QUESTION 19 : La condition des âmes en état de péché originel
Article 2 : Dieu donne-t-il aux innocents la capacité de
poser un acte libre ?
Article 3 : Dieu propose-t-il aux innocents sa grâce et
sa gloire ?
Article 4 : Certains enfants choisissent-ils l’enfer ou
sont-ils tous sauvés ?
Article 5 : L’avortement volontaire est-il source de
graves inconvénients pour l’enfant ?
QUESTION 20 : Le salut des païens, des suicidés (vérifié
mai 2005)
Article 1 : Ceux qui meurent païens ou infidèles sont-ils
sauvés ?
Article 2 : Ceux qui se sont suicidés seront-ils sauvés ?
QUESTION 21 : Les suffrages pour les défunts
Article 1 : Les suffrages d’un fidèle peuvent-ils être
utiles à un autre ?
Article 2 : Les morts peuvent-ils être aidés par les
oeuvres des vivants ?
Article 3 : Les suffrages des pécheurs sont-ils utiles
aux défunts ?
Article 4 : Les suffrages des vivants pour les défunts
sont-ils utiles à leurs auteurs ?
Article 5 : Les suffrages sont-ils utiles aux damnés ?
Article 6 : Faut-il prier pour les défunts spécialement à
l’heure de leur mort ?
Article 7 : Les suffrages sont-ils utiles aux âmes des
purgatoire de lumière ?
Article 8 : Les suffrages sont-ils utiles aux enfants
morts sans baptême ?
Article 9 : Les suffrages sont-ils utiles de quelque manière
aux bienheureux ?
Article 11 : Les indulgences accordées par l’Église
sont-elles utiles aux défunts ?
Article 12 : Les cérémonies des obsèques sont-elles
utiles aux défunts ?
Il nous faut regarder la
condition particulière des âmes de ceux qui meurent en état de péché originel,
c’est-à-dire essentiellement des enfants et de ceux qui sont fous dès leur
naissance, comme cela a été montré dans la seconde partie[1].
À ce sujet, nous nous poserons quatre questions :
1°
Les personnes mortes en état de péché originel mériteraient-elles en stricte
justice d’aller dans les limbes éternels ?
2°
Dieu donne-t-il aux innocents la capacité de poser un acte libre ?
3°
Dieu propose-t-il aux innocents sa grâce et sa gloire ?
4° Certains enfants choisissent-ils l’enfer
ou sont-ils tous sauvés ?
5°
L’avortement volontaire est-il source de graves inconvénients pour l’enfant ?
Objection 1 :
Dieu a confié aux parents la
responsabilité de leurs enfants. Il leur appartient de demander et d’obtenir
pour eux le pardon du péché originel et la grâce. S’ils ne le font pas et que
l’enfant meurt avant de la demander lui-même, il est séparé de Dieu pour
toujours.
Objection 2 :
Ce n’est pas à cause d’une
faute personnelle que les enfants morts sans baptême méritent la damnation
éternelle mais à cause de l’engagement pris pour eux par leurs premiers
parents, Adam et Eve. Cet engagement frappe en premier lieu leur nature humaine
et demeure à cause de leur état personnel puisque, étant trop jeunes, ils ont
été incapables d’expier ce péché en se tournant personnellement vers Dieu. Donc
s’ils meurent sans la grâce du baptême, il est juste que Dieu respecte le choix
d’Adam et Eve et reste séparé d’eux pour toujours.
Objection 3 :
D’après saint Thomas d’Aquin,
la séparation éternelle d’avec Dieu n’est pas pour les âmes des limbes source
de souffrance puisqu’elles ne peuvent désirer une telle béatitude dont elles
ignorent l’existence, n’ayant pas reçu sur terre la révélation de la foi. Elles
obtiennent une forme de contemplation du bien parfait, Dieu. Cette
contemplation n’est pas la vision béatifique ; elle se fait comme dans un
miroir des effets de sa providence sur elles.
Objection 4 : Le Magistère de l’Eglise a
plusieurs fois défini la doctrine des limbes. Or ce qui est défini ainsi est
marqué du charisme de l’infaillibilité doctrinale.
* « La peine du péché originel
est la privation de la vision de Dieu, mais la peine du péché actuel est le
supplice de la géhenne éternelle. » Innocent III, lettre « Maiores Ecclesiæ
causas », Dz 780.
* « Pour les âmes de ceux qui
meurent en état de péché mortel ou avec le seul péché originel, elles
descendent immédiatement en Enfer, où elles reçoivent cependant des peines
inégales. » Concile Œcuménique de Lyon II, Profession de foi, Dz 858.
* « Les âmes de ceux qui
meurent en état de péché mortel ou avec le seul péché originel descendent
immédiatement en Enfer où elles reçoivent cependant des peines différentes en
des lieux différents. » Jean XXII, lettre « Nequaquam sine dolore », Dz 926.
* « Quant aux âmes de ceux qui
disparaissent en état effectif de péché mortel ou seulement originel, elles
descendent aussitôt en Enfer, pour y être punies de peines cependant inégales.
» Concile Œcuménique de Florence, bulle « Lætentur cæli », Dz 1306.
* « La doctrine qui rejette
comme étant une fable pélagienne ce lieu des Enfers - que les théologiens
appelent communément les Limbes des enfants - dans lequel les âmes des enfants
qui sont mort avec la seule faute originelle sont punies de la peine du dam,
sans la peine du feu, comme si ceux qui écartent la peine du feu introduisaient
par là ce lieu et cet état intermédiaire, sans faute et sans peine, dont
fabulaient les pélagiens, est fausse, téméraire, injurieuse pour les écoles
catholiques » Pie VI, constitution « Auctorem fidei », Dz 2626.
Cependant :
Il y a certes l’autorité de
saint Augustin et, à sa suite, de saint Thomas d’Aquin. Mais face à eux, il
existe aujourd’hui un dogme de la foi qui montre que Dieu propose son salut à
tout homme :
"Si quelqu’un dit que la
grâce de la justification n’est accordée qu’aux prédestinés à la vie et que
tous les autres appelés, tout en étant appelés, ne reçoivent pas cette grâce,
parce que prédestinés au mal par la puissance divine, qu’il soit anathème"[2].
« Puisque le
Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement
unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous,
d'une façon que Dieu connaît, la possibilité d'être associé au mystère
pascal. »[3]
Or si des enfants étaient
damnés pour l’éternité sans faute de leur part, c’est que le salut ne leur
aurait pas été proposé, ce qui s’oppose à ce dogme. Donc ces saints Docteurs ne
peuvent être suivis sur ce thème.
Conclusion :
La notion de "limbes
éternels" est une doctrine de saint Augustin[4].
Il l’a mise en place comme une conséquence de deux données de foi et à travers
un raisonnement théologique qu’on peut établir en trois points :
1°
Saint Augustin savait que l’entrée dans la gloire n’est possible qu’à celui qui
possède l’amour de charité, donc à celui qui a reçu d’une manière ou d’une
autre le baptême du pardon du péché originel, de la foi et de la grâce. Car le
péché originel ne permet pas aux enfants d’avoir la charité. Pour le
comprendre, il faut se souvenir de ce que nous avons dit sur la nature du péché
originel. Nos premiers parents, Adam et Ève, ayant reçu leur rang de principe
de l’humanité, furent rendus responsables par Dieu de la nature humaine entière
qu’ils devaient communiquer à leur descendance. Par un seul péché d’orgueil,
ils se révoltèrent contre Dieu, engageant à leur suite l’humanité entière dont
ils étaient responsables. C’est pourquoi chaque enfant qui naît est, à cause de
sa nature humaine qui le fait fils d’Adam, séparé de l’amitié avec Dieu. Seul
le baptême qui applique à l’enfant la grâce du rachat opéré par le Christ peut
rétablir dans cette communion. Ainsi, si le baptême n’a été en aucune manière
conféré, l’enfant reste séparé de Dieu et mérite en stricte justice, selon la
volonté perverse d’Adam et Ève, d’en être séparé éternellement.
2°
Cet amour de charité, source de mérite, doit être reçu avant la mort. Benoît
XII en fit un dogme solennel en 1336[5].
Mais cette vérité était connue bien avant. Pour les enfants, cette charité ne
vient pas par une réponse active mais, à travers le désir de leurs parents, par
la venue du Saint Esprit qui les lave du péché originel et vient habiter en
eux.
3°
Ainsi, selon saint Augustin, si un enfant n’a en aucune manière reçu le
baptême, au moins du désir de ses parents, il meurt en état de péché originel
donc de séparation d’avec Dieu. En stricte justice, il est logiquement séparé
de Dieu à jamais, dans un enfer. Ce n’est pas à cause d’une faute personnelle
qu’ils méritent la damnation éternelle mais à cause de l’engagement pris pour
eux par leurs premiers parents. Cet engagement frappe en premier lieu leur
nature humaine et demeure à cause de leur état personnel puisque, étant trop jeunes,
ils ont été incapables d’expier ce péché en se tournant personnellement vers
Dieu. Ainsi, la séparation éternelle d’avec Dieu n’est pas pour eux source de
souffrance puisqu’ils ne peuvent désirer une telle béatitude dont ils ignorent
l’existence, n’ayant pas reçu sur terre la révélation de la foi. Ils vivent
donc dans un bonheur naturel qu’ils obtiennent par la contemplation
philosophique du Bien parfait, Dieu. Cette contemplation n’est pas face à face
puisqu’ils ignorent la possibilité d’un tel don ; elle se fait comme dans un
miroir des effets de sa Providence sur elles.
Mais le raisonnement de saint
Augustin est intenable et ce pour au moins trois raisons décisives : 1° Si Dieu
appliquait une stricte justice, il est vrai que, selon le choix d’Adam et Ève,
tous les hommes morts en état de péché originel seraient damnés. Mais alors,
selon l’ordre de cette stricte justice, tout homme sans exception serait damné.
Il n’y aurait pas eu d’incarnation ni de rédemption. 2° L’opinion de saint
Augustin néglige une vérité essentielle de la foi, définie solennellement par
l’Église (voir l’argument Cependant) et que saint Paul enseigne explicitement[6]
: "Voilà ce qui est bon et ce qui plaît à Dieu notre Sauveur, lui qui
veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la
vérité. Car Dieu est unique, unique aussi le médiateur entre Dieu et les
hommes, le Christ Jésus, homme lui-même s’est livré en rançon pour tous. Tel
est le témoignage rendu aux temps marqués". 3° Il ne considère pas la
nature humaine des enfants qui, était créée pour voir Dieu, ne saurait le
contempler de loin sans souffrir du feu de leur désir de le voir face à face.
Des limbes éternelles sans souffrance sont donc impossibles.
L’Église,
confrontée aux thèses de Calvin qui disait que certains étaient prédestinés à
l’enfer, s’est prononcée solennellement pour réaffirmer la vérité inverse. Le
canon 17 du décret sur la justification, condamne la thèse des prédestinés au
mal.
Puisque le salut est proposé à tout homme avant sa mort, c’est donc que les
enfants et les innocents aussi en reçoivent la révélation, d’une manière
inconnue de l’homme. Ainsi, il leur est possible à un moment où à un autre, par
un moyen que Dieu connaît, de choisir Dieu. Il est donc impossible qu’existent
des limbes éternels pour les innocents.
Solution 1 :
Il aurait été possible à saint
Augustin de déduire le moyen utilisé par Dieu pour communiquer le baptême aux
enfants morts en état de péché originel. L’Église a en effet toujours considéré
que le baptême pouvait être obtenu par l’adoption d’une autre personne, en cas
de défaillance des vrais parents. C’est ainsi que l’Église du Ciel obtient
l’adoption de tous les enfants qui meurent en état de péché originel.
Solution 2 :
Les limbes furent une demeure
provisoire de toutes les âmes avant que Dieur, par le Christ, échange un
nouveau "oui", avec l’humanité représentée par le « oui »
de la Vierge Immaculée présente à la croix. Ve « oui » est venu
effacer le « non » de nos premiers parents. Actuellement, la rédemption
ayant été opérée, les limbes ne subsistent pas, sauf pour l’âme qui s’y enferme
volontairement, comme nous l’avons dit[7].
Mais cette demeure est toujours provisoire car l’absence de Dieu et des autres
finit toujours par peser sur la nature de l’âme humaine et par réveiller son
désir. Quant aux enfants et aux innocents, ils reçoivent tout simplement à
l’heure de leur mort la visite du Christ accompagné des anges et des saints,
et, par ce moyen, la proposition du salut.
Solution 3 :
Les enfants ont reçu avec leur
âme humaine tout ce qui lui est naturel. Or l’intelligence est faite par nature
pour voir Dieu et la volonté pour s’y reposer comme nous l’avons montré[8].
L’absence de la vision béatifique et la connaissance philosophique de
l’existence de Dieu ne peuvent coexister dans l’autre monde sans un désir
intense qui n’est pas une souffrance négligeable et qu’aucune occupation ne
peut venir atténuer. Dieu est amour et il a créé l’homme pour la vision
béatifique. Il ne peut donc refuser la proposition d’une telle béatitude aux
petits enfants dont la seule faute vient du péché d’un autre, de leur premier
père.
Solution 4 :
La foi ne change jamais. La
vérité se trouve dans le regard sur tous les repères dogmatiques. Pour
comprendre ce qui se passe pour les enfants, il faut donc garder tous les
repères dogmatiques. Lorsqu'ils entrent dans le passage de la mort, il faut
qu'ils reçoivent le baptême de la grâce. Cela se passe de manière universelle,
par la simple demande et l'adoption de parrains (ou de parents du Ciel qui
viennent les visiter s'ils sont complètement abandonnés par leurs parents de la
terre). Avant cette visite du Ciel, juste après l'arrêt du coeur de l'enfant,
et avant l’entrée dans l’autre monde, il y a un temps, un intervalle qu'on
appelle les Limbes, où l’enfant est en état de péché originel, privé de la
grâce.
Objection 1 :
Cela ne paraît pas possible.
Les enfants développent leurs facultés dans l’ordre suivant : d’abord leur vie
végétative, puis leur vie sensitive, jusqu’à l’apparition progressive des
premiers actes proprement spirituels d’intelligence et de volonté vers l’âge de
deux ans. Les enfants morts en état de péché originel n’avaient parfois qu’un
début de vie végétative, comme on le voit pour les embryons en début de
grossesse. Ils ne sont pas capables d’acte libre.
Objection 2 :
Par nature, l’homme développe
par étape son esprit en se servant des sens. Or les enfants morts prématurément
ou les handicapés profonds après leur mort n’ont plus de sens. Il leur est
impossible de développer leur vie spirituelle et de poser un choix.
Objection 3 :
Pour rendre les enfants
capables de choix après leur mort, il peut exister deux moyens : le premier
pourrait consister à développer progressivement leur intelligence dans un temps
de limbes. Maintenus provisoirement dans un lieu particulier et élevés par leur
ange ou par les saints, ils pourraient être rendus progressivement capables de
choix. Mais cela ne paraît pas possible à cause de l’absence de leur corps et
donc du moyen normal de leur apprentissage, leurs sens. La seconde pourrait
être réalisée par un don direct de Dieu et infusé dans leur intelligence. Cette
hypothèse ne convient pas davantage à cause de la nature intellectuelle de
l’enfant qui est la plus faible qu’on puisse imaginer. Il leur est impossible
de comprendre quoi que ce soit sans la longue préparation venant des sens.
Objection 4 :
La meilleure solution pour
développer un esprit enfant semble être de lui permettre de se réincarner dans
un autre corps. Il peut alors, à travers une vie terrestre normale, se
développer et accéder à la capacité du choix.
Cependant :
Nul ne peut rentrer dans la
grâce et dans la gloire ou même être conduit en enfer sans un choix pleinement
libre de son intelligence. Puisque les enfants "voient le salut de
Dieu" [9],
c’est qu’ils sont rendus capables de le choisir ou de le refuser.
Conclusion :
Durant des siècles, suite à l’opinion de saint Augustin et
de saint Thomas d'Aquin précédemment citée, les catholiques crurent que les
enfants morts sans baptême n’allaient jamais au paradis. Cette doctrine n'a
jamais été confirmée par le dogme de l'Église. Elle n’a jamais enseigné dans
son Magistère l’éternité des limbes, se contentant de parler sans plus de
précision sur sa durée d’un "limbe vécue dans des souffrances
diverses" des enfants.
Comment se passe concrètement
le salut des enfants ? Pour être introduit dans le salut ou au contraire le
rejeter, trois conditions sont nécessaires.
1°
La première est de posséder la capacité naturelle de se porter vers lui
lorsqu’il est proposé.
2°
La seconde consiste en la proposition même de cette grâce par la prédication de
l’Évangile et le don du Saint Esprit. Nous étudierons cette deuxième condition
dans l’article suivant.
3°
La troisième est la réponse de l’âme qui accueille cette grâce et se porte vers
Dieu et vers son prochain dans un acte de charité.
