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2. Le mystère de Dieu

Daria Klanac : Dieu s’est manifesté à l’humanité à travers la Bible. Chaque mot, chaque phrase, chaque personnage, chaque événement a une signification. Comment lire la Bible aujourd’hui ?

Arnaud Dumouch : Je dirais que la lecture la plus profonde, celle qui touche le sens de l’auteur, le seul auteur qui compte, l’auteur divin, c’est une lecture qui doit se faire à la lumière de Jésus et Marie, unis, comme je viens de le dire. La Bible en elle-même est aussi l’histoire de l’humanité. C’est la manière dont Dieu, petit à petit, lentement, révèle des parts de plus en plus profondes de son mystère, mais en cachant le secret essentiel. Il s’est révélé à l’homme et en même temps l’a affiné, le faisant passer d’une époque paléolithique[7] (ce sont les 12 premiers chapitres de la Genèse), au néolithique, un âge sauvage, terrible, qu’on voit très bien décrit dans le livre des Juges. C’est la période où nous n’aurions pas aimé vivre, où la femme est écrasée, elle ne compte pas. Seuls l’homme et sa puissance comptent. Dieu, à ce moment-là, pour sauver ces hommes qui ont une mentalité terriblement barbare[8], lourde, utilise les sanctions, la peur, la mort, l’humiliation qui viennent les frapper au moment où ils ne s’y en attendent pas. Il suffit de se souvenir d’un des textes le plus terribles de la Bible, la guerre des Benjaminites dans le livre des Juges.[9]

Ce texte est passionnant du point de vue de l’histoire. Il révèle certainement des vérités. Je ne m’imagine pas que le peuple d’Israël a pu inventer une histoire aussi grave, où il n’est pas du tout mis en valeur. Maintenant des milliers d’années plus tard, on voit à quel point leurs cœurs étaient endurcis.

Si on veut comprendre l’action de Dieu qui a permis qu’il y ait dans cette histoire soixante mille morts d’Israël, sans compter toute la tribu de Benjamin, femmes et enfants compris, on se demande, mais comment lire la Bible ? Ce Dieu peut-il être le Dieu de Jésus Christ, peut-il être le Dieu maternel dont je parlais plus haut ? Toute la révélation de Jésus Christ consiste à nous donner les clés pour tout comprendre. Seulement, dit saint Paul, la réponse est vertigineuse, elle est un vrai scandale pour ceux qui ne sont pas croyants.

Il faut comprendre ces actions réelles qui ont eu lieu par le passé et qu’on a revues se jouer pendant la guerre de 1914, celle de 1939 où plusieurs nations se sont entre-déchirées sans qu’il y ait de victoire pendant quatre ans. Personne n’a gagné ces guerres, puisque tout le monde a eu des milliers, des centaines de milliers de morts. Tous pensaient : Dieu est avec moi, mais personne ne voyait sa propre âme. Le texte sur la guerre des Benjaminites dans la Bible est tout à fait d’actualité.

En réalité, Dieu était en train de former des hommes, ces enfants qu’il aime tendrement. La clé de tout, c’est d’avoir un cœur brisé, un esprit humilié. Dieu, lui, ne désespère pas des hommes. La vie terrestre, sans compter les purgatoires après la mort, fait que normalement quand on en sort, on ne peut plus être orgueilleux.

D. Klanac : Et pourquoi est-ce si important que l’orgueil soit brisé ?

A. Dumouch : Lucifer répondrait que Dieu veut nous écraser, qu’il veut rester le chef et c’est pour cela qu’il nous impose une telle souffrance. Et Jésus lui répond que ce n’est pas cela du tout. C’est parce que nul ne peut voir Dieu s’il n’a pas un cœur tout humble. C’est impossible. Il dit : « Moi qui suis Dieu, je suis infiniment humble. Me voir face à face, c’est la béatitude, le bonheur total. Si quelqu’un arrivait avec son orgueil, imbu de lui-même et son égoïsme, il ne pourrait pas me voir. Alors pour vous façonner un cœur humble, je vous ai mis d’abord dans des étapes provisoires où il faut passer par la souffrance. Quelquefois, vous y passez comme croyant et là vous savez où je vous emmène, mais parfois vous y passez sans savoir ce qu’il vous arrive. Dans les deux cas, ayant été crucifiés par cette vie, vous en sortez normalement avec un cœur humble. Évidemment, si à l’heure de la mort vous êtes en colère contre moi, Dieu, je vous montrerai à quel point c’était par amour que je l’ai fait. Vous verrez mes propres plaies, vous verrez que j’ai voulu tout vivre comme vous, y compris le désespoir. Vous verrez dans les traces de mes clous la preuve que ce n’était pas pour vous écraser, c’était parce que je vous aimais et que je voulais vous sauver. »

Aussi bien les soldats de la guerre de 1914 ou les Benjaminites sauvages, Dieu sauve le barbare par la barbarie qu’il subit et il délivre l’être humain par l’offrande de sa vie.

D. Klanac : Y a-t-il une clé pour comprendre ces mystères ?

A. Dumouch : Pour appliquer cette théologie mystique qui est le sommet de la théologie chrétienne, et qu’on trouve dans le chapitre de l’Apocalypse sur les sept mystères scellés, on ne peut lire la Bible qu’à la lumière du Christ, qui seul en ouvre les secrets. Quand on pense à une maman qui a perdu son bébé, le bébé n’avait rien fait, la maman en a le cœur déchiré. Là on comprend saint Paul qui dit que cette théologie est un scandale pour le monde parce que, concrètement, elle consiste à dire que Dieu qui peut sauver le bébé d’une maman le fait parfois, mais dans les 90% des cas, il ne le fait pas. Pour que Dieu puisse, à l’heure de la mort se justifier auprès de la maman et lui expliquer que ce qu’il a fait c’était pour lui façonner un cœur tout humble, brisé, (la kénose), et bien il faut qu’il ait de bons arguments. Et ces arguments : il les aura. Nous devons en être sûrs. Jésus l’a promis : « Heureux les assoiffés de justice, ils seront rassasiés ! »

 

7. Le paléolithique concerne ici homo sapiens. C’est l’époque des chasseurs/cueilleurs. + ou – 50.000 ans jusqu’à l’invention de l’agriculture. [↩]

8. Le livre de la Genèse le confirme, dès le meurtre d’Abel. [↩]

9. Jg 18,21. [↩]

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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