Accueil > Bibliothèque > Un entretien… > Tome 2 : L’humilité de Dieu > Les cadeaux royaux
Daria Klanac : Les bergers n’avaient rien à offrir que des chants de louanges, les mages sont arrivés avec des cadeaux dignes des rois. La symbolique de ces offrandes royales est riche de sens ; que représente-t-elle ?
Arnaud Dumouch : L’évangéliste ne dit pas que ce sont des rois, mais des mages, c’est-à-dire des astronomes, des gens qui consultaient les horoscopes. C’est le symbole de la sagesse de tous les hommes de l’ancien temps, néolithique, paléolithique qui avait des ciels magnifiques. Ils étaient des spécialistes dans la reconnaissance des constellations à force de les observer pour chercher à comprendre les malheurs qui leur arrivaient. Ils avaient fini par imaginer un code : telle constellation dans le ciel, telle planète dans telle constellation risquait de provoquer tel malheur.
Saint Thomas d’Aquin montre que la science de l’astrologie est vaine, sauf peut-être sur un petit point : nos états d’âme qui peuvent être quelque peu influencés, en particulier par la lune et le soleil. Mais dans le ciel, dans les constellations, n’est pas inscrit notre avenir, un accident de la route éventuel, le nombre d’enfants qu’on aura, etc. Les astres, explique saint Thomas, ont un cycle régulier, quelque chose de stable et nos vies sont liées à beaucoup de causes, dont notre ADN, notre éducation et notre âme créée par Dieu.
La science des mages est vaine, mais c’était la science de leur époque. Dieu veut s’incarner et il se fait alors comprendre en parlant leur langage. Il fait apparaître une grosse étoile qui se déplace dans le ciel et s’arrête, dit l’Évangile, au-dessus du lieu où ils campent pour repartir le lendemain matin, comme cela ils sont sûrs d’arriver là où est l’enfant. Par contre, ces mages avaient sans doute des textes sacrés, des prophéties qui couraient dans tous les pays méditerranéens et qui disaient qu’un roi viendrait. Toujours est-il qu’ils apportent trois présents. L’or, pour symboliser la royauté, car en Égypte l’or était réservé aux rois. Dans tous les pays, l’or est sacré, comme en Amérique du Sud, où il est la chair des dieux et réservé aux familles nobles, riches.
Le deuxième présent est l’encens qui, dans les pays du Proche-Orient, est réservé aux dieux. On le fait brûler dans tous les temples, y compris les temples païens, comme une offrande. C’est la prière des hommes qui monte vers le ciel. On l’offre à Jésus pour signifier sa divinité. Cela ne veut pas forcément dire que les mages pensaient qu’il était le Verbe incarné, le Dieu unique. Peut-être qu’ils avaient compris qu’il était un dieu à la manière des mythes grecs. Peu importe. L’essentiel, c’est qu’ils sont là et cela indique que toutes les religions anciennes, même si elles sont en elles-mêmes dans l’erreur possèdent des vestiges venant de l’Esprit Saint par lesquels il prépare le cœur des hommes au salut. Il est évident que Dieu fait briller son soleil pour tout le monde et même si ces religions ne font pas entrer dans le salut, elles les préparent. C’est déjà un premier pas.
Le troisième cadeau que les mages offrent au petit enfant, c’est la myrrhe, une herbe amère très odoriférante, qui sert à embaumer les morts, car mélangée à de l’huile elle couvre les mauvaises odeurs. On n’offre pas cela habituellement à un enfant. Connaissant les prophéties qui couraient à l’époque chez les païens, les mages avaient peut-être compris profondément que ce roi-là mourrait et qu’il donnerait sa vie pour un grand nombre. Si c’est le cas, cela indique combien la sagesse ancienne, pas uniquement celle des juifs, mais aussi celle des païens, avait reçu de profondes révélations venant de l’Esprit Saint.
Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.