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20. Un commandement nouveau

Daria Klanac : Jésus a apporté une nouvelle compréhension dans les rapports humains à trois niveaux essentiels : envers nous-mêmes, envers notre prochain et envers Dieu, afin d’arriver à la paix, à l’amour et à la justice dans le monde. Ce commandement d’amour, essence même de l’Évangile, n’est ni compris ni accueilli par tous malgré sa clarté évidente.

Arnaud Dumouch : Il faut comprendre qu’il n’est clair que pour celui qui a reçu la foi. On connaît ce dogme qui est répété partout : la foi est un don de Dieu. On n’en tire pas assez les conséquences. Il y a une autre dimension dans l’Évangile, quand Jésus dit : « Beaucoup de prophètes, beaucoup de justes ont désiré voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu. »[28] C’est la dimension du don de Dieu, à savoir que parmi les humains actuels, beaucoup voudraient croire vraiment. On ne peut pas dire actuellement que dans l’Église catholique, au moins en Occident, l’Esprit Saint s’est remis à pleuvoir, à arroser la terre pour qu’elle verdisse partout. Cela viendra peut-être demain, mais pas pour le moment en 2012, même s’il y a de temps en temps une conversion. Ce n’est pas le même mouvement qu’on voit dans l’islam où depuis les années 80 existe un profond renouveau religieux.

Dieu donne la croissance à qui il veut et quand il veut. Il a ses raisons. Les raisons étant qu’aucune religion ne domine sur terre. À cause de l’orgueil de l’homme, le monde est divisé pour le moment en plusieurs troupeaux. L’unité se fera de l’autre côté pour celui qui n’a pas reçu la foi comme don de Dieu, malgré la cohérence absolue de la révélation du mystère parfaitement adaptée à notre âme et à toutes ces dimensions. Cela avait même été remarqué par le prince des philosophes athées, celui qui a inventé l’athéisme au XIXe siècle, Ludwig Feuerbach.[29] Il utilisait les mêmes arguments que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus pour demander : quelle religion répond le plus au cœur de l’homme et propose l’union éternelle avec un être qui n’a pas de limite, qui à chaque seconde renouvelle sa beauté pour que jamais on ne se lasse tout en étant actif ? Quelle religion dit qu’on revoit tous ceux qu’on a aimés, que l’intelligence est comblée, qu’on retrouve même son corps, glorieux, ressuscité, débarrassé de toutes les maladies terrestres ? À toutes ces questions, il répond le christianisme et en conclut que le christianisme est l’invention de l’homme qui a projeté de la manière la plus profonde ses désirs. À cet argument sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus répond : « J’ai cherché partout un mari, un homme qui me corresponde, qui ne meurt jamais, qui réponde à chacun de mes désirs, qu’il les devance même et je n’ai trouvé que Jésus. » Cet argument qui permet à la petite sainte de croire en Dieu, sert à un homme de son époque à prouver que Dieu n’existe pas.

D. Klanac : Pourquoi Dieu permet-il cela ? Pourquoi ne donne-t-il pas une foi si cohérente, tout de suite à tout le monde ?

A. Dumouch : Parce que Dieu vise le but ultime ; le chemin a peu d’importance, l’essentiel étant que la majorité soit sauvée. Il vaut mieux parfois être soumis à l’angoisse d’une absence de foi pendant les 80 années de sa vie et, au dernier moment, tellement assoiffé se jeter dans les bras du salut, plutôt que d’avoir été chrétien unanimement et d’être bouffi d’orgueil dans sa civilisation si puissante. Dieu seul juge le cœur de l’homme, il sait ce qu’il fait. À la fin des fins, lors du jugement général, on verra qu’il a utilisé les moyens pour que le maximum soit sauvé et que celui qui se damne aura résisté à tous les moyens utilisés par Dieu pour le sauver à tout prix. Alors, Dieu le laissera libre.

Il faut donc cesser de s’angoisser à la vue de l’apostasie grandissante dans le monde, alors que de multiples signes sont donnés par les apparitions de la Vierge actuellement. Si Dieu ne voulait pas que l’apostasie progresse, il agirait. Il peut transformer ces cœurs morts à la vie de la grâce. S’il ne le fait pas, c’est qu’il a des raisons. Quand Jésus disait que lorsque nous verrons tout cela (l’apostasie en marche, etc.), il faudrait relever la tête et se réjouir, car notre rédemption est proche, il a un autre regard que nous. Nous, nous avons le regard de l’espoir immédiat, comme sainte Monique, la mère de saint Augustin. Dieu n’a pas d’espérance, il a la certitude, il sait ce qu’il fait, il a le regard de la science de la réussite ultime de ce qu’il est en train de faire. C’est nous qui devons vivre d’espérance théologale.

 

28. Cf Mt 13,17 et Lc 16,24. [↩]

29. (1804-1872) Philosophe allemand, disciple, puis critique de Hegel et le chef de file du courant matérialiste auquel se sont joints Stirner, Marx, Engels et Bakounine. Pour Feuerbach, croire en Dieu est le signe d’une aliénation de l’homme qui abaisse ses propriétés (liberté, conscience transcendantale, créativité, etc.) pour les projeter sur Dieu. Les déterminations divines sont les déterminations humaines absolutisées. « L’homme est appauvri de ce dont Dieu est enrichi. » L’homme est donc dépouillé de sa vraie nature, rendu étranger à lui-même, c’est-à-dire, au sens propre, aliéné. La tâche de la critique de la croyance en Dieu est de restituer à l’homme son être perdu en Dieu. [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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