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7. Les péchés de l’Église

Daria Klanac : Depuis plus de 2000 ans, tant de choses se sont accumulées dont nous ne sommes pas toujours fiers. Il y a eu des périodes où la croix a été transformée en épée, durant les Croisades, l’Inquisition, l’évangélisation du Nouveau-Monde, la colonisation, etc.

Arnaud Dumouch : Tout cela est un fait. Seulement, quand on regarde toute l’histoire de l’Église, toute l’histoire des chrétiens jusqu’à maintenant, on peut dire qu’en fait on y découvre des choses saintes mélangées de péchés. Il pousse de l’ivraie parmi le bon grain et ce n’est pas nouveau.

Au lieu d’accuser l’Église en général, on ferait mieux de nous accuser, nous membres de l’Église et nos ancêtres membres de l’Église, parce que jamais, jamais à l’exception de la Vierge Marie, aucun chrétien n’a été à la mesure du message du Christ, n’a pu appliquer l’amour à la façon dont le Christ a aimé : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »[18]

Depuis longtemps existe chez nous chrétiens et chez nos ancêtres, une confusion entre la sainteté de l’Église, qui est un article de foi, et la sainteté de notre histoire humaine, qui elle est un lot d’expérience. En voulant essayer de faire correspondre la sainteté de notre histoire avec le dogme de la sainteté de l’Église – qui lui touche l’invisible –, on en est arrivé à une espèce de défense apologétique de toutes les actions commises par le passé. C’était intenable.

Il faut cependant remarquer que cette tentation n’existe pas seulement chez les chrétiens ; elle est dans toute communauté un peu fière d’elle-même. Depuis l’an 2000, depuis que Jean-Paul II pour le Jubilé du 2e millénaire de la naissance du Christ a fait ses actes de repentir, on peut dire que l’Église catholique a pris de l’avance sur toutes les autres religions du monde et que les autres suivront tôt ou tard. Elles seront contraintes par l’histoire, par les attaques de ceux qui ne font pas partie de leurs fidèles, de revisiter leur histoire et de constater que partout où il y a l’homme, il y a les péchés, les crimes, les délits, les hypocrisies. C’est universel, cela ne vient pas de telle ou telle religion, cela vient de l’être humain.

Par cet acte accompli en l’an 2000, Jean-Paul II a fait parcourir à l’Église un immense chemin vers la sainteté. En effet, Dieu se précipite, l’Esprit Saint se précipite là où est l’humilité et l’humilité est fondée sur la vérité d’une observation de ses propres actes, sur la vérité d’une confession de ses propres actes, les bons comme les mauvais.

D. Klanac : Cependant, il ne faudrait pas regarder que le mauvais, ce que fait l’Occident en accomplissant sans arrêt des repentances.

A. Dumouch : Certes, il faut faire des repentances comme on en fait dans notre vie, mais on ne peut pas fonder sa vie chrétienne et sa vie tout court que sur l’humilité et la repentance. Il faut aussi la fonder sur l’amour. Et sur le regard positif de ce qui a été fait d’extraordinaire par l’Église comme communauté humaine.

Prenons un exemple : à la Renaissance, l’Église a fait une faute particulière contre Galilée et donc contre la science. C’est vrai, c’est un fait. Maintenant il faut analyser la faute : elle vient des provocations de Galilée qui se mêlait de théologie en disant que le texte de l’Écriture est un faux, puisqu’il affirme le contraire de sa découverte. En effet, si le texte dit que le soleil s’arrêta lors de la bataille de Gabaon[19], c’est que le soleil tourne autour de la terre d’après la Bible. Galilée n’aurait pas dû se mêler de théologie, mais rester précisément dans son domaine scientifique. Aussi est-ce une erreur de réduire l’attitude de l’Église par rapport à la science à cet épisode-là, car on ne peut pas nier que partout où la science a progressé dans le monde, notamment à partir du XIIIe siècle, c’est sur les terres chrétiennes et particulièrement les terres catholiques. Pensons notamment à saint Thomas d’Aquin qui se sert d’Aristote, qui donne à la philosophie réaliste, et donc à la science, son autonomie.

On sait très bien qu’il y a eu, après saint Thomas d’Aquin, une décadence qui vient encore des hommes. Beaucoup de scientifiques n’aiment pas Aristote et reprochent à l’Église d’avoir été aristotélicienne. Aristote n’y est pour rien, il a toujours prôné l’expérience. Cet exemple montre bien qu’il y a de l’ivraie et du bon grain. L’Esprit Saint ne pourra pas résister longtemps si l’Église est vraiment humble et, pour lui apporter son renouveau, il viendra en elle plutôt que dans les religions qui n’ont pas encore fait ce travail d’humilité. C’est l’Esprit Saint qui donne la croissance à qui il veut, quand il veut et autant de temps qu’il veut, jusqu’à ce que, en général, les humains, voyant le renouveau, finissent par croire qu’il vient d’eux-mêmes, s’enorgueillissent et que l’Esprit Saint s’en retourne, contristé.

 

18. Jn 13,34. [↩]

19. Jos 10,13. [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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