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3. L’interprétation des textes bibliques

Daria Klanac : Qui a écrit la Bible, depuis quand, sur combien d’années ? Est-ce une légende, une belle littérature, un livre d’histoire ou encore une invention humaine pour expliquer l’origine du monde ?

Arnaud Dumouch : C’est une question plus théologique, au sens de la théologie scientifique, moins mystique, mais il est important de l’aborder. En fait, la Bible, c’est une bibliothèque. Elle a été écrite sur plus de 2000 ans avec de vrais auteurs humains, qui ont écrit avec leurs mots propres, dans des styles littéraires différents. Dieu a vraiment laissé les hommes raconter leurs histoires. Il ne faut pas croire qu’elle est infaillible sur le plan de la science. Ce n’est pas un traité de biologie, d’histoire. Il y a parfois des erreurs, des imperfections. Là où elle est infaillible, c’est-à-dire là où elle ne peut pas se tromper, c’est dans le domaine précis où Dieu est allé inspirer les auteurs humains tout en les laissant écrire avec leurs mots, et cette inspiration porte sur une seule chose, un seul mot : le Salut. Dans la Bible, Dieu révèle le Salut. Cela veut dire la Vie éternelle. Seulement, pour comprendre la Vie éternelle, plusieurs questions se posent. D’abord, ces questions : d’où venons-nous, qui sommes-nous et où allons-nous ? Qu’est-ce que c’est que ce Salut vers lequel nous marchons ? Dans ces trois domaines-là, il y a une infaillibilité absolue de l’Esprit Saint.

La Bible est comme un fatras, étant donné qu’il y a peut-être 300, 400 auteurs, certains encore absolument inconnus. Pour trouver le sens que le seul auteur qui compte, à savoir l’Esprit Saint, y a mis, il faut se faire aider du même Esprit Saint et de tous les moyens qu’il a donnés.

D. Klanac : Quels sont ces moyens ?

A. Dumouch : On pourrait lire la Bible en historien, c’est passionnant. Cette lecture-là, elle est humaine, elle est légitime. Et n’a pas besoin de l’Esprit Saint. On y découvre toute l’évolution des mentalités humaines jusqu’à l’époque de Jésus. On y voit être déclinées des légendes transmises par oral au début de la Bible, des mythes babyloniens comme l’épopée du déluge. Du point de vue historique, les auteurs humains de la Bible ont amélioré les textes en mettant du leur.

La sagesse grecque avait influencé la sagesse d’Israël au niveau des livres qui ont été écrits en grec. Les protestants refusent tous ces livres écrits en grec, comme le Livre des Macchabées, le Livre de la Sagesse, de Tobie et d’Esther parce qu’ils sont écrits en grec. Comme si la pensée grecque était venue polluer la pensée juive. Les juifs ont pris partout où ils sont passés ce qu’il y avait de meilleur, ils l’ont intégré à leur pensée et ils continuent de le faire maintenant. Ils l’ont toujours fait au cours de l’Ancien Testament.

La lecture qui nous intéresse ici, c’est la lecture divine. Cela veut dire celle du sens de Dieu et là on ne peut pas le faire seul sans se tromper. La clé de l’interprétation, on ne peut pas l’ouvrir sans l’aide d’abord de l’Esprit Saint. Comment discerner l’Esprit Saint qui vient nous inspirer de sa propre pensée ? Tout seul, c’est impossible, on mélange tout. C’est là que l’Église catholique l’explique. Elle nous dit qu’il y a trois canaux par lesquels la Révélation passe. Trois canaux qui doivent se compléter.

Le plus important, c’est la Sainte Tradition, c’est elle qui a créé l’Écriture. Toute cette Écriture a été mise sur papier par des personnes saintes de l’Ancien Testament, des justes. Cette première source, la Sainte Tradition, est toujours vivante. L’Esprit Saint continue d’inspirer les saints actuels. Je ne parle pas seulement des saints canonisés, je parle du peuple de Dieu dans son ensemble. Donc voilà la première source : la Sainte Tradition qui est vivante.

Deuxième source, ou plutôt deuxième canal, puisque la seule source est Dieu lui-même : l’Écriture Sainte qui est la Bible. La Bible, prise en elle-même, c’est un immense champ qu’il est quasi impossible de débroussailler. Je dirais même qu’elle dit tout et presque l’inverse de tout.

D. Klanac : Comment nous situer dans tout cela ?

A. Dumouch : On se souvient par exemple du texte de Moïse. Un commandement de Dieu qui dit : tu ne tueras pas. Et quelques versets plus loin Dieu ordonne : tu tueras le peuple untel, tu ne laisseras pas survivre parmi eux un seul vivant. C’est contradictoire. Au fait, un texte comme celui-là va s’expliquer par la totalité de la Bible. Il finira par trouver son sens et sera expliqué particulièrement bien par la Sainte Tradition portée par les grands théologiens et les saints. Est-ce que ces deux canaux-là, l’Écriture et la Tradition, suffisent pour trouver le sens d’un passage comme je viens de le donner ? Bien sûr que non. Parce que si on lit les saints canonisés, les grands docteurs de l’Église, on s’aperçoit que sur bien des points ils se contredisent. Saint Bernard, par exemple, justifie une guerre particulière contre des infidèles. Il y a d’autres saints comme saint François qui eux disent qu’il ne faut utiliser que la parole.