Nous traitons ici de la première condition. Quant à la
condition de leur personne, les âmes des enfants, qu’ils soient baptisés ou
non, reçoivent de la part de Dieu des connaissances qui remplacent ce que
l’éducation et l’enseignement auraient du accomplir durant la vie terrestre. La
raison en est qu’il leur appartient de recevoir la gloire comme des êtres
libres, c’est-à-dire de la choisir.
Il s’agit de savoir comment se réalise ce développement de
leur esprit.
Il semble tout d’abord que l’esprit des enfants est créé
par Dieu très tôt après que l’acte sexuel des parents ait abouti à une
fécondation. La conception est achevée par un acte créateur de Dieu. S’il est
impossible d’être sûr du moment de cette création au plan de l’expérience
philosophique à cause de l’absence de l’exercice spirituel, la foi au contraire
nous permet de parler de manière certaine. En effet, si la Vierge Marie qui est
de notre espèce, fut immaculée dans sa conception, neuf mois avant sa
naissance, c’est qu’elle avait reçu son âme très tôt après le début de sa vie
cellulaire. De même pour Jésus au lendemain de l’annoniation et lors de sa
rencontre avec Jean-Baptiste. C’est donc que tous les enfants reçoivent de la
même manière leur âme spirituelle très tôt.
Or il est aisé de constater qu’au départ, l’esprit
sommeille et n’est capable d’aucun exercice libre. La raison en est de l’absence
de développement du psychisme. Ce n’est que provisoirement, en passant par des
étapes de progrès que l’enfant pourra poser son premier acte libre. Auparavant,
il aura appris à se servir de sa vie sensible, il touchera puis entendra, avant
de s’éveiller à quelques désirs. Il est naturel à l’esprit humain de s’éveiller
par ce genre de cheminement progressif. Ainsi, on doit dire que la Vierge Marie
vivait de la présence de Dieu alors qu’elle était dans le ventre de sa mère,
sans qu’il y ait de sa part un choix libre. Elle était plutôt baignée dans
cette présence bienfaisante, de manière passive. Ce n’est qu’après sa naissance
que, provisoirement, elle apprit à le choisir et à l’aimer librement. De la
même façon, quoique moins intense, les enfants baptisés apprennent à vivre de
la grâce. Ils le font d’abord passivement, puis à l’âge où la raison s’éveille,
ils s’y portent librement.
Il semble qu’il en est de même
pour tous les enfants morts trop jeunes ou les innocents, qu’ils soient
baptisés ou non. Avant de leur proposer la gloire de sa vision, Dieu leur
laisse le temps de développer leur psychisme puis les actes de leur vie
spirituelle, de telle manière qu’ils puissent entrer dans la gloire dès leur
premier acte libre.
Deux manières de procéder sont
possibles : 1° La première, et la plus probable, consiste à parler d’une
éducation progressive des innocents par les habitants du Ciel. Nous l’avons
montré, les morts conservent la partie psychique de leur être. Les enfants
apprennent donc à la développer, en voyant et écoutant les saints et les anges
qui les ont adoptés et les entourent sous forme sensible. 2° L’autre façon est
moins probable car plus adaptée aux anges qu’aux hommes. Certains dont saint
Thomas ont dit que leur éducation pouvait être réalisée en une seule fois, pat
une science infusée par Dieu.
Cependant, puisque leur vie
sensible existe, on doit dire que la beauté sensible de la gloire des saints du
Ciel a un pouvoir d’éveil sur les sens et l’esprit. Ensuite, rien n’empêche que
Dieu, de manière semblable à ce qu’il fit pour les anges à l’heure de leur
création, infuse dans leur intelligence les espèces intelligibles nécessaires
pour qu’ils aient une connaissance naturelle suffisante d’eux-mêmes, de
l’univers et de leur Créateur.
Quelque soit le moyen utilisé
par Dieu, cette première étape est nécessaire à tout innocent, baptisé sur
cette terre ou baptisé dans le passage de la mort, en vue d’un choix qui
précèdera leur entrée dans l’autre monde et leur jugement individuel. En effet,
nul homme, pas même un enfant, n’entre de force dans la Vision de Dieu. Il n’y
entre que librement.
Solution 1 :
Le psychisme se développe
normalement en s’appuyant sur le développement de l’organe du cerveau, et sur
les expériences sensibles. S’il survit à la mort du cerveau, comme nous sommes
obligés de l’affirmer à partir des expériences de mort approchée, cela ne
signifie pas qu’il est entré dans la plénitude de son développement. Mais, en
s’appuyant sur l’esprit qui le fait subsister, il est doté d’un nouveau mode
d’exercice plus léger et très efficace. Confronté à la présence glorifiée du
corps sensibles des saints et du corps que les anges se façonnent à destination
de l’enfant, ils sont rendus très vite capables d’un choix libre. Dès que les
progrès sont réalisés, baignés de la grâce, ils posent le choix de leur liberté
vers Dieu ou contre Dieu. Nous le montrerons dans l’article suivant.
Solution 2 :
Le développement de l’esprit
par l’intermédiaire des sens peut se faire après la dissolution du cerveau,
comme nous venons de le dire. Par contre, le corps psychique n’étant pas soumis
aux aléas de la fragilité du corps physique, à la souffrance et à la mort, les
âmes des enfants morts trop tôt échappent à un chemin très efficace dans le
développement de l’humilité (kénose) et de l’amour. Ils n’expérimentent pas
dans leur chair et jusqu’à la mort leur fragilité. Ils ne peuvent donner
physiquement leur vie pour leurs amis. C’est un inconvénient pour eux puisque
leur degré de charité en sera diminué. Donc la vie terrestre est très utile.
Solution 3 :
Nous avons dit que c’est par
ces deux moyens que l’Église du Ciel éduque et enseigne les enfants et les
innocents. Ils sont très efficaces au plan du développement de leur nature.
Mais ils ne peuvent remplacer entièrement l’étape du purgatoire de la terre
liée à la croix physique et au silence de Dieu
Solution 4 :
La réincarnation n’est pas
possible. L’être humain n’est pas une énergie indifférente au corps qui la
reçoit mais un être substantiellement réalisé autours de trois degrés de vie :
physique, psychique et spirituel. L’âme qui unifie ces facultés est faite pour
son propre corps, pas pour un autre. Elle est source de l’être d’une personne
unique et éternelle. La croyance en la réincarnation est le fait de civilisations
qui ne croient pas en l’existence des personnes mais de l’Univers comme énergie
universelle (panthéismes, hindouisme et bouddhisme). C’est pourquoi l’Église
croit au purgatoire des personnes et non en la réincarnation des énergies.
Objection 1 :
Cela semble s’opposer à la foi.
Dans Certains conciles œcuméniques, la doctrine sur la destinée des enfants
morts sans baptême a été reprise. On peut citer la profession de foi de Michel
Paléologue, au Concile de Lyon, en 1274. Il est confessé que[10] "Les
âmes de ceux qui meurent avec le seul péché originel, descendent aussitôt en
enfer, mais cependant pour y être punies par des peines diverses". Cette
même formulation est répétée au Concile de Florence[11].
Le pape Pie VI[12]
affirme que ces enfants sont privés de la vision de Dieu (peine du dam) sans
pourtant être soumis à la souffrance (peine du feu).
Objection 2 :
Les enfants n’ayant pas eu
l’usage de leur libre arbitre ni l’aptitude à la vie éternelle sont dans une
toute autre condition que ceux qui ont eu par le baptême l’aptitude à la vie
éternelle. Le Magistère ordinaire, durant des siècles, a confirmé cet
enseignement. En effet, l’insistance de l’Église sur le devoir des parents de
présenter le plus tôt possible leurs enfants au baptême, le fait que le
ministre extraordinaire du sacrement puisse être, en cas de nécessité un laïc,
et même un non baptisé, montre suffisamment la nécessité du baptême. C’est
pourquoi, c’est un dogme de foi, que dans le plan divin, tel qu’il nous est
révélé, le baptême est nécessaire au salut pour la rémission du péché originel.
Si le baptême d’eau ou de désir ne servait à rien, on ne comprendrait pas cette
insistance.
Objection 3 :
Le démérite d’Adam est pour les
non baptisés ce qu’est le mérite du Christ pour les baptisés, c’est-à-dire une
cause de souffrance d’avoir perdu la vie éternelle, au lieu d’être une cause de
joie de l’avoir obtenue. Être séparé d’un être aimé, c’est souffrir. Or, les
enfants ont une connaissance naturelle de Dieu qu’ils aiment par conséquent
d’un amour naturel. Comment pourraient-ils ne pas souffrir d’être séparés de
lui ? Ne pas avoir ce qu’on voudrait avoir ne va pas sans souffrance. Or, les
enfants voudraient voir Dieu, autrement leur volonté serait perverse, et ils ne
le peuvent pas.
Objection 4 :
Le péché originel ne peut être
pardonné chez les enfants qu’à raison du désir de leurs parents qui s’engagent
en leur nom dans l’amour de Dieu, effaçant la rupture originelle d’Adam et Ève.
Donc les enfants que leurs parents négligent et qui meurent sans même le
baptême de désir sont condamnés aux limbes éternels.
Objection 5 :
Tous les théologiens et les
Docteurs de l’Eglise depuis saint Augustin, en passant par saint Thomas d’Aquin
(et jusqu’à ce que sainte Thérèse de l’Enfant Jésus dise le contraire),
enseignaient la damnation éternelle pour les enfants morts sans baptême. Il
serait aberrant de croire qu’ils se sont tous trompé.
Objection 6 :
C’est l’Eglise de la terre, en
Adam et Eve, qui voulu la séparation de ces enfant d’avec Dieu. Il est donc
nécessaire que ce soit un membre de l’Eglise de la terre qui annule ce choix, à
savoir le père ou la mère de l’enfant qui meurt. Il est donc vain de croire que
des parents adoptif du ciel baptisent par leur prière les enfants abandonnés
dans le passage de la mort.
Objection 7 :
Le pape Benoît XVI, dans sa constitution « Benedictus Deus » précise que tout homme qui arrive après la mort en état de mort spirituelle est damné pour l’éternité. Or ces enfants sont morts. Il est donc opposé à la foi de croire possible leur baptême après la mort.
Cependant :
Ce que peut l’Église de la
terre, l’Église du Ciel le peut a fortiori. Or n’importe quel homme,
même non baptisé, peut obtenir la grâce de Dieu pour un enfant en le baptisant.
De même, n’importe quel saint du Ciel le peut dans sa communion avec Dieu. Donc
tous les enfants reçoivent la grâce puis, lorsqu’ils y sont prêts, la
proposition de la gloire[13]. C’est ce que confirme sainte Thérèse de
l’Enfant Jésus dans une poésie[14]
:
« Oui, je veux augmenter
la candide phalange des Innocents
Mes souffrances, mes
joies, je les offre en échange d'âmes d'Enfants.
Parmi ces Innocents, je
réclame une place, Roi des Elus.
Comme eux, je veux au
Ciel, baiser ta Douce Face, O mon Jésus ! »
Conclusion :
La grâce de la présence de Dieu se distingue de la grâce
sanctifiante et de la gloire par la propriété suivante : tout homme peut
recevoir la grâce de cette présence active et attirante. Elle peut exister,
sans qu’il soit exigé de lui un acte libre. Elle se comporte à la manière de
l’amour non volontaire que peut éprouver un homme pour une femme parce que cela
s’impose à lui. Au contraire, nul n’entre dans la vie de la charité ou dans
gloire sans un acte libre, de même qu’il est impossible de se marier validement
par surprise et sans un échange de consentement lucide et volontaire. Dieu en a
décidé ainsi, nul ne peut entrer au Ciel qu'en aimant.
Il en est de même pour les
petits enfants. La condition de leur nature est d’être séparée de Dieu à cause
du péché des premiers parents Adam et Ève. À leur baptême, ils sont lavés du
péché originel et reçoivent de manière réelle mais non volontaire, la grâce de
la présence de Dieu. Ils sont sanctifiés de manière passive, sans volonté ni
mérite de leur part, grâce au désir de leurs parents.
De même que le péché originel
qui marque la nature humaine peut être pardonné par le baptême d’eau ou par le
baptême désiré par les parents dès l’heure de la conception ou quand il
s’aperçoivent que leur enfant est mort, de même, il peut être remis par Dieu, à
la demande de ses amis les saints du ciel ou de la terre, au moment de la mort
de l’enfant sans l’intervention des parents. Dieu n’est pas esclave de la
matérialité de ses sacrements et peut réaliser, sans leur médiation, l’effet
qu’on leur attribue, à savoir la communication de la grâce. De même que Dieu
remet aux parents la responsabilité du salut de leur enfant, de même il peut la
leur reprendre si, lorsque leur enfant meurt, les parents manquent à leur
devoir de prière. Il confiera habituellement cette nouvelle responsabilité à la
communion de saints, c’est-à-dire à un père et une mère du Ciel.
Ces conditions étant résolues, rien n’empêche que Dieu
propose aux enfants ainsi disposés la béatitude de la Vision de son essence, dès
que l’obstacle lié à leur personne, c’est-à-dire leur incapacité à choisir,
disparaît.
Solutions :
1. La nature de cet enfer n’a jamais été définie avec plus de précisions par le Magistère ordinaire ou solennel de l’Église. De même, rien n’est dit sur sa durée de sorte que la liberté du théologien existe pour en discuter l’éternité. Mon avis était jadis que les enfants morts sans baptême ne demeuraient pas plus d’un instant séparés de la présence de Dieu (ce qui correspond à ces limbes dont parle l’Église). Je pensais que dès leur entrée dans le passage de la mort, après un temps bref, ils était accueillis et baptisés par les habitants du Ciel avant ‘entrer dans un temps d’éducation de leur liberté par des parents célestes. Mon avis a changé à cause de témoignages sûrs et concordants attestant de la présence malheureuse et errante d’enfants entre ce monde et l’autre, des années après leur mort, et dans l’attente du baptême. Et cette permission de Dieu, qui retarde leur entrée dans l’autre monde trouve sa cohérence si l’on considère ce qui suit : privés de la vie terrestre et des souffrances qui nous préparent « un cœur brisé et un esprit humilié », il était évident que Dieu trouverait une façon de ne pas priver ces enfants d’une telle grâce qui prépare leur éternité.
Cette permission de Dieu, qui laisse ces enfants errer un temps, semble liée à cette raison unique : Ces enfants souffrent et donc peuvent développer un grand désir pour le salut et une grande humilité.
On peut donc interpréter les imprécisions des textes du Magistère de la manière suivante. Les enfants non baptisés sont dans un premier temps de limbes, privés de toute présence de Dieu le temps qu’ils soient adoptés et baptisés. Leur psychisme s’y développe, probablement à l’aide de Présences venant du Ciel. Puis, une fois baptisés, tous les enfants, quel que soit le mode de leur baptême, sont conduits dans un « enfer (lieu inférieur au paradis céleste) » provisoire tout à fait comparable au "sein d’Abraham" dont parlaient les anciens Juifs[1]. Il y règne la grâce de la présence de Dieu, symbolisée par "l’eau" dont vivait le pauvre Lazare. Il s’agit bien d’un enfer puisque ces innocents ne voient pas Dieu face à face. Les enfants y souffrent bien d’un dam, puisqu’ils ne voient pas la gloire. Mais ils ne souffrent pas de la peine du "feu ou du sens" puisque le désir naturel de leur esprit est étanché par une présence réelle, quoique invisible de Dieu, et par une présence visible de ses saints. Dès que l’obstacle provisoire de leur nature, à savoir leur incapacité naturelle à choisir, disparaît, ils sont confrontés à la parousie du Christ et à la présence du démon en vue du choix de leur éternité.
2. Les enfants baptisés avant leur mort reçoivent dès cet instant le pardon du péché originel qui les tenait séparés de la présence attirante de Dieu. Les enfants morts sans baptême et abandonnés de leurs parents (comme les enfants volontairement avortés) reçoivent la même grâce un peu plus tard par la volonté des parents du Ciel, soit Jésus et Marie directement, soit n’importe quel parent adoptif du Ciel ou de la terre. Mais leurs parents biologiques sont privés, à cause de leur ignorance ou de leur insouciance, d’une grande grâce : celle de leur autorité parentale. Ils sont déchus de leurs droits et l’enfant est adopté par une autre personne qui sera auprès d’eux, pour l’éternité, dans une relation unique. Il ne suffit pas en effet pour être parent de donner physiquement la vie. Encore faut-il se montrer digne au plan de l’éducation. Il en est de même pour la paternité et maternité spirituelle.
