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DEUXIÈME PARTIE : « … ET À L’HEURE DE NOTRE MORT »
 
 
CHAPITRE 1

Les événements de l’heure de la mort[27]

Matthias Stom, Vieille dame en prière

Que se passe-t-il au moment de notre mort? Les évangiles nous donnent la réponse, mais de manière elliptique et discrète. Il faudra tout un travail des théologiens et de l’histoire de l’Église pour remettre tout en clair[28] Le texte suivant semble à première vue parler du retour définitif du Christ à la fin du monde.

“Comme les jours de Noé, ainsi sera l’avènement du Fils de l’Homme. En ces jours-là qui précédèrent le déluge, on mangeait et on buvait, on prenait femme et mari, jusqu’au jour où Noé entra dans l’arche, et les gens ne se doutèrent de rien jusqu’à l’arrivée du déluge, qui les emporta tous. Tel sera aussi l’avènement du Fils de l’Homme. Alors deux hommes seront aux champs: l’un est pris, l’autre laissé; deux femmes en train de moudre: l’une est prise, l’autre laissée.[29]

Pourtant, il se conclut d’une manière étrange. Si un homme est pris et l’autre laissé aux champs en ce jour-là, n’est-ce pas parce qu’il s’agit d’autre chose? En effet, le jour de la fin du monde, si deux hommes sont dans un champ, ils seront pris tous deux dans l’autre monde…[30]

Quand Jésus parle de l’avènement du Fils de l’homme, il semble mêler volontairement plusieurs réalités, comme si pour lui elles représentaient le même mystère. Il parle en particulier ici de l’heure de la mort individuelle.

 

La mort de l’Unteroffizier Johann S.
«…d’une façon que Dieu connaît ». Approche philosophique
Où se trouve physiquement l’autre monde ?
Retour en théologie catholique: La rencontre avec le Christ glorieux
A l’heure de la mort, la faiblesse qui entraînait au péché est enlevée
A l’heure de la mort, les conditions d’un choix libre sont données
A l’heure de la mort, l’apparition du Christ glorieux révèle la vérité tout entière
C’est le jour du Seigneur, celui qu’annonce l’Évangile
Le Christ glorieux
Le choix
Il vient, accompagné des saints et des anges
La nécessité de la présence de l’Ange rebelle
Tout cela se passe dans la mort et non après la mort

 

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La mort de l’Unteroffizier Johann S.[31]

Tout au long de cette partie, pour rendre les choses plus vivantes, je vais m’appuyer sur le récit de la mort d’une personne dont le destin m’a frappé. Son existence a été révélée lors de la publication de lettres retenues par la censure allemande au cours de la seconde guerre mondiale.

Johann était fils de pasteur. Il est né au printemps 1920. Il a vécu ses premières années comme un enfant sans problème dans une Allemagne travaillée par les séquelles de la défaite de 1918. Lorsque Hitler arrive au pouvoir, il est adolescent. Il est idéaliste et généreux. Il assiste à une belle cérémonie présidée par le parti nazi. Il est ému par la pro­cession aux flambeaux qui clôture la journée. Les chants patriotiques sortant de milliers de poitrines enthousiastes l’ébranlent. Il s’engage dans les jeunesses hitlériennes, non par idéologie, mais parce que ses amis en sont aussi enthousiasmés. Il y reçoit un uniforme dont il est fier. Outre les activités ludiques, on y reçoit une formation patriotique et politique. La religion de son père ne l’intéresse pas beaucoup: la paroisse est triste. Il se laisse influencer.

Une chanson écrite par un juif commentera 40 ans plus tard le destin des jeunes de cette génération[32]: « Si j’étais né en 1917 à Leidenstadt, nourri de haine et de revanche, aurais-je été autre chose? »

Dix ans plus tard, en 1943, Johann est à Stalin­grad. Il est caché dans une cave défoncée. Devant lui, la carcasse d’un cheval achève de se décomposer. Il a faim. Un avion doit s’envoler demain vers l’Allemagne, le dernier avion sans doute car les armées soviétiques sont sur le point de prendre l’aéroport. Il écrit alors une lettre pour son père, sa dernière lettre: “Papa, si ton Dieu existe, ton Dieu n’est pas à Stalin­grad.” Jamais sa lettre n’arrivera: jugée trop pessimiste, elle est détournée par la cen­sure allemande. On ne retrouvera jamais le corps de Johann.”

On pourrait multiplier le récit des vies humaines. Chaque destin est unique et s’a­chève sur cette terre par la mort. Entre Johann et sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus[33], rien ou presque n’est commun, sauf cette nécessité de mourir. Comment comparer la charité de sainte Thérèse qui brûle sa courte vie au service de Dieu et de ses frères, et le choix naïf de Johann pour une philosophie qui l’a plutôt séduit par sa liturgie que par son contenu? Que serait devenu Johann s’il avait eu la chance de naître en France dans la famille de Thérèse Martin? Il serait certainement devenu un disciple de Jésus.

Or Dieu aime ces deux êtres. Pour chacun d’eux, explicitement, il est mort sur la croix. S’il n’y avait eu que Johann sur la terre et qu’il eut été bon de le conduire à la vie éternelle en se faisant homme alors, sans hésiter, le Verbe de Dieu l’aurait fait pour lui. C’est une certitude. Tout ce que nous connaissons de Jésus dans l’Évangile proclame cette vérité de foi. Or Johann par négligence ou par ignorance, est arrivé à l’heure de sa mort sans aimer Dieu. Comment donc le sauver puisque nul ne peut entrer dans la vie éternelle s’il n’aime Dieu? Comment, surtout, Dieu le sauvera-t-il avec justice puisque la charité de sainte Thé­rèse est, au moins en ce qu’en a permis sa naissance, le fruit d’événements fortuits? Si sainte Thérèse était née dans une famille adonnée au péché, n’aurait-elle pas été capable du pire? Elle le reconnaît elle-même.

Pour cela, Dieu utilise un moyen simple: à l’heure de la mort, il apparaît sous la forme de son humanité, accompagné des saints et des anges. L’Évangile en parle lorsque Jésus prophétise: « Cette bonne nouvelle du Royaume sera procla­mée dans le monde entier à la face des nations. Et alors viendra la fin[34] ». L’Église l’a mis dans son Credo et, chaque dimanche, sans en comprendre le sens, les chrétiens récitent: « Il reviendra dans sa gloire pour juger les vivants et les morts ». Par son apparition à la mort de chacun, cette prophétie se réalise alors[35].

Il faut essayer de regarder d’une manière concrète ces événements que nous aurons nous-mêmes à vivre:

Du trou où il se cachait, Johann entendit l’arrivée d’un petit groupe de soldats so­viétiques. Il n’avait plus ni munitions pour défendre l’accès de son retranchement ni courage pour lutter davantage. Il vit distinctement rouler à ses pieds une gre­nade. Il la regarda passivement. Il entendit le sifflement de sa mèche à retardement. Cela dura une seconde. Devant ses yeux, il vit apparaître en un éclair le visage de sa mère, jeune et souriante, telle qu’elle était lorsqu’il était enfant. Il revit des scènes de sa vie, comme si cette seconde durait de longues minutes[36]. Puis ce fut le trou noir. Dans sa mort, il n’éprouva ni révolte, ni haine. Il n’avait même plus le courage de tels sentiments tant il avait faim. Il n’avait pensé ni à l’au-delà dont par­lait son père, ni à Dieu. Il n’en avait pas eu le temps. Il était simplement mort, comme une machine usée par la guerre.

Et voici qu’il se découvrait bien vivant. Son corps gisait à terre, broyé par la grenade. Mais lui vivait.

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«…d’une façon que Dieu connaît ». Approche philosophique

(Aspect philosophique. Au lecteur d’en juger)

Dans sa constitution pastorale sur l’Église[37], le Concile Vatican II écrit : « Puisque le Christ est mort pour tous, nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal. » Cette phrase elliptique tranchait de manière définitive une question qui depuis deux mille ans agitait les saints et les apôtres : « Que deviennent les pauvres pécheurs ? Ceux qui meurent sans connaître le Christ sont-ils sauvés ? »[38]

Ils peuvent donc être sauvés. Il semble qu’il est aujourd’hui possible de savoir comment et ce de deux manières. Pour la première fois, des saints comme sœur Faustine en ont reçu la révélation. Mais, pour savoir ce qui se passe dans ces premiers instants de la mort, il ne semble plus nécessaire de se servir de manière exclusive de la révélation chrétienne. En effet, depuis une trentaine d’années, grâce aux progrès de la médecine de réanimation, l’expérience humaine semble y avoir directement accès[39].

Quand le docteur Moody, psychologue américain, publia son livre La vie après la vie[40], il eut un tel succès que des traductions furent faites un peu partout dans le monde. Il devint un best-seller et ce n’est pas étonnant. L’expérience et les sciences humaines semblent y rejoindre la religion pour proclamer l’existence d’une vie après la mort. Il s’agit d’une étude faite d’une manière très sérieuse auprès des américains ayant connu, à un moment, un état d’arrêt cardiaque ou même de mort clinique. Le résultat de l’enquête est bouleversant et d’un grand intérêt scientifique, philosophique et théologique.

En dépit des différences présentes pour chaque cas, écrit le docteur Moody, tant par les circonstances qui entraînent les approches de la mort que les différents types humains qui les subissent, il n’en reste pas moins que de frappantes similitudes se manifestent entre les témoignages qui relatent l’expérience elle-même. En fait, ces similitudes sont telles qu’il devient possible d’en dégager des traits communs, sans cesse répétés dans la mesure des documents qu’il a pu rassembler. En se fondant sur ces ressemblances, le docteur Moody s’efforce de reconstituer brièvement un modèle théorique idéal ou complet, de l’expérience en question en y introduisant tous les éléments communs dans l’ordre où il est typique de les voir apparaître.

« Voici donc un homme qui meurt et, tandis qu’il atteint le paroxysme de la détresse physique, il entend le médecin constater son décès. Il commence alors à percevoir un bruit désagréable, comme un fort timbre de sonnerie ou un bourdonnement et, dans le même temps, il se sent emporté avec une grande rapidité à travers un obscur et long tunnel. Après quoi il se retrouve hors de son corps physique immédiat. Il aperçoit son propre corps physique à distance, comme en spectateur. Il observe de ce point de vue privilégié les tentatives de réanimation dont son corps fait l’objet. Il se trouve dans un état de forte tension émotionnelle.

Au bout de quelques instants, il se reprend et s’accoutume peu à peu à l’étrangeté de sa nouvelle condition. Il s’aperçoit qu’il continue à posséder un “corps” mais ce corps est d’une nature très particulière et jouit de facultés très différentes de celles dont faisait preuve la dépouille qu’il vient d’abandonner. Bientôt, d’autres événements se produisent, d’autres êtres s’avancent à sa rencontre, paraissant vouloir lui venir en aide. Il entrevoit les esprits de parents et d’amis décédés avant lui. Et soudain, une entité spirituelle d’une espèce inconnue, un esprit de chaude tendresse, tout vibrant d’amour (un être de lumière) se montre à lui. Cet être fait surgir en lui une interrogation, qui n’est pas verbalement prononcée, et qui le porte à effectuer le bilan de sa vie passée. L’entité le seconde dans cette tâche en lui donnant une vision panoramique, instantanée, de tous les événements qui ont marqué son destin.

Le moment vient ensuite où le défunt semble rencontrer devant lui une sorte de barrière ou de frontière, symbolisant apparemment l’ultime limite entre la vie terrestre et la vie à venir. Mais il constate alors qu’il faut revenir en arrière, que le temps de mourir n’est pas encore venu pour lui. A cet instant, il résiste car il est désormais subjugué par le flux des événements de l’après vie, et ne souhaite pas ce retour. Il est envahi d’intenses sentiments de joie, d’amour et de paix. En dépit de quoi il se retrouve uni à son corps physique: Il renaît à la vie.

Par la suite, lorsqu’il tente d’expliquer à son entourage ce qu’il a éprouvé entre temps, il se heurte à différents obstacles. En premier lieu, il ne parvient pas à trouver des paroles humaines capables de décrire de façon adéquate cet épisode supraterrestre. De plus, il voit bien que ceux qui l’écoutent ne le prennent pas au sérieux, si bien qu’il renonce à se confier à d’autres. Pourtant, cette expérience marque profondément sa vie et bouleverse notamment toutes les idées qu’il s’était faites jusque-là à propos de la mort et de ses rapports avec la vie. »

Jérôme Bosch, « L’ascension des bienheureux ».

On peut résumer ce tableau idéal en cinq grandes étapes[41]:

1. Décorporation: la personne se trouve comme suspendue au-dessus de son corps.

2. Tunnel noir.

3. Vision de l’être de lumière.

4. Vision de proches décédés précédemment.

5. Le retour et ses conséquences psychologiques.

L’ordre des étapes peut varier puisque certaines personnes affirment avoir vu l’être de lumière[42] avant le passage dans le tunnel noir. D’autre part, certains témoignages s’arrêtent à la première ou deuxième étape, la mort clinique n’ayant apparemment pas assez duré.

L’intérêt scientifique fut très vif aux USA et l’on s’efforça de vérifier la véracité des récits. Seule la décorporation peut être objet d’une enquête rigoureuse. Pour les autres phases, le témoignage des patients ne peut être confronté à aucun moyen de mesure.

Cette expérience de décorporation présente un intérêt unique. On ne peut qu’être frappé par le récit des victimes qui semble concorder en tous points avec la réalité. Or la victime, il ne faut pas l’oublier, est en état de mort clinique. Elle est allongée sur une table et ne peut, théoriquement, rien voir de ce qui l’entoure. Parfois, on mesure un Electroencéphalogramme plat. Pourtant, on est obligé d’admettre qu’elle voit de ses yeux ce qui se passe et qu’elle le voit d’un point situé en dehors de son propre corps.

Dans une salle de réanimation, un médecin eut l’idée de pousser les vérifications en fixant sur la face supérieure des armoires de petits autocollants représentant des grenouilles, de telle façon qu’on ne puisse les voir que du plafond. On eut la surprise de recueillir, dans le témoignage de ceux qui prétendaient avoir connu une expérience proche de la mort, la mention de ces autocollants.