Et bien, c’est pour cela que Jésus fort heureusement a donné un troisième canal que seuls les catholiques ont gardé. Ce canal-là, c’est le successeur de Pierre, le pape qu’on appelle aussi en théologie le Magistère, le Maître. En fait, Jésus lui a promis explicitement un charisme particulier, cela veut dire un don qui n’est pas du tout lié à sa propre sainteté. Il y a des papes qui ont été des tueurs, des papes qui ont été des adultères, tout ce qu’on peut imaginer. Indépendamment de cela, quand un pape, successeur de Pierre, parle comme pape pour interpréter la doctrine du Salut, toujours la même doctrine, la seule qui est infaillible pour dire qui sommes-nous, d’où venons-nous, où allons-nous, au point de vue chrétien, il y a une protection qui fait qu’il ne peut pas se tromper. Si le Cardinal Ratzinger, par exemple, parle individuellement, qu’il émet son opinion, il n’est pas du tout infaillible. Par contre, quand Monsieur Ratzinger dit : « Moi, Benoît XVI, pape successeur de Pierre, je définis que telle doctrine est vraie », le charisme d’infaillibilité se met en place.

D. Klanac : Certains se demandent comment un homme peut-il prétendre être infaillible.

A. Dumouch : L’homme n’est pas infaillible, les papes sont pécheurs. C’est Jésus, Dieu fait homme, qui en est le garant. Et ce charisme, il le retire dès que l’homme reprend sa place de personne privée. Pour lire la Bible, ce fatras immense d’histoires, il faut se référer à l’union entre la Sainte Tradition, l’Écrit lui-même de la Bible et la confirmation, quand elle existe, du Magistère. Quand on a les trois ensembles, alors on est sûr de bien l’interpréter.

D. Klanac : Cependant, n’existe-t-il pas de très nombreux textes bibliques qui n’ont aucune précision du Magistère ?

A. Dumouch : Dans la Tradition, des grands théologiens en ont parlé. Prenons par exemple l’Arche de Noé. A-t-elle vraiment existé ? Le porte-parole de Salut, le pape, n’en parle jamais. Les saints docteurs en ont parlé et là-dessus, ils se sont contredits. Certains ont dit oui, l’Arche de Noé a forcément existé puisque la Bible ne dit que la vérité, et d’autres ont dit non, ce n’est pas possible. On ne peut pas faire entrer tous les milliers d’animaux qu’il y a sur la Terre dans un bateau de 150 mètres de long, c’est symbolique. Lequel a raison ? Je dirais : pour l’aspect qui concerne le Salut, et qui seul compte en théologie, à savoir le sens symbolique de cette Arche de Noé, là on peut écouter la Sainte Tradition. L’Arche de Noé, qu’elle ait existé ou pas, est un texte donné par Dieu pour signifier comment ilsauvera tous les hommes qu’il aime s’ils veulent bien adhérer à son Alliance. Les autres périront en dehors de la barque, la barque de la charité qu’on appelle l’Église. Cela ne veut pas dire que ceux qui ne sont pas catholiques maintenant ne seront pas sauvés. Quand ils seront sauvés, sans doute à l’heure de la mort parce qu’ils seront montés dans l’Arche juste avant, ils seront devenus catholiques, c’est-à-dire universel, convertis à l’Evangile universel de Jésus. Là est la signification du texte biblique.

Maintenant, pour la question de savoir si l’Arche physique a vraiment existé, l’Église va dire par la voix du Magistère ou du Pape qu’il faut laisser à la science le soin de chercher. Qu’elle ait existé ou pas importe peu pour la doctrine du Salut. Elle agit avec ses connaissances et progresse selon les époques. Imaginons que l’Église ait donné comme dogme l’Arche de Noé, alors qu’il n’y a pas de preuves, elle se serait à jamais ridiculisée. Protégés par l’Esprit Saint, les papes ne l’ont pas fait. Certains théologiens l’ont fait. La preuve qu’ils ne sont pas infaillibles.

La science progresse. Et puis dans les années 1930, en faisant des fouilles en Irak actuel, elle trouve effectivement des traces d’un immense déluge local venant du Golfe Persique, un tsunami qui a tout ravagé, puisqu’en dessous il y a des traces d’une civilisation de l’âge de pierre. Ce déluge, ce tsunami, était en direction du mont Ararat. Évidemment, on n’a jamais retrouvé l’Arche de Noé elle-même, mais on a retrouvé la preuve d’un possible déluge. L’Église laisse faire, cela ne la concerne pas.

Je le répète, l’Église est seule interprète de l’Écriture sainte de manière authentique, parce que Jésus a promis l’infaillibilité. Le Magistère de l’Église ne s’est pas prononcé sur tout. Là où le Magistère s’est prononcé, sur les points essentiels qui concernent le Salut, on peut être absolument sûr de ces vérités-là.

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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