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15. Jésus, qu’a-t-il à dire aujourd’hui ?

Daria Klanac : Jésus a-t-il parlé pour les gens de son époque uniquement ? Ce même langage peut-il répondre aux désirs et aux aspirations du monde qui est le nôtre aujourd’hui ? Aujourd’hui, qu’aurait à dire Jésus à ses fidèles et à son Église vieille de 2000 ans ?

Arnaud Dumouch : Jésus sait ce qu’il y a dans l’homme, puisque c’est Dieu qui l’a créé. Ce qui caractérise le Verbe éternel, sa Parole dans les Évangiles, c’est qu’il n’y a pratiquement rien dans le message profond qui soit lié à une époque. Bien sûr, on pourrait rappeler que quand il répond aux juifs qui appliquent la loi de Moïse de manière matérielle et les reprend vertement, ce passage est lié à son époque. Mais le message profond, c’est-à-dire l’appel à la charité, à l’amour de Dieu dans un amour d’amitié totale, tout cela touche le nouvel homme, la partie profonde de l’esprit humain. Pourtant, Jésus dit dans l’Évangile, qu’il est venu pour les brebis perdues d’Israël d’abord.[16] En fait, c’est très simple, il a choisi un petit peuple témoin, un peuple particulièrement intelligent et affiné par les épreuves qu’il a vécues pour laisser son message sans chercher à dépasser les frontières d’Israël. Par contre, il a explicitement envoyé ses disciples après lui pour faire de plus grandes choses, pour convertir le monde entier, pour prêcher l’Évangile.

Si on devait comparer le nombre de personnes que Jésus a touchées de son vivant au nombre de personnes que Jean-Paul II a touchées de son vivant, c’est incomparable. Jésus avait prévenu : « En vérité, je vous le déclare, si un jour vous avez la foi et ne doutez pas, non seulement vous ferez ce que je viens de faire au figuier, mais même si vous dites à cette montagne : Ôte-toi de là et jette-toi dans la mer, cela se fera. »[17] En quantité, dans sa vie terrestre, Jean Paul II a fait plus grand que Jésus.

De nos jours, certains prêtres disent qu’il faut harmoniser le langage, l’adapter au monde moderne. Quant à la forme du langage, on est d’accord, il faut utiliser à chaque époque la forme du langage de son temps. Seulement d’autres prêtres, dont le père Hans Küng[18] qui est un des maîtres de ce courant-là, voudraient carrément changer le message et l’adapter au monde moderne en en changeant la nature. Il accuse très fortement Jean-Paul II, mais surtout Benoît XVI qui a été un de ses collègues à l’université, de détruire l’Église parce qu’il ne s’adapte pas. Cela est une tentation qu’heureusement les papes ne suivent pas. S’il fallait adapter le message à la pensée du monde, en 1914, on aurait eu un Évangile nationaliste ; en 1970, on aurait eu un Évangile communiste, ce que certains prêtres d’ailleurs ont fait. Toutes ces idéologies, nationalisme, communisme, passent actuellement. Küng voudrait un Évangile humaniste où les droits de l’homme sont exaltés : cette idéologie aussi passera. Parce que le vieil homme est seul et donc tôt ou tard il est confronté à l’angoisse.

On ne peut pas changer la nature humaine, les idéologies passeront. Le pape Benoît XVI, comme Jean Paul II, distingue l’Évangile de l’idéologie du temps. Si la fin du monde n’est pas pour maintenant, alors qu’elle pourrait aussi bien l’être tôt ou tard, ne serait-ce que pour des raisons sociologiques de soif, il y aura un profond renouveau de l’Église. Sera-t-il en quantité ou en qualité ? Cela est autre chose. Tout dépend de la grâce que Dieu donne. Si Dieu envoie son Esprit Saint, tout repoussera. Si Dieu a décidé que la fin des fins était arrivée, il n’enverra pas son Esprit Saint ; il laissera les générations dans le désert, donc dans l’angoisse, en vue de son retour final. Ainsi, ceux qui seront présents sur terre à ce moment-là, écœurés du monde de l’Antéchrist, voyant revenir le vrai Dieu, se précipiteront avec une force jamais égalée dans ses bras, tant ils auront souffert. C’est ce qui se passera à la fin du monde.

D. Klanac : Que doit donc dire l’Église au nom de Jésus ?

A. Dumouch : Elle peut redire aux jeunes – je ne dis pas que cela les rendra chrétiens – le mystère de l’Évangile dans son cœur, à savoir que le Dieu unique, dans sa vie trinitaire, a choisi de créer l’homme pour la vision béatifique, mais qu’il ne peut pas faire autrement que le mettre d’abord sur terre et le faire passer par certaines épreuves, parce que nul ne peut voir Dieu sans mourir à toutes les formes de l’amour de lui-même. Ah ! Si Dieu pouvait empêcher ce passage terrestre ! Mais il ne le peut pas. Et dans son silence au cours de cette petite vie terrestre de 80 ans, il façonne le cœur et, à l’heure de la mort, il se montre par l’humanité de Jésus et offre d’autres étapes jusqu’au moment où enfin on pourra le voir face à face. Évidemment, ce mariage avec Dieu ne sera pas imposé. On peut se détourner de Dieu et, en toute liberté, choisir l’enfer. Se priver de l’amour de Dieu et du prochain.

 

16. Mt 10,5 - 15,24. [↩]

17. Mt 21,21 et Mc 11,23. [↩]

18. Hans Küng, théologien suisse, né en 1928 à Sursee dans le canton de Lucerne (Suisse). [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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