A cause du perfectionnement des méthodes de réanimation, cette expérience se multiplie et met la philosophie devant un nouveau phénomène paranormal. On est obligé d’affirmer, à moins de faire mentir les multiples vérifications effectuées, qu’il existe une décorporation. Ce phénomène reste inexpliqué mais on peut en décrire les conditions.

Les propriétés du corps double ont pu être décrites d’une manière assez précise. Il s’agit tout d’abord d’un corps matériel, même s’il n’est pas composé de matière palpable. Il s’agit plutôt de matière sous forme d’énergie, de flux ondulatoire. C’est une sorte de champ magnétique, organisé sur lui-même, un corps psychique. Sa matière est actuellement totalement inconnue et non visualisable en physique. On a affaire à autre chose. Certains parlent déjà d’un « état psychique de la matière. »

Il s’agit malgré tout d’un véritable corps humain, double du corps physique, ayant toute une vie psychologique et spirituelle. Il possède trois sens. Le toucher et le goût ont disparu. L’imagination est entièrement présente, avec la mémoire et leur exercice cérébral. Des souvenirs disparus peuvent réapparaître intacts. Les émotions passionnelles sont présentent mais elles sont beaucoup plus paisibles. La joie, la paix, la peur et la tristesse s’exercent sans excès, comme si l’absence du corps physique les rendait plus contrôlables.

La vie spirituelle est, quant à elle, intensément présente. L’intelligence commence à comprendre ce qui arrive, la volonté se porte vers tel ou tel choix. Mais le plus étonnant demeure sans doute l’apparition de propriétés parapsychologiques nouvelles.

Ce corps est fluide. Il peut passer à travers les murs les plus épais, obéissant aux désirs de la volonté. Une femme raconte que, s’étant aperçu qu’elle mourait, elle eut une pensée pour son mari et son fils présents dans la salle d’attente. Elle se retrouva aussitôt auprès d’eux, ayant traversé plusieurs pièces de l’hôpital à travers les murs. Elle décrivit après son réveil des détails sur cette salle d’attente qui ne laissent aucun doute de sa bonne foi.

Ce corps est agile. Il peut se déplacer à volonté avec une vitesse incroyable. Un homme se voyant quitter son corps physique pensa intensément à son épouse qu’il avait laissée à l’étranger. Il se retrouva auprès d’elle, ayant franchi en quelques instants des milliers de kilomètres.

Ce corps est léger. Il ne présente aucun des inconvénients du corps physique, fatigue, poids, inertie. Étant entièrement soumis à la volonté, il peut être appelé en ce sens « corps spirituel ».

Ce corps est parfait. Il ne présente aucun des handicaps du corps physique. Une jeune fille, aveugle de naissance, put décrire avec force détails la couleur de ce qu’elle avait vu dans la pièce lors de son expérience. Un ancien combattant, amputé des deux jambes, eut la surprise de se voir tel qu’il était avant son accident.

Enfin, ce corps est doué de perceptions extrasensorielles nouvelles et qui lui apparaissent comme naturelles. Les témoins prétendent non seulement entendre les paroles proférées autours d’eux mais lire directement les sentiments et les pensées de chacun. C’est une sorte de télépathie à sens unique puisqu’ils sont, quant à eux, incapables d’attirer l’attention de qui que ce soit. Chaque personne, chaque objet, leur apparaît nimbé dans une auréole de lumière aux couleurs vivantes ce qui rend leur perception de l’univers presque féerique. Selon les pensées et les sentiments de ceux qui sont dans la pièce ces couleurs prennent des nuances différentes.

Devant de telles propriétés, qui paraissent irréelles, on serait tenté de rejeter tout cela dans le domaine imaginatif. L’hypothèse d’un effet psychique subjectif dû à la mort clinique a été émise. Elle ne résiste pas à une analyse sérieuse. Les récits liés à la décorporation ont une objectivité vérifiable. Une hallucination due à des endomorphines pourrait expliquer des apparitions d’images subjectives (éléphants roses, images du passé etc.). Mais comment expliquer la vision physique, précise et vérifiable du réel ? Le problème n’est donc pas d’affirmer que ce n’est pas possible. Le problème est que cela est[43].

Certains philosophes américains ont donc essayé de se pencher sur la question. Il leur est apparu d’abord que le phénomène de la décorporation n’est pas nouveau. La psychologie le décrit comme propriété, distincte de l’hallucination, de certains psychotropes puissants. D’autre part, de longs traités pluriséculaires, écrits dans les traditions philosophiques égyptiennes (le ka et le ba), chinoises, hindoues et tibétaines (corps astral), animistes (esprits) en parlent. C’est d’ailleurs là qu’on trouve les plus profondes explications philosophiques du phénomène. Selon ces traditions, on peut discerner dans l’être humain trois degrés de vie auxquels correspondent trois corps parfaitement adaptés l’un à l’autre pour former une seule personne: le corps physique, le corps psychique et l’esprit[44].

Dans l’hindouisme, le corps physique est le siège des facultés végétatives comme la nutrition, la reproduction, la croissance. Il est aussi le siège d’un autre corps, appelé le corps astral. C’est le corps physique qui est source du développement du corps astral. Mais, selon cette tradition, la survie de ce dernier est indépendante de la mort du premier. Une simple comparaison permet de comprendre son point de vue. Le corps astral peut être comparé et différencié, dans son rapport avec le corps physique, à un champ magnétique créé par un électro-aimant. Si l’on coupe l’électricité, le champ magnétique s’arrête à son tour. Au contraire, si l’on tue le corps physique, son double subsiste. Après la mort du corps physique, le corps astral s’en sépare et subsiste en se nourrissant de sa propre énergie. Cette propriété explique l’expérience de la décorporation, aussi bien chez l’homme que chez l’animal. Le corps astral est, avec le corps physique, siège des facultés psychiques comme les sensations, les passions, l’imagination et la mémoire.

Le corps mental n’est autre que ce que nous appelons l’esprit, siège de l’intelligence et de la volonté. Il est propre à l’homme. Les animaux en sont dénués[45]. Les philosophes orientaux ne lui donnent le nom de “corps” que par métaphore car selon eux, il dépasse cette notion pour être entièrement spirituel. Le corps mental est immortel et indestructible[46].

Cette explication orientale traditionnelle, loin de s’opposer à la philosophie occidentale, semble au contraire lui donner chair. Elle le fait cependant en permettant une importante correction[47]: l’Occident chrétien croyait, depuis 2000 ans, à la suite de Platon et d’Aristote, de saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, qu’un mort était dénué de toute sa sensibilité!

Aristote, père de notre philosophie, distingue comme les orientaux trois degrés de vie. Mais son analyse s’attache moins au trois « corps » de la vie. Selon lui, certaines opérations vitales sont communes avec les plantes. Ce sont des opérations de la vie végétative; d’autres sont communes avec les animaux. Ce sont les opérations de la vie sensible. D’autres, enfin sont spécifiques aux hommes. C’est la vie spirituelle. Elle s’épanouit en deux facultés: l’intelligence et la volonté. Les deux facultés de l’esprit humain ont un objet immatériel[48], c’est donc qu’elles-mêmes dépassent la matière. Elles ne peuvent avoir d’organe matériel. Aristote prouve ainsi leur survie après la mort. Par contre, toute faculté liée à un organe matériel lui paraissait devoir disparaître avec la mort du corps matériel. Parce que l’œil est fait de matière, il peut capter la lumière matérielle. En conséquence, le sens de la vision disparaissait nécessairement pour lui avec la destruction de l’œil.

Saint Thomas d’Aquin suivit Aristote dans cette logique. Selon lui, après la mort, les hommes devenaient comme les anges, c’est-à-dire de purs esprits, dénués de toute sensibilité. Le souvenir des visages, des sons et des paysages s’effaçaient avec le cerveau. Ne subsistait de la personne que le tréfonds spirituel de ses connaissances et de ses choix. Visiblement, Aristote et saint Thomas d’Aquin se sont trompés, sans aucune faute de leur part. Le psychisme ne disparaît aucunement avec la mort. La raison philosophique est contredite par l’expérience. Apparemment, Dieu veut que l’homme, qu’il a créé par nature pour connaître et aimer avec sa sensibilité, ne la perde jamais. Il ne l’a condamné, pour le changer, qu’à perdre sa chair, et c’est déjà une effrayante épreuve. Ainsi, ceux qui ont approché la mort témoignent avoir vu avec leur oeil sensible, de la même manière qu’ils voyaient les infirmières s’agiter dans la pièce, un Être de lumière et leurs proches déjà décédés. Il ne s’agit pas d’une simple vision intérieure, de l’intuition intellectuelle d’une présence. Il y a des couleurs, des formes. Cette beauté sensible, qui leur révèle une beauté spirituelle leur semble tellement puissante qu’ils n’arrivent pas à la décrire. Nous semblons être, tout en restant dans le monde sensible, dans une dimension spirituelle[49].

En toute rigueur, la vérité des phases 3 et 4 de l’expérience de la mort approchée (vision de l’Être de lumière et de proches décédés) est indémontrable au plan philosophique. En effet, si on analyse avec précision le témoignage de ceux qui ont frôlé la mort, ces expériences sont souvent adaptées à leur sensibilité. Certains auteurs ont donc pu affirmer qu’ils rêvaient. Comment démontrer l’inverse? C’est difficile. Si la philosophie et la psychologie n’ont pas de preuves, elles ont par contre un signe de l’objectivité de ces témoignages. Le docteur Moody sans se prononcer définitivement, affirme son sentiment d’être en présence d’un phénomène réel. Selon lui, les maladies psychiques de type hallucinatoire ou hystérique, si elles produisent l’audition de voix et la vision de fantômes imaginaires, ont après coup un effet destructeur sur la personnalité. Les personnes s’enfoncent dans leurs névroses (angoisses, obsession, désespoir) et parfois sombrent définitivement dans leurs psychoses (paranoïa, schizophrénie).

Bien au contraire, la N.D.E (Near Death Experience) donne comme un souffle puissant de renouveau à leur vie. Pour nombre d’entre eux, la valeur première devient l’amour, selon deux formes significatives: l’amour de l’Être de lumière, qu’ils savent devoir rejoindre un jour (certains l’appellent Dieu, d’autres Jésus ou Bouddha ou Mahomet, selon leur culture), et l’amour de leurs frères. En vue de ces deux amours, ils s’efforcent de progresser, d’éliminer leurs défauts, de développer leur intelligence.

Selon le docteur Moody, de tels effets ne peuvent venir d’un état malade d’hallucination mais d’une véritable expérience mystique. Je suis pour ma part assez d’accord avec lui, tout en maintenant que ce raisonnement ne prouve pas mais suggère. Il m’apparaît comme un simple signe de la vérité du phénomène car “d’un mauvais arbre ne sortent pas de bons fruits”.

L’Église, par la voix de son Magistère, ne s’est jamais prononcée à propos de l’expérience proche de la mort. En général, l’Église catholique recherche trois critères avant de se prononcer sur la vérité d’un phénomène mystique:

1. Une vision peut être considérée comme valide si lorsque, entre autres choses, les effets qu’elle produit sur le comportement humain sont profondément positifs: par exemple, si elle les porte à se rapprocher de Dieu (humilité, sens de l’importance de l’amour) ou encore à approfondir la connaissance de la religion.

2. Il est indispensable qu’une vision soit cohérente avec le message de la Bible, selon l’interprétation authentique du Magistère romain.

3. Ces deux critères ne suffisent pas à prouver aux yeux de l’Église qu’il y a bien eu vision. N’importe quel faussaire pourrait singer une apparente conversion et une grande orthodoxie. L’Église demande en outre, avant de reconnaître une apparition, quelques miracles dont l’origine divine est manifeste.

Les deux premiers critères sont parfaitement vérifiés[50]. Mais le troisième manque. L’Église ne se prononce donc pas sur la N.D.E. Elle laisse aux théologiens le soin d’approfondir, de rechercher si les critères 1 et 2 sont valables pour la N.D.E.

Qu’on me permette de donner ici mon opinion personnelle. Je suis intimement persuadé que la N.D.E., telle que le docteur Moody l’a fait découvrir au monde, est un bienfait pour l’humanité. En ces temps où la foi est rejetée comme une attitude indigne d’un adulte doué d’esprit critique, Dieu, encore une fois, me semble avoir accepté de se mettre à notre niveau. Pour se révéler à nous, il parle pour la première fois un langage pourtant ancien de sa part. Il s’adapte à la mentalité de son public. Le monde actuel a besoin de rationalité et se méfie de la foi aimante. Dieu se fait donc philosophe. Jadis, aux astrologues chaldéens, qui ne comprenaient que l’astrologie, il révéla sa naissance en faisant apparaître une étoile. Il se fit astrologue. Aux bergers, prêts à croire le moindre miracle, il envoya un ange lumineux.

Une telle condescendance de la part de Dieu est habituelle. Je souhaite qu’elle soit pour beaucoup le chemin qui conduit à l’espérance. Ce fut le cas pour saint Paul, apôtre des païens, qui vécut lui-même une expérience proche de celle-ci: « Je connais quelqu’un, confie-t-il à propos de lui-même, qui, voici quatorze ans (étais ce avec son corps? Je ne sais; étais-ce hors de son corps? Je ne sais; Dieu le sait), cet homme là fut ravis jusqu’au troisième ciel. Et cet homme là (était ce en son corps? Je ne sais. Dieu le sait), je sais qu’il fut ravi jusqu’au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire. »[51]

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Où se trouve physiquement l’autre monde ?

(Recherche hypothétique)

Un théologien comme saint Augustin ne devrait pas, logiquement, se poser la question de la localisation physique de l’Au-delà. Un mort étant un esprit pur sans aucun reste de corps, une sorte d’ange constitué par sa pensée et sa volonté, il ne pouvait être localisé. Avec la découverte de l’Expérience de Mort Imminente, tout change. La survie d’un corps psychique et de ses facultés implique l’existence d’un monde parallèle composé d’une forme de matière. Il semble être tout proche. La porte mystérieuse qui en forme l’entrée et que seule la mort ouvre, s’ouvre partout où se trouve un mourant. Un rideau se déchire, un couloir est franchi et révèle une autre dimension bien réelle, comportant des terres, des jardins et des cités. Rien n’empêche que l’espace local occupé par ce monde de ce lieu soit le même que le nôtre, à un plan de réalité différent et inaccessible pour le moment. Certains astronomes pensent que notre univers contient 80% de matière indétectable, n’émettant aucun rayonnement repérable. Est-ce la signature de ce monde que nous ignorons ?

