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11. Le miracle de Paul

Daria Klanac : Quand on lit saint Paul, sa foi inébranlable et concrète enchante toujours et nourrit le quotidien. Paul a-t-il écrit lui-même ses Épîtres ? Sont-elles antérieures aux Évangiles ?

Arnaud Dumouch : Toutes les Épîtres de saint Paul, sauf celle aux Hébreux attribuée jadis à saint Paul, ont été déclarées comme venant de saint Paul dès les temps apostoliques, c’est-à-dire tout de suite après la mort des apôtres. Cela a été reconnu partout par les historiens de l’époque qui étaient les mieux placés. Je crois que la meilleure source pour savoir si les Épîtres sont bien de saint Paul, ce sont tout simplement les écrits des historiens contemporains ou qui ont vécu au siècle suivant, comme saint Irénée. L’Église catholique a toujours cru que les Épîtres étaient de saint Paul et que l’Épître aux Hébreux était d’un autre homme, un prêtre juif qui s’était converti au christianisme. Le style est tout à fait différent et on voit bien que c’est quelqu’un qui connaît parfaitement les pratiques du temple. Au Moyen Âge, comme on savait que Paul avait été pharisien, fils de pharisien éduqué par un grand docteur du temple, on lui avait faussement attribué cette Épître.

Toute la tradition affirme que Paul est mort à Rome pendant la persécution de Néron en l’an 65 après J.-C. Dans une de ses Épîtres, Paul indique qu’il est en prison. Les Actes des Apôtres ne racontent pas la mort de Paul, ce qui veut dire que Luc, qui est sans doute l’auteur des Actes des Apôtres, est décédé avant la mort de Paul. D’après les pères apostoliques, les Évangiles de Marc, Mathieu et Luc ont été écrits du vivant de Paul qui les a connus, surtout le texte de Marc qui est une source commune aux trois autres. Par contre, l’Évangile de Jean sera écrit bien plus tard, après la mort de Paul, peut-être 25 ans après. Jean, après son songe prophétique sur l’île de Patmos qui lui permit de voir l’Apocalypse, a écrit son Évangile dans les années 90 après Jésus-Christ.

En lisant les Épîtres de saint Paul, on voit à quel point Jésus a bien fait de le choisir. C’est un homme extrêmement cultivé, le sommet du judaïsme et de la pensée grecque réunis. Ce qui caractérise Paul, c’est son réalisme et sa piété. Il met toute son intelligence au service de l’Évangile. Il a la vision de Jésus et, dans un courage absolu, il n’a aucune peur de la mort. S’il doit mourir au service de Jésus, il mourra.

D. Klanac : C’est donc saint Paul qui aurait donné sa structure à l’Église…

A. Dumouch : Les écrits de saint Paul sont tellement intelligents et ils sont particulièrement structurants pour l’Église. Étant donné que les autres apôtres étaient tous de simples pêcheurs, certains ont dit que c’était Paul qui avait fondé l’Église du Christ. En réalité, c’est Jésus qui a fondé l’Église et Paul qui l’a organisée de manière intelligente en prenant des audaces absolument fortes. Voici un exemple, dont il est encore question actuellement : Jésus a instauré l’Eucharistie autour d’un repas, une liturgie qui est très belle, très intime, qui signifie bien la relation intime d’amour qu’il instaure avec les âmes, mais qui est impossible à appliquer dès que les chrétiens sont trop nombreux. Dans les années 40-45 après J.-C, saint Paul se rend compte que cela tourne mal. Certains apportent de la nourriture, d’autres s’enivrent et ne partagent pas avec les autres et quand on pratique la consécration eucharistique certains ne savent pas distinguer l’hostie du pain normal. Saint Paul met de l’ordre et, de sa propre initiative, change cette liturgie première ; il instaure une liturgie solennelle, sans doute imitant le culte du temple juif, avec des Psaumes qui sont chantés alternativement ; il place femmes d’un côté de l’église et les hommes de l’autre. Quand Vatican II essaye de retourner à la liturgie de Jésus en remplaçant l’autel solennel par une table, pour essayer d’être plus proche de ce que Jésus a institué à la cène, certains intégristes disent que le Vatican n’a pas été fidèle à la liturgie primitive. En fait, ils se trompent profondément, à moins de dire que la liturgie primitive, c’est celle de saint Paul, alors qu’en réalité c’est celle de Jésus. Cependant, il va se révéler à l’expérience que la liturgie familière de Vatican II autour d’un repas, quand il y a des grandes foules, conduit à un manque de respect. Le pape Benoit XVI va essayer de réinstaurer, comme l’avait fait saint Paul, un peu de solennité, la génuflexion quand on communie, et d’autres gestes de ce genre pour que le même défaut que saint Paul avait remarqué disparaisse.

Benoit XVI, en tant que pape, agit avec une audace absolue. Paul n’était pas pape, mais la colonne d’un Pierre qui n’osait pas se proclamer pontife tant il était devenu humble à la suite du traumatisme de son triple reniement. Paul aura l’audace de faire les choses au nom des apôtres. Il a structuré l’Église, comme il en avait le droit et le devoir selon l’ordre de Jésus qui avait dit aux apôtres « tout ce que vous lierez sur terre sera lié au Ciel. »

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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