Accueil > Bibliothèque > Un entretien… > Tome 1 : La lenteur de Dieu > Forces et faiblesses du peuple de Dieu
Daria Klanac : La Bible est remplie d’héroïsme, de foi, de persévérance, mais aussi de violence, de meurtre, de guerre, d’infidélité, de viol, d’inceste, d’adultère… Dieu était toujours du côté de son peuple malgré son errance. Il a continué à dialoguer et à garder la relation avec lui.
Arnaud Dumouch : Oui, c’est ce qui spécifie l’amour de Dieu et qui nous explique le sens de l’union dans le mariage chrétien. Jusqu’à ce qu’une personne choisisse définitivement de se séparer de lui, Dieu jusqu’au bout est fidèle. Il ne rompt pas son Alliance. Le mariage, l’Alliance, implique deux « oui » qui s’unissent et quand un des deux « oui » s’en va, il n’y a plus normalement d’Alliance. De manière naturelle, d’ailleurs, Moïse permettait le divorce quand l’un des deux ne voulait plus aimer. Mais Dieu, lui, n’est pas du tout comme cela. À Adam et Ève, puis à leurs successeurs qui étaient séparés de lui, Dieu reste fidèle. Son seul but, sa seule intention, en les faisant passer par un moment de souffrance, de solitude, c’était de recréer l’Alliance s’ils le veulent bien. C’est ce que décrit le livre d’Osée avec poésie en disant : « Votre mère n’est plus mon épouse alors, je vais la conduire au désert. Je vais lui enlever tous ses vergers, je vais faire taire ses rires. Puis je parlerai à son cœur. »[51]
Dans l’expérience de l’angoisse, de la solitude, Dieu revient doucement, à son rythme : « Alors, je lui rendrai ses vergers, et là de nouveau elle sera mon épouse. »[52] À un moment donné, Dieu ne tente plus rien si, malgré le fait que tout ait été rendu, l’épouse refuse encore, et cette fois, définitivement. Donc, Dieu est toujours là, fidèle. De même dans le mariage chrétien qui est une image, dit saint Paul, de cette relation de l’âme avec Dieu. Pourquoi quand il y a séparation violente, l’un des deux, par exemple, s’en va avec une maîtresse et ne revient pas ? Pourquoi est-ce que l’Église invite l’autre à rester fidèle, quoi qu’il arrive, pour le meilleur et pour le pire ? Humainement, ce n’est pas possible. D’ailleurs, pour ceux qui n’y arrivent pas, car c’est un appel surnaturel, l’Église a mis une voie de Salut qui est la voie du publicain : elle lui demande de ne plus communier à la Messe, mais de venir à la Messe et simplement d’être là en disant à Dieu : « Tu vois, je fais comme je peux, mais là l’appel était trop vertical, je ne pouvais pas, j’avais besoin de quelqu’un dans ma vie. » Là, Dieu évidemment vient dans l’âme du publicain, de la personne humble qui se présente en vérité devant lui. Quelquefois Dieu vient davantage dans ces âmes que dans celles de personnes parfaitement fidèles, mais un peu orgueilleuses. Seulement, l’appel de Dieu reste celui de la fidélité, c’est-à-dire de ne pas se remarier, d’attendre tout le reste de sa vie le retour de l’autre.
La Bible elle-même n’est rien d’autre que le récit de cette Alliance en train de se refaire. L’homme est dans sa vérité toute nue, avec ses différents âges. De même, à l’heure du jugement dernier, nous serons face à Dieu dans notre vérité toute nue. Tout nous sera manifesté. Nous reverrons nos péchés d’enfance, nos égoïsmes, nos caprices, le temps où l’on se roulait par terre, nos mensonges, tout ça. Certains disent que cela a été pardonné par le sacrement de pénitence. Oui, c’est pardonné, mais ce n’est pas oublié. Tout nous sera de nouveau manifesté. Le but étant que nous soyons en vérité devant nous-mêmes. Tout ce que raconte la Bible, c’est tout simplement l’histoire de l’humanité à travers un petit peuple prophète qui la résume, mais partout l’humanité est la même. L’homme est partout pareil. Ce n’est pas le bouddhisme qui provoque les meurtres, ce n’est pas le christianisme, c’est l’homme puissant dans sa pensée et qui croit qu’il peut l’imposer aux autres. Saint Paul dit que Dieu a réduit l’humanité entière au péché, afin de lui faire miséricorde. Il va la manifester à nous tous, pauvres hommes pécheurs avec un cœur repentant, afin de nous proposer son pardon.
51. Cf Os 2,14-15. [↩]
52. Cf. Os 2,4 et ss. [↩]
Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.