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Retour en théologie catholique: La rencontre avec le Christ glorieux

L’histoire du soldat Johann S. se poursuivait. Déjà s’évanouissait la vision de la ville en ruine où il était mort, ces dépouilles sanglantes de Stalingrad. Il se sentait étonnamment bien. Ses impressions de faim et de fatigue chronique avaient disparues. Il ressentait une grande paix intérieure, comme si Stalingrad était à mille lieux. Il se sentait physiquement en pleine possession de ses moyens. C’était indescriptible.

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A l’heure de la mort, la faiblesse qui entraînait au péché est enlevée

(Chose certaine)

L’heure de la mort est la deuxième étape de toute vie humaine. La vie terrestre visait à établir l’homme dans l’expérience de sa petitesse. Ici, autre chose se profile, un choix libre et décisif va devoir être fait. Mais le mourant l’ignore encore. Certaines propriétés nécessaires au choix commencent à lui être données. La première condition requise consiste dans la parfaite maîtrise de soi et l’absence de toute violence ou faiblesse.

Depuis le péché originel, nous sommes tous conditionnés par la faiblesse. Notre liberté existe mais est contrainte, dévoyée par une autre force. Saint Paul la décrivait ainsi[52]: « il m’a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan chargé de me souffleter, pour que je ne m’enorgueillisse pas! A ce sujet, par trois fois, j’ai prié le Seigneur pour qu’il s’éloigne de moi. Mais il m’a déclaré: « Ma grâce te suffit car la puissance se déploie dans la faiblesse. »

Depuis le début de l’humanité, beaucoup d’hommes se sont détour­nés de Dieu, sont morts à la vie de la grâce, sans qu’il y ait une totale responsabilité de leur part, mais parce qu’ils se laissaient entraîner par les pulsions de leur corps. Notre sensibilité est ainsi faite qu’elle ne désire, pour sa part, que ce qui peut lui procurer du bien-être. Le bonheur, pour l’animal qui sommeille en nous, consiste dans l’équilibre psychologique. Pour beaucoup, le moyen le plus évident pour être heureux semble se trouver dans la recherche conjointe des honneurs (source de valorisation), des plaisirs (car celui qui sait jouir du présent n’a plus besoin de personne) et de l’argent (qui permet de prévoir en toute sécurité pour le lendemain). Saint Jean affirme dans sa première lettre[53] que tout ce qu’il y a dans le monde se ramène à la convoitise de la chair (les plaisirs), la convoitise des yeux (les honneurs) et l’orgueil de la richesse (que donne l’argent). Ces instincts sont tellement présents dans notre chair que, même si nous connaissons Jésus, et au-delà de notre amour pour lui, nous ne cessons de retomber dans la recherche exces­sive de ces biens. Nous sommes parfois capables de mettre de côté ce que nous savons de lui, de cacher pour quelques instants sa présence dans un tiroir de notre cons­cience pour quelque plaisir égoïste ou pour quelque malhonnêteté trop tentante. Celui qui, par exemple, trompe sa femme ne peut au même moment penser à elle ou à son Dieu en toute tranquillité. Il commet un acte capable de tuer ces deux amours[54]. C’est souvent plus fort que lui. Bien des péchés graves (mortels à l’amour) sont ainsi commis par faiblesse.

Un célèbre archevêque de Paris, se sachant condamné à brève échéance, ne cessait de parcourir les bas quartiers de la ville, dans une voiture aux vitres relevées. Il disait: « je pense à tous ces gens à qui j’ai omis d’annoncer le Christ. » Les saints eux-mêmes ont connu cette agonie à la fin de leur vie. Ils prenaient souvent conscience d’une manière terrible de tout le temps perdu par leur faiblesse au cours de leur vie alors qu’il y aurait eu tant à aimer. Saint François de Sales disait “j’ai préféré annoncer Jésus aux femmes jeunes et belles, j’ai délaissé trop souvent les autres.”

Tant que nous sommes sur la terre, Dieu nous maintient dans cet état de faiblesse. L’orgueil qui conduit en enfer est bien plus dangereux. Ces échardes laissées dans notre chair nous rappellent sans cesse à la réalité de notre petitesse. Mais il serait aberrant qu’au moment de la mort, un homme s’éloigne de Dieu pour l’éter­nité entraîné par un désir d’une chair qu’il arrive mal à contrôler. C’est la raison pour laquelle, durant ce temps où l’âme se sépare progressivement de son corps, apparaît un moment où la personne se sent bien. Dans le moment de la mort, le corps et la sensibilité sont rendus par Dieu légers pour l’âme. Les passions s’apaisent. Une grande paix psychologique apparaît. La personne est encore liée à son corps charnel ou à une partie de son corps charnel mais le poids de sa vie sensible ne peut plus entraîner la volonté dans une direction qu’elle ne désire pas. A cet instant, elle expérimente un état semblable à celui que connaissaient en permanence Adam et Ève au jardin d’Eden ; le foyer qui, au cœur de sa chair, l’entraînait inexorablement vers le péché s’éteint, toute passion devient contrôlable. L’angoisse desserre son étau: les névroses qui emprisonnaient trop souvent la vie terrestre s’évanouissent. C’est un incroyable état de paix dont l’impression est d’autant plus remarquable qu’elle succède souvent à la souffrance qui accompagne le processus de l’agonie. Sans le savoir, les personnes voient se réaliser dans leur sensibilité cette parole de la Bible : “Dieu a essuyé les pleurs sur tous les visages, il a ôté l’opprobre de son peuple sur toute la terre car Dieu a parlé.[55]

Jérôme Bosch, « La Mort et l’avare ».

La souffrance de la vie terrestre, l’angoisse de la mort avaient pour but, rappelons-le, de rendre humbles et désireux du salut les orgueilleux, et de permettre à ceux qui aiment déjà d’aimer jusqu’à des absolus incroy­ables. Par ce chemin de croix terrestre, Dieu prépare le cœur en le purifiant au feu comme l’or. La paix psychologique retrouvée au moment de la mort est l’étape suivante. Elle donne à la personne devenue consciente de sa petitesse, grâce à la souffrance[56], la capacité de poser un choix véritablement libre, plus fort que ses pulsions instinctives. Alors, pour que le choix puisse avoir lieu, il ne lui manque plus qu’une chose: la connaissance plénière de ce qui est à choisir.

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A l’heure de la mort, les conditions d’un choix libre sont données[57]

(Chose certaine)

Devant Johann se tenait un Être. Il n’existe pas de mots pour rendre compte de ce qu’il voyait. Il s’agissait d’une personne, avec une forme d’homme “comme un fils d’homme”[58], dit saint Jean. Il était debout et le regardait. Il émanait de sa présence lumière et bonté. Il y avait une lumière physique qui était en même temps « de la vérité ». La bonté spirituelle, l’accueil était en même temps « de la chaleur corporelle. » L’une était l’autre et on ne pouvait distinguer ce qui était spirituel du corporel. Johann était pétrifié. Il se sentait aimé tout au fond de son être. Il se sentait compris et pardonné.

Il voyait défiler, dans le regard de cet homme, chaque événement de sa vie. Il se revoyait jeune soldat fringant et rempli de morgue avant que la souffrance ne l’ait brisé. Il se rendait compte de l’énormité de sa bêtise et de son orgueil de cette époque. Pourtant rien dans les yeux de l’Homme ne le condamnait. Tout n’était, dans la vérité de son regard sur son péché, que miséricorde et pardon offert.

Qui est cet Homme de lumière? Cet exemple est significatif de ce que chacun de nous va con­naître à l’heure de sa mort. A la différence de sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, ce jeune soldat allemand est arrivé au seuil de l’autre monde sans connaître Dieu. Certes, il en avait entendu parler par son père pasteur mais il n’avait jamais éta­bli une véritable relation d’amour avec lui. A la suite de Jésus[59], on peut dire “qu’il n’était pas né d’en haut”. Son âme était comme morte. Il était dans le même état que des millions d’autres êtres humains qui se présentent en état de mort spirituelle, soit parce qu’ils n’ont pas reçu l’annonce de cette vie, soit parce qu’ils l’ont refusée ou laissée mourir.

Au contraire, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus aimait Dieu et sut garder, malgré les souffrances, une relation de confiance avec lui. Son amour fut si grand qu’elle le maintint sans faille à travers son agonie. Sainte Thérèse est arrivée “vivante” à l’heure de sa mort car la grâce et la charité vivifiaient son âme. Cependant, et en cela elle peut être rapprochée de Johann, sainte Thérèse ne pouvait que soupçonner l’intensité de l’amour de Dieu pour elle. Il lui était impossible d’en comprendre toute la portée car cet amour est infini. En contrepoint, elle n’avait aucune idée de la misère de son âme, oui, même elle, car « devant la pureté infini de Dieu, le juste lui-même est impur[60]. » Johann arrivait devant Dieu avec une montagne de péchés ; sainte Thérèse avec une poussière. La montagne est plus grande que le grain de poussière. Mais, en comparaison de l’infinie pureté, un péché quel qu’il soit nous met dans la confusion.

Tout chrétien fervent est comparable à sainte Thérèse. Il sait que Dieu est amour, n’ayant cessé d’en avoir la preuve par un simple regard vers le crucifix. Il l’aime et n’a cessé de s’entretenir dans la prière avec sa présence silencieuse, mais il ne fait que soupçonner l’impensable. Sa confiance est admirable puisqu’il est capable de croire sans avoir vu. Il est comparable à une fiancée qui aimerait son futur époux alors qu’elle ne possède de lui qu’une photographie et quelques lettres. Or, au moment de la mort, Johann comme Thérèse ont eu à poser un choix qui engage toute la durée de leur vie, leur éternité. Ils ont eu à dire oui ou non à un ma­riage d’amour qui leur était proposé. Johann en a été tout surpris; Thérèse avait déjà dit oui depuis toujours.

Cet engagement à l’heure de la mort est si important qu’il nécessite d’être posé dans des conditions très précises. Comment une épouse peut-elle véritablement choisir celui avec qui elle va partager toute sa vie si elle est poussée par la violence de ses parents ou, encore pire, si elle ne connaît pas un tant soit peu le cœur de son futur mari? A plus forte raison, lorsqu’il s’agit de l’éternité, la qualité du choix doit être parfaite. Aux yeux de Dieu et des saints Anges, aux yeux des démons eux-mêmes, “l’heure de la mort” est le moment le plus important de la vie humaine. L’entrée dans la vie éternelle avec Dieu ou dans l’enfer éternel se joue là. Voilà pourquoi Dieu dispose l’homme à ce moment de telle façon que son choix soit véritablement lucide, volontaire et libre.

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A l’heure de la mort, l’apparition du Christ glorieux révèle la vérité tout entière[61]

(Chose selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)

L’Évangile est si simple qu’il nous est impossible d’en soupçonner toute la portée sur cette terre. En se faisant homme et en mourant sur la croix, le Verbe de Dieu criait: “j’ai soif”, tant son désir de nous faire comprendre cela était brûlant. Mais il ne trouva que chez Marie la capacité à saisir pleinement l’amour. Chez tous les autres chrétiens et les saints eux-mêmes, il existe des obscurités invincibles à ce mystère. Le conditionnement de notre culture, de notre éducation, de nos a priori, de notre psychologie, ne disparaît jamais totalement et rend com­pliquée notre saisie de l’amour de Dieu.

C’est la raison pour laquelle tout homme et toute femme, quelle que soit sa religion, quel que soit l’état de son âme, entend au moment de sa mort, alors qu’il est encore lié à son corps, la prédication de la Bonne Nouvelle. Cela ne se fait pas avec des mots; les mots sont trompeurs et incapables de signifier un tel poids d’amour. Cela ne se fait pas par la rencontre d’un apôtre, comme sur la terre. Les apôtres ne sont que des hommes et, même transfigurés par l’amour, ils ne donnent qu’une image lointaine de Dieu; cela ne se fait pas par la rencontre avec un ange de Dieu. Ces créatures spirituelles pourraient suffire puisqu’elles voient Dieu. Elles furent d’ailleurs suffisantes pour nos Pères, avant la Rédemption réalisée par le Christ[62]. Mais elles ne suffisent pas compte tenu de l’amour de Dieu.

Il veut prêcher lui-même, sans intermédiaire. Il s’est fait homme pour cela en Jésus. Cela ne se fait pas par la rencontre avec Jésus tel qu’il était sur la terre, dans sa condition douloureuse et méprisable de crucifié. Tant de gens l’ont vu ainsi et n’ont rien compris. Dieu ne peut se contenter d’apparaître aux hommes sous cette forme puisqu’il désire tout tenter pour les sauver. Alors, afin que tous comprennent, une fois pour toutes, l’Évangile, Dieu a décidé de venir le prêcher lui-même, au moment de notre mort, sous une forme nou­velle. Jésus, le Verbe de Dieu fait homme, apparaît non dans sa condition d’esclave mais avec son corps ressuscité et revêtu de gloire. Chacun le verra et sera contraint de s’écrier, frappé par la clarté de son apparition: “Vraiment, Dieu nous aime!”.

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C’est le jour du Seigneur, celui qu’annonce l’Évangile

L’Écriture tout entière ne cesse de rappeler ce mystère: “Cette génération ne passera pas avant que tout cela ne soit accompli[63]”. De même, l’Apocalypse[64] annonce cela pour “bientôt.” Sans cesse, au cours de l’histoire, de saints apôtres envoyés par Dieu annoncèrent le retour glorieux de Jésus comme imminent. Ils pavèrent leur dire par des miracles. Saint Vincent Ferrier, par exemple, alla jusqu’à ressusciter une femme pour confirmer devant ses auditeurs stupéfaits la vérité de sa prophétie. Or il mourut comme les premiers disciples de Jésus et il se trouva des gens pour dire: « Où est la promesse de son avènement? Depuis que les Pères sont morts tout demeure comme au début de la création[65] ». Pourtant, les paroles de Jésus et de ses apôtres s’étaient accomplies avec force et puissance. A l’heure dite, au moment de la mort de chacun, après que se soient achevées les années données par Dieu pour se convertir, le jour du Seigneur arrive. En ce jour, par la mort, notre horizon habituel se dissipe avec fracas, notre corps se dissout avec toutes les oeuvres matérielles de notre vie terrestre. Alors se manifeste le Seigneur, avec puissance et grande gloire[66]. Ainsi, en quelques années, cent ans au maximum après sa naissance, toute une génération voit le retour du Christ s’accomplir. La grande erreur de bien des chrétiens est de croire que les textes de l’Écriture ne parlent que de la fin définitive du monde, celle que vivra la dernière génération de l’humanité lorsque Jésus reviendra pour tous à la fois. Ils s’interrogent passionnément sur la fin du monde alors que la fin de leur monde à eux est imminente.

