théologiens de leur expliquer. Le sacerdoce ministériel, c’est-à-dire le fait d’être habillé en prêtre, de consacrer l’Eucharistie, Jésus l’a réservé à des hommes qui d’ailleurs ont tous trahi à la croix, car celles qui étaient fidèles étaient les femmes (sauf Jean). Cela montre bien que le sacerdoce royal, celui de la sainteté, est beaucoup plus fort, beaucoup plus profond parce qu’il est présent à la croix.
Un dogme solennel concerne quelque chose qui est explicitement dans l’Écriture et qu’il faut définir vraiment avec force. L’Église n’est pas une religion du Livre ; c’est une religion fondée d’abord sur la Sainte Tradition qui a produit le Livre. Donc, sa connaissance de la foi est bien plus large que les écrits. Dans la Sainte Tradition, deux choses concernant la Vierge Marie sont présentes – et il y en aura sans doute d’autres un jour. L’Immaculée Conception et l’Assomption de Marie qui elles non plus ne sont pas dans l’Écriture sainte, mais que le pape Pie IX a définies solennellement comme une vérité de foi.
Le Magistère ordinaire c’est simplement quand le pape définit ou rappelle une vérité sans y mettre un ton particulièrement solennel. Une vérité qui est présente dans l’Écriture, qui n’est pas forcément définie par un dogme solennel et qui n’est pas contestée. C’est ce degré d’infaillibilité ordinaire qui est utilisé dans les Encycliques portant sur la foi ou sur la morale comme dans l’Encyclique sur l’Esprit Saint[26] de Jean-Paul II ou dans le catéchisme de l’Église catholique. Ce dernier est quasiment tout entier dans l’ordre de l’infaillibilité ordinaire. Il ne dit pas tout, il pourra être amélioré, mais ce qu’il dit est bien et on peut se fonder dessus. C’est l’engagement de l’Église, même si elle n’y met pas un ton parfaitement solennel. Le catéchisme de l’Église catholique reprend la majorité des dogmes du Denzinger[27] ; qui donne une synthèse organisée de ces petits points de lumière qui ont été définis au cours de 2000 ans d’histoire de l’Église.
D. Klanac : Les dogmes sont-ils nécessaires dans notre cheminement de la foi ?
A. Dumouch : Il ne faut certainement pas se servir uniquement des dogmes. On pourrait les comparer à ces dessins faits de petits points numérotés qu’enfants nous devions relier d’un trait de crayon en suivant bien l’ordre des numéros pour voir apparaître une magnifique colombe, par exemple. Ce sont des versets, très secs qui ne disent pas grand-chose, qui ne nourrissent pas le cœur ; par exemple : l’enfer est éternel, il n’y a pas de retour quand on est en enfer. Prise comme cela, cette déclaration ne nourrit pas la foi. C’est donc au théologien (à chacun d’entre nous puisqu’on est théologien dès qu’on cherche à comprendre sa foi) à faire concorder ces vérités qui sont certaines pour comprendre qu’elles viennent de l’amour et que si quelqu’un est en enfer et qu’il l’est pour l’éternité, ça vient de l’amour de Dieu et non d’une vengeance de Dieu. Quand on explique ce dogme à la manière de certains théologiens anciens en écrivant des traités entiers sur les tortures, un camp de concentration style Auschwitz, que Dieu créerait par vengeance, on n’est pas un bon théologien, on n’est certainement pas infaillible. Mais si on relit le dogme de l’enfer à la lumière de l’amour de Dieu, en sachant que l’enfer est vraiment éternel, meilleure sera la théologie.
D. Klanac : Néanmoins, ce n’est pas facile à comprendre.
A. Dumouch : L’enfer est éternel parce qu’à l’heure de la mort, quand un homme est confronté à l’apparition du Christ, des saints et des anges, ainsi qu’à Lucifer qui lui présente l’enfer, il est devant un choix sans aucune ignorance et s’il choisit l’enfer, il sait exactement ce que c’est. Il aura tout. Dieu va même le ressusciter, lui rendre un corps magnifique en soi et difforme par la haine qui habite l’âme), mais il n’aura pas la vision béatifique parce qu’on ne peut pas voir Dieu sans être tout humble et tout amour. Et, deuxièmement, il n’aura pas d’amis. Quand on est égoïste dans un magnifique parc d’attractions, on a beau être avec d’autres gens, on est seul. Il sait donc en conséquence que pour toujours, s’il maintient son acte, il sera dans la haine, plein de sentiments de revanche par rapport à ceux du paradis qui se sont humiliés. Pour un orgueilleux, le paradis à des inconvénients : l’humilité totale jusqu’au renoncement à soi-même. Donc, quand un orgueilleux choisit l’enfer, il ne revient jamais en arrière. Aucun motif ne peut le faire changer, même mille ans plus tard. L’amour de Dieu se contente de respecter la liberté de celui qui ne veut pas l’aimer. Si Dieu propose son amour à une âme, sa fiancée, et que cette fiancée ne veut pas de lui, Dieu ne se venge pas pendant toute l’éternité en le torturant. Quand on est en enfer, la torture vient de notre propre perversité.
