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29. La nouveauté de Jésus

Daria Klanac : Jésus n’était pas prêt à couper avec la religion de ses Pères ni à abolir les anciennes lois, mais sa venue marque un changement radical. Comment l’ancienne et la nouvelle alliance se complètent-elles dans sa personne ?

Arnaud Dumouch : Il y a un texte précis dans l’Évangile de saint Mathieu où Jésus montre de quelle façon il est venu accomplir l’ancienne loi, c’est le fameux texte où il dit plusieurs fois : « Vous avez appris qu’il a été dit aux anciens… » Puis il donne une loi et la nouvelle interprétation. « Il a été dit d’autre part : si quelqu’un répudie sa femme, qu’il lui remette un certificat de répudiation. Et moi je vous dis quiconque répudie sa femme – sauf en cas d’union illégale – la pousse à l’adultère ; et si quelqu’un épouse une répudiée, il est adultère. (…) Ce que Dieu a uni, l’homme ne doit point le séparer. »[42]

Saint Thomas d’Aquin explique que la loi ancienne comporte trois sortes de préceptes. Il y a d’abord des préceptes moraux, ce qui est dit par exemple dans les dix commandements. Ces préceptes moraux restent valables. Ils ne sont pas changés par Jésus. Ils sont accomplis. Au lieu d’être portés par une simple morale humaine, Jésus leur donne une nouvelle signification à travers la charité. On aime Dieu comme son ami et on applique les trois premiers commandements qui concernent Dieu : « Tu adoreras le Seigneur ton Dieu de tout ton esprit, de tout ton âme, de toute ta force... ; tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain, tu ne créeras pas d’images fausses de Dieu. » En Jésus, Dieu donne une image de lui-même.

Tous les autres commandements qui concernent l’homme (tu ne tueras pas, tu ne voleras pas, tu ne porteras pas de faux témoignage, tu ne convoiteras pas la femme d’autrui, etc.) sont accomplis beaucoup plus profondément par l’amour envers le prochain. C’est pour cela que les commandements moraux, dit Jésus, sont réalisés dans l’unique commandement de la charité : « Tu aimeras ton Dieu et tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Évidemment, transfigurés par le commandement de la charité, ces six commandements vont prendre une valeur, une profondeur immensément plus grande, car il ne s’agit plus seulement de ne pas voler, de ne pas commettre l’adultère. L’amour que demande Jésus, c’est d’aimer son prochain comme lui-même l’a aimé, jusqu’à des sommets que jamais la loi ancienne ne pouvait prêcher. Jésus a aimé son prochain, y compris quand il était son ennemi. Rappelons qu’à la croix, il est en train de sauver ces gens qui se moquent de lui. Aimer jusque-là, c’est extrêmement fort. On a certainement vu cet amour se réaliser principalement chez les saints des premiers siècles qui pardonnèrent à leurs bourreaux comme Jésus l’avait fait.

D. Klanac : Jésus apporte des changements

A. Dumouch : Jésus va remplacer explicitement certains des préceptes civils de son vivant. Par exemple, Jésus interdit de fait la lapidation lorsqu’il est confronté à la femme adultère. Quand il dit : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lance la première pierre. »[43] Puis quand il dit que celui qui a regardé une femme pour la désirer a déjà commis l’adultère[44], je pense qu’ils ne sont pas nombreux ceux qui peuvent lancer la première pierre. Ceux qui sont restés toute leur vie parfaitement purs, y compris dans leurs pensées, sont extrêmement rares.

Jésus établit véritablement une loi tout à fait différente. La loi de la miséricorde et de la vérité. La miséricorde qui veut dire : je ne te condamne pas. La vérité qui signifie : va et ne pèche plus. Ce qui caractérise d’ailleurs le Christ, c’est l’union entre l’amour et la vérité. L’amour et la vérité, quand ils sont unis, cela s’appelle la miséricorde.

Il faudrait faire une lecture complète de tout l’Ancien Testament à la lumière de cet accomplissement que Jésus a réalisé. L’un de ceux qui l’ont le mieux fait, c’est Origène.[45] Ce grand théologien du début de l’Église a développé le mieux le sens profond de toutes ces lois anciennes, sens mystique et sens moral, dans les paroles du Christ.

 

42. Mt 5,21-43 et Mt 19,6. [↩]

43. Jn 8,7. [↩]

44. Mt 5,28. [↩]

45. (185-253) Théologien de la période patristique, considéré comme le Père de l’exégèse biblique pour avoir commenté tous les Livres de l’Ancien et du Nouveau Testament et un des premiers grands philosophes chrétiens. [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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