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Le Christ glorieux[67]

(Chose selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)

Hans Burgkmair, « La Vision de Saint Jean l’évangéliste ».

Comment décrire le Christ tel que nous le verrons à son apparition? Les mots sont trop pauvres pour exprimer cette expérience. Saint Jean qui le vit et nous en rapporta la description raconte qu’à sa vue il est tombé « comme mort[68]». Il n’y a rien d’étonnant à cela. En voyant Jésus dans sa gloire, il a simplement saisi d’un seul regard l’Évangile lui-même. C’est un amour inimaginable dont la révélation brutale ébranle l’esprit.

Mais laissons Jean raconter lui-même: « Je me retournai pour regarder la voix qui me parlait, et, m’étant retourné, je vis au milieu de la lumière comme un Fils d’Homme[69] ». Comme Johann dont nous décrivions l’expérience, Jean a vu apparaître devant lui un être bien visible. Ses yeux ne l’ont pas trompé. Il avait une forme humaine. Ils ne virent pas Jésus-Christ directement dans sa divinité mais à travers son humanité[70]. La raison en est simple. Cette apparition a pour objet de permettre à l’homme de choisir Dieu, non de lui donner déjà la Vision Béatifique. Johann, à l’heure de sa mort, devait recevoir la possibilité de rejeter librement le bonheur proposé par le Créateur, car Dieu ne veut se donner qu’à celui qui le désire. Il ne veut pas épouser de force l’âme qui, pour des raisons personnelles, refuse de se mettre dans sa dépendance. Or si Dieu se montrait dans son Essence dès le premier instant de la mort, l’homme serait happé en lui. Nul n’aurait plus aucune possibilité de s’en détourner. Dieu est le Bonheur. L’homme, c’est plus fort que lui, c’est inscrit dans sa nature, ne peut faire autre chose que se tourner vers le bonheur. L’insecte est fasciné par la lumière. Cette attraction est si forte qu’il perd jusqu’à son instinct de survie quand il la voit. Il se brûle les ailes et le corps en voulant s’unir à la flamme de la bougie. De même l’homme et l’ange, une fois dans la Vision de Dieu, ne peuvent plus jamais se détourner de lui. Ils possèdent le bonheur et nul ne se détache du bonheur! Pour permettre à l’homme de le choisir librement, Dieu ne révèle donc qu’une image de lui. Il s’agit d’une image parfaite, celle qu’il a façonnée lui-même en se faisant homme. Il s’agit d’une image complètement adaptée à la manière dont l’homme comprend les choses. Jésus-Christ a un vrai visage, un sourire, des mains accueillantes, un regard. Peut-il y avoir, pour nous, un langage plus adapté? Mais cette fois, à la différence de sa première venue sur la terre, son visage, son sourire, ses mains, ses yeux sont glorieux. Celui qui le voit ne distingue pas seulement leur forme. Celui qui le touche ne sent pas seulement sa chair; il voit et il touche l’âme du Christ. Il distingue, comme dans une intuition limpide, ce qu’est le cœur de cette personne de lumière qui le regarde. La chair du corps glorieux est ainsi faite qu’elle laisse transparaître la totalité des pensées du cœur. Celui qui voit Jésus voit donc, en un instant, tout l’Évangile.

Saint Jean ne sait quels mots employer pour nous rapporter ce qu’il a saisi en cet ins­tant[71]. Il parle donc avec des images[72]: “il est vêtu d’une longue robe serrée à la taille par une ceinture d’or.” Sa longue robe est comme la plénitude de la perfection qui émane de toute la personne de Jésus. Toutes ces richesses sont comme tenues par une ceinture d’or qui symbolise la plus grande de toute, la charité. C’est justement cet amour de charité, cette bonté qui frappe en premier lieu celui qui voit Jésus. A l’exemple de Johann, nous nous sentirons aimés et compris totalement.

“Sa tête, avec ses cheveux blancs, est comme la laine blanche, comme la neige.” Il est difficile de décrire la maturité qui rayonne de Jésus. Il a la sagesse d’un vieillard. Quant à son incomparable douceur, elle peut être comparée à celle de l’agneau; sa pureté brille.

“Ses yeux sont comme une flamme ardente.” Voici une image pour illustrer cette force de l’apparition du Christ. On raconte que saint Maximilien Kolbe, alors qu’il mourait dans une cellule au camp de concentration d’Auschwitz, regardait ses gardiens avec une telle bonté que ceux-ci ne pouvaient soutenir sa présence. Notre rencontre avec Jésus glorieux sera autrement insoutenable. Le saint Curé d’Ars était effrayé à l’idée de cette rencontre: « Comment pourrais-je paraître devant lui avec mon impureté? »

Saint Jean continue sa description ainsi: « Ses pieds sont comme l’airain précieux que l’on aurait purifié au creuset. » Il veut sans doute signifier par là que nous découvrirons en voyant Jésus qu’il n’a réellement commis aucun péché. Ses pieds qui ont touché la terre et ont été cloués sur la croix sont restés purs. Il ne s’est pas trouvé de fourberie dans sa bouche. Lui, qui insulté ne rendait pas l’insulte, souffrant, ne menaçait pas mais s’en remettait à celui qui juge avec justice.

Cette pureté totale de Jésus vis-à-vis du péché sera comme un miroir limpide où nous verrons le véritable état de notre âme. Tous nous sommes pécheurs. Seule la Vierge Marie n’a jamais eu la moindre parcelle d’égoïsme. Nous comprendrons en voyant Jésus ce qu’est le péché, ce qu’est notre péché. C’est ce que veut signi­fier saint Jean en disant que “sa langue est comme une épée à deux tranchants”. En voyant Jésus, nous nous verrons nous-mêmes jusqu’au fond de notre conscience. Aucun de nos actes, aucune de nos intentions ne seront cachés. La vérité, tel un glaive tranchant sera en un instant établie sur nous-mêmes.

Pour résumer toute l’intensité de cette vision saint Jean s’exclame: “C’est comme le soleil qui brille de tout son éclat.” Un seul regard sur Jésus et nous comprendrons tout le contenu des sermons des prêtres, tout ce qui est dit dans l’Évangile, la valeur de notre propre vie. Nous comprendrons l’amour de Dieu, la proposition qu’il nous fait de la Vision béatifique, les conditions requises pour y entrer: conversion, repentir, humilité, amour absolu.

Certains disciples de Jésus se demandaient si, lors du retour du Christ, ils ne risqueraient pas de le confondre avec un autre. Après avoir décrit la manière dont il se montrera, il parait évident que nous ne pourrions en aucune façon nous tromper: “comme l’éclair jaillissant d’un point du ciel, resplendit jusqu’à l’autre, ainsi en sera-t-il du Fils de l’homme lors de son Jour[73].”

La Bible l’affirme avec force “toute chair se prosternera devant ta face et devant la face de l’Agneau”. L’âme, plongée dans la tendresse de Jésus découvre en pleine lumière la vanité de tout ce qui n’est pas l’amour aux yeux de Dieu. Sa vie entière s’en trouve comme éclairée et le moindre péché, la moindre note d’égoïsme qui lui revient à la mémoire, prend à ses yeux toute l’horreur qu’elle aurait dû avoir depuis toujours.

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Le choix

(Chose selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)

A cette étape du jugement dernier, les âmes quelles qu’elles soient, ont la foi[74]. Elles savent que Dieu existe et qu’il est amour. L’athéisme n’existe plus dans l’au-delà.

La première révélation faite par Jésus à celui qu’il rencontre, tient en une parole “Voici le cœur qui t’a tant aimé”. Elle ne se fait pas avec des mots mais avec du feu, c’est-à-dire un amour et une tendresse presque palpables. C’est comme une vision de jaspe vert et de cornaline, commente l’Apocalypse[75], manifestant ainsi la pureté bouleversante du regard de Jésus. Tout ce que l’Église appelle le jugement dernier est contenu dans cette parole unique; le reste n’est qu’un effet, une conséquence logique.

Jésus peut alors, dans son extrême délicatesse, leur adresser une deuxième parole, la même qui fut donnée aux anges au jour de leur création, la même qu’Adam et Ève reçurent, la même qui est au cœur de l’Évangile : “Tu me verras face à face, si tu redeviens comme un enfant”. Dieu, dans son amour pour l’âme, sait la prendre avec toute la délicatesse nécessaire. Il sait, en effet, la rude épreuve que représente pour chaque être spirituel le fait de redevenir comme un enfant. L’humilité est dure pour celui qui a toujours vécu d’orgueil. L’amour de Dieu est une chose nouvelle pour celui qui n’a fait que s’aimer lui-même. Il fait alors appel à tout ce qui peut aider l’âme à entrer dans le bonheur éternel. Ses proches déjà décédés sont présents. Toutes ces révélations, toutes ces découvertes ne sont pour l’âme que des prémisses au choix définitif qui la fixera dans l’une de ces deux voies, l’amour de soi-même jusqu’à la haine de Dieu ou, au contraire, l’amour de Dieu jusqu’à la haine de soi[76].

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Il vient, accompagné des saints et des anges

(Chose selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)

Lucas Cranach, copie d’après « Le Jugement dernier » de Jérôme Bosch.

 « Et alors on verra le Fils de l’homme venant dans des nuées avec grande puissance et gloire.[77] »

Johann se revit en train de commettre une injustice terrible, lorsqu’il avait abattu froidement un soldat russe qui se rendait. Le soldat se tenait là, devant lui, à côté de l’être de lumière, il lui tendait la main en souriant. Lui aussi n’était que pardon. Il semblait rempli de la même lumière que l’Homme. Johann pleurait[78]. Tant de tendresse, tant d’accueil étaient incroyables! A Stalingrad, il n’espérait plus être aimé. Il s’était blindé à tout sentiment tant il pensait ne jamais devoir retrouver l’amour. Pourtant, il s’en rendait compte aujourd’hui, il avait besoin d’être aimé et sauvé par un amour. Et il découvrait aujourd’hui cet amour dont il n’osait même plus rêver. Par les yeux de ce Fils d’homme, Johann voyait en ce moment la réalisa­tion d’un passage de l’Écriture Sainte: “Ils regarderont celui qu’ils ont transpercé[79]” et il comprenait combien chacun de ses péchés avait transpercé l’âme de cet être de lumière. Cette conscience qu’il avait de l’avoir blessé suscitait en lui le désir de réparer. Il demandait pardon de tout son être et en même temps se sentait prêt à tout accepter pour ne plus voir personne souffrir à cause de lui. Autour de lui, il voyait maintenant apparaître d’autres êtres. Il en reconnaissait certains, il se souvenait qu’ils étaient décédés avant lui. Il y avait là sa grand-mère, son frère aîné mort au combat. Il reconnaissait aussi son ange gardien. Il ne l’avait jamais vu mais il comprenait intérieurement que c’était lui. Tous étaient baignés de paix et de calme. Ils semblaient intérieurement joyeux de l’accueillir. Ainsi se réalisait pour Johann cette autre parole de l’Écriture qui annonce “l’avènement de Notre-Seigneur Jésus avec tous les saints[80]”. Tout cela se passait en un instant. Aucune parole n’était échangée mais tout se comprenait intérieurement. Johann était capable de lire dans l’âme de ceux qui se trouvaient là.

Jésus ne vient pas seul. Il vient accompagné de tous les saints[81]. La finalité de la Révélation qui accompagne la mort est d’amener l’homme à se tourner vers Dieu, s’il ne l’a fait et à le faire davantage s’il l’aime déjà. C’est le but de toute prédication de l’Évangile.

Au moment de la mort, l’apparition de la gloire de Jésus est amplement suffisante. Pourtant, il se fait accompagner par les personnes que le mourant a chéries durant sa vie terrestre. Ces personnes peuvent se rendre visibles sensiblement puisqu’elles possèdent leur corps psychique. En voyant sa mère, son père, tel saint qu’il a aimé durant sa vie, celui qui meurt est touché jusqu’au fond de l’âme.

La finalité de la présence des saints et des proches décédés étant d’accueillir le mourant et de lui manifester avec délicatesse l’amour de Dieu, le Ciel adapte ces présences en fonction de la sensibilité de chacun. Il est donc probable que certains hommes reçoivent à l’heure de leur mort la visite de Jésus seul. Si c’est un catholique ou un orthodoxe qui aimait la Vierge Marie, la Vierge Marie est présente[82]. Dans de nombreuses apparitions, elle promet d’être explicitement présente auprès de ceux qui l’en prient. Mais elle s’efface lorsque quelqu’un ne le désire pas. Elle laisse passer devant la mère, la grand-mère du défunt.

Si c’est un protestant, méfiant par rapport à la mère de Jésus et à tous les saints, la Vierge Marie s’efface[83]. Dans ce premier moment, et jusqu’à ce que leur intelligence ait adhéré à la réalité de la communion des saints, elle respecte leur pensée qui croit en la l’unique médiation de son fils, comme si il était jaloux. Peu importe pour le moment leur erreur. Elle est balayée en un instant par la simple présence de Jésus.

Aux musulmans, qui croient dans le retour glorieux de Jésus-homme et le connaissent par l’intermédiaire de Mohamed, Jésus, vrai homme et vrai Dieu, se fait accompagner par le fondateur de leur re­ligion. Ce dernier est devenu chrétien et sa présence est pour eux la plus belle prédication de l’Évangile. Tout cela est respectueux de chacun et l’amour s’en trouve manifesté avec grandeur, car il se montre efficacement par des actes de délicatesse.