3. Quoique les enfants ne soient pas unis à Dieu dans la gloire, ils ne sont pas totalement séparés de lui ou très peu de temps avant leur adoption. Et ce temps est pas pour eux source de souffrance à cause de l’état de leur esprit qui s’éveille peu à peu, et est fait pour recevoir de l’amour. A partir de leur baptême, les enfants sont unis à Dieu par tous les bienfaits qu’ils tiennent de lui (la compagnie des anges et des saints dont la gloire illumine leur sens et leur intelligence, toutes les sensations qui se présentent à leurs sens et les éveillent). Ils reçoivent aussi de Dieu des biens surnaturels comme la grâce de sa présence invisible, puis, dès qu’ils en sont capables, la charité active. Et ainsi, ils sont dans la joie et dans l’absence de la souffrance du feu. Ils vivent cependant du feu en tant qu’il est un désir puisque leur esprit ne se repose pas encore dans la fin ultime (la vision béatifique) pour laquelle il a été créé.
4. Dieu n’est pas tenu de manière mécanique par les lois qu’il a établies en vue du développement de l’amour. Il pallie donc aux manques chaque fois qu’il est possible, de même que les sociétés humaines remplacent par l’adoption les parents défaillants.
5. Les grands serviteurs de Jésus, théologiens et Docteurs ont réalisé sans le savoir une prophétie de l’Ecriture [2] : « On présentait à Jésus des petits enfants pour qu'il les touchât, mais les disciples les rabrouèrent. »
La suite de ce texte précise : « Ce que voyant, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les petits enfants venir à moi ; ne les empêchez pas, car c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume de Dieu. En vérité je vous le dis : quiconque n'accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n'y entrera pas." Puis il les embrassa et les bénit en leur imposant les mains. »
6. La communion des saints n’est pas liée à ces considérations. La charité du Christ et de ses saints emplit tout, de telle manière que si le ministère ordinaire dévolu aux parents charnels a défailli, d’autres personnes suppléent. C’est ce qui se passe dans l’adoption naturelle en cas d’abandon d’un enfant. C’est ce qui se passe aussi au plan surnaturel. Cependant, le Ciel semble préférer que ce soit nous, habitants de la terre, qui les baptisions. On peut en donner plusieurs raisons :
1° Rendre conscient le monde du crime qu'est l'avortement.
2° Intensifier notre sens de l’importance du baptême.
7. Ces enfants sont baptisés dans le passage qu’est la mort et qui peut se prolonger des années, comme il a été montré dans la question sur le shéol. Après la mort, c’est-à-dire après l’apparition du Christ et leur choix final, s’ils demeurent en état de mort spirituelle, c’est alors à travers un blasphème contre l’Esprit Saint.Dans ce cas, ils sont damnés pour l’éternité.
Objections :
1. Les enfants reçoivent à travers l’éducation du Ciel une perfection naturelle et une harmonie psychologique plus grande que les enfants éduqués sur terre. Il leur est donc davantage possible de s’enorgueillir de leur beauté et de se tourner vers la liberté de l’enfer. Donc certains innocents, étant orgueilleux, seront damnés.
2. Pour que le choix des enfants soit libre, il convient que le démon et ses propositions de liberté et d’amour de soi participe à l’éducation des enfants, comme il le fait sur terre en se cachant sous les voiles de la tentation. C’est ce que dit sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus[1] : « Puisqu'on dit que toutes les âmes sont tentées par le démon au moment de la mort, il faudra que j'y passe. Mais pourtant non, je suis trop petite. Avec les tout petits, il ne peut pas. » Il est évident que son action ne peut être totalement inefficace sans quoi il renoncerait.
3. Si l’on admet que Dieu pardonne le péché originel au moment de la mort et propose même aux enfants morts prématurément le salut éternel, on doit admettre que certains d’entre eux peuvent le refuser et donc se damner. Or il parait absurde qu’un petit enfant aille en enfer.
Cependant :
Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus écrit[2] : « Un petit enfant, ça ne se damne pas! »
Conclusion :
Comment les petits enfants accèdent-ils à la vision béatifique ? Exactement de la même manière que nous. Ils n'y entrent qu’à travers un choix libre. Puisqu’il manque aux enfants trois choses, à savoir la capacité de choisir (ils sont trop petits), la proposition de choisir Dieu (ils n’ont pas le baptême et la grâce), et le choix effectif (ils ne peuvent encore exercer volontairement la charité comme amour réciproque et actif), Dieu leur fait les deux premiers dons en vue du troisième qui est l’acte méritoire de la vision béatifique.
1° Lorsqu’ils meurent, ils entrent dans le passage de la mort, entre ce monde et l’autre. Ils y sont vivants et ils y disposent de leur psychisme. Ils y reçoivent des sensations et des présences affectueuses adaptées à leur sensibilité pour éveiller l’exercice naturel de leur vie spirituelle. Cela se fait probablement, comme il convient à la nature humaine et à son développement progressif, à travers une série d’étapes plus rapides que l’apprentissage d’ici-bas où les visions sensibles ne dévoilent pas mais plutôt cachent la quiddité des choses.
2° Dans ce passage de la mort (ces limbes), avant l’entrée dans l’autre monde, des parents adoptifs terrestres ou, à défaut, les saints demandent pour eux et obtiennent la grâce du baptême. Leurs parrains célestes, ou en cas d’enfants totalement abandonnés, leurs parents adoptifs du Ciel vont alors commencer leur éducation naturelle et surnaturelle. Ils leur révèlent progressivement, au fur et à mesure de la croissance psychique et spirituelle, la nature de leur être, l’Évangile, le mystère de la charité et la gloire qui leur sera proposée. Il s’agit d’une prédication de l’Évangile qui, dans un premier temps, éclaire leur intelligence sans que leur choix libre puisse parfaitement s’y porter. Ils se familiarisent avec cette révélation.
3° Enfin, à un moment que Dieu connaît, ils deviennent, à cause de cette éducation, capables de choisir le bien ou le mal de manière parfaitement libre. C’est alors que se produit pour eux la Parousie du Christ dans sa gloire. Lucifer est aussi présent de droit, puisqu’il se doit de présenter ses propositions d’orgueil, rendant ainsi le choix de l'enfant parfaitement lucide. La tentative du démon est sans effet. Il n'y a pas d'orgueil ni de recherche de pouvoir dans un innocent. Ils se portent tout simplement là où les conduit leur cœur à savoir vers le bien et la lumière.
Dès cet instant, ils sont introduits dans la vision de Dieu. Aucun délai n’est convenable puisque, dès son premier instant, à cause de leur état séparé du corps charnel, ils se portent tout entiers et sans erreur vers l’objet de leur choix, sans qu’une nouvelle croissance soit possible.
Cette description simple du salut des enfants ne manque pas de fondements expérimentaux. Nombres de mères peuvent témoigner, suite à une grave maladie survenue à un enfant, que celui-ci se disait visité par des anges.
Solutions :
1. Il est probable que tous les enfants seront introduits dans la gloire à cause du peu de propension qu’ils ont à s’enorgueillir des dons reçus de Dieu. C’est ce que veut signifier la fête des saints Innocents qui sont ces enfants tués par Hérode dans la ville de Bethléem. De même le pape Innocent IV écrit à propos des enfants morts après le bain du baptême[3] : « Ils ne sont retenus par aucun obstacle et passent immédiatement à la patrie éternelle. »
2. La présence du démon a peu d’effet sur les enfants pour quatre raisons :
1° La première leur vient de leur nature. Parmi les créatures spirituelles, ils restent les plus faibles en intelligence et en volonté naturelle. Ils constatent leur petitesse avec évidence en se comparant aux êtres spirituels qui les entourent. Ils ont peu de motif d’orgueil.
2° La seconde leur vient des temps de solitude et d’errance que Dieu semble leur imposer dans ces limbes, afin de développer en eux, par cette croix, le désir du salut.
3° La troisième vient de la présence autours d’eux des âmes glorifiées et des anges qui rayonnent. Ils correspondent avec harmonie à leur syndérèse, c’est-à-dire à l’orientation innée de leur volonté. Ils les suivent tout naturellement et donc surnaturellement.
3° La quatrième leur vient du démon lui-même dont le motif de révolte leur paraît, dans leur simplicité, peu attirant. Réclamer à Dieu une hiérarchie des êtres fondée sur l’intelligence et la puissance naturelle leur paraît moins bien que celle fondée sur l’humilité (kénose) et sur l’amour. De tout cela, on peut dire qu’il n’y a pas d’innocent qui choisisse l’enfer.
3. Comme on l’a vu, le seul péché qui conduit à la damnation éternelle sans que le pardon en soit possible est le blasphème contre l’Esprit Saint. Un tel péché vient d’un amour de soi et de sa propre excellence poussé jusqu’au mépris de Dieu. Il est peu probable qu’il puisse exister chez un petit enfant. En effet, leur imperfection naturelle les rend peu enclin à l’orgueil. Cependant, on doit admettre que, du point de vue théorique, la possibilité d’un choix conduisant en enfer existe sans quoi il n’y aurait pas de choix possible.
Objections :
1. « Un petit enfant, cela ne se damne pas »[4], dit sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. De plus, ils sont aussi parfaitement heureux que les adultes, de même « qu’un petit vase est peut être complètement plein aussi bien qu’un grand ».[5] Donc la mort précoce des enfants n’est pas, en ce qui concerne la vie éternelle, de grande conséquence.
2. Que les enfants morts prématurément restent déficients dans leur perfection naturelle puisqu’ils n’ont pu se développer normalement selon les conditions de leur intelligence, cela est compensé par la communication d’une éducation au moment de leur mort. Donc les enfants n’ont aucun inconvénient à leur mort précoce.
3. Nous avons vu que les enfants ne se damnent pas. Certains d’entre eux, s’ils avaient vécu auraient certainement choisi l’enfer. Il aurait mieux valu pour celui qui livre le fils de l’homme qu’il ne naisse pas. Il est donc mieux pour eux qu’ils n’aient pas vécu.
4. Jésus dit[6] : « Laissez les petits enfants venir à moi ; ne les empêchez pas, car c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume de Dieu. En vérité je vous le dis : quiconque n'accueille pas le Royaume de Dieu en petit enfant, n'y entrera pas. » C’est donc qu’il est avantageux de mourir et de rencontrer Jésus en étant encore enfant.
Cependant :
La fonction du théologien dans l’Église est comparable à celui des étoiles pour le marin. Elles indiquent la direction. Si les étoiles tombent du Ciel sur la terre, comme le dit l’Apocalypse de saint Jean, que reste-t-il de leur fonction ? Le code de droit Canonique de 1983 va jusqu’à faire de l’encouragement à l’avortement (sauf si la survie de la mère est en jeu au plan thérapeutique) un cas d’excommunication ipso facto. Le pape Jean-Paul II qualifiait cet acte d’abominable[7]. Il le comparait parfois par sa masse aux grands génocides du XXe siècle. C’est une parole forte. Il est évident qu’il ne s’agissait pas pour le Pape de comparer l’intention des nazis à celle des mères en détresse. L’analogie porte sur un autre point, à savoir le nombre des morts. Et c’est cet aspect oublié de manière quasi systématique par la théologie, qu’il faut rappeler ici. Il s’agit d’un domaine essentiel de la foi catholique, de la révélation d’en haut.
Conclusion :
Si l’Église catholique dans son Magistère[8] s’oppose avec tant de force à l’avortement, c’est qu’elle croit que cet être qu’on fait disparaître, bien que doté en apparence d’une seule vie biologique, a déjà certainement reçu son âme spirituelle. Cette âme, siège de l’intelligence et de l’amour, n’est autre que ce qui survit à la mort. Abraham, Adam et Ève existent actuellement, pensent et aiment parce qu’ils ont une âme spirituelle immortelle. Son existence ne peut être mise en doute au plan de la Révélation. Le Christ en a parlé explicitement plusieurs fois, en particulier en disant à l’homme crucifié à sa droite : « aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis. » (Sous-entendu : sans ton corps charnel).
Un doute subsiste cependant dans l’enseignement de l’Église : Quand cette âme créée par Dieu est-elle donnée à l’enfant ? Au XIIéme siècle, saint Thomas d’Aquin penchait pour le sixième mois après la conception. N’était-ce pas le moment où Jean Baptiste visité par Marie avait tressailli dans le ventre de sa mère ? S’il en était ainsi, l’avortement jusqu’au sixième mois ne serait pas « un crime abominable. » Il ne serait pas un crime au sens strict, un homicide, mais un simple péché contre la vie à venir et non encore venue. Saint Thomas n’avait pas à son époque tous les instruments de la foi dont nous disposons aujourd’hui.
Pourtant, il est étonnant de constater qu'il n'a pas vu ceci : Marie reçoit l'annonce de l'ange. Elle dit « qu'il me soit fait selon ta parole. » Le lendemain sans doute, elle se rend chez Elisabeth et, lorsqu'elle la rencontre, il se produit une osmose, d'âme à âme, entre son enfant (Jésus) et l'enfant d'Elisabeth (Jean) : « Mon fils a tressailli dans mon sein », témoigne Elisabeth. Tout ceci fait plus qu'indiquer, au plan théologique, une très rapide animation de l'enfant Jésus, donc de nous-mêmes car le Verbe suit en tout la nature humaine quand elle n'est pas liée au péché...
Autre signe concordant : En 1854, le pape Pie IX proclamait comme une certitude venant d’en haut l’Immaculée conception de la vierge Marie. Cette révélation semble être sans rapport avec l’avortement. Il n’en est rien. Le fait que Marie soit immaculée dans sa conception signifie qu’elle vivait, dès sa conception, de la présence de Dieu, de la même manière qu’Ève en vivait au jardin d’Eden. Si Dieu était là, c’est donc que Marie le recevait dans son âme. Le fait, d’autre part, que la conception de Marie soit fêtée le 8 décembre, soit neuf mois avant sa naissance, ne laisse aucun doute sur ce qu’il faut entendre par conception. Marie est de la race humaine, comme tout enfant à naître. Tout indique donc que, pour elle comme pour eux, âme est donnée par Dieu très tôt après l’acte de procréation des parents.
Dans cette perspective, on comprend que pour le Magistère, l’avortement quel qu’il soit, même celui de la pilule du lendemain, prend une dimension vertigineuse. Ce n’est pas qu’un morceau de chair qui disparaît mais un véritable être humain qui dormait encore, un petit enfant. Il n’y a aucune différence de nature entre les saints innocents de l’Évangile (tués par Hérode) et ces enfants-là. Et même si les mères qui pratiquent cet acte ne savent pas qu’elles ont un vrai enfant en elles et sont donc non coupable d’homicide, de fait, il s’agit d’un homicide objectif. Il n’y a pas de péché chez la mère si elle ignore ce qu’elle fait, mais il y va de la mise à mort d’un homme.
Sainte Thérèse de Lisieux disait avec raison : « un petit enfant, cela ne se damne pas »[9]. Elle montrait que l’hypothèse des limbes éternels émise par saint Augustin se méprend sur Dieu. Dieu n’a pas besoin qu’un enfant soit baptisé avec de l’eau pour lui donner le baptême de sa présence. Mais tout homme, quel qu’il soit (même un embryon), entre dans le Royaume de Dieu à la mesure précise de son désir de Dieu. Plus le cœur de l’homme aime Dieu et désire le voir, plus il le voit. Or, il existe une voie dont l’utilité est de creuser le désir du cœur de l’homme, c’est celle de la vie terrestre. Par l’absence de Dieu, par son silence, par les diverses épreuves qui l’émaillent, le cœur de l’homme s’approfondit. Si la vie terrestre est voulue par Dieu, c’est qu’elle est utile. Elle est ainsi faite qu’il est difficile d’en sortir sans une conscience profonde de sa petitesse. La mort se charge de la rappeler. De plus, l’apparition du Christ à l’heure de la mort, après un si long temps d’exil enflamme le désir de voir Dieu de manière incroyable.
Quant au petit enfant mort avant d’avoir vécu sur cette terre, lorsqu’il est accueilli par le monde des saints, il ne rejette certes pas Dieu. Mais il s’y porte avec un petit désir d’innocent, avec un cœur qui n’a pas été préparé aussi efficacement que dans les errances de cette terre. Son éternité s’en trouve directement modifiée. D’où la gravité, pour un croyant de l’acte d’avortement volontaire.
Solutions :
1. Il ne faut pas déduire de cela que l'avortement des enfants n’est pas une chose en définitive si grave. La vie terrestre est faite pour les enfants. Nul n'a le droit de la leur refuser car elle est un cheminement de maturité dans l'humilité (kénose) et l'amour. La vision béatifique n'est donnée qu'à la mesure de la taille du cœur, c’est-à-dire de son désir d’aimer. Morts sans avoir vécu, ils parviennent certes quasi infailliblement au Ciel. Mais leur désir de Dieu n’ayant pas été approfondi par les diverses souffrances et manques d’ici-bas, ils sont éternellement comme sous-développés du point de vue de l’amour et de la kénose. Ils sont donc réellement défavorisés pour l’éternité. Mais Dieu, heureusement, dispose pour eux de moyens ignorée de nous pour fauire grandir en eux ce désir unique, que seule la souffrance peut creuser. Des témoignages riches et concordants montrent que ces enfants sont souvent soumis à un vrai temps d’errance entre ce monde et l’autre. Le but ne peut qu’être unique : l’acquisition de cette « kénose » si fondamentale pour le salut.
