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28. Differentes bibles

Daria Klanac : Quelle est la différence entre la Bible hébraïque et celle des chrétiens ?

Arnaud Dumouch : Pour ce qui est de la Bible, il faut savoir que les juifs eux-mêmes sont divisés. Je parle de l’Ancien Testament. La plupart des écrits ont été écrits en hébreu. Un hébreu très précis. À un moment donné, vers le IIIe siècle, comme l’hébreu était de moins en moins parlé au profit de l’araméen, on a voulu traduire la Bible dans la langue la plus parlée à l’époque, à savoir, le grec. Septante savants juifs, à Alexandrie en Égypte, se mirent au travail. La légende dit que chacun traduisait de son côté et quand ils vérifièrent leur version, c’était la même. En fait, ils firent un travail d’équipe, un travail scientifique, qui a abouti au texte de la Septante. La Septante contient un certain nombre de livres qui, directement, avaient été écrits en grec. Ce sont des livres très importants comme les deux Livres des Macchabées qui racontent l’histoire de la guerre entre le peuple juif et les Grecs qui, justement, voulaient leur imposer leurs mœurs. Et le Livre de la Sagesse qui est très important parce qu’il décrit l’humanisme sans Dieu des Grecs. Il y a d’autres livres de ce même style : les Proverbes, puis trois récits, Esther, Tobie, Judith. Bref, toute une série de livres très importants que la Bible des Septante (en grec) a gardés, mais qui ne sont pas dans la Bible hébraïque. C’est ce qu’on appelle la Bible massorétique.

Au début de l’Église, quand il fallut pour les chrétiens fixer le canon de l’Ancien Testament, on garda tout simplement tous les écrits de la Septante. Donc, la Bible traduite en grec. Mais certains pères de l’Église disaient : « Il ne faut pas garder les livres qui n’ont jamais été écrits en hébreu, puisque certains juifs ne les gardent pas. Il y eut discussion. Finalement, l’Église dans son ensemble garda tous les livres de l’Ancien Testament tels qu’ils sont dans la Bible de Jérusalem. Cela ne posa pas de problème jusqu’à l’arrivée de Luther qui n’aimait pas les thèses théologiques exposées dans certains de ces livres. Dans le Livre des Maccabées où il y est très nettement question du Purgatoire.

D. Klanac : Pourquoi le Purgatoire pose-t-il problème ?

A. Dumouch : De nos jours, depuis à peu près quarante ans, tous les grands théologiens disent que c’est une invention du Moyen Âge. C’est assez étonnant de voir qu’ils n’ont pas lu l’Ancien Testament parce que le Purgatoire n’est pas inventé par le Nouveau Testament. Jésus en parle aussi quand il raconte l’histoire de l’homme riche et du pauvre Lazare. Cet homme riche est dans un lieu de tourments, plein de bonne volonté, plein de repentir, il veut prévenir ses frères, il a soif de la grâce. Dans le deuxième Livre des Maccabées, à un moment donné, après un combat perdu, on releva une série de morts chez les juifs, on trouva sur eux des amulettes à un dieu, une divinité du coin. Judas Maccabée comprit qu’ils étaient morts au combat parce que, justement, ils avaient pratiqué l’idolâtrie et donc, il fit offrir pour eux au temple de Jérusalem des sacrifices, afin que leurs âmes soient sauvées, cela en fonction du concept de la Résurrection finale. Si après leur mort, on peut offrir des sacrifices pour que leurs âmes soient sauvées, c’est qu’il y a une purification du péché après la mort. Luther, se posant comme Magistère de l’Église Nouvelle qu’il formait, décida d’enlever tous les livres écrits en grec de la Bible protestante. Jusqu’à maintenant, les protestants n’ont pas dans leur Bible ces livres écrits en grec. Ils se privent de choses très précieuses selon moi.

D. Klanac : Il y a-t-il d’autres différences essentielles entre ces deux Bibles ?

A. Dumouch : La grande différence maintenant entre la Bible des juifs et la Bible chrétienne, c’est dans le fait qu’évidemment les juifs ne reconnaissent pas le Nouveau Testament. À cet égard-là, même s’il y a certains juifs messianiques qui disent, en regardant le Nouveau Testament, que Jésus a accompli la Loi, que c’est le Messie, il ne faut pas pour autant se faire d’illusion. La majorité du peuple juif ne reconnaît pas Jésus comme le Messie et ce sera comme ça jusqu’au moment où Jésus voudra se révéler à eux. Il y a là un mystère.

On peut dire que c’est volontairement que Dieu garde sur son peuple un voile afin qu’ils ne deviennent pas chrétiens pour le moment. De même que le Messie est venu la première fois dans le peuple hébreu, par la Vierge Marie, de même la deuxième fois, c’est par eux qu’il doit venir. L’histoire de Joseph manifeste qu’avant la fin du monde, le peuple juif se comportera bien comme les frères de Joseph avec Benjamin. Ils feront une bonne action. Laquelle ? On ne sait pas. Est-ce qu’elle aura un rapport avec l’Église puisque Benjamin est le symbole de l’Église. C’est le deuxième enfant de Rachel qui mourut après l’avoir mis au monde. De même que l’Église est le deuxième enfant de Marie. Marie l’a mis mystiquement au monde à la croix et elle mourut dans son cœur. Est-ce qu’ils se comporteront bien par rapport à une petite Église devenue toute faible ? On ne sait pas trop, mais le jour où Jésus voudra se révéler à eux, il le fera.

Pour le moment, l’Ancien Testament juif ne comprend que les livres de l’Ancien Testament, jusqu’au prophète Malachie inclus, et le Nouveau Testament chrétien ajoute évidemment les quatre Évangiles, les Épîtres de saint Paul, de saint Jacques, de saint Pierre, saint Jean et saint Jude, les Actes des Apôtres, jusqu’à l’Apocalypse. L’Apocalypse n’est pas le livre de prophéties des événements futurs avec leurs dates, mais il indique les raisons profondes de l’action de Dieu jusqu’à la fin du monde : pourquoi il envoie des épreuves, pourquoi parfois il laisse l’apostasie se réaliser et comment, à la fin, il donne la victoire à son Messie.

Arnaud Dumouch et Daria Klanac, Un entretien pour notre temps, Montréal, 2012.

 

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