C’est pour la même raison qu’il peut arriver que Jésus rende visibles des personnes encore vivantes sur la terre. Cela arrive principalement quand ceux qui sont sur la terre prient avec ferveur pour le salut de celui qui vient de mourir. Marthe Robin (qui n’est pas encore une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits sont cités à titre de témoignage), la stigmatisée de Châteauneuf-de-Galaure, disait souvent: « Il faut prier pour ceux qui viennent de mourir. Ils sont en train de jouer leur avenir éternel. » Ces prières ont une très grande valeur car, données depuis la terre qui est un véri­table exil, loin de la présence sensible de Jésus, elles impliquent toujours un grand mérite. Celui qui prie et se sacrifie pour ceux qui sont en train de mourir agit bien. C’est un acte encore plus important que prier pour les âmes saintes du pur­gatoire qui sont sauvées avec certitude. A l’heure de la mort au contraire chacun peut encore se damner. La tentation de choisir cette voie est intense. Tout amour manifesté, par quelque personne que ce soit, est comme un poids qui bouleverse le mourant et l’attire à se porter avec tous ces gens qui l’aiment, vers la vie éternelle.

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La nécessité de la présence de l’Ange rebelle

(Chose selon moi, plus que probable. Au lecteur d’en juger)

Face à Johann cependant, conjointement aux êtres ren­contrés jusqu’ici, d’autres personnes d’un type bien différent, se manifestaient depuis le début. Elles étaient tout aussi réelles que l’être de lumière mais il émanait d’elles une présence différente. La lumière qui sortait d’elles n’avait rien à voir avec l’intelligence du cœur jusqu’ici contemplée. Il s’agissait d’une in­telligence plus raisonnante, faite de précision et de logique. Il n’en sortait pas de l’amour mais une vérité nue, extrêmement précise. Johann se sentait pris par la séduction et ne pouvait faire autrement que de prêter l’oreille à leur langage. Chacun des actes de sa vie était passé en revue, mais interprété différemment. Chacun de ses crimes passés devenait dans la bouche de ces êtres des manifestations décisives et nobles de sa liberté. En abattant ce soldat russe, il avait pu montrer à quel point il était maître de toute chose. Les voix tournaient autour de Johann: “Vas-tu renoncer aujourd’hui à ta grandeur, à ta dignité d’homme libre? Es-tu donc un enfant pour te jeter ainsi dans les bras de celui qui peut te réconforter ? Debout, lève-toi! Assume ton passé et redresse la tête avec nous!” Il y avait dans ces paroles une réelle séduction. Elles raisonnaient en lui et trouvaient un certain écho dans son passé adonné à l’orgueil. L’homme de lumière le regardait toujours ne disant rien d’autre que ce qui émanait de sa présence. Johann hésitait entre deux choix si contradictoires: aimer tous ceux qui l’attendaient pour l’emmener ou, au contraire, jouir de l’indépen­dance, être libre de tout lien.

Johann considéra un instant ces deux voies, la première, celle de l’amour, attirait toute son âme. La seconde, celle que lui proposait le démon, vibrait en lui à la manière des discours d’Hitler entendus à Nuremberg. A l’époque, cela gonflait sa poitrine tant ils portaient en eux un poids de gloire, de grandeur et de puissance. L’orgueil de l’Allemagne devenait son orgueil. Le mépris de tout ce qui n’était pas la force devenait sa philosophie. Johann se souvenait de cela. Mais il voyait aussi où l’avait mené cet orgueil exalté en absolu. Il se revoyait à Stalingrad, obsédé par une seule idée, celle de manger. Dans les trous où il se cachait, il se revoyait rêvant, comme l’enfant prodigue de la parabole, de pouvoir manger ce que l’on donne aux cochons.

Cette vision de sa lamentable petitesse acheva de faire disparaître toute hésitation en lui. Il n’écouta plus les discours séducteurs. Il se tourna tout entier vers l’homme de lumière. Il choisit la vie éternelle.

Alors la voix des démons se fit plus forte. Elle changea de ton pour devenir accusatrice. Tout autour de lui, les voix emplissaient l’espace et Johann était comme submergé par leurs cris : “Durant ta vie terrestre, tu ne pensais qu’à toi. Tu n’as cessé de vivre dans la fausseté et le mensonge au nom d’un idéal auquel tu ne croyais même pas. Ce que tu cherchais, tu le sais bien, c’était ta propre gloire. Et, maintenant, regarde-toi. As-tu changé? Pas du tout. Tu ne te tournes vers Dieu que parce que tu as besoin de lui. Tu n’agis encore une fois que par égoïsme, à la recherche de ton petit bonheur. Décidément, tu es méprisable. Tu vivras toujours dans le péché, tu es impardonnable. Tu mérites l’enfer éternel!” La vérité de ces accusations du démon était telle que Johann était ébranlé. Une certaine volonté de ne plus espérer l’envahissait. Son âme apparue à nu devant l’Etre de lumière était réellement impure et incapable d’un amour réellement gratuit. Il se demandait s’il ne ferait pas mieux de choisir la voie proposée par le démon puisqu’il n’était et ne serait jamais digne de vivre avec Dieu. Mais, dans un dernier sursaut, il se tourna vers l’homme de lumière en criant: « Pitié pour moi! » Aussitôt, la voix des démons se tut. Leur présence, elle-même, sembla disparaître. Ils étaient bien là mais Johann ne quitta plus le regard de l’homme où se lisait maintenant une grande joie.

Ainsi, le démon a lui aussi le droit d’intervenir en ce dernier combat. Il nous faut nous pencher sur le mystère de sa présence, tel que nous l’avons décrite dans l’expérience de Johann. Au cours de notre vie terrestre, nous l’avons montré[84], Lucifer et ses anges ne cessent d’être présents autour de nous. Depuis leur péché, depuis que l’homme est apparu sur la terre, ils ne cessent de nous tenter. Ils agissent toujours dans le sens de nos travers, se cachant derrière eux et s’efforçant de nous faire tomber dans nos défauts les plus courants. Son but est radical et théologique. Il veut nous habituer à agir dans le sens de l’égoïsme, de l’orgueil afin qu’au moment de notre mort, l’amour gratuit nous soit complètement étranger. Il espère ainsi nous voir rejeter avec mépris la proposition de Dieu et nous séparer définitivement de lui. En tenant les hommes et en les faisant tomber dans les défauts de leur faiblesse[85], Lucifer s’efforce de disposer l’homme à ce qui s’oppose à l’amour et à l’humilité.

Il agit de sa propre initiative et Dieu le laisse faire. Ces tentations sont finalement utiles à l’homme comme toutes les autres souffrances qui l’accablent. De même, au moment de la mort, alors que le destin individuel de chacun se prépare, Dieu permet au démon d’approcher. Car l’homme est appelé à opter librement entre deux royaumes, le règne de l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ou le règne de l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu[86]. Il convient, pour que le choix soit vraiment libre, que les avantages de ce royaume de l’amour de soi dont Lucifer est le roi, soient présentés à l’âme. C’est son rôle. Il le fait en toute vérité, sans chercher à cacher les inconvénients de l’enfer.

Il approche d’abord de l’homme comme un séducteur, selon l’Écriture[87]: “le séducteur du monde entier fut jeté sur la terre… frémissant de colère et sachant que ses jours sont comptés.” Lucifer et ses anges s’efforcent de manifester à l’homme le bien (relatif mais réel) qui peut être présent dans l’enfer[88], devenir maître de son destin, connaître et définir soi-même ce qui est bien et mal, devenir en un mot comme un dieu[89]. Le démon agit avec une réelle efficacité. il nous prouve à quel point il peut être génial d’être son propre dieu. Il nous rappelle les bienfaits de notre égoïsme passé. Il nous montre la liberté que donne l’orgueil. Il rappelle chacun de nos péchés, même les plus secrets, les plus oubliés et nous montre le bien que nous avons pu en tirer. Toute notre vie passée d’égoïsme agit à cet instant comme un poids dans notre âme qui nous fait désirer la noblesse solitaire proposée par Satan.

Vraiment, l’enfer est désirable. Les représentations passées et enfantines d’une marmite de feu sont bien loin. Pour l’âme égoïste, convertie au dernier moment par la peur de l’enfer, tout motif de crainte disparaît. Il lui est donné de choisir en toute lucidité le jardin de la liberté. Heureusement, cette force de conviction du démon est constamment rééquilibrée dans le sens de la vérité par la présence du Christ et des saints. Certes l’enfer est la liberté, mais ce sont aussi le malheur, la solitude et la haine éternelles puisque personne n’y aime. C’est le monde froid de dieux solitaires et rongés par leurs propres vices.

Lorsque le démon a achevé sa séduction, s’il voit que nous ne nous laissons pas prendre mais ne cessons de regarder vers l’Agneau, il tente une dernière attaque. Il y met toutes ses forces sachant qu’il n’aura plus jamais la parole après. En effet, celui qui choisit Dieu au-delà des propositions de Satan ne reviendra jamais en arrière. Plus rien ne pourra le détourner de son choix car il aura résisté à tout. Satan se fait donc accusateur[90]. Il rappelle chacun des péchés passés. Il montre dans toute sa lumière la misère présente et réelle de notre âme. Il décortique sous tous les angles la gravité de notre mesquinerie, de notre égoïsme toujours présent quelque part dans nos actions. “Nous ne pouvons, dit-il, entrer dans le paradis de Dieu car il faut être d’une pureté telle qu’elle nous dépassera toujours.” Il montre avec vertige la hauteur des exigences de Dieu sur notre âme (une humilité totale, une dépendance absolue, un amour radical). Il les compare avec notre état actuel au point de nous faire sombrer dans la déses­pérance: “Si Dieu réclame ce qui te dépasse, à quoi bon le chercher davantage. Autant baisser les bras et choisir l’autre voie, celle de la liberté.”

Toutes ces paroles du démon ne sont bien sûr que mensonges. Il suffit que l’homme regarde vers le Seigneur présent devant lui pour comprendre la simplicité des exi­gences de Dieu. La pureté que réclame Dieu peut être atteinte par tous. Il suffit d’un temps de purification par la croix. Il est vrai que seule la souffrance est vraiment capable de montrer à l’homme sa vraie petitesse et sa vraie grandeur. L’âme au purgatoire est tellement amoureuse de Dieu, tellement désireuse de lui plaire, qu’elle voit son cœur s’affiner. Le désir qui la brûle la libère de tout reste d’égoïsme. Sachant cela, le démon produit son attaque avec d’autant plus de violence.

L’âme est appelée à choisir librement mais le poids de sa vie passée l’oriente dans l’un ou l’autre sens. Celui qui durant toute sa vie, n’a vécu que pour lui-même, trouve en lui des échos puis­sants à l’appel de Satan. Cette voie l’attire. Elle lui convient. La voie proposée par Dieu lui est d’autant plus étrangère qu’il a vécu davantage dans l’orgueil. Deux voies se présentent à lui. Il en connaît parfaitement les avantages et les inconvénients. Il sait ce qu’exige le paradis. Il sait ce qu’il perd en choisis­sant l’enfer. Lorsque toutes les données sont présentes, lorsque toute ignorance a disparu, l’homme, librement, choisit. Nulle faiblesse ne le motive, aucune ignorance ne l’aveugle. Aussi ne reviendra-t-il jamais en arrière. A cet instant, le destin de son éternité vient d’être fixé.

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Tout cela se passe dans la mort et non après la mort[91]

(Chose certaine)

La foi de l’Église est nette pour affirmer que tout cela se passe “au moment de la mort”[92]. Mais elle n’a jamais précisé ce qu’elle entendait par « le moment de la mort ». Certaines écoles théologiques pensent qu’il s’agit de l’instant précis où l’âme se sépare du corps. Dans cette hypothèse, la mort serait instantanée et tous les événements décrits seraient vécus dans un instant. C’est une hypothèse soutenable.

Une autre paraît plus probable. On peut penser qu’il s’agit plutôt de cet espace entre les deux mondes. Normalement, un homme vit ici-bas ou dans l’au-delà. Entre les deux, il ne fait que passer. Pourtant, il existe entre les deux mondes tout un espace et tout un temps. Les témoins d’une Expérience de Mort Approchée (N.D.E.) en témoignent. Ils décrivent, aux portes de l’au-delà, une sorte de limite, souvent symbolisée par un fleuve ou une clôture, au-delà de laquelle on ne revient pas sur terre. Cette limite est la mort au sens théologique du terme. Elle est l’irréversibilité d’un nouvel état. Ainsi, entre le départ du corps, ils témoignent d’un temps sur terre, du passage par une porte en forme de tunnel noir et même un bref séjour aux portes d’un autre monde, magnifique et verdoyant. Tout cela constitue le moment de la mort, tant que la limite ultime n’est pas franchie. Il est donc probable que le moment puisse durer plusieurs jours, selon la lenteur de l’âme[93]. Il peut être vécu dans des lieux très vastes, selon le désir du mourant. Son corps double voyage en obéissant aux désirs de sa volonté.

La liturgie chrétienne semble pencher pour cette deuxième opinion, d’où la coutume de veiller trois jours le corps des défunts. Marthe Robin (qui n’est pas encore une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits sont cités à titre de témoignage) pensait qu’il fallait prier pour les morts longtemps et que le jugement pouvait durer plusieurs jours.