2. Ce n’est pas au plan naturel que leur mort prématurée est une perte mais au plan surnaturel en ce sens qu’il seront privés à jamais de certaioins moyens en vue de l’humilité (kénose) et de l’amour que permettent "la grande épreuve"[10] de la vie terrestre. Ce manque dans la formation de leur cœur n’est pas source de regret pour eux, d’abord par ce que Dieu pourvoit par d’autres moyens comme la solitude d’un temps d’errance, ensuite parce que, une fois au paradis, ils sont comblés de béatitude : « Bienheureux es-tu père, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits. » Elle est source d’un grand regret pour leurs parents, en cas d’avortement volontaire, quand ils sont présentés à leur enfant à l’heure de la mort, même s’iule est évident que la réconciliation entre eux sera totale au paradis.
3. Le choix de l’enfer se fait par un acte libre. Il implique un orgueil vertigineux et peut être le fait de toute créature spirituelle créée libre, y compris, en soi, par les enfants. Quand on les considère, il vaut mieux raisonner en sens inverse. S’ils avaient vécu, ils seraient peut-être devenus de grands saints.
4. Ce que Jésus exalte dans l’esprit d’enfance, ce n’est pas l’absence de jugement et la puérilité mais c’est la confiance et l’écoute que manifestent les enfants. Or la vie terrestre et ses épreuves est efficace pour à la fois faire disparaître la puérilité et pour faire grandir un désir d’amour très profond et une humilité très grande. Par leur mort précoce, les enfants ne reçoivent pas cette chance. Reste à espérer que Dieu, par un moyen connu de lui, leur fait expérimenter une vraie kénose.
[1] Derniers entretiens, 18 août, éditions du Cerf, Paris.
[2] « J’entre dans la vie », cerf-Desclée de Brouwer, 1977, p. 66
[3] Lettre d’Innocent IV à l’évêque de Tusculum (06/03/1224)
[4] « J’entre dans la vie », cerf-Desclée de Brouwer, 1977, p. 66. Parole relevée par le 10 juillet 1897 (83 jours avant sa mort) sur le petit carnet jaune par mère Agnès de Jésus (Agnès Martin) sous le titre : « Paroles recueillies les deniers mois de notre Thérèse. »
[5] Manuscrits autobiographiques de sainte Thérèse de Lisieux, l’enfance.
[6] Marc 10, 13.
[7] 4 octobre 1997.
[8] Voir la lettre apostolique Ad Tuendam Fidem, 30 juin 1999, et le commentaire du Cardinal préfet de la Congrégation pour la foi qui montre que la condamnation de l’avortement relève bien du Magistère solennel.
[9] « J’entre dans la vie », cerf-Desclée de Brouwer, 1977, p. 66. Parole relevée par le 10 juillet 1897 (83 jours avant sa mort) sur le petit carnet jaune par mère Agnès de Jésus (Agnès Martin) sous le titre : « Paroles recueillies les deniers mois de notre Thérèse"
[10] Apocalypse 7, 13.
Objection 1 :
La maxime dogmatique des Pères
: "Hors l’Église, pas de salut" montre qu’il n’en est rien.
Objection 2 :
Comment pourraient-ils être
sauvés ? Saint Paul l’affirme[27]
: "Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Mais comment
l’invoquer sans d'abord croire en lui ? Et comment croire sans d'abord l'entendre
? Et comment entendre sans prédicateur ? Et comment prêcher sans être d'abord
envoyé ?" Donc les païens, parce qu’ils n’ont pas entendu la parole,
ne peuvent être sauvés.
Objection 3 :
Si Dieu retarde pour eux la
prédication de son salut jusqu’à la onzième heure de leur vie (le passage de la
mort), il prend des risques inconsidérés pour leur salut, puisqu’il les laisse
s’habirtuer à une vie de péché. Ce qui n’est pas convénable.
Cependant :
Après
le Concile Vatican II, la foi en ces domaines peut se résumer ainsi[28]
: "À toute époque et en toute nation Dieu a tenu pour agréable quiconque
le craint et pratique la justice (4122), (4892) ; Dans les hommes de bonne
volonté la grâce opère de manière invisible (4322) ; Le dessein de salut
englobe aussi ceux qui connaissent le Créateur, en particulier les musulmans
(4140) Dieu n’est pas loin non plus de ceux qui cherchent le Dieu inconnu dans
les ombres et sous des images (4140) ; Ceux qui, sans qu’il y ait de leur
faute, ne connaissent pas l’Évangile du Christ et son Église, mais cherchent
Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent d’accomplir sa volonté, peuvent obtenir
le salut éternel (4140) ; La Providence divine ne refuse pas non plus les aides
nécessaires au salut à ceux qui de leur part ne sont pas encore parvenus à une
reconnaissance expresse de Dieu et qui travaillent, non sans l’aide divine, à
mener une vie droite (4140)". C’est donc que les païens peuvent être
sauvés.
Conclusion :
Des centaines de millions d’hommes vivent loin de
l’Évangile sur des continents non encore visités par les missionnaires. La
faute n’en est pas seulement aux péchés des chrétiens car la foi est d’abord un
don que Dieu peut faire à qui il veut et quand il veut. Il existe aussi une
volonté mystérieuse de l’Esprit. Pourquoi l’évangélisation des peuples fut-elle
si difficile et incomplète ? Les Actes des apôtres montrent que l'Esprit Saint
ne voulut pas que l'Évangile soit annoncé tout de suite partout[29] : "Paul voulut aller en Asie mais l'Esprit
Saint l'en empêcha". Cela
peut paraître scandaleux mais c’est un fait qui explique aussi pourquoi Jésus a
tant tardé après le péché originel à s’incarner. L’Esprit n’a jamais voulu que
le monde d’ici-bas soit totalement chrétien, tant l’unité complète, en cette terre, est source
d’orgueil comme à Babel. De même, il ne voudra
jamais qu’il soit entièrement musulman[30]. Le Christ ne désire qu’une chose, que tous soient
sauvés, à l’heure dite et quand la moisson est mûre, par l'amour de son Fils.
Et puisqu'un christianisme fort au plan social contient des chrétiens fiers
politiquement et des clercs sûrs d'eux, à tous points de vue, il préférera un
christianisme faible, divisé, frappé d'hérésies mais plus conscient de sa
pauvreté. Le salut des païens ne peut que
l’inquiéter et augmenter en elle prière et zèle pour Dieu.
Quant aux païens, s’ils ne sont
pas encore dans la bergerie de Jésus, c’est qu’ils ils ont leur propre chemin
conduisant au salut qu’ils ignorent encore. Si ces païens ne savent pas encore
que Jésus est le Créateur fait homme, ils l'apprennent au moment de leur mort,
comme tout homme. Les chemins de la pire des superstitions servent Dieu pour
leur salut car lorsque des peuples écrasés par la domination des sorciers dont
la puissance vient du démon, découvrent à l'heure de la mort la liberté de
l’Évangile, ils se convertissent en masse.
Il
en sera de même à la fin du monde lorsque, face à une humanité donnée au projet
désséchant pour l’âme du dernier Antéchrist. C’est pour le salut des hommes
aussi, à cause de l’humilité qui, par la souffrance, fonde le désir d’un salut,
que Dieu laissera à l’Antéchrist un grand pouvoir jusqu’à la fin du
monde : Comme dit saint Paul, en comparaison de la douceur du Christ à
l’heure de sa Venue, le pouvoir de l’Antéchrist sera anéanti de la plupart des cœurs[31].
Solution 1 :
Le pape Pie IX donne la manière
dont doit être interprétée cette maxime dogmatique[32]
: "Il faut donc tenir, de foi, que personne ne peut être sauvé en dehors
de l’Eglise romaine apostolique, qu’elle est l’unique arche du salut celui qui
n’y est pas entré périra par le déluge ; mais cependant, il faut tenir
également pour certain que ceux qui souffrent de l’ignorance de la vraie
religion, ignorance invincible, n’en sont nullement rendus coupables aux yeux
du Seigneur. Qui serait assez présomptueux pour pouvoir marquer les limites de
cette ignorance, vu la nature et la variété des peuples, des régions, des
esprits et d’autres nombreux facteurs. Lorsque, dégagés des liens du corps,
nous verrons Dieu comme il est[33],
nous comprendrons le lien serré et magnifique qui unit la miséricorde et la
justice divines. Mais aussi longtemps que nous sommes sur cette terre, accablés
par cette masse mortelle qui engourdit l’âme, tenons très fermement, d’après la
doctrine catholique, qu’il y a "un seul Dieu, une seule foi, un seul
baptême" [34].
Il n’est pas permis à notre recherche d’aller plus avant".
Le Saint Office commente cette
position de l’Église[35]
: "Par ces sages paroles, il condamne à la fois ceux qui excluent du
salut éternel tous les hommes qui ne sont unis à l’Église que par un désir
implicite et ceux qui affirment faussement que les hommes peuvent également
bien être sauvés dans toute religion. Il ne faut pas penser non plus que
n’importe quelle sorte de désir d’entrer dans l’Église suffise pour être sauvé.
Car il est nécessaire que le désir qui ordonne quelqu’un à l’Église soit animé
par la charité parfaite. Le désir implicite ne peut avoir d’effet que si
l’homme a la foi surnaturelle. Celui qui vient à Dieu doit croire que Dieu
existe et qu’il récompense ceux qui le cherchent" [36].
Le concile de Trente déclare "La foi est le commencement du salut de
l’homme, le fondement et la racine de toute justification, sans laquelle il est
impossible de plaire à Dieu[37]
et de parvenir à partager le sort de ses enfants". Nous avons montré
de quelle manière se produit ce salut. À l’heure de leur mort, donc durant leur
vie terrestre, les païens reçoivent la révélation de l’Évangile. La droiture de
leur volonté les conduit à y adhérer sans retenue. Ils sont donc, comme le dit
l’Église, sauvés durant leur vie, par l’acte de leur charité, au sein de
l’Église.
Solution 2 :
Il n’y a pas de salut sans
charité, de charité sans foi et de foi sans prédicateur de l’Évangile. Dieu
confie cette prédication à son Église militante. Mais il le fait dans sa
sagesse pour lui permettre de participer au salut des hommes. Il serait
aberrant de croire que des hommes furent damnés parce que l’Église militante a
sans cesse failli à cette mission. Il prévient les apôtres[38]
: "Quand vous aurez fait tout cela, dites-vous que vous êtes des
serviteurs inutiles", inutiles c’est-à-dire remplaçables. C’est
pourquoi, à l’heure de la mort, il accomplit lui-même, avec l’Église glorieuse,
la prédication parfaite. Les saints du Ciel deviennent apôtres et prédicateurs,
comme le disait sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Saint Thomas d’Aquin,
confronté à cette certitude indique dans un texte bref la manière dont ce salut
pourrait être réalisé, sans aller plus loin[39]
: « A un homme qui, sans y mettre
d’obstacle, suivrait la raison naturelle pour chercher le bien et éviter le
mal, on doit tenir pour très certain que Dieu révélerait par une inspiration
intérieure les choses qu’il est nécessaire de croire ou lui enverrait quelque
prédicateur de la foi, comme Pierre à Corneille. » Il faut corriger et
élargir son opinion en disant que tout homme sans exception, digne ou indigne,
de bonne ou de mauvaise volonté, reçoit dans le passage de la mort la
proposition du salut.
Solution 2 :
Dieu a
organisé les lois de ce purgatoire qu’est la terre, ainsi que celles du passage
de la mort de telle manière que tout homme expérimente sa misère. Lorsqu’il
laisse certains vivre des péchés mortels liés à leur ignorance et à leurs
passions, c’est pour qu’ils s’y épuisent. A l’heure de sa Venue, il espère
alors opérer un retournement d’autant plus puissant que les hommes ont vecu
dans un absence totale de la vie de la grâce, selon cette réflexion[40] :
« A cause de cela, je te le dis, ses péchés, ses nombreux péchés, lui sont
remis parce qu'elle a montré beaucoup d'amour. Mais celui à qui on remet peu
montre peu d'amour." Saint Paul met cependant en garde les chrétiens
contre l’abus qu’ils pourraient être tentés de faire de cette pastorale du
Christ envers les païens[41] :
« Que dire alors? Qu'il nous faut rester dans le péché, pour que la grâce
se multiplie? Certes non! Si nous sommes morts au péché, comment continuer de
vivre en lui? »
Objection 1 :
La pratique de l’Église a été
jusqu’au concile Vatican II de refuser les funérailles ecclésiastiques aux
suicidés et parfois leur enterrement en terre bénie. Cette réprobation de
l’Église semble être le signe de la réprobation de Dieu.
Objection 2 :
On se suicide par désespoir.
Or, nous l’avons dit[42],
le désespoir est un péché contre l’Esprit Saint qui est impardonnable ni dans
ce monde ni dans l’autre. Donc les suicidés sont damnés.
Objection 3 :
Ceux qui se suicident à cause d’un désespoir commettent un
péché mortel au moins d’ignorance ou de faiblesse, directement contre l’amour.
On le constate facilement en regardant la souffrance et la culpabilité de ceux
qu’ils laissent sur terre. Or le Royaume de Dieu est donné à l’amour. Donc il
n’y a pas de salut pour eux.
Objection en sens contraire :
Il semble que le suicide conduit directement au paradis
puisqu’il peut être l’acte ultime d’un amour impossible.
Cependant :
À propos d’un suicidé, le curé d’Ars disait : "Entre
le pont et l’eau, elle s’est repentie". Donc il existe un salut pour
les suicidés.
Conclusion :
De nos jours, nul ne se permet
plus d’affirmer avec certitude la damnation des suicidés. Cependant outre ce
regard plus vrai sur leur personne, il convient de parler de l’acte du suicide.
On peut le considérer de deux manières. 1° Objectivement, c’est-à-dire en tant
qu’il constitue un acte moral ; 2° Subjectivement, c’est-à-dire en fonction de
l’intention de celui qui se suicide.
1°
Puisque Dieu existe, puisque la vie terrestre est une préparation à la vie
éternelle, on doit en toute vérité affirmer que le suicide est un acte qui
déplaît à Dieu. Commis par désespoir, il est en soi, un péché mortel. Le temps
des larmes, donc de la terre, est utile pour appauvrir le cœur. Il n’est que
passager et prépare le temps où Dieu essuiera toutes les larmes. Les mystères
douloureux sont suivis par les mystères glorieux. L'homme qui supprime sa vie,
même pour des motifs bien excusables comme l’ignorance involontaire du projet
de Dieu ou une trop grande souffrance, regrette son acte dans l'autre monde. Il
se rend compte objectivement que son cœur aurait pu être davantage purifié,
appauvri et rendu miséricordieux. Au purgatoire du Ciel, il y a certaines
choses qu’on ne peut plus acquérir. Seul le purgatoire de la terre permet, par
exemple, d’approfondir la soif d’aimer et d’être aimé. Arrivé dans l’autre
monde, face à l’apparition du Christ, l’homme tourne vers lui tout l’amour dont
il est capable, d’où l’impossibilité de grandir dans l’amour après la mort. Or
c'est la mesure de ce désir qui nous vaudra de voir Dieu, et ce désir est lié
intimement à ce que l’homme a touché de lui-même sur la terre.
2°
Au plan subjectif de la culpabilité, le suicide est un péché qui doit être
compris comme tous les autres. Il est la plupart du temps le fruit d’une
faiblesse et d’une ignorance conjointes. Dans cette lumière, il est possible de
dire ce qui suit : parce qu’ils ont beaucoup souffert et, par là, ont touché
plus que tout autre leur petitesse, les désespérés choisissent la plupart du
temps la grâce et les conditions de la vision béatifique. De plus, ayant été
creusés par une grande souffrance, ils s’y portent avec un grand désir. Ils
reconnaissent le Christ qui leur apparaît le bien qu’ils avaient toujours
cherché, même dans les créatures.
Mais le suicide peut être
parfois l’acte ultime et choisi d’une perversion volontaire poussée jusqu’au
bout. Ceux qui se suicident pour un orgueil ou un égoïsme poussés jusqu’au
bout, comme on le voit d’Hitler qui voulait voir disparaître avec lui son
peuple, il faut parler autrement. Si l’orgueil est maintenu obstinément face à
la parousie du Christ, il devient un blasphème contre l’Esprit et conduit
immédiatement en enfer. Est-ce le cas d’Hitler ? Il est impossible de le
savoir de manière absolue.
Ce qui est sûr et universel c’est que, quelle que soit la
cause du suicide, les personnes sont accueillies dans le passage de la mort –
soit tout de suite, soit après un temps de shéol-, comme tout homme, par le
Christ, les anges et les saints, avec la présence de Lucifer. Elles reçoivent
la révélation de l’Évangile, de l’Église du Ciel, des conditions présupposées.