Cette explication, c’est de la théologie, elle n’est pas infaillible. La seule chose qui est dogme, qui est infaillible, c’est quand l’Église dit : « L’enfer est éternel. » Donc, on voit que le dogme ne brise pas la liberté de la recherche théologique. C’est un repère et si on fait le pari d’y croire, comme ni vous ni moi ne sommes allés au ciel, je pense que nous sommes sûrs, avec la protection de l’Esprit Saint, d’approcher la vérité parce que nous avons bien relié les pointillés entre eux et qu’une colombe est apparue dans notre théologie. Espérons que la théologie que nous aurons faite correspondra au maximum à ce que nous découvrirons de l’autre côté. Saint Thomas d’Aquin, qui est le plus grand théologien de l’Église, quand il a eu une apparition du Christ quelques mois avant sa mort, a voulu brûler toute sa théologie en disant que ce n’était que du foin. Heureusement que ses frères l’en ont empêché, parce que le Christ lui a dit : « Tu as bien parlé de moi. »
D. Klanac : Pourriez-vous revenir à la question de l’infaillibilité du pape ?
A. Dumouch : Finalement, la seule chose à laquelle il faille adhérer concernant le pape, c’est son charisme d’infaillibilité. Le pape est un pauvre pécheur et ce charisme ne vient pas de sa personne, mais du Christ qui l’a promis. Il faut y adhérer quoiqu’il arrive.
Que ce soit avec un pape extraordinairement charismatique, comme Jean-Paul II, et un pape qui est très intériorisé, comme Benoît XVI quand il définit la foi, on peut être assuré que l’Esprit Saint ne permettrait pas qu’un pape énonce une hérésie. Tous les évêchés de l’Église catholique ont connu des hérétiques, sauf Rome. Rome a connu des papes tueurs, adultères, qui ne pensaient qu’à la politique. Même les antipapes – il y a eu au Moyen Âge deux puis trois papes – quand ils définissaient un point concernant la foi étaient infaillibles. Certes, tous les trois n’étaient pas réellement papes, alors, pour éviter les problèmes, l’Esprit Saint avait donné aux trois papes le charisme d’infaillibilité.
Le Concile Vatican II, par exemple, a défini dogmatiquement que l’humain est un être qui a la liberté religieuse, que selon sa conscience, il a le droit de choisir sa religion et même d’en changer. Les intégristes ont crié que ce Concile ne pouvait pas venir de Dieu puisque les papes du XIXe siècle avaient dit que la liberté religieuse était une horreur et que c’était une bêtise d’imposer la liberté religieuse aux nations européennes.
D. Klanac : Mais comment expliquer cette contradiction apparente qui permet à beaucoup d’intégristes de quitter l’Église et de dire même qu’il n’y a plus de pape depuis Jean XXIII ?
A. Dumouch : C’est simple, c’est que les documents des papes du XIXe siècle qui disaient dans leurs encycliques qu’il ne faut pas laisser la liberté religieuse, sinon la chrétienté occidentale risquait de se dissoudre dans les erreurs, étaient des documents pastoraux. Seulement la pastorale n’est pas infaillible. Elle est liée à une époque.
Le Concile Vatican II, lui, n’est pas dans la pastorale à ce niveau-là, il est dans une définition dogmatique évidente, à savoir que Dieu veut que nous soyons des personnes libres, et il pousse la liberté jusqu’au point où, à l’heure de la mort, si on veut choisir la religion de Lucifer, et se mettre en enfer pour toujours, il va nous respecter. C’est une vérité fondamentale de foi. Aujourd’hui, la pastorale de l’Église concernant les différentes religions consiste à dire qu’il faut respecter l’islam qui arrive en Europe, tout en faisant attention qu’il y ait réciprocité et qu’on puisse construire des églises dans les pays musulmans. C’est une pastorale faillible, actuellement trop faible. On peut la critiquer. Ce qui est certain, c’est que l’homme est une personne libre.
20. L’édit de Milan ou édit de Constantin, promulgué par les empereurs Constantin Ier et Licinius en avril 313, est un édit de tolérance par lequel chacun peut « adorer à sa manière la divinité qui se trouve dans le ciel » ; il accorde la liberté de culte à toutes les religions et permet aux chrétiens de ne plus devoir vénérer l’empereur comme un dieu. [↩]
21. Mt 16,15-18. [↩]
22. Mt 16,19-24. [↩]
23. Lc 22,32. [↩]
24. (1545-1563) Dix-neuvième concile œcuménique reconnu par l’Église catholique romaine. En réaction à la Réforme protestante, il confirme la doctrine du péché originel, précise celle de la justification, de l’autorité de la Bible spécifique au catholicisme romain et confirme les sept sacrements, le culte des saints et des reliques ainsi que le dogme de la transsubstantiation. [↩]
25. Ordinatio Sacerdotalis, 22 mai 1994 : « Bien que la doctrine sur l’ordination sacerdotale exclusivement réservée aux hommes ait été conservée par la Tradition constante et universelle de l’Église et qu’elle soit fermement enseignée par le Magistère dans les documents les plus récents, de nos jours, elle est toutefois considérée de différents côtés comme ouverte au débat, ou même on attribue une valeur purement disciplinaire à la position prise par l’Église de ne pas admettre les femmes à l’ordination sacerdotale. C’est pourquoi, afin qu’il ne subsiste aucun doute sur une question de grande importance qui concerne la constitution divine elle-même de l’Église, je déclare, en vertu de ma mission de confirmer mes frères (cf. Lc 22,32), que l’Église n’a en aucune manière le pouvoir de conférer l’ordination sacerdotale à des femmes et que cette position doit être définitivement tenue par tous les fidèles de l’Église. » [↩]
26. Dominum et vivificantem, Sur l’Esprit Saint dans la vie de l’Eglise et du monde, 18 mai 1986. [↩]
27. Symboles et définitions de la foi catholique, Enchiridion Symbolorum, ou Denzinger. De Heinrich Joseph Denzinger (1819 - 1883), un des principaux théologiens catholiques allemands du XIXe siècle. Collection de textes doctrinaux officiels qui a une réputation universelle et qui a fait l’objet de très nombreuses rééditions. À partir de 1963, ce recueil a été modifié dans son choix de textes, notamment avec des extraits de Vatican II. La dernière édition (38ème) comprend des textes allant jusqu’en 1995. [↩]
Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.