 

27. « Le Christ reviendra à la fin du monde pour juger les vivants et les morts ». Je pense que par « fin du monde », il faut entendre non seulement les évènements de la dernière génération mais aussi la mort de chacun. Je pense que c’est la raison pour laquelle Jésus put affirmer de son vivant, parlant de son retour Matthieu 24, 34: « Cette génération ne passera pas avant que tout cela ne soit arrivé ». Beaucoup affirmèrent qu’il s’était trompé. De fait, il ne semble toujours pas être revenu. Regard extérieur! 100 ans à peine après la prononciation de cette parole, toute la génération qui l’avait connu l’avait vu se réaliser, avec puissance. Tous étaient… morts. Je suis avec Mgr Glorieux au XIXe siècle, l’un des seuls à enseigner cela. Il ne s’agit donc pas de la foi officielle de l’Église mais d’une simple opinion de théologien, à laquelle l’Église ne s’oppose pas mais qu’elle laisse à chacun le soin de juger. Une sainte m’a précédé et m’a permis cette audace. Il s’agit de Sœur Faustine, canonisée par Jean-Paul II et citée en fin d’ouvrage. [↩]

28. Pour savoir comment la théologie catholique peut aboutir à une telle précision, on peut se référer à la troisième partie de cet ouvrage. [↩]

29. Matthieu 24, 38-40 [↩]

30. mais non nécessairement tous les deux au Ciel. [↩]

31. Les histoires de Johann ou de sainte Thérèse ne sont pas mises sur le même plan que l’Écriture Sainte. Mais elles permettent d’illustrer de manière vivante son contenu. [↩]

32. Jean-Jacques Goldman. [↩]

33. “Thérèse est née en Normandie dans une famille de catholiques fervents, à la fin du XIXe siècle. Très jeune, elle perd sa mère mais ses sœurs plus âgées s’occu­pent de lui donner tendresse et éducation. Elle est bercée tout enfant par la présence de Dieu qui emplit la vie de sa famille. A quinze ans, tenaillée par le désir de se donner tout entière à Dieu, elle entre au Carmel de Lisieux. Elle prend le nom de sœur Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face. Son extrême sensibilité est source d’épreuve. Lorsque son père perd l’esprit, elle est tentée de se reprocher ce malheur, à cause de son départ trop précipité de la maison. Elle connaît des épreuves spirituelles terribles: Dieu se fait comme absent de son cœur. Atteinte d’une tuberculose, elle meurt à vingt-quatre ans sans jamais douter de l’amour de Jésus. Elle laisse derrière elle une autobiographie qui sera publiée par les religieuses du Carmel. Sa vie si simple bouleverse en quelques années les chrétiens et elle est proclamée sainte. Elle est l’une des plus grandes saintes de toute l’histoire de l’Église. Elle est Docteur de l’Église.” [↩]

34. Matthieu 24, 14. [↩]

35. Nous le verrons au cours de cet ouvrage, C’est l’existence de cette révélation donnée à chaque homme, quelle que soit sa religion, quel que soit son péché ou sa bonne volonté, qui permet de com­prendre combien est juste le Seigneur, lui qui ne permet la damnation éternelle qu’à celui qui a re­fusé son salut en face. Cette apparition glorieuse de Jésus au mo­ment de notre mort qui donne la clef à tout ce qu’enseigne l’Église et l’Écriture Sainte sur l’entrée au paradis ou la damnation éternelle. [↩]

36. Ce phénomène psychique est fréquemment mentionné par ceux qui approchent la mort. Guy de Larigaudie (Etoile au grand large) raconte l’expérience qu’il en fit avant la seconde guerre mondiale: « Pour épater mes amies, je plongeais du haut de la falaise. L’espace d’un instant, entre le promontoire et mon arrivée dans l’eau, j’eut l’impression d’avoir mal visé. J’allais m’écraser sur des rochers en contrebas. J’eus alors une série de perceptions à la fois précises et rapides sur des souvenirs d’enfance.» Le temps se raccourcit. La mémoire, sans doute stimulée par la certitude de l’imminence de la mort, fait rejaillir des événements qu’on croyait oubliés. Il ne faut pas confondre cette réaction du psychisme avec un autre phénomène souvent raconté par les victimes d’une N.D.E. (Expérience de mort approchée.) Ils racontent une sorte de passage en revue du bien et du mal qu’ils ont commis durant leur vie avec l’assistance d’un Etre de lumière et d’amour. Il s’agit alors d’une expérience mystique et spirituelle. [↩]

37. Gaudium et Spes, 22. [↩]

38. Saint Dominique pleurait la nuit en prononçant ces mots. [↩]

39. Le grand théologien saint Thomas d’Aquin encourage à mettre tous les apports de l’expérience au service de la foi: A chaque fois que la raison philosophique et la révélation s’unissent pour aborder un même thème, il vaut mieux suivre la raison car la foi, dans ce cas, n’est donnée que par miséricorde pour ceux dont la raison manque d’acuité. Deux thèmes principaux sont concernés: l’existence de Dieu et la survie de l’âme après la mort. Ce sont les deux principaux « preambula Fidei ». [↩]

40. La vie après la vie, docteur Moody, Robert Laffont, 1977, page 35. [↩]

41. Voir les commentaires du docteur Kenneth King. [↩]

42. On le raconte de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Juste avant son dernier soupir, ses sœurs virent son visage s’éclairer. Quelqu’un semblait venir à sa rencontre. [↩]

43. Saint Augustin avait entendu parlé de plusieurs cas d’Expérience de Mort Imminente, déjà bien décrite à son époque : Il reconnaît dans son Commentaire littéral du livre de la Genèse, Livre 12, chap. 32, que ces personnes ravies hors de leurs sens corps et qui sont presque mortes, ont conservé « une certaine ressemblance de leur corps », par laquelle elles peuvent être emportées vers des lieux corporels. « Je ne vois pas, dit-il, comment il pourrait en être autrement : l’âme garde quelque chose qui ressemble à un corps lorsque, le corps étant étendu privé de sentiment, mais sans être mort, elle voit ce qu’une foule de personnes rendues à la vie, après avoir éprouvé cette sorte de ravissement, ont raconté qu’elles avaient vu ; je ne vois pas, dis-je, pourquoi elle ne l’aurait pas, une fois que, par la mort corporelle, elle a complètement quitté son corps ». Il faut remarquer que, dans le même texte, saint Augustin affirme que, quant à lui, il ne croit pas que l’âme emporte un organisme physique… Le débat sur la nature de ce corps psychique est donc ancien dans l’Eglise. [↩]

44. Dans l’Egypte pharaonique, on parle du corps physique, du Ka (le double) et du Ba représenté sous la forme d’un oiseau portant la tête du mort (l’esprit). Le grand et ultime voyage commence par la sé­paration du Ka spirituel du corps matériel. Le Ka est le corps double du défunt, qui sort de son cadavre. Avec lui, le Ba, âme de l’homme, est détaché de la vie terrestre et tourne déso­rienté autour du cadavre. La compatissante Isis (épouse aimante du dieu de la mort Osiris) l’ac­cueille sous ses grandes ailes affectueuses et le confie au savant dieu Anubis (représenté avec une tête de chacal) afin qu’il le réconforte et lui serve de guide et de soutien jusqu’au jugement divin. Sous forme imagée, il s’agit de la même réalité. [↩]

45. Les animaux supérieurs sont certes dotés d’une forme d’intelligence que saint Thomas d’Aquin appelle « l’estimative ». En effet, loin d’avoir l’objet de l’intelligence humaine qui, potentiellement peut TOUT connaître, elle est bornée à trouver des moyens en vue de la survie et lza reproduction. Elle « estime » l’utile et le nuisible. Dans les années 1970, une femme américaine voulue prouverle contraire en élevant de la même façon son nourrisson et un bébé chimpanzé. L’animal, communiquant en langage des signes, battit pendant deux ans l’enfant dansles dommaines du jeu, de l’espièglerie. Mais l’enfant fut le seul à partir d’un certain temps à se poser des questions sur des domaines intelligibles comme : « Que faisons-nous sur terre ? » [↩]

46. Selon eux, il se réincarne à travers les âges. Selon la tradition monothéiste et personnaliste de l’occident, il n’y a jamais de réincarnation. [↩]

47. Cela ne reste bien sûr encore qu’une explication hypothétique, une piste de recherche qui devrait pourtant encourager la science à s’intéresser au phénomène. En effet, si le corps astral existe et est matériel, il doit y avoir moyen d’en mesurer la présence. [↩]

48. Elles peuvent concevoir le bien, le vrai, elles peuvent potentiellement comprendre tout ce qui existe, non seulement les corps mais aussi les esprits. Tout cela dépasse la matière. [↩]

49. La théologie catholique parle de la venue du Christ dans « son corps de gloire ». Nous verrons plus loin qu’il s’agit très exactement de cela. La chair ne cache plus l’esprit. Elle le révèle. Les témoins de la mort approchée semblent réaliser la prophétie de Job 19, 25: « Je sais, moi, que mon Défenseur est vivant, que lui, le dernier, se lèvera sur la poussière. Après mon éveil, il me dressera près de lui et, de ma chair, je verrai Dieu. » [↩]

50. Le premier critère est manifestement vérifié. C’est justement dans le sens d’un retour au religieux que se sont senties poussées les personnes marquées par cette expérience. On peut même affirmer que la plupart d’entre elles, même si elles ne deviennent pas chrétiennes, se font sans le savoir disciples de Jésus-Christ quand il disait: « Je vous donne deux commandements: tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et tu aimeras ton prochain comme toi même ».
 
Le deuxième critère est aussi vérifié: la théologie catholique parle en effet de la vie après la mort:. Appuyé sur la Bible et la Tradition, ces deux sources par lesquelles l’Esprit de Dieu se donne à l’homme, l’Église a mis à disposition des fidèles une série de précisions sur ce qu’ils vivent après la mort. Son regard profond va bien plus loin que l’approche de la mort, telle que pensent l’avoir vécue les rescapés. Il va jusqu’à l’au-delà de cette barrière qu’aucun d’eux n’a franchie. Le Magistère solennel de l’Église, aide précieuse pour le théologien, affirme:
 
1. Nous croyons en la vie éternelle.
 
2. Au moment de la mort, l’âme se retrouve en présence de l’humanité Sainte de Jésus
 
3. Cette vision d’amour est le commencement de ce qu’on appelle son jugement particulier.
 
4. Les âmes mortes en état de péché mortel sont immédiatement conduites en enfer. Les autres, soit qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que dès l’instant où elles quittent leur corps Jésus les prenne au paradis comme il a fait pour le bon larron, deviennent le peuple de Dieu dans l’au-delà de la mort.
 
5. Le paradis consiste en la vision de Dieu, face à face.
 
La N.D.E. semble indiquer que tout homme, au moment même de sa mort, qu’il soit baptisé, Juif, païen ou athée, se retrouve face à un être qui rayonne de trois vertus : la vérité, l’amour et, quand c’est nécessaire, l’humour. N’est-ce pas un portrait, une image de ce qu’est Dieu? Il se pourrait même que l’être de lumière soit l’humanité Sainte de Jésus. Aucune opposition ne semble apparaître vis-à-vis du dogme catholique. Si l’on compare, maintenant, la théologie traditionnelle décrite ici avec le récit de ceux qui ont approché la mort, on est obligé d’admettre qu’il n’existe aucune opposition entre les deux. Bien au contraire, la foi semble trouver dans ces récits une éclatante confirmation. Les critères 1 et 2 me paraissent donc parfaitement vérifiés. [↩]

51. Epître de saint Paul II Corinthiens 12, 2 à 4. La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, une stigmatisée du XIXe siècle, eut la vision du saint Jean lors de sa mort. Elle semble assister au phénomène de décorporation. « Pendant que Jean prononçait une dernière parole, une grande lumière apparut au-dessus de lui. Au moment où il s’affaissa en rendant le dernier soupir, j’aperçus au milieu de l’auréole qui l’entourait, une forme lumineuse entièrement semblable à lui qui se dépouillait de son corps comme d’une enveloppe grossière et disparaissait ensuite avec la lumière. » (Visions d’Anne-Catherine Emmerich sur la vie de Jésus, Tome 3, Téqui, page 555). [↩]

52. 2 Corinthiens 12, 7 et ss. [↩]

53. 1 Jean 2, 16. [↩]

54. C’est ce que la théologie nomme le péché mortel. [↩]

55. Isaïe 25, 8. [↩]

56. Certaines personnes réagissent ici-bas à la souffrance par la révolte, parfois même, si elles sont croyantes, par un rejet explicite de Dieu. A première vue, l’effet de la croix est alors inverse à celui décrit précédemment. Ce n’est la plupart du temps qu’une apparence extérieure. Au fond de l’âme, c’est en fait la source d’un désir de justice et de vérité (donc de Dieu tel qu’il est vraiment) qui suscite le rejet du Dieu non encore compris ici-bas (tel qu’il n’est pas). Mais le Jour où sa vraie nature se révèle au mourant, l’effet réel de la croix apparaît en pleine lumière: « Je te cherchais et je ne te connaissais pas ». [↩]

57. Le choix, tel que je vais le décrire ici, n’a jamais non plus été raconté dans l’Église (sauf par sainte Faustine, à travers une vision rapportée en fin d’ouvrage). Ceci est aisé à comprendre. Sans la découverte de l’existence d’une « Parousie » du Christ à l’heure de la mort, on ne voit pas où peut se situer ce choix. Les anciens théologiens, y compris saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, dans leur fidélité à l’Église, savaient qu’il existe nécessairement un choix libre concernant l’enfer ou le paradis (il s’agit en effet d’un dogme solennel qu’ils connaissaient). Mais ils savaient aussi que ce choix devait se faire durant la vie terrestre (cela aussi, l’Église l’avait défini avec force). Or ils ne voyaient rien se faire ici-bas, si ce n’est qu’un vague choix fragile et rempli d’ignorance, réservé aux quelques nations chrétiennes. Ils n’avaient pas imaginé que dans la mort, c’est-à-dire ici-bas, il y a une onzième heure, un temps pour choisir en pleine liberté. Ils étaient contraints de mettre en enfer tous les pauvres pécheurs, y compris ceux qui vivaient loin de Dieu par faiblesse et par ignorance. Ils le faisaient à regret, coincés littéralement dans des contradictions intellectuelles. En effet, ils enseignaient aussi que seuls six péchés pouvaient conduire en enfer, les six blasphèmes contre l’Esprit (voir chapitre sur l’enfer). Or les païens sont absolument incapables de tels péchés puisqu’ils impliquent une parfaite connaissance de l’amour de Dieu et son rejet. [↩]

58. Apocalypse 1, 13. le docteur Moody rapporte le témoignage d’une victime de N.D.E. Face à l’Etre de lumière, elle demanda avec insistance: Qui êtes-vous? Alors la lumière s’ouvrit et il en sortit un homme. « Je suis le Fils de Dieu. » C’est le seul témoignage explicitement christique qu’il rapporte. [↩]

59. Jean 3, 3. [↩]

60. Marie seule était pure devant Dieu justement parce que, dans une humilité incroyable, elle se croyait sans aucune équivoque indigne. Quand l’ange l’appela « pleine de grâce », elle fut toute troublée. Ces paroles ne pouvaient s’adresser à elle. [↩]

61. La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, une stigmatisée du XIXe siècle, eut la vision de cette phase de l’heure de la mort : « Je vis alors l’état de l’âme du défunt. Elle était au-dessus du lieu où il était mort, entourée d’un cercle et dans une sphère où le tableau de tous ses péchés et de leurs conséquences lui était présenté, et cette vue l’accablait de repentir. Elle avait là aussi le spectacle de toutes les purifications par la souffrance qu’elle devait subir. En même temps, les souffrances expiatoires du Sauveur lui furent révélées. » (Visions d’Anne-Catherine Emmerich sur la vie de Jésus, Tome 2, Téqui 1965, page 512). [↩]