Il demande comme conditions de leur salut la contrition des péchés et l'amour
de charité.
Solution 1 :
Jadis, la sépulture chrétienne était refusée aux suicidés.
Mais il s’agissait d’une pratique pastorale visant à éviter, surtout dans les
périodes de peur, par une autre peur, des épidémies de suicide. Elle était
fondée sur une théologie. Pour le croyant en effet, la vie appartient à Dieu.
Il l’a donné en cadeau. La refuser, y mettre volontairement fin est un acte
contraire à la logique de la foi.
Même si le fond de vérité
théologique reste inchangé, les choix pastoraux de l’Église se sont
radicalement transformés. Les prêtres ne refusent plus les prières aux suicidés
– sauf dans le cas exeptionnel où une personne en fait un acte revendiqué
publiquement comme antichrétien- et, au contraire, l’Église, soumise elle-même
à des souffrances et à des pauvretés dans un monde de plus en plus
déchristianisé, a une meilleure compréhension de ce qui peut mener à un tel
acte. Par contre, au delà de ces deux pratiques, jamais l’Église dans son
Magistère officiel ne s’est prononcée sur le salut ou la damnation des suicidés
qu’elle considère comme le domaine du jugement de Dieu.
Solution 2 :
Il
ne faut pas confondre le désespoir qui est une notion psychologique et morale,
avec le blasphème contre l’Esprit de désespérance qui est une notion purement
morale puisqu’il est une volonté consciente, lucide, maîtresse d’elle-même face
au Christ qui propose sont pardon, de ne pas estimer comme un acte digne cette
proposition, vu la grandeur du péché. Au contraire, la plupart de ceux qui se
suicident le font parce qu’ils estiment que la vie n’est plus un cadeau
valable. Les limites qui les enserrent leur deviennent insupportables. "On
a beau dire, écrit une jeune suicidée, que ce n’est pas si grave, que tout ira
mieux demain, le bilan est aujourd’hui négatif : plus moyen d’ouvrir un crédit
à la vie ”. Ce grand désespoir vient toujours de l’absence de ce qui
donne sens à la vie. "Là où est ton trésor, là aussi est ton
cœur", disait le Christ[43].
Il peut s’agir d’une perte de son bien ultime, parfois de manière brutale.
Aussi divers que sont les biens qui peuvent combler la vie d’un homme, qu’ils
soient réels ou faussement séducteurs, aussi divers sont les motifs du suicide.
Il peut aussi s’agir de l’absence chronique du sens de la vie, dans des
sociétés sans espérance après la mort puisque l’homme se nourrit de manière
ultime de la certitude que Dieu existe et que la vie à un sens.
Tout
grand amour, même bon au plan humain, même chrétien, mais devenu en apparence
impossible, peut conduire à la pensée du suicide. Qu’on se souvienne de sainte
Thérèse de l’Enfant-Jésus. Sincèrement donnée à Dieu, elle éprouva de sa part
la même épreuve que Jésus sur la croix, l’impression d’être abandonnée par lui.
Elle avoue elle-même, dans ses souffrances physiques sans consolations
spirituelles, avoir pensé souvent au suicide. Ainsi en est-il pour les athées,
elle le comprit pleinement, et ne put jamais plus les condamner. L’homme sans
espérance pour l’autre monde, qui donne toute son amitié à une autre personne
et se trouve séparé d’elle, sans espoir possible de retour, sans même croire
qu’elle peut survivre à la mort, peut être amené à se donner la mort. Son acte
prend souvent une dimension double : prouver à l’ami qu'il l'aimait et faire
disparaître la souffrance d'une vie devenue inutile. Le désespoir peut être
plus réfléchi et plus calme, lorsque le malheur arrive lentement et
inexorablement chez un homme préparé à le recevoir. Ainsi voit-on des personnes
atteintes de longues maladies ou par la vieillesse demander l’euthanasie pour
supprimer, après mûre réflexion, leur vie condamnée. L'acte est parfois posé
non à cause de la souffrance physique mais "parce qu'il vaut mieux
éteindre au plus vite ce qui, de toute façon, s’achèvera dans le néant."
Le désespoir de la non-croyance conduit à l’euthanasie et c’est fort
compréhensible : Seul le croyant peut imprégner de sens son agonie puisqu’il
croit que son cœur est préparé par ces souffrances ultimes à une autre vie.
Dans des cas exceptionnels, le suicide trouve un autre
motif que le désespoir. Certains disciples de Sartre se donnèrent la mort dans
une optique d’exaltation de soi. Ils y voyaient un rêve de toute puissance au
moment même où l’on se sent impuissant, le rêve de Prométhée chez les grecs ou
d’Adam et Ève dans la Bible : "Vous serez comme des dieux",
avec droit de vie et de mort. Ils ne résistèrent pas au désir de poser ultimement
leur liberté. Ils constituaient par là un acte de péché spirituel plus grave et
sans commune mesure avec le désespoir dont nous parlons ici.
Mais, la plupart du temps,
étant lié à une passion de désespoir et à une ignorance de l’importance de
vivre sa vie terrestre jusqu’au bout, le suicide constitue un péché mortel
certes, mais sans comparaison avec la mort du blasphème contre l’Esprit. Il ne
conduit donc pas en enfer.
Solution 3 :
Deux conditions morales sont
nécessaires pour entrer dans la gloire. 1° À titre de fondement, l’humilité
est requise puisqu’elle dispose l’esprit à recevoir, donc à donner. Ceux qui se
suicident le font presque tous à cause d’une grande souffrance. De ce point de
vue, ils sont disposés à l’humilité parce que, ce qu’ils ont souffert constitue
au minimum une humiliation. 2° L’autre condition, à titre de mérite immédiat
est l’amour. Que certains se suicident à cause du désir d’un amour réel
ou, au contraire, à cause de l’égoïsme, cela apparaît en pleine lumière devant
l’apparition du Christ qui sépare l’or de la paille. Les hommes de bonne
volonté se tournent vers Dieu avec d’autant plus de force qu’ils en désiraient,
sans le savoir, la révélation. Les égoïstes se tournent vers l’enfer. La
plupart des suicidés sont sauvés, puisque leur acte vient d’une trop grande
soif de l’amour.
Solution 4 :
Il existe effectivement des
suicides héroïques. Pour ne pas livrer sous la torture les noms de leurs
camarades de combat, bien des hommes agirent ainsi. Leur suicide ne constitue
pas un péché, bien au contraire. Il ne faut pas confondre cet acte ultime avec
l’acte d’un chantage à l’amour. Se suicider pour faire souffrir l’aimé
considéré comme indigne n’est pas exempt d’un calcul égoïste. L’imperfection
dans l’humilité (kénose) est comme le foin, la paille et les poutres. Ils
seront purifiés au purgatoire.
Quinze demandes[45] :
1° Les suffrages d’un fidèle peuvent-ils être utiles à un
autre ?
2° Les morts peuvent-ils être aidés par les œuvres des vivants
?
3° Les suffrages des pécheurs peuvent-ils être utiles aux
défunts ?
4° Les suffrages pour les défunts sont-ils utiles à leurs auteurs ?
5°
Sont-ils utiles aux damnés ?
6°
À ceux qui sont à l’heure de leur mort ?
7°
Aux âmes du purgatoire ?
8°
Aux enfants morts sans baptême ?
9°
Aux bienheureux ?
10°
Les prières de l’Église, le saint sacrifice et l’aumône sont-ils utiles aux
défunts ?
11°
Les indulgences accordées par l’Église ?
12°
Les cérémonies des obsèques ?
13°
Les suffrages spécialement destinés à un défunt sont-ils plus utiles à lui
qu’aux autres ?
14°
Les suffrages destinés à plusieurs sont-ils aussi utiles à chacun que s’ils lui
étaient uniquement destinés ?
15°
Les suffrages communs sont-ils aussi utiles à ceux qui n’en ont pas d’autres que
le sont les suffrages spéciaux et les suffrages communs à ceux qui bénéficient
des uns et des autres ?
Objection 1 :
"Ce qu’on aura semé, dit
saint Paul, on le moissonnera". Mais profiter des suffrages d’un autre,
c’est moissonner ce que l’on n’a pas semé. La réponse semble donc négative.
Objection 2 :
La justice de Dieu a pour
fonction de rendre à chacun selon ses mérites. "Tu rends à chacun selon
ses œuvres", dit le psalmiste. Mais cette justice est indéfectible et
empêche donc qu’on puisse se prévaloir des œuvres d’autrui.
Objection 3 :
Une œuvre est méritoire pour la
même raison qu’elle est louable, et qui est qu’elle soit volontaire. Or, une
œuvre étrangère ne nous attire aucune louange ; elle ne nous confère donc aussi
aucun mérite.
Objection 4 :
La justice divine récompense le
bien comme elle punit le mal. Or, personne n’est puni pour le mal commis par un
autre : "L’âme qui pèche, c’est elle qui mourra". Le bien n’est donc pas
davantage communicable.
Cependant :
1°
Le Psalmiste dit : "J’ai part avec tous ceux qui te craignent", etc.
2°
Tous les fidèles unis par la charité ne font qu’un seul corps, qui est
l’Église. Mais, dans un même corps, les membres s’aident les uns les autres.
Conclusion :
Nos actes peuvent avoir un
double effet : l’acquisition d’un état, par exemple la béatitude par les œuvres
méritoires ; l’acquisition de quelque chose d’accessoire à cet état, par
exemple, une récompense accidentelle ou la rémission d’une dette. De plus, nos
actes peuvent obtenir ce double effet d’une double manière : par mode de
mérite, par mode de prière ; et ces deux modes diffèrent en ce que le premier
repose sur la justice, le second, sur la seule libéralité de celui que l’on prie.
Il faut donc répondre que, s’il
s’agit d’un état, personne ne peut l’obtenir pour un autre par mode de mérite,
en ce sens qu’il est impossible que, par mes bonnes œuvres, un autre mérite la
vie éternelle. En effet, l’état de gloire est accordé à chacun selon sa
capacité, selon les dispositions qui proviennent de ses actes, de sa charité et
non de celle d’autrui ; en notant bien qu’il s’agit des dispositions qui
rendent digne de la récompense.
Mais, par mode de prière, on le
peut, tant que le terme n’est pas atteint ; par exemple, on peut obtenir pour
un autre la proposition de la grâce. Puisque l’efficacité de la prière dépend
de la libéralité de Dieu que l’on prie, elle peut donc s’étendre à tout ce que
la toute-puissance divine peut réaliser, en harmonie avec l’ordre providentiel.
S’il s’agit de quelque chose
d’accessoire à un état, on peut l’obtenir pour un autre non seulement par mode
de prière, mais encore par mode de mérite ; et cela, de deux manières. 1° En
vertu d’une communication dans le principe radical de l’œuvre, qui est la
charité pour les œuvres méritoires. De là vient que chacun de ceux qui sont
unis ensemble par la charité bénéficie des bonnes œuvres de tous ; chacun
cependant, selon l’état où il est : c’est ainsi qu’au Ciel chacun des élus se
réjouit du bonheur de tous les autres. C’est ce qu’exprime l’article du Symbole
de la foi sur la communion des saints. 2° En vertu de l’intention de celui
qui fait de bonnes œuvres, et qui les fait spécialement dans le but qu’elles
soient utiles à celui-ci ou à celui-là. Dès lors, ces œuvres appartiennent en
quelque sorte à ceux pour qui elles ont été faites, par une espèce de donation.
Elles peuvent donc leur servir, soit pour satisfaire à la justice de Dieu, soit
pour toute autre chose qui les laisse dans l’état où ils sont.
Solution 1 :
La moisson dont il s’agit ici,
c’est la vie éternelle : "Le moissonneur…recueille du fruit pour la vie
éternelle". Or, la vie éternelle n’est accordée qu’en récompense d’œuvres
personnelles. Si on l’obtient pour un autre, c’est toujours à la condition que
celui qui la reçoit la méritera –par sa propre charité- par ce qu’il fera
lui-même : les prières lui valent la grâce dont le bon usage, qui dépend de lui
seul, lui mérite la vie éternelle.
Solution 2 :
L’œuvre faite pour quelqu’un
lui appartient ; de même, l’œuvre faite par celui avec lequel je suis un, est
en quelque sorte mienne. Il n’est donc pas contraire à la justice de Dieu que
quelqu’un bénéficie des bonnes œuvres de ceux qui lui sont unis par la charité
ou des bonnes oeuvres faites à son intention. La justice humaine elle-même
permet qu’un homme satisfasse à la place d’un autre.
Solution 3 :
La louange récompense la
manière d’agir : c’est cette relation de puissance à acte qu’elle vise. Or,
l’œuvre d’autrui ne met et ne montre en, nous-mêmes aucune disposition à agir
bien ou mal : c’est pour cela qu’elle ne nous attire aucune louange, sinon
indirectement, dans la mesure où nous y avons contribué par nos conseils, notre
assistance, nos encouragements, etc. -Au contraire, une oeuvre peut être
méritoire pour quelqu’un, non pas toujours en proportion de son état ou de ses
dispositions, mais par rapport à quelque chose d’accessoire.
Solution 4 :
Enlever à quelqu’un ce qui lui
est dû est directement contraire à la justice ; lui donner ce qui ne lui est
pas du n’est pas contraire, mais supérieur à la justice : c’est de la
libéralité. Or, nul ne peut être puni pour les fautes d’autrui qu`en perdant
quelque chose de son bien personnel, ce qui répugne tout autrement que de gagner
quelque chose par les bonnes oeuvres d’autrui
Objection 1 :
Saint Paul dit : "Nous
tous, il nous faut comparaître devant le tribunal du Christ, afin que chacun
reçoive ce qu’il a mérité étant dans son corps, selon ses oeuvres". Il
semble donc qu’aucune oeuvre ne puisse être utile à l’âme séparée de son corps
par la mort.
Objection 2 :
Même conclusion négative
suggérée par ce texte de l’apocalypse : "Heureux les morts qui meurent
dans le Seigneur! Car leurs oeuvres les suivent".
Objection 3 :
Une oeuvre ne peut aider à
avancer que si l’on n’est pas encore au terme. Or, les morts ont atteint le
terme ; car, on peut mettre sur leurs lèvres ces paroles de Job "Il m’a
barré le chemin et je ne puis passer".
Objection 4 :
La condition, pour aider
quelqu’un, c’est d’être en communication avec lui. Or, selon Aristote, toute
communication est coupée entre les morts et les vivants.
Cependant :
1° Dès l’Ancien Testament, la prière pour les
morts est attestée : "C’est une sainte et salutaire pensée que de
prier pour les morts, afin qu’ils soient délivrés de leurs péchés".[46]
Mais cette prière serait inutile, si elle ne les aidait. Les suffrages des
vivants sont donc utiles aux morts.
2°
"Le sentiment de l’Église universelle, dit saint Augustin, se manifeste
avec une grande autorité par la coutume qu’a le prêtre, lorsqu’il offre, ses
prières à l’autel du Seigneur, de recommander les fidèles trépassés".
Cette coutume date des Apôtres qui, dit saint Damascène, "établirent la
pratique de faire mémoire, au cours des redoutables et vivifiants mystères, de
ceux qui sont morts dans la foi". De son côté, Denys signale la prière
pour les défunts comme un rite pratiqué dans la primitive Église, et affirme
que les suffrages des vivants sont utiles aux morts. C’est donc une vérité
qu’il faut croire sans la moindre hésitation.
Conclusion :
Le lien de la charité, qui unit
entre eux les membres de l’Église, n’embrasse pas seulement les vivants, mais
aussi les morts qui ont quitté ce monde en état de charité car celle-ci ne
cesse pas avec la vie, puisque saint Paul l’affirme : "La charité ne
passera jamais". De plus, les morts continuent de vivre dans le souvenir
des vivants, qui peuvent ainsi leur appliquer leurs intentions. Dès lors, les
suffrages des vivants peuvent être utiles aux fidèles trépassés aussi bien qu’à
ceux qui sont encore en ce monde, et d’après les mêmes principes : l’union de
charité, la direction d’intention.
Il faut toutefois se garder de
croire que les suffrages des vivants sont capables de faire passer les défunts
de l’état de damnation à l’état de béatitude ou réciproquement. Ils peuvent
seulement contribuer à deux choses :
1° A l’heure de la mort, alors
que l’âme n’est pas encore déterminée dans son destin éternel, ils peuvent
peser dans le sens de leur choix du salut.
2° Après la mort, dans le
purgatoire, ils peuvent en raccourcir et diminuer la peine ou à quelque autre
chose d’analogue, c’est-à-dire d’accessoire à l’état, qui est définitif.
Solution 1 :
L’âme mérite, étant dans le
corps, que les suffrages lui soient utiles après la mort. L’aide qu’elle en
reçoit vient donc de ce qu’elle a fait, étant dans le corps.
