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16. Jésus est-il venu pour tous ?

Daria Klanac : Devant la crèche, Jésus s’est fait reconnaître par les bergers les plus pauvres et sans domicile fixe et par les plus riches et les plus savants. Les bergers, qui étaient plus proches de Bethléem, ont bénéficié de l’apparition des anges et ont réagi spontanément. Les mages, eux, sont venus de loin et ont longtemps marché ; ils ont étudié la route avec soin et précision, ont scruté le ciel et ont pris le temps de s’informer. Leurs approches sont différentes, mais ils sont tous à genoux devant un enfant pas comme les autres.

Adoration des bergers, tableau de Louis Le Nain.
Adoration des bergers, par Louis Le Nain.

Arnaud Dumouch : Oui, c’est la preuve que Jésus ne vient pas pour une catégorie sociale, il vient pour tous les êtres humains. Aux yeux de Dieu, les pauvres ce sont tous les hommes et cela n’a pas de rapport avec la possession d’argent. Il y a ceux qui savent qu’ils ont besoin d’un médecin de l’âme et qui cherchent à comprendre : ce sont les pauvres. Les riches ce sont ceux qui sont sûrs de connaître la vérité, qui estiment qu’ils n’ont ni besoin ni goût d’apprendre : ce sont les orgueilleux. On voit bien d’ailleurs dans l’Évangile les orgueilleux sont les seules personnes que Jésus a maudites par huit fois[19]: « Malheurs à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui purifiez l’extérieur de la coupe et de l’écuelle, quand l’intérieur en est rempli par rapine et intempérance ! Pharisien aveugle ! Purifie d’abord l’intérieur de la coupe et de l’écuelle, afin que l’extérieur aussi devienne pur. Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au-dehors ils ont belle apparence, mais au-dedans ils sont pleins d’ossements de morts et de toute pourriture ; vous de même, au-dehors vous offrez aux yeux des hommes l’apparence de justes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d’iniquité... »

Il faut, si on veut être fidèle à Jésus, en revenir à un apostolat universel, se faire riche avec les riches, pauvres avec les pauvres. Les seuls qui en fin de compte seront sauvés, seront ceux qui, humblement à l’heure de leur mort, devant Jésus, reconnaîtront qu’ils ont besoin d’être pardonnés.

Souvent, dit Jésus, les prostituées et les pécheurs vont plus vite dans le Royaume de Dieu que ceux qui sont doués en science, car ils comprennent plus rapidement qu’ils ne méritent pas le salut. Ils atteignent plus facilement ce mystère, à la fois le plus simple et le plus compliqué : l’humilité. C’est facile pour un chrétien de faire la charité, car on se dévoue, on se valorise, on fait quelque chose pour les autres, on fait quelque chose pour Dieu, on prie. En revanche, l’humilité qui consiste à savoir qu’on n’est rien, à avoir le regard absolument net sur ses propres péchés qui sont les mêmes que ceux de tout le monde, ne serait-ce qu’en pensée, c’est ce qu’il y a de plus difficile.

Je me souviens d’une anecdote vécue par une amie, très pieuse, allant à l’église régulièrement, pratiquant généreusement la charité. Arrivée à 38 ans, elle se rendit compte, comme beaucoup de jeunes femmes, qu’elle avait tout consacré à sa profession. Elle désira un enfant, mais l’homme ne voulut ni l’épouser ni rester avec elle. C’était la honte la plus terrible. Comment avouer sa grossesse à l’église qu’elle fréquentait ? Je lui dis, peut-être maladroitement : « Mais ne t’inquiète pas, on est tous pareils, il n’y a aucun problème, tu le dis simplement. Tout ce qu’on vit, c’est pour apprendre au bout du compte que l’on est comme les autres. » Elle l’a très mal pris et pendant des années elle ne m’a pas parlé, comme si j’avais dit une énormité. Je me suis rendu compte ce jour-là à quel point l’acquisition de l’humilité, cette chose si simple qui consiste à se reconnaître comme les autres, était difficile et qu’il fallait parfois effectivement tomber dans une situation dramatique pour se relever et avouer qu’on n’est pas meilleur que les autres. Aujourd’hui, cette amie a changé, elle a mis dans son cœur et dans sa tête qu’elle est comme les autres.

 

19. Cf Mt 25 - 26. [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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