62. Nos ancêtres, vivant des religions anciennes, parlaient de l’ange de la mort. Ils croyaient en sa venue à cette heure. De fait, avant l’Incarnation du Christ, les hommes étaient accueillis à leur mort par un ange de Dieu. Le Christ n’étant pas encore venu, il le représentait. Aux premiers jours, le gouvernement de Dieu sur l’humanité était le suivant: il se taisait. L’homme ne savait plus ce qu’il faisait sur la terre et n’avait aucune explication de la souffrance et de la mort. En livrant l’homme à la souffrance, à la mort, en se taisant durant des siècles, en n’agissant que pour détruire les œuvres dont l’homme était fier (déluge, Babel), que voulait Dieu? Sauver les hommes. Et, réellement, il les sauva en masse. Lorsque, au terme d’une vie passée dans la souffrance, souvent à la poursuite de la gloire, les hommes du passé entraient dans la vieillesse, puis rendaient leur âme à Dieu, comme le plus humble des esclaves, il ne restait souvent en eux que confusion et regret. Lorsque à ce moment, s’attendant à rencontrer un juge terrible et dur, ils se re­trouvaient face à leur ange gardien, au cœur brûlant de miséricorde, image du Dieu vivant, accompagné souvent des êtres qu’ils avaient chéris durant leur vie, et qu’ils entendaient révéler l’existence d’un Dieu unique et bon au cœur d’enfant et au pardon généreux, ils se rendaient. Et lorsque la voix de leur ange leur annonçait, pour bientôt, la venue d’un Sauveur qui les délivrerait de tous leurs péchés, ils croyaient. Et ces rudes pécheurs broyés par la vie s’écriaient: « Pardon Dieu, car nous avons péché contre toi. Envoie ton Sauveur. Qu’il vienne nous délivrer, car nous voulons voir ton visage. »
 
Accompagnés de leur ange, ils considéraient l’état de leur âme, apprenaient à dé­couvrir leur péché. Ils acceptaient avec générosité, éclairés sur Dieu, de subir un purgatoire aussi longtemps qu’il le fallait. Ils se plongeaient, eux-mêmes, sans récriminer, dans la solitude de ce purgatoire, pour que disparaisse toute trace d’orgueil. Puis cette oeuvre effectuée, ils s’en allaient retrouver Adam et Ève dans les limbes où ils attendaient avec espérance, la venue du Sauveur promis. Cette attente n’était pas douloureuse car Dieu, en pré­vision de la venue future du Sauveur, les comblait de la grâce de sa présence invi­sible, d’une manière bien plus parfaite que ce qu’avaient expérimenté Adam et Ève en Éden. Jésus, décrivant les limbes où les patriarches attendaient sa venue, parle d’une eau pure qui comblait 1e pauvre Lazare (Luc 16, 24). Certes, Dieu ne se montrait pas encore à eux face à face. Il attendait pour cela son heure, l’heure où, face à Lucifer jusqu’ici triomphant, il ouvrirait pour toujours son cœur. Dieu préparait un spectacle grandiose, celui où, d’un seul coup, en mourant sur la croix et en descendant aux enfers, le Verbe de Dieu ferait entrer toutes ces âmes assoiffées dans le bonheur éternel. Ainsi, la Tradition biblique, pour décrire l’état des hommes avant la venue du Christ, parle des enfers. Ils sont des lieux inférieurs (séparés de la Vision de Dieu). Ils sont au nombre de trois: l’enfer des damnés, le purgatoire, et le sein d’Abraham. La bienheureuse Anne-Catherine Emmerich, une stigmatisée du XIXe siècle, eut la vision du Christ lors de sa descente aux enfers. « Le lieu où entra l’âme de Jésus était divisé en trois parties. C’était comme trois mondes. Il me sembla qu’ils étaient de forme ronde et qu’ils étaient séparés les uns des autres. L’enfer des damnés, le purgatoire et les limbes d’Abraham. » (Visions d’Anne-Catherine Emmerich sur la vie de Jésus, Tome 3, Téqui, page 369) [↩]

63. Marc 13, 30. [↩]

64. Apocalypse 1, 1. [↩]

65. 1 Pierre 3, 4. [↩]

66. 1 Pierre, 3, 8. [↩]

67. La Parousie du Christ glorieux fait partie de la foi. Elle est même récitée chaque dimanche dans le Credo de la messe. La théologie la décrit comme une véritable apparition sensible (le corps rayonnant du Christ) dont la lumière a le pouvoir de révéler en même temps le cœur du Christ. C’est cela la gloire: la matière ne cache plus l’esprit. Pourtant, cette Parousie a toujours été interprétée par les théologiens comme un événement futur, lié à la fin politique et définitive du monde. Seuls les fidèles, dans leur sens de la foi, savaient qu’ils allaient voir le Christ dans leur mort! Sainte Thérèse le dit explicitement. Jacques Fesch, avant d’être exécuté, avait dit: « Dans trois heure, je verrai Jésus ». [↩]

68. Apocalypse 1, 17. [↩]

69. Apocalypse 1, 12. [↩]

70. Saint Thomas d’Aquin précise que cette vision première qui suit la mort ne peut être aussitôt celle de Dieu tel qu’il est. Dieu, par son irruption brutale dans l’âme, empêcherait tout jugement car la liberté n’existerait plus. Il est si grand, si infini par sa bonté qu’il happerait à jamais l’âme en son sein. Or Dieu ne veut forcer la liberté de personne. Cette vision ne peut être que celle de Dieu sous les voiles de son humanité: Jésus. [↩]

71. Nul ne peut imaginer le bouleversement que réalise dans les âmes une telle rencontre. Pour l’âme la plus contemplative, pour le plus spirituel des moines, c’est la découverte qu’il n’avait presque rien compris à cet amour. Saint Thomas d’Aquin, à la fin de sa vie, eut la chance de voir Jésus lui apparaître. A partir de ce jour, il cessa d’écrire, laissant sa Somme théologique inachevée. Devant l’insistance de son secrétaire, frère Réginald qui l’encourageait à reprendre ses travaux, il finit par avouer sa vision. Tout en larmes, il lui confia: “Je n’avais rien compris; je n’avais rien compris”. Il n’écrivit plus jamais un seul mot. [↩]

72. Apocalypse 1, 12, 17. [↩]

73. Luc 17, 24. [↩]

74. Elles n’ont plus la foi dans l’existence de Dieu, dans le fait que le Messie s’appelle Jésus-Christ, qu’il y a un Évangile, une vie après la mort. Elles le voient. Inutile de croire à ce qu’on constate de ses yeux. Mais elles ont la foi, au moins face à l’évidence du choc de leur rencontre avec le Ciel, que la promesse faite est celle de la Vision béatifique, qu’il s’agit d’un mariage d’amour et d’humilité, et qu’il leur est possible de dire non. [↩]

75. Apocalypse 4, 3. [↩]

76. Saint Augustin, Les deux cités. [↩]

77. Marc 13, 26. Par « les nuées du ciel », l’Écriture entend les saints et les anges. Matthieu 26, 64. Apocalypse 1, 7: « Voici, il vient avec les nuées; chacun le verra, même ceux qui l’ont transpercé, et sur lui se lamenteront toutes les races de la terre. Oui, Amen! » [↩]

78. Pas de larme, pas de chair, mais l’équivalent sensible et spirituel. [↩]

79. Zacharie 12, 10. [↩]

80. 1 Théssaloniciens 3, 13. [↩]

81. 1 Théssaloniciens 3, 13. [↩]

82. Exemple de promesse habituelle du Christ concernant sa Venue avec sa mère : On trouve à la fin des quinze oraisons dont sainte Brigitte de Suède reçut révélation lors d’une apparition du Christ, une série de promesses : « 6.- Celui qui priera ainsi, quinze jours avant sa mort, il aura une amère contrition de tous ses péchés et une parfaite connaissance d’eux. « 7.- Je mettrai le signe de ma très victorieuse Croix devant lui pour son secours et défense contre les embûches de ses ennemis. 8.- Avant sa mort, je viendrai avec ma très chère et bien-aimée Mère. 9.- Et recevrai bénignement son âme, et la mènerai aux joies éternelles. » [↩]

83. Je ne suis pas sûr de cela. Je l’enseigne ici parce que certaines apparitions de la Vierge semblent l’indiquer. Plusieurs fois, elle promet de venir nous chercher « si on lui en fait la demande ». Par exemple, dans une révélation privée rapportée par la vénérable Marie d’Agreda : « Le Père dit à Marie : Si les hommes vous invoquent de tout leur cœur à l’heure de leur mort, je les délivrerai des périls et je chasserai les démons qui s’efforcent de les perdre. Vous me présenterez leur âme et elles recevront une riche récompense. Ce privilège s’exercera sans nuire à l’office qu’ont les anges de conduire les âmes au tribunal de Dieu. » (Vie divine de la sainte Vierge, éditions saint-Michel, 1972, page 379). Ce genre de paroles, très fréquentes, sous-entend peut-être que la Vierge ne vient pas si on ne l’appelle pas. Mon hésitation vient de la vérité plénière de l’heure de la mort, qui doit précéder le choix. Les protestants ne peuvent être choqués qu’en théorie par le rôle que donne l’Église catholique et orthodoxe aux saints. Ils ont imaginé que le péché originel avait rendu à jamais impuissants les amis de Dieu, au point qu’ils étaient absolument incapables d’aucune coopération pour le salut des autres, même après la mort. Devant la preuve de l’inverse, il est évident que leurs blocages intellectuels seront balayés d’un coup, sans que cela leur pose un seul problème (sauf orgueilleuse obstination). La présence des saints, tel que son père, sa mère, ses grands-mères leur sera-t-elle cachée, sous prétexte que sur terre ils n’ont pas cru dans la communion des saints ? De plus, la Sainte Vierge, pourtant simple créature, est une présence théologalement importante. Son corps glorieux révèle avec puissance le pôle féminin de Dieu, de même que le Christ vrai Dieu en révèle le pôle masculin (d’où les deux cœurs unis au verso de la médaille miraculeuse). Ceci me semble important pour la liberté du choix. Il est vrai que Jésus peut faire tout cela tout seul… D’où ma conclusion : après ce premier moment de l’heure de la mort, il me paraît évident que la Vierge se manifeste à tous les hommes. [↩]

84. Rappelons l’histoire des anges et l’origine des démons, ces anges devenus mauvais. Leur révolte constitue la racine de toute l’iniquité, celle qui, nous le verrons, doit se révéler et être proposée de manière explicite à l’homme vers la fin du sa vie.
 
Les anges n’ont jamais eu de corps. Ils sont de purs esprits. Il est, pour nous, très difficile de comprendre vraiment ce que peut être, et comment peut vivre une personne qui n’a pas de corps. Aussi, tout au long de cet ouvrage, nous avons pris le parti de parler d’eux en termes anthropomorphiques. Il s’agit bien sûr d’un langage analogique.
 
Au premier instant de leur création, création qui précéda celle des hommes, tous les anges étaient bons. Le plus grand d’entre eux, Lucifer par la beauté de son être était le chef-d’œuvre de Dieu. Les autres anges n’en éprouvaient pas de jalousie. Bien au contraire, en contemplant sa perfection, ils se faisaient une idée de l’infinie grandeur du Dieu caché qui venait de les créer. Tous les anges aimaient Dieu, affirme saint Thomas d’Aquin. Ils n’avaient que reconnaissance pour ce qu’ils venaient de recevoir de sa main, l’existence, la vie, la beauté. Ce spectacle de la création leur faisait crier d’une seule voix: “Gloire à Dieu au plus haut des Cieux”.
 
S’ils l’aimaient, ils ne pouvaient par contre le connaître, sinon de loin. Même pour le plus intelligent des anges, Dieu reste le Mystère par excellence. L’intelligence des esprits célestes a beau être de loin supérieure à la nôtre, elle reste limitée. Comment un vase fini (l’ange) pourrait-il contenir l’Infini (Dieu)? Ils se contentaient donc de connaître Dieu à travers les effets de sa puissance. En se regardant eux-mêmes, en regardant les autres anges, ils voyaient comme dans un miroir le reflet lointain du Créateur. Et cette vie paisible et contemplative leur plaisait. Le monde aurait pu rester ainsi pour l’éternité.
 
Pourtant, alors que la création était encore toute nouvelle, Dieu parla. Il s’agit d’une pensée, d’une révélation transmise directement dans l’intelligence de chaque ange. Pour mieux manifester la Bonne Nouvelle qu’il annonça aux anges, nous la décomposons en trois paroles distinctes.
 
1- Dieu dit: « Je vous ai créés pour que vous me voyiez face à face. » Cette première révélation est bouleversante pour un ange, bien plus que pour un homme car l’ange a la capacité d’en saisir immédiatement toute la portée. Voir Dieu face à face signifie pour eux l’impensable. Il leur était impossible d’espérer un tel bonheur. Ils savaient bien plus que nous l’infinie profondeur du mystère divin et la limite de leurs capacités intellectuelles. Voir Dieu face à face, cela signifie comprendre son Mystère avec le regard même dont Dieu se comprend. Or une telle chose est impossible. Pourtant, les légions angéliques avaient bien entendu. Ils crurent donc, ils adhérèrent à cette parole de Dieu, malgré son caractère impensable, sachant que rien n’est impossible à Dieu. Lucifer le premier crut. Avec lui, les chérubins, les séraphins et tous les ordres célestes désirèrent voir se réaliser cette promesse. Cette adhésion s’appelle la foi. Mais déjà, en ce premier instant, Dieu savait que Lucifer croyait pour un autre motif que le petit archange Michel.
 
2- Dieu parla encore: « Je suis doux et humble de cœur. Nul ne peut me voir face à face s’il n’est tout amour et toute humilité. » Les anges savaient, par leur contemplation naturelle, que Dieu ne pouvait les avoir créés que par amour. Mais ils découvrent avec stupeur en cet instant que Dieu est amour. Leur contemplation naturelle les invitait plutôt à admirer en premier lieu l’intelligence du Créateur, sa lumière. Le monde angélique leur paraissait davantage beauté que bonté. Par sa parole, Dieu les invita à bouleverser entièrement leurs conceptions habituelles. Quand Dieu affirme qu’il est amour avant tout, quand le Tout-Puissant révèle qu’il se considère comme le serviteur de tous (humilité), il manifeste que la perfection naturelle des Chérubins n’est rien à ses yeux comparé à l’amour. Son ordre de préférence n’est pas celui que donne la noblesse mais celui que donne le cœur. Il leur demande une conversion totale. Devenir amour est la condition nécessaire pour toute entrée dans la vision béatifique.
 