On peut encore, avec saint
Damascène, entendre cette parole de la sentence qui sera rendue au jugement
dernier, où l’âme sera condamnée ou glorifiée à jamais, selon qu’elle l’aura
mérité étant dans son corps. Jusque là les suffrages des vivants peuvent être
utiles aux morts
Solution 2 :
Il s’agit ici expressément de
la récompense éternelle, comme l’indiquent les premiers mots :
"Bienheureux les morts", etc. -Sinon, on peut répondre que les
oeuvres faites pour les défunts deviennent en quelque sorte leurs œuvres.
Solution 3 :
Avant la parousie du Christ et
dans le passage de la mort, les âmes ne sont pas encore au terme quant à leur
orientation définitive. La prière des vivants peut alors influencer leur choix
portant pour ou contre la charité.
Après la parousie du Christ, il
est des âmes qui sont au terme, sans cependant y être tout à fait. Ce sont
celles qui n’ont pas encore atteint la récompense définitive (la visoion
béatifique) et en qui reste quelque chose à purifier. On peut dire que, absolument
parlant, leur chemin est "barré", en ce sens qu’aucune oeuvre ne peut
désormais modifier l’état de damnation ou de salut. Mais le chemin reste
ouvert, en ce sens qu’elles n’ont pas encore atteint la plénitude du salut ;
elles peuvent donc être aidées car, à ce point de vue, elles ne sont pas encore
au terme dernier.
Solution 4 :
Aristote parle des relations de
la vie civile, à laquelle les morts sont morts, et qui sont par là même
impossibles entre eux et les vivants. Mais les relations de la vie spirituelle
demeurent : celle-ci est fondée sur la charité, l’amour de Dieu, "pour qui
sont vivantes les âmes des fidèles trépassés".
Objection 1 :
"Dieu n’exauce point les
pécheurs". Leurs prières ne sont donc point utiles aux défunts, puisque,
s’il en était autrement, Dieu les exaucerait.
Objection 2 :
"Employer un intercesseur
qui déplaît, dit saint Grégoire, c’est redoubler la colère et la vengeance".
Donc, puisque tout pécheur déplaît à Dieu, ses suffrages ne l’inclinent pas à
la miséricorde.
Objection 3 :
Une oeuvre est plus utile à
celui qui la fait qu’elle ne l’est à d’autres. Or, le pécheur ne peut rien
mériter pour lui-même. Donc, pour les autres, moins encore.
Objection 4 :
Une oeuvre, pour être
méritoire, doit être vivante, c’est-à-dire, "informée par la charité".
Or, toutes les oeuvres des pécheurs sont mortes, et donc, dépourvues de tout
mérite.
Cependant :
1° On ignore qui est en état de péché, et
qui est en état de grâce. Si donc étaient utiles les suffrages de ceux-là
seulement qui sont en état de grâce, on ne saurait à qui s’adresser en faveur
des défunts, et les demandes de suffrages seraient diminuées d’autant.
2°
Saint Augustin dit que les défunts sont aidés par les suffrages, selon qu’ils
l’ont mérité de leur vivant. La valeur des suffrages dépend donc de la
condition du défunt, peu importe leur provenance.
Conclusion :
Par rapport aux suffrages des
pécheurs, il faut distinguer deux choses : 1° L’œuvre qui est opérée, par
exemple, le sacrifice de la messe : or, les sacrements de la religion chrétienne
étant efficaces par eux-mêmes indépendamment de celui qui opère, il s’ensuit
que les suffrages de ce genre sont utiles aux défunts, même s’ils viennent d’un
pécheur ; 2° L’œuvre opérante, c’est-à-dire l’opération d’où procède l’œuvre
opérée, et ici il faut encore distinguer.
Si le pécheur agit en son nom
propre, son action ne peut être méritoire ni pour lui-même ni pour autrui ; ses
suffrages sont donc dénués de toute valeur. Mais il peut agir au nom d’un
autre, et cela, de deux manières. 1° Il peut représenter l’Église universelle,
par exemple, lorsqu’il célèbre les cérémonies des obsèques. En ce cas, comme
c’est celui au nom ou à la plate duquel est faite une action qui est censé la
faire, il en résulte que les suffrages d’un prêtre, même s’il est un pécheur,
sont utiles aux défunts. 2° Il peut remplir le rôle d’instrument, auquel
l’œuvre appartient moins qu’elle n’appartient à l’agent principal. C’est
celui-ci qui peut donner à l’action d’être méritoire, même s’il se sert d’un
instrument incapable de mériter ; ainsi qu’il arrive dans le cas d’un
serviteur, qui est en état de péché, et qui fait une oeuvre de miséricorde sur
l’ordre de son maître qui, lui, est en état de grâce. Dès lors, si quelqu’un,
mourant en état de grâce, demande des suffrages ou si quelque autre, également
en état de grâce, les demande pour lui, ces suffrages sont utiles à ce défunt,
même si ceux qui les acquittent sont en état de péché. S’ils étaient en état de
grâce, leurs suffrages n’en vaudraient que mieux puisque la valeur en serait
doublée
Solution 1 :
Le pécheur ne prie pas toujours
en son propre nom, mais au nom d’un autre, et ainsi, sa prière est digne d’être
exaucée. Les pécheurs eux-mêmes sont parfois exaucés, quand ils demandent
quelque chose d’agréable à Dieu. En effet, Dieu ne réserve pas sa bonté pour
les justes, mais il l’étend aux pécheurs ; non pas à cause de leurs mérites,
mais à cause de sa miséricorde. Aussi, la Glose dit que prétendre que Dieu
n’exauce pas les pécheurs, c’est parler "sans l’onction", et comme quelqu’un
qui n’est pas pleinement illuminé.
Solution 2 :
La prière du pécheur, en tant
que faite par lui, n’est pas agréable à Dieu, mais elle peut l’être, en tant
qu’inspirée par celui au nom ou par ordre de qui il prie.
Solution 3 :
Les suffrages du pécheur lui
sont inutiles parce qu’il y a en lui un empêchement ; mais ils peuvent être
utiles à d’autres qui ne sont pas dans le même mauvais cas.
Solution 4 :
L’œuvre du pécheur, morte en
tant qu’elle vient de lui, peut être vivante en tant qu’elle vient d’un autre.
Les deux arguments du Cependant : semblent exagérer en sens contraire et
demandent aussi une réponse.
1°
On ne peut connaître avec certitude l’état spirituel d’une autre personne ; on
peut cependant en juger avec probabilité sur ses actes extérieurs et visibles,
d’après la parole du Maître : "On reconnaît l’arbre à ses fruits".
2°
Pour être utile à un défunt, le suffrage doit trouver en lui une capacité, et
celle-ci est acquise par les oeuvres qu’il a faites en cette vie ; c’est ce que
dit saint Augustin. Cependant, il faut encore que l’œuvre elle-même ait une
valeur, qui ne dépend plus de celui pour qui elle est faite, mais de celui qui
la fait ou qui la prescrit.
Objection 1 :
Payer les dettes d’autrui, ce
n’est pas payer les siennes : la justice humaine le dit. Il en va donc de même
pour les suffrages par lesquels on paye la dette contractée par les défunts
envers la justice divine.
Objection 2 :
Ce que l’on fait, on doit le
faire le mieux possible. Or, aider deux personnes à la fois vaut mieux que d’en
aider une seule. Si donc les suffrages payaient à la fois les dettes du défunt
et celles du vivant, il semble que chacun dût faire toutes les oeuvres satisfactoires
pour les défunts et aucune pour lui-même.
Objection 3 :
Si les mêmes suffrages
suffisent à satisfaire pour deux, pourquoi pas pour trois, pour quatre pour
tous ? Ce qui est absurde.
Cependant :
1°
Le Psalmiste dit : "Ma prière retournait sur mon sein". C’est, par
retour analogue, que les suffrages pour les défunts sont utiles à leurs
auteurs.
2°
"De même, dit saint Damascène, que celui qui veut oindre un malade avec
les saintes huiles, y touche le premier avant d’en toucher le patient ; de même,
quiconque travaille au salut du prochain, est utile à lui-même d’abord, et
ensuite au prochain".
Conclusion :
Dans l’œuvre de suffrage on
peut considérer deux caractères :
1° Le caractère satisfactoire,
en tant que le suffrage expie la peine en offrant pour elle une espèce de
compensation. À ce point de vue, le suffrage devient la propriété du défunt
qui en bénéficie, et il sert à payer sa dette à lui, uniquement. En effet, il
s’agit ici de justice, et la justice exige l’égalité. Or, une oeuvre satisfactoire
peut être suffisante à payer une dette et insuffisante à en payer une autre en
même temps, car il est clair que deux péchés exigent une satisfaction double.
2°
Le caractère méritoire, par rapport à la vie éternelle ; c’est la charité, son
inspiratrice, qui le donne au suffrage. Ainsi considéré, celui-ci est utile non
seulement au défunt, mais plus encore au vivant.
Solutions :
Elles viennent d’être données.
Les trois premiers arguments visaient le caractère satisfactoire du suffrage ;
les deux autres, au Contraire, son caractère méritoire.
Objection 1 :
Il est raconté, au 2° livre des
Macchabées que "l’on trouva, sous les tuniques de chacun des morts, des
objets idolâtriques, que la loi interdit aux Juifs" ; et, nonobstant,
"Judas envoya à Jérusalem la somme de deux mille drachmes pour être
employée à un sacrifice expiatoire". Or, ces juifs avaient péché mortellement
en transgressant la loi, ils étaient morts en cet état, ils étaient damnés.
Objection 2 :
Saint Augustin dit que,
"l’utilité des suffrages consiste soit à obtenir pleine rémission pour les
défunts, soit à rendre leur état de damnation plus supportable".
Objection 3 :
Si, dès cette vie, dit Denys,
les prières des justes ont une telle puissance, combien plus, après la mort,
pour ceux qui en sont dignes". D’où l’on peut conclure que les suffrages
sont plus utiles aux morts qu’aux vivants. Mais ils sont utiles à ces derniers,
même en état de péché mortel, puisque l’Église prie tous les jours pour la
conversion des pécheurs. Pourquoi ne le seraient-ils pas aux défunts qui sont
dans le même état, c’est-à-dire aux damnés ?
Objection 4 :
On lit, dans les Vies des
Pères, le fait suivant que raconte aussi saint Damascène. Saint Macaire rencontra
sur son chemin une tête, et, après avoir fait une prière, il lui demanda à qui
elle avait appartenu ; cette tête répondit : à un prêtre païen qui était en
enfer. Et elle ajouta que, cependant, ce prêtre et d’autres damnés étaient
assistés par les prières de Macaire.
Objection 5 :
Dans le même sermon, saint
Damascène raconte que saint Grégoire, priant pour l’âme de Trajan, entendit une
voix qui venait du Ciel : "J’ai exaucé ta prière et j’accorde à Trajan son
pardon". "De ce fait, ajoute saint Damascène, tout l’Orient et tout
l’Occident peuvent témoigner". Or, Trajan était en enfer, "lui qui
avait infligé une mort cruelle à tant de martyrs".
Cependant :
1°
"Le souverain prêtre, dit Denys, ne prie pas pour les immondes ;
autrement, il s’écarterait de l’ordre providentiel". Un commentateur
ajoute : "Il ne demande pas la rémission pour les pécheurs, car il ne
serait pas exaucé".
2°
"C’est pour la même raison, dit saint Grégoire que l’on ne priera pas
alors (après le jugement) pour les damnés, et que l’on ne prie pas aujourd’hui
pour le démon et ses anges. C’est encore pour cette raison qu’aujourd’hui les
saints ne prient pas pour ceux qui sont morts dans l’infidélité et l’impiété :
c’est qu’ils ne veulent pas que leur prière perde son mérite aux yeux du juge
souverainement juste".
3°
Saint Augustin dit de même : "À ceux qui meurent sans la foi qui opère par
la charité, et sans ses sacrements, tous les devoirs religieux que leur rendent
leurs proches ne servent de rien".
Conclusion :
Une certaine opinion prétendait
qu’il faut faire à ce sujet deux distinctions. L’une, par rapport au temps :
après le jugement, aucun suffrage ne sera plus utile à aucun damné ; avant,
certains damnés peuvent être aidés par les suffrages de l’Église. L’autre, par
rapport aux personnes : il y a des damnés tout à fait mauvais, qui sont morts
sans la foi et sans les sacrements de l’Église, à laquelle ils n’ont appartenu
"ni en fait ni en droit" ; Il en est d’autres, moins mauvais, qui ont
été membres de l’Église, qui ont eu la foi, reçu les sacrements, fait quelques
bonnes oeuvres aux premiers les suffrages de l’Église ne peuvent être d’aucune
utilité, tandis qu’ils peuvent être utiles aux seconds.
Ainsi Guillaume d’Auxerre
expliqua que les suffrages sont utiles aux damnés, dit-il, non pour diminuer
ou interrompre leur peine, mais pour leur donner la force de la supporter ; de
même que baigner le visage d’un homme chargé d’un lourd fardeau, ce n’est pas
diminuer celui-ci, mais cependant le rendre plus facile à porter.
Mais il ne saurait en être
ainsi. Le tourment infligé par le feu de l’enfer est en proportion de la
culpabilité, dit saint Grégoire. De là vient que les uns ou les autres sont
tourmentés plus ou moins cruellement à la mesure même de leur propre volonté
qui se porte vers le péché de manière obstinée, contre les inclinations de leur
nature.
Cette opinion venait de
l’ignorance de la nature du péché qui conduit en enfer. La théologie n’avait
pas encore pu prendre en compte la parole du seigneur qui dit que ce n’est pas
n’importe quel péché mortel qui conduit l’âme dans l’enfer éternel mais
seulement le blasphème contre l’Esprit Saint, d’après Matthieu 12, 31. Or ce
péché est un acte entièrement volontaire, conscient et libre. À cette époque,
négligeant la parousie et prédication du Christ à l’heure de la mort, les
théologiens admettaient une damnation venant de Dieu lui-même pour tout homme
vivant loin de lui, même à cause d’une ignorance ou d’une faiblesse, ou du
péché originel. Nous savons maintenant que nul n’est en enfer qu’à cause de
lui-même. Si les prières pour les damnés sont inutiles, c’est parce que les
damnés s’en moquent, comme ils ont méprisé la supplication du Christ à l’heure
de leur mort. Si cette prière leur était présentée, elle serait même sans doute
cause d’un surcroît de souffrance, à cause de leur haine pour tout ce qui leur
rappelle l’amour rejeté. Une certaine jouissance perverse pourrait cependant en
sortir, à cause de l’orgueil de voir quelqu’un penser à eux.
Il est donc nécessaire de dire
sans restriction que les suffrages sont inutiles aux damnés, que l’Église les
exclut de ses prières, comme le déclarent les autorités que nous avons
alléguées.
Solution 1 :
Rien ne prouve que les soldats
de Judas Macchabée fussent en enfer. Leur péché, constitue un manque de foi et
une idolâtrie. Mais ils purent s’en repentir, soit au cours des combats, soit
face à l’apparition de l’ange de la mort selon la parole du Psalmiste :
"Quand Dieu les frappait de mort, ils le cherchaient". C’est en tout
cas l’opinion des frères Maccabées puisqu’ils offrirent un sacrifice à leur
intention. Il leur fut utile à la fois avant leur choix dans le passage de la
mort, au moment de leur choix face à l’ange de Dieu, puisque la prière des
vivants leur fut rendue visible et les toucha, et après la mort dans les
purgatoire mystiques pour la même raison.
Solution 2 :
Il s’agit ici de damnation au
sens large, synonyme de condamnation à n’importe quelle peine, donc, aussi bien
à celle du purgatoire, que les suffrages tantôt ne font que diminuer, tantôt
enlèvent tout à fait.
Solution 3 :
Les suffrages sont plus utiles
aux morts qu’aux vivants, parce que les premiers en ont un plus grand besoin,
étant incapables de s’aider eux-mêmes comme le peuvent les vivants ; mais
ceux-ci ont cet avantage de pouvoir passer de l’état de péché mortel à l’état
de grâce, ce qui est impossible après l’entrée dans l’autre monde. La prière à
l’intention des uns et des autres s’inspire donc de motifs différents.
Solution 4 :
On entend ici "enfer"
sous le sens de "purgatoire", comme l’Écriture le fait pour le riche[48].
Si l’on insiste pour dire qu'il s’agit bien de l’enfer éternel des damnés,
alors il faut dire que cette assistance ne consistait pas en une diminution de
peine, mais seulement, comme le récit en fait foi, en ceci que la prière de
saint Macaire obtenait qu’ils pussent se voir, et cet accomplissement de leur
désir leur causait une certaine joie, plus imaginaire, que réelle. C’est ainsi
que l’on dit que les démons se réjouissent des péchés qu’ils font commettre,
quoique cela ne diminue en rien leur peine, pas plus que la joie des bons anges
ne l’est par ce que nous appelons leur compassion pour nos maux.
Solution 5 :
Le fait de Trajan prouve que
celui-ci n’était aucunement en enfer mais seulement au purgatoire. Il prouve
aussi qu’on ne doit jamais affirmer avec certitude la damnation de personne.
Dieu seul scrute le fond des âmes et sait qui se repend et qui ne se repend pas
au moment de la mort. Aussi doit-on prier pour le salut de tous, y compris pour
celui des pires tyrans.
Objection 1 :
Il semble que cela soit
inutile. Les prières des vivants pour les morts ont principalement pour but la
peine satisfactoire due par les âmes du purgatoire pour leurs péchés passés. Or
le moment de la mort n’est pas le purgatoire.
Objection 2 :
La mort peut surprendre un
homme de telle manière qu’on n’ait pas le temps de prier pour lui. Il semble
donc plus sûr d’appliquer ses prières pour le cas où il en aurait besoin au
purgatoire.
Objection 3 :
Nul ne peut obtenir pour un
autre le repentir et la justification. En effet, c’est Dieu seul qui donne la
grâce et c’est l’âme seule qui est apte à répondre à cette grâce. Donc la
prière à l’heure de la mort est inutile.
Objection 4 :
Il arrive que l’heure de la
mort ne soit pas un passage durant quelques heures, mais un véritale séjour
d’errance qu’on appelle le shéol. Il semble inutile de prier pour ces pâmes du
shéol puisque c’est leur état de mort spirituelle qui les fait fuir la parousie
du Christ ou s’attacher à cette terre. Elle sont damnées pour toujours.
Cependant :
La prière de l’Ave Maria, qui
est la plus conseillée après celle du Pater se termine ainsi "Priez pour
nous pauvres pécheurs, maintenant et à l’heure de notre mort". Il est donc
particulièrement important de prier pour les défunts à l’heure de leur mort[50].
Conclusion :
Nous avons montré que le moment
de la mort qui est le temps durant lequel l’âme achève de se séparer de ce
monde, est particulièrement important pour le défunt puisque c’est l’heure où
se détermine d’une façon ultime son destin éternel : pour les pécheurs, après
un temps entre ce monde et l’autre, l’ultime planche du salut est donnée par la
révélation glorieuse de l’humanité sainte de Jésus venant accompagnée des
saints et des anges et par la possibilité d’un acte de conversion qui efface
les péchés mortels. Au terme, l’âme est fixée pour toujours dans l’amour de
Dieu ou dans l’amour égoïste d’elle-même. Il est donc particulièrement
important de prier pour elle en cet instant. Cette prière est rendue efficace
auprès d’elle de trois manières :
1°
Avant la parousie du Christ, si l’âme est restée à demeure dans le shéol
d’errance, la prière des habitants de cette terre vient les visiter comme dans
une prison et peut produire parfois, selon le dégré de leur évolution
intérieure, une accéleration de la prise de conscience de leur état de mort
spirituelle.
2° Au moment de la parousie du Christ, les
grâces de lumière et de tendresse données par Jésus peuvent être augmentées
pour rendre l’invitation à la conversion plus intense.
3°
Les vivants qui prient peuvent être rendus présents de manière visible et
sensible au point de participer avec Jésus et les saints du Ciel à la Révélation
de la gloire de Dieu et de sa tendresse.
Solution 1 :
Les suffrages des vivants pour
les défunts leur obtiennent par mode de mérite la remise des dettes de peines
dues pour les péchés accomplis durant la vie terrestre. Mais ils peuvent
obtenir pour eux bien d’autres choses, par mode de prière c’est-à-dire à cause
de la libéralité de Dieu qui s’étend au delà de la stricte justice. C’est de
cette façon là qu’il faut prier pour les défunts au moment de leur mort car
cette prière encourage leur âme à se tourner d’une manière définitive vers le
salut éternel. C’est pourquoi celui qui offre ses prières pour une âme avant
qu’elle ne soit jugée participe instrumentalement à sa glorification éternelle.
Solution 2 :
Dieu est au delà du temps. Ce
qui est accompli après la mort du défunt lui est présent à l’heure de cette
mort. Il peut donc se servir de cette prière malgré son caractère tardif. Il
arrive donc que, à l’heure de la mort, un grand-père puisse voir la prière
future de sa petite-fille non encore née.
Solution 3 :
Nul ne peut être cause directe
de la justification d’un autre. Cependant, il est possible d’en être cause
instrumentale aussi bien du côté de Dieu qui écoute la prière de ceux qui
l’aime que du coté de l’homme dont la volonté peut être favorablement disposée
au bien par l’exemple de la charité des disciples de Jésus.
Solution 4 :
Les âmes du shéol ne sont pas
en état de blasphème contre l’Esprit, à cause de l’ignorance et de la grande
faiblesse de leur condition qui prolonge cette terre. C’est pourquoi ce temps a
une utilité pour leur salut. Elle sont en quelque sorte en prison. La prière
des vivants constitue pour elles une visite qui est d’autant plus efficace pour
les tourner vers le salut, que leur souffrance est profonde et leur désir
éveillé.
Objection 1 :
Le purgatoire fait
partie de l’enfer. Or, en enfer il n’y a pas de rédemption. Le Psalmiste dit
aussi : "Seigneur, qui vous louera en enfer ?" Les suffrages sont
donc inutiles aux âmes du purgatoire.
Objection 2 :
La peine du purgatoire est
limitée. Si les suffrages l’expient en partie, il pourrait donc se faire que
leur multiplication l’expiât en totalité. Le péché resterait donc totalement
impuni, ce qui semble contraire à la justice divine.
Objection 3 :
Les âmes sont
retenues en purgatoire afin d’y être purifiées et d’entrer ensuite dans le
Royaume. Mais la purification doit porter sur la chose même qui a besoin d’être
purifiée. De ce chef encore, les suffrages sont donc inutiles.
Objection 4 :
Si les suffrages
étaient utiles aux âmes du purgatoire, ils le seraient surtout à celles qui, de
leur vivant, ont donné des ordres à cet effet. Or, cela n’arrive pas toujours.
Supposons un défunt qui a demandé tels et tels suffrages dont l’acquittement
eût suffi à satisfaire pleinement pour ses péchés. Supposons encore que ces
suffrages soient différés jusqu’à ce qu’il ait subi toute sa peine ces
suffrages ne lui serviront de rien. On ne peut pas admettre qu’ils lui ont
servi avant d’être acquittés ; et, quand ils le sont enfin, lui-même n’en a
plus besoin. Les suffrages sont donc inutiles aux âmes du purgatoire.
Cependant :
Saint Augustin
déclare que les suffrages sont utiles à ceux qui ne sont ni tout à fait bons,
ni tout à fait mauvais. Telles sont bien les âmes du purgatoire. Denys dit
aussi que "le prêtre de Dieu quand il prie pour les défunts, prie pour
ceux qui ont vécu saintement, mais auxquels la fragilité humaine a fait
contracter quelques souillures".
Conclusion :
Les peines du purgatoire ont
deux buts : 1° faire disparaître les restes du péché qui sont des habitus
vicieux de l’âme encore fière et qui ralentissent le mouvement de la charité ;
2° payer la dette satisfactoire pour les péchés qui ont été accomplis sur cette
terre, selon cette parole de Jésus : "Il ne sortira pas de prison avant
qu’il n’ait rendu jusqu’au dernier sou".
En ce qui concerne le premier,
nul ne peut satisfaire pour un autre car il appartient à chacun de détacher son
âme de tout reste d’attachement à elle-même. Les prières satisfactoires ne
peuvent avoir pour les défunts qu’un rôle dispositif, en tant qu’elles leur
manifestent en acte la grandeur de la vertu de charité.
En ce qui concerne la dette qui
doit être payée pour rétablir l’ordre détruit par le péché, nous avons montré
que les oeuvres satisfactoires des uns peuvent servir à d’autres, vivants ou
morts à cause de la communion des saints par la charité. Sans aucun doute, les
suffrages des vivants peuvent être utiles aux âmes du purgatoire à tel point
qu’ils peuvent supprimer complètement cette dette et hâter leur entrée au
paradis.
Solution 1 :
Il est question ici de l’enfer
des damnés, où il n’y a "pas de rédemption" pour ceux qui y sont
envoyés définitivement.
On peut encore, comme le fait
saint Damascène, entendre ces textes par rapport aux causes secondes,
c’est-à-dire, ici, par rapport à ce qu’ont mérité ceux qui sont ainsi punis.
Mais, si l’on regarde plus haut, la divine miséricorde qui ne s’arrête pas à ce
que les hommes ont mérité, peut quelquefois en décider autrement, par égard
pour les prières des justes. "Dieu, dit saint Grégoire, ne modifie pas son
dessein, mais il peut modifier sa sentence". Saint Damascène en donne pour
exemples les Ninivites, Achab et Ezéchias, où l’on voit la sentence divine
changée par la divine miséricorde.
Solution 2 :
On peut parfaitement admettre
que la multiplication des suffrages réduise à néant la peine du purgatoire en
tant qu’elle est satisfactoire pour les péchés antérieurement commis. Mais il
ne s’ensuit pas que le péché reste impuni, puisque les oeuvres satisfactoires
faites à l’intention d’un défunt sont justement regardées comme faites par
lui-même. Cependant, il demeure à accomplir par le défunt lui-même la
purification des restes du péché dans son âme. Il lui faut donc passer par un
feu purificateur que nul autre ne peut prendre sur lui.
Solution 3 :
Le suffrage pour les âmes du
purgatoire porte sur le payement de la dette sans laquelle elles ne peuvent
entrer au Ciel. C’est ainsi que, si l’âme est par ailleurs déjà purifiée de ses
péchés véniels actuels et en état de kénose, elle peut, grâce aux oeuvres
satisfactoires des vivants, entrer directement dans la gloire de Dieu.
Solution 4 :
Si quelqu’un n’exécutait pas
les prières et les oeuvres selon les dernières volontés d’un mourant, il
pourrait lui faire tort. En effet, la dette de peine resterait à payer par le
défunt lui-même ce qui prolongerait son purgatoire. Il est donc nécessaire aux
vivants de veiller offrir les prières, les aumônes et les sacrifices pour les
âmes des défunts au temps voulu. Il faut cependant se rappeler que tout ce
domaine des satisfactions de la dette de peine n’est pas à prendre à la manière
rigoureuse d’une justice de comptabilité. Dieu est au delà de ces dettes dont
l’obligation est liées à l’éducation des pécheurs. Ainsi, le Christ a satisfait
amplement pour tous. De même les prières, même si elles sont offertes des
années après l’entrée au Ciel d’une âme, lui sont tout de même utiles puisque
Dieu qui est au delà du temps, lui en a appliqué le bénéfice au moment ou il en
avait besoin. Quant aux suffrages dont il n’avait pas besoin, ils sont offerts
par Dieu au bénéfice d’autres âmes, par exemple pour celles qui n’ont personne
sur terre qui prie pour elles.
Objection 1 :
Les enfants morts sans baptême
sont dans un état qui les empêche d’entrer dans la gloire puisque, après cette
vie, le temps d’obtenir la grâce est passé. Il est donc inutile de prier pour
eux.
Objection 2 :
Saint Augustin déclare que les
suffrages sont inutiles à ceux "qui ont quitté ce monde sans avoir la foi
qui opère par la charité". Or les enfants morts sans baptême sont dans ce
cas puisqu’ils n’ont pas été justifiés par le don de la grâce. Donc les
suffrages pour eux sont inutiles.
Cependant :
C’est une tradition de la part
de l’Église d’admettre que les enfants morts nés, qui n’ont pas reçu le baptême
d’eau mais dont les parents auraient désiré si cela avait été possible pour eux
ce baptême, sont sauvés. Ce qui est possible pour ces enfants-là, bien qu’ils
n’aient pas été baptisés, l’est pour tous. Donc il faut prier pour les enfants
morts sans baptême.
Conclusion :
Nous avons montré que, en
stricte justice, les enfants morts sans baptême ne méritent pas d’être
introduits dans la gloire du Ciel puisque Adam et Ève ont pris sur eux la
responsabilité de les séparer de Dieu. Cependant, ce choix des premiers parents
peut être annulé par le choix des parents terrestres de l’enfant, qui
s’engagent en son nom dans la foi qui opère par la charité. Cela peut être
réalisé par le baptême de l’eau ou par le baptême de désir. Cependant, si les
parents terrestres viennent à manquer à leur devoir par négligence ou par
ignorance, un autre peut y remédier à cause de la communion de la charité qui
fait que chacun peut être pour un autre "une mère, un frère"[52].
Il est donc nécessaire de prier pour les enfants morts sans baptême en désirant
pour eux le pardon du péché originel, la communication de la grâce et de la vie
surnaturelle[53]. Celui qui agit ainsi pour un enfant abandonné
de tous, devient d’ailleurs et pour toujours, son père ou sa mère selon
l’esprit puisqu’il lui a obtenu, dans le passage de la mort, le don de la vie
surnaturelle.
Solution 1 :
Après cette vie, c’est-à-dire une fois entré
dans l’autre monde, le temps d’obtenir la grâce est passé puisque les hommes
ont vu le Christ glorieux et ont posé leur choix définitif. Ils arrivent donc
dans l’autre monde en état de péché mortel parfait, c’est-à-dire de blasphème
contre l’Esprit Saint ou en état de grâce.
Il en est de même pour les
enfants pour qui la grâce du baptême est communiquée, comme c’est le cas pour
tous les hommes, en cette vie ou au
moment de la mort, comme nous l’avons dit.
La prière de leurs parents leur
est donc particulièrement utile car c’est elle qui, habituellement et de droit,
leur obtient la vie surnaturelle. S’il arrive que sa mère ou son père ne
demandent pour lui le baptême que bien longtemps après sa mort, leur prière est
tout de même efficace car Dieu, qui est au-delà du temps, peut appliquer ses
grâces en vertu d’un mérite à venir comme il l’a fait pour les hommes d’une
façon habituelle avant la venue du Christ lorsque l’ange les visitait, et pour
la Vierge Marie dans sa conception immaculée.
Solution 2 :
Les enfants morts avec le
baptême d’eau, comme les enfants mort avec le baptême du désirs des saints
n’ont pas une foi qui est par elle-même opérante puisque leur état d’enfance
les empêche d’exercer par un acte volontaire l’habitus de foi et de charité
reçus avec le baptême. Leur foi n’est donc opérante qu’à travers celle de leurs
parents spirituels, c’est-à-dire dans celle de ceux qui désirent pour eux le
baptême. En conséquence, les enfants ont à vivre un temps qui n’appartient ni
tout à fait à ce monde, ni tout à fait à l’autre et où ils sont progressivement
éduqués par les saints jusqu’à ce qu’ils soient capables d’un choix
véritablement libre. Il y a donc pour tous les enfants trois étapes : 1° celle
de l’absence de grâce entre leur conception et leur baptême ; 2° celle de
la grâce sanctifiante communiquée par le baptême ; 3° puis celle du choix
de la gloire proposée par la parousie du Christ.
Objection 1 :
Nous lisons dans une oraison de
la messe de saint André : "De même que les saints mystères servent à la
gloire de vos saints, de même puissent-ils servir à notre guérison". Or,
le mystère de l’autel est le premier de tous les suffrages.
Objection 2 :
"Les sacrements réalisent
ce qu’ils symbolisent". Or, la troisième partie de l’hostie, qui est
déposée dans le calice, symbolise les âmes bienheureuses.
Objection 3 :
Les élus ne se réjouissent pas
seulement de leur propre bien, mais encore du bien des autres, ainsi qu’il est
dit dans saint Luc : "II y a de la joie aux anges de Dieu pour un seul
pécheur qui fait pénitence". Les bonnes œuvres des vivants procurent donc
un accroissement de joie aux âmes qui sont au Ciel.
Objection 4 :
"Si les païens, dit saint
Damascène, brûlent avec les morts ce qui leur appartenait, combien plus, ô
fidèle, dois-tu faire suivre le fidèle défunt de ce qui était à lui, non pour
réduire ces objets en cendres mais pour les faire servir à une plus grande
gloire : si c’est un pécheur qui est mort, afin que la dette soit payée ; si
c’est un juste, afin que la récompense soit donnée".
Cependant :
1°
Saint Augustin dit : "L’Église regarde comme une injustice de prier pour
un martyr, aux prières duquel nous devons nous recommander".
2°
On ne peut aider que celui qui est dans le besoin. Mais les élus ne manquent
absolument de rien. Les suffrages de l’Église ne peuvent donc les aider.
Conclusion :
Par sa nature même, le suffrage
est une assistance, qui ne convient donc en aucune façon à qui ne manque de
rien : seul, l’indigent peut être assisté. Dès lors, puisque les saints du Ciel
ne connaissent plus aucune indigence, "enivrés qu’ils sont des délices de
la maison du Seigneur ", ils n’ont que faire des suffrages.
Solution 1 :
Ces expressions ne doivent pas
s’entendre d’un profit que retireraient les saints de la célébration de leurs
fêtes : le profit est pour nous qui célébrons plus solennellement leur gloire,
tout de même que, du fait que nous connaissons et louons Dieu et que, d’une
certaine manière, sa gloire augmente en nous, Dieu n’y gagne rien, c’est nous
qui y gagnons.
Solution 2 :
Sans doute, les sacrements
"réalisent ce qu’ils symbolisent" ; cependant ils ne réalisent pas
tout ce qu’ils symbolisent : autrement, comme ils symbolisent le Christ, il
faudrait donc dire qu’ils réalisent quelque chose en lui, ce qui est absurde.
Mais, par la vertu du Christ, ils réalisent ce qu’ils signifient dans celui qui
les reçoit. Ainsi, le sacrifice offert pour les fidèles défunts n’est pas utile
aux saints, mais, par le mérite des saints qui sont commémorés ou signifiés
dans la célébration, il est utile à ceux pour qui il est offert.
Solution 3 :
Les saints du Ciel se
réjouissent de tous nos biens. Cependant, la multiplication de nos joies
n’augmente la leur que matériellement. En effet l’augmentation essentielle ou
formelle d’un sentiment dépend de la nature même de son objet. Or, l’objet
unique de la joie universelle des saints, c’est Dieu lui-même, et cette joie
est invariable : car, si elle ne l’était pas, leur récompense, dans ce qu’elle
a d’essentiel, varierait, puisqu’elle consiste en cette joie même. Dès lors, la
multiplication des biens, dont Dieu est pour eux l’unique raison de se réjouir,
ne leur donne pas nécessairement une joie plus intense, mais seulement plus
étendue. On ne peut donc pas dire non plus que nos bonnes œuvres les aident.
Solution 4 :
Les suffrages obtiennent que la
récompense soit donnée non pas au juste lui-même, mais à celui qui les fait. À
moins de dire qu’ils contribuent à la récompense d’un fidèle défunt dans la
mesure où, de son vivant, il a fait l’acte méritoire de les solliciter.
Objection 1 :
Une peine doit s’expier par une
peine. Or, le jeûne est plus pénible que l’aumône ou la prière. Il est donc
aussi un suffrage plus efficace.
Objection 2 :
Ces trois suffrages énumérés
par saint Augustin semblent insuffisants puisque saint Grégoire y ajoute un
autre : "Les âmes des défunts, dit-il, sont délivrées par les oblations
des prêtres, les prières des saints, les aumônes de leurs amis, le jeûne de
leurs proches".
Objection 3 :
Le baptême est le principal des
sacrements surtout par l’effet qu`il produit. Il devrait donc - et on en peut
dire autant des autres- être utile aux défunts autant ou même plus que le
sacrifice de l’autel.
Objection 4 :
La même conclusion, pour ce qui
est du baptême, n’est-elle pas suggérée par ce texte de Paul[54]
: "Si les morts ne ressuscitent en aucune manière, pourquoi y en a-t-il
qui se font baptiser pour eux ?"
Objection 5 :
Quelle que soit la messe, c’est
le même sacrifice. Si l’on compte parmi les suffrages le sacrifice et non la
messe, il semble que n’importe quelle messe, de la Sainte Vierge, du Saint
Esprit ou toute autre, soit également utile aux défunts, ce qui est contraire
aux décisions de l’Église qui a institué une messe spéciale à leur intention.
Objection 6 :
Saint Damascène enseigne que
"les cierges et l’huile", etc., sont offerts à l’intention des
défunts. Il faut donc ajouter ces oblations à celle du sacrifice de l’autel.
Conclusion :
La condition de l’utilité des
suffrages, c’est l’union de charité et la direction d’intention entre les
vivants et les défunts. Les œuvres les plus utiles sont donc celles qui
contiennent davantage de l’une ou de l’autre. À la charité se rapporte
principalement le sacrement de l’Eucharistie, qui est le sacrement de l’unité
entre les membres de l’Église, puisqu’il contient celui qui fait l’unité et la
solidité de l’Église tout entière, c’est-à-dire le Christ. L’eucharistie est
donc comme la source ou le lien de la charité. Quant aux effets de celle-ci, le
principal, c’est l’aumône. Si donc on envisage les suffrages au point de vue de
la charité, les deux qui ont le plus de valeur, c’est le sacrifice
eucharistique et l’aumône. D’autre part, si l’on regarde l’intention, la
première place revient à la prière car, par sa nature même, elle n’est pas seulement
en relation avec celui qui la fait, mais, encore plus directement que tout
autre suffrage, avec celui pour qui elle est faite. C’est pourquoi ces trois
suffrages sont les trois principaux moyens d’assister les défunts, sans dénier
pour autant leur utilité propre à toutes les autres bonnes œuvres faites, en
état de grâce, à l’intention des âmes du purgatoire. Car, rappelons-le, c’est
la charité et non les œuvres dans leur matérialité qui est source de vie.
Solution 1 :
Dans l’œuvre satisfactoire faite
pour un défunt, et qui ne lui est utile que si elle lui devient en quelque
sorte personnelle, ce qui effectue cette transmission a plus d’importance que
l’œuvre elle-même ; Encore que celle-ci, dans la mesure où elle est afflictive
et donc médicinale, puisse expier davantage les péchés de celui-là même qui la
fait. Les trois suffrages que nous avons dits sont donc utiles aux défunts plus
encore que le jeûne.
Solution 2 :
Le jeûne peut être utile aux
défunts par la charité et la direction d’intention ; mais ces deux conditions
lui sont, pour ainsi dire, extérieures. C’est la raison pour laquelle saint
Augustin ne l’a pas compté parmi les principaux suffrages quoique saint
Grégoire l’ait fait.
Solution 3 :
Le baptême est une naissance,
dans l’ordre spirituel Or, de même que c’est le seul nouveau-né qui vient au
monde, de même, c’est au seul baptisé que le baptême est utile, par l’œuvre
opérée : quoique, par l’œuvre opérante de celui qui donne ou de celui qui
reçoit le baptême celui-ci, comme toute œuvre méritoire, puisse être utile à
d’autres. Mais l’eucharistie est le symbole de l’union entre tous les membres
de l’Église ; Aussi, en vertu de l’œuvre opérée elle-même, son efficacité est
communicable ; Ce qui n’a pas lieu pour les autres sacrements.
Solution 4 :
La Glose donne deux
interprétations de ce texte de saint Paul". Si les morts ne doivent pas
ressusciter, le Christ n’est pas non plus ressuscité. Pourquoi donc se font-ils
baptiser pour eux ?" c’est-à-dire pour leurs péchés, puisque ceux-ci ne sont
pas remis si le Christ n’est pas ressuscité". En effet, la résurrection du
Christ opère en même temps que sa passion, puisqu’elle est, en quelque manière,
la cause de notre résurrection spirituelle.
La seconde interprétation est
celle-ci : "Il y eut des ignorants qui se faisaient baptiser pour ceux qui
étaient morts sans baptême, croyant que cela leur serait utile". C’est
simplement cette erreur que mentionne l’Apôtre.
Solution 5 :
Dans la messe il n’y a pas
seulement le sacrifice, mais encore des prières, c’est-à-dire deux des trois
principaux suffrages énumérés par saint Augustin. Au point de vue du sacrifice,
qui est la partie principale de la messe, celle-ci, quelle qu’elle soit par
ailleurs, a toujours la même valeur pour les défunts. Mais, au point de vue des
prières, plus utile est la messe qui contient des prières spéciales pour les
défunts. Cependant, l’infériorité d’une messe qui n’est pas celle des morts
peut être compensée par la dévotion plus grande de celui qui la célèbre ou la
fait célébrer, comme aussi par l’intercession du saint dont les suffrages y
sont plus spécialement sollicités.
Solution 6 :
Cette oblation de cierges ou
d’huile peut servir aux défunts à titre d’aumône : elle est, en effet, destinée
au culte ou encore à l’usage des fidèles.
Objection 1 :
L’affirmative n’est-elle pas
autorisée par la coutume de l’Église de faire prêcher la croisade et d’accorder
à celui qui prend la croix l’indulgence pour lui-même et deux ou trois et même
dix personnes, vivantes ou défuntes.
Objection 2 :
Le mérite de l’Église tout
entière a plus de valeur que celui d’un seul fidèle. Or, un acte personnel
méritoire, par exemple, une aumône peut être utile aux défunts. Donc, a fortiori, les indulgences, qui
représentent les actes méritoires de l’Église, doivent l’être.
Objection 1 :
Les indulgences sont utiles aux
membres de l’Église. Or, les âmes du purgatoire appartiennent à l’Église ;
autrement, aucun suffrage ne leur servirait.
Cependant :
Une indulgence n’est efficace
que si elle est accordée pour une cause juste et spécialement pour une bonne
oeuvre utile à l’Église. Or, les défunts ne peuvent plus rien faire et ne
peuvent donc pas mériter d’indulgence.
2°
La portée des indulgences dépend de celui qui les accorde. Il pourrait donc, à
supposer qu’elles soient utiles aux défunts, accorder à un défunt une
indulgence équivalente à une expiation totale ; ce qui est absurde.
Conclusion :
Une indulgence peut être utile
de deux manières : Principalement et directement, à celui qui la reçoit,
c’est-à-dire qui accomplit l’œuvre pour laquelle elle est accordée, par
exemple, un pèlerinage au tombeau d’un saint. Cette manière est évidemment
incompatible avec la condition des défunts.
Une indulgence peut être utile
secondairement et indirectement à celui en faveur duquel elle est gagnée par un
fidèle qui accomplit l’œuvre prescrite. Mais cette utilité dépend de la formule
même de l’indulgence. Si la formule est celle-ci : "Celui qui fera telle
ou telle chose gagnera tant d’indulgence", l’indulgence demeure
strictement personnelle, car l’Église seule a le droit d’attribuer les
suffrages communs d’où les indulgences tirent leur valeur. Si, au contraire, la
formule est celle-ci : "Si quelqu’un fait telle ou telle chose, quelconque
de sa famille, détenu en purgatoire, recevra tant d’indulgence",
l’indulgence n’est plus réservée aux vivants, mais applicable aux défunts. En
effet, puisque l’Église a le pouvoir de faire participer, pendant leur vie, les
fidèles aux mérites communs, source des indulgences, il n’y a aucune raison de
lui refuser celui de les y faire participer, après leur mort. Il ne s’ensuit
pourtant pas que le supérieur ecclésiastique peut délivrer à son gré les âmes
du purgatoire, puisque les indulgences ne sont efficaces que s’il existe une
raison légitime de les accorder.
Objection 1 :
Saint Athanase dit :
"Quoique l’âme de celui qui est mort pieusement se soit envolée, ne laisse
pas de faire brûler de l’huile et des cierges à son tombeau ; car ces
pratiques, accompagnées de prières, sont agréables à Dieu et grandement
récompensées par lui".
Objection 2 :
Saint Augustin dit aussi :
"Une piété respectueuse rendait les derniers devoirs aux justes
d’autrefois, célébrait leurs obsèques, leur préparait un tombeau ; eux-mêmes,
de leur vivant, exprimaient à leurs fils leur volonté à cet égard". C’est
donc que toutes ces choses ont leur importance et leur utilité pour les
défunts.
Objection 3 :
Quiconque reçoit une aumône en
profite. Mais ensevelir les morts est regardé comme une espèce d’aumône".
Au témoignage de l’ange Raphaël, Tobie, en donnant la sépulture aux morts, se
concilia la faveur divine".
Objection 4 :
On ne saurait dire que la
dévotion des fidèles soit vaine. Or, par dévotion, certains désirent être
enterrés dans des lieux saints.
Objection 5 :
Dieu est plus porté à pardonner
qu’à punir. Or, "les pécheurs, dit saint Grégoire, en se faisant ensevelir
dans les églises, ajoutent à leur condamnation au lieu de contribuer à leur
délivrance". Donc, au contraire et a
fortiori, le lieu et les circonstances de leur sépulture sont utiles aux
justes.
Cependant :
Saint Augustin déclare que
"tout ce que l’on fait pour le corps des défunts ne leur sert de rien pour
la vie éternelle, mais n’est qu’un devoir d’humanité".
2°
Saint Grégoire parle dans le même sens : "La célébration des funérailles,
la condition de la sépulture, la pompe des obsèques, sont une consolation pour
les vivants plutôt qu’un secours pour les défunts".
3". Ne craignez pas,
disait Jésus, ceux qui tuent le corps, et qui après cela ne peuvent rien faire
de plus". Or, il arrive qu’ils refusent la sépulture à leurs victimes,
comme on le rapporte de certains martyrs de l’Église de Lyon. L’absence de
sépulture ne nuit donc pas aux défunts, et les cérémonies de la sépulture ne
leur servent pas davantage.
Conclusion :
La pratique d’ensevelir les
morts a été motivée par une double utilité. -L’une pour les vivants : quant au
corps, pour qu’il ne soit ni offensé ni incommodé par la vue et l’odeur des
cadavres ; Quant à l’âme, pour affirmer et confirmer la foi au dogme de la
résurrection. -L’autre pour les défunts : en même temps que l’on voit leurs tombeaux,
on évoque leur souvenir et l’on prie pour eux. C’est même de là que vient le
nom de "monument", d’après saint Augustin : monere avertir, mentem,
l’esprit, faire penser à quelqu’un ou à quelque chose. Les païens se trompaient
en croyant que la sépulture était nécessaire pour assurer aux âmes le repos
qu’ils jugeaient impossible pour elles, jusqu’à ce que leur corps ait été
enseveli ; ce qui est le comble du ridicule et de l’absurde.
La sépulture dans un lieu
consacré à un saint peut être utile aux défunts, non par l’œuvre opérée, mais
par l’œuvre opérante, ce qui signifie que l’utilité ne vient pas du fait même
d’y être enseveli, mais du patronage et de l’intercession du saint auquel les
défunts, ensevelis chez lui, ont été comme confiés ou encore des prières plus
fréquentes et plus spéciales que les personnes, chargées du soin de ce
sanctuaire, font pour les âmes de ceux dont les corps y reposent.
Ce qui contribue à la richesse
et à l’éclat d’une sépulture est utile aux vivants, comme une espèce de
"consolation" ; mais peut encore être utile aux morts, du moins
indirectement, parce que les spectateurs sont excités à la compassion et à la
prière ou encore parce qu’une partie des frais est consacrée à soulager les
pauvres à orner l’église, la sépulture devenant ainsi une espèce d’aumône.
Solution 1 :
L’huile et les cierges apportés
aux tombeaux peuvent être utiles aux défunts indirectement, s’ils sont donnés à
l’église ou aux pauvres ; ou encore si on les fait brûler comme un hommage à
Dieu, et s’ils méritent ainsi le nom d’ "holocauste" qui leur est
donné.
Solution 2 :
Les Patriarches s’occupaient de
leur sépulture, afin de montrer "que la Providence veille sur les corps
des défunts : non parce qu’ils conservent la moindre conscience, mais pour
affirmer la foi à la résurrection", comme le dit saint Augustin. C’est
aussi pourquoi ils voulurent être ensevelis dans la Terre promise où ils
croyaient que devait naître et mourir le Christ, dont la résurrection est
cause de la nôtre.
Solution 3 :
Le corps faisant partie de la
nature humaine, il est naturel à l’homme de l’aimer : "Jamais personne n’a
haï sa propre chair". Il lui est naturel aussi de s’inquiéter de ce que
deviendra son cadavre, et s’il prévoyait que celui-ci dût subir quelque indignité,
il en souffrirait. Ceux donc qui aiment quelqu’un, aiment aussi ce qu’il aime
et traitent son cadavre avec affection et respect. En effet, comme le dit saint
Augustin, "si le vêtement ou l’anneau ou un objet quelconque dont s’est
servi leur père est d’autant plus cher à ses enfants que ceux-ci l’ont aimé
lui-même davantage, il est donc défendu de mépriser ce corps qui nous est plus
étroitement uni que n’importe quel vêtement". Aussi, lorsque, partageant
les sentiments d’un défunt, on rend à son corps les derniers devoirs, ce dont
il est lui-même incapable, c’est vraiment une aumône qu’on lui fait.
Solution 4 :
La dévotion qui pousse les
fidèles à faire ensevelir les corps de leurs chers défunts dans un sanctuaire
n’est point vaine, parce qu’elle procure à leurs âmes les suffrages du saint
auquel ce sanctuaire est dédié.
Solution 5 :
Etre enseveli dans un lieu
saint ne nuit à un défunt qui fut un impie que s’il a recherché par vaine
gloire cette sépulture dont il était indigne.
Objection 1 :
On peut comparer les suffrages
à des lumières