Là se situe l’épreuve terrible pour les anges: renoncer à eux-mêmes. C’est déjà difficile pour un être humain qui est chaque jour confronté à ses imperfections. Cela l’est beaucoup plus pour un pur esprit, image parfaite de la perfection de Dieu. L’orgueil est un défaut plus proche des anges que des hommes. Cette abnégation, nous l’avons dit, est indispensable car la vie proposée est surnaturelle.
 
3- Une troisième parole fut prononcée : « Après vous, je vais créer de petits êtres liés à un corps de chair. Homme et femme, je les ferais. Ils auront des enfants. Vous deviendrez pour eux anges gardiens. Vous les conduirez à moi. » Cette révélation était extrêmement concrète, si concrète qu’elle avait le pouvoir de discerner qui parmi les anges était humble de qui ne l’était pas. La Bible dit: « Dieu sépara la lumière des ténèbres. » Cette simple phrase nous montre qu’il se produisit une séparation extérieure entre la présomption des uns et l’amour des autres. Il y eut une brisure dans le ciel angélique. C’est le contenu de cette révélation première qui provoqua ce premier drame de la création, le mystère premier de l’iniquité, jusque dans le monde des humains.
 
Cette révélation, à la manière d’un éclair fulgurant, laissa le ciel entier silencieux et, dans l’instant qui suivit, un de ces instants célestes qui mesure la pensée des anges, une voix cria “je ne servirai pas”. Le plus beau de tous, Lucifer, avait parlé, devenant pour toujours le Satan. Lucifer est le plus grand des anges, c’est-à-dire le plus puissant au point de vue intel­lectuel, le plus proche de Dieu par sa perfection spirituelle. Lucifer aime Dieu. Il serait aberrant d’affirmer que les anges veulent du mal à leur Créateur à qui ils savent tout devoir. Seul l’homme est capa­ble de haïr Dieu car il ne le connaît pas et le juge bien souvent aux effets de sa providence. L’homme agit souvent comme un enfant qui, ayant été grondé par sa mère, lui en veut terriblement. Cet enfant n’est pas encore capable de comprendre que c’est l’amour qui a fait agir sa mère ainsi. L’ange est au-delà de ces raisonnements enfantins.
 
Le problème de Lucifer est qu’il aimait Dieu à sa manière à lui. Il voyait en lui le sommet de tout l’univers devant qui tout genou fléchit et, en cela, il avait le sens de l’honneur de Dieu et de son rang. Il avait surtout, dès cet instant premier, le sens de sa dignité à lui, Lucifer, de sa place de chef de tous les anges. L’ordre premier, instauré par Dieu au début de la création et fondé sur la puissance spirituelle, lui donnait la première place après Dieu, première place qui lui convenait tout à fait. Lucifer n’était pas contre la création des êtres humains, ces esprits limités et chétifs liés à des corps ma­tériels à condition, toutefois, qu’ils soient dans la hiérarchie des êtres de l’u­nivers, c’est-à-dire au-dessous des anges, juste au-dessus des animaux. Mais il comprenait qu’il en serait autrement. L’ordre qui plaisait à Dieu n’était pas en fin de compte celui que confèrent les ti­tres de noblesse intellectuelle, mais celui que confère l’humilité, la petitesse et surtout la capacité d’aimer. Or, dans cet ordre là, l’homme et la femme étaient des créatures mieux bâties pour triompher. En effet, un ange qui est une intelligence pure, aime dans la mesure où il a com­pris que quelque chose est digne d’être aimé. Aimer, pour lui, signifie « vouloir s’unir à ce qu’il a compris être un bien ». L’homme, au contraire, avec son intelligence limitée et incapable de s’exercer sans l’aide de son cerveau, a la capacité d’aimer sans même comprendre. Il peut aimer son Dieu dans une foi et une confiance aveugle. Dans ce qu’il a de meilleur en lui, l’homme peut aimer un ami jusqu’à donner sa vie pour lui, donc au-delà de ce qui est logique. C’est cette manière d’ai­mer qui plaît au Tout-Puissant au point que, plus il trouve en face de lui un être semblable, plus il se donne à lui et l’établit haut dans la hiérarchie des êtres.
 
Lucifer scrutait, en pensée, la nature humaine. Il y discernait l’homme et la femme. L’homme avec sa psychologie masculine, portée à comprendre le monde, à le transformer, et la femme avec sa psychologie davantage portée à comprendre les choses avec son cœur qu’à les analyser, plus portée à aimer. Plus que l’homme, la femme l’obsédait à cause de cela.
 
Le projet de Dieu lui apparut alors en pleine lumière, avec ses conséquences terribles pour son orgueil. Lui, Lucifer, et tous les esprits célestes avec lui, les Chérubins, les Séraphins et les Trônes, les Dominations, les Vertus, les Puissances, les Principautés, les Archanges et les Anges, étaient appelés par Dieu à s’abaisser à servir ces êtres de boue et d’os, à les protéger et les conduire durant la durée d’un séjour terrestre, pour qu’ils deviennent, en fin de compte, plus grands qu’eux. Alors, Lucifer fut saisi d’envie. Plus que pour l’homme, il fut pris d’une hostilité pour la femme et il proclama à la face du ciel: “Je ne servirai pas.” Il devint, en un instant, d’une manière parfaitement lucide, le héraut de la défense des “droits” de Dieu et de la défense de la place hiérarchique des anges. Il proclama sa révolte, un peu (toutes proportions gardées) à la manière de saint Pierre avant la passion de Jésus: “Tu es le maître et le Seigneur, tu ne me laveras pas les pieds.” Pierre aussi eut ce sens de la place de Jésus mais, à la différence de Lucifer, il sut se taire quand Jésus lui répondit: “Si je ne te lave pas les pieds, tu n’as pas de place avec moi.”
 
Lucifer étant le plus spirituel des anges, il eut, par ses arguments, une influence terrible sur le reste du Ciel. La Bible dit que le dragon rouge-feu (couleur symbolisant la colère) balaya le tiers des étoiles du ciel. Ce nombre n’est pas à prendre au sens propre mais il manifeste tout de même que les démons sont nombreux (le tiers des anges). Son influence vint sans doute de la nobles­se de ses arguments. Il prétendit n’agir ainsi que pour le bien de Dieu. Son argument aurait eu encore plus de poids si, comme le pensent certains théologiens, les anges avaient connu dès le début le projet de l’incarnation du Fils de Dieu en Jésus Christ. Un tel projet ne peut être que scandaleux aux yeux des esprits purs.
 
Lucifer était-il vraiment le défenseur des droits de Dieu? Son amour pour lui est-il la vraie raison de sa révolte? Beaucoup d’anges ne s’y laissèrent pas prendre (les deux tiers si l’on prend les textes à la lettre). L’Apocalypse parle ainsi: “Alors une bataille s’engagea dans le ciel: Michel et ses anges combattirent le dragon. Et le dragon riposta, appuyé par ses anges, mais ils eurent le dessous et furent chassés du Ciel.” Ce combat ne se fit pas avec des épées d’acier mais avec le glaive de la vérité. Un simple archange, c’est-à-dire un esprit des hiérarchies les plus inférieures fut le premier à dénoncer le mensonge de Satan: “Ce n’est pas pour Dieu que tu luttes mais pour toi. Si tu aimais vraiment Dieu tu obéirais à sa volonté. Ce qui t’importe, c’est de rester le premier. C’est l’orgueil qui t’a aveuglé. Mais qui est comme Dieu!” Michel, par cette parole de vérité entraîna à sa suite ceux que Lucifer ne put séduire.
 
La Bible ne cesse de confirmer cet orgueil primitif de Lucifer, qu’il sut si bien camoufler en grandeur de sentiment. Isaïe, parlant de lui, déclare: “Comment es-tu tombé du ciel, étoile du matin, fils de l’aurore? Comment as-tu été jeté sur la terre, vainqueur des nations? Toi qui avais dit en ton cœur: j’escaladerai les Cieux, au-dessus des étoiles de Dieu j’élèverai mon trône. Je m’égalerai au très haut.” Quant à Jésus, il n’hésite pas à affirmer que Satan fut menteur dès l’origine. Il fut le prince du mensonge. En effet, il n’y a pas de plus grand mensonge que d’appeler bien ce qui est mal.
 
Que sont devenus les anges depuis l’éclat de leur création et la chute de certains d’entre eux? Ils furent divisés en deux groupes selon le choix qu’ils firent de servir ou de lutter contre le projet de Dieu. Les anges bons furent immédiatement introduits dans la vision de Dieu et, depuis ce jour comme aujourd’hui, ils ne la quittent jamais. Les anges mauvais se séparèrent de Dieu et Jésus affirma que leur rupture ne cesserait jamais. Lucifer et ses anges sont damnés pour l’éternité. Certains chrétiens pensent que l’éternité de l’enfer est contradictoire avec la bonté de Dieu. Ils pensent que Dieu pardonnera un jour son péché à Lucifer et le prendra auprès de lui. Ils parlent ainsi car ils comprennent mal le mystère de l’enfer, à savoir d’une manière terrestre et trop humaine. L’homme tant qu’il est sur la terre peut tou­jours revenir sur ses fautes. Dieu le reçoit alors et lui pardonne. L’ange, quant à lui, est trop intelligent pour être soumis à ces revirements de volonté. Quand un ange choisit, il sait ce qu’il choisit. En un instant, il pèse le pour et le contre et son intelligence, comme une lame tranchante, ne laisse rien dans le vague. Lucifer et ses anges savaient ce qu’était l’enfer, ce vide de Dieu. L’enfer ne leur a pas paru un mal si terrible face à la perte de cet autre bien qu’ils mirent à la place suprême dans leur cœur: la première place. Dieu aurait beau pardonner infiniment à Lucifer, celui ci répondrait indéfiniment “j’ai raison.”
 
Voici le combat qui est caché sous la dénomination « mystère de l’iniquité ». Ses conséquences sur notre humanité sont aisées à déduire.
 
Que font les démons maintenant? La Bible affirme “qu’ils furent précipités sur la terre”. Cette phrase mystérieuse signifie que leur unique obsession, l’objet de toute leur activité, c’est l’homme. Les démons, logiques avec leur choix originel ne désirent plus que détruire l’homme, surtout au plan spirituel. Leur ennemi premier est tout ce qui rappelle, de près ou de loin l’humilité ou l’amour généreux. S’ils pouvaient arriver à faire que l’homme, ce soit disant chef d’œuvre, se joigne lucidement à leur révolte, leur victoire leur semblerait complète. Ils espèrent, de cette manière, démontrer à Dieu son erreur grossière, la stupidité de ses plans. Ils souhaiteraient obtenir, en révoltant l’humanité entière contre son créateur, le rétablissement de l’ancien ordre qui leur plaisait, l’ordre de la noblesse fondée sur des droits de nature. Ils croient pouvoir arriver à faire fléchir Dieu, à le faire revenir sur son histoire d’humilité et d’amour.
 
Dieu laissa à Lucifer et à ses démons une certaine latitude pour agir de manière parfois très concrète auprès des hommes. Dans sa limpidité, Dieu savait que les propositions fallacieuses, les tentations, permettraient à ceux qui l’aiment de le choisir plus librement. Les démons et leurs roueries devinrent donc, sans même le soupçonner, les serviteurs du plan de Dieu pour la vie éternelle des hommes.
 
Dès le commencement, dès la création d’Adam et Ève, ils agirent dans ce but. A cette époque, Satan apparut de manière visible et proposa de manière claire le mystère de l’iniquité : « Choisissez vous-mêmes ce qui est le bien et le mal. Vos yeux s’ouvriront et vous deviendrez comme des dieux. C’est de cela que Dieu a peur ! »
 
Depuis le péché originel et jusqu’à nos jours, les démons se sont fait en apparence plus discrets. Ils passent leur temps à tenter les hommes, se cachant dans leur psychologie, se fondant avec leur cerveau. Ils le tentent dans le sens de ses pulsions charnelles, car ils comprennent que la voie qui conduit au rejet de l’humilité et de l’amour commence par des péchés moins graves mais plus immédiats pour les humains. Comme ils passent leur temps à s’occuper de péchés charnels (argent, plaisirs, honneur, pouvoir), les démons qui sont des créatures spirituelles, sont dits par la Bible rampants sur la terre… [↩]

85. plaisirs égoïstes, vanité humaine, recherche de la possession. [↩]

86. Saint Augustin, les deux cités. [↩]

87. Apocalypse 12, 9. [↩]

88. Il ne règne bien sûr en enfer qu’une plénitude apparente car la liberté ne sert à rien si l’homme en jouit sans être heureux. [↩]

89. Genèse 3, 5. [↩]

90. Apocalypse 12, 10. [↩]

91. La foi solennelle de l’Église est ici en jeu. Voir les définitions du pape Benoît XII citées en fin d’ouvrage, troisième partie. [↩]

92. Il s’agit même d’un dogme solennel. Nous en rappelons le contenu au chapitre 8: la foi de l’Église concernant le salut. Cette foi est de plus en plus confirmée par des sources privées et des saints canonisés. En est témoin cette note envoyée par un lecteur attentif (Ludovic Chuzeville, mars 2003): Extrait des Quinze Oraisons de sainte Brigitte: « Le Christ ajouta ensuite: “La personne qui les dira quinze Pater Noster et quinze Ave Maria avec les oraisons consacrée aux multiples douleurs de ma passion pendant un an entier aura les premiers degrés de perfection. Avant sa mort, je viendrai avec ma très chère et bienheureuse mère et recevrai bénignement son âme et la mènerai aux joies éternelles”. » [↩]

93. Nous verrons dans le chapitre consacré au purgatoire des âmes en peine que cette définition est précise et importante. Si une âme reste, même pendant plusieurs siècles, à errer sur terre sans passer dans l’autre monde, c’est qu’elle est encore dans l’heure de sa mort. [↩]

Arnaud Dumouch, L’heure de la mort, Éditions Docteur angélique, Avignon, 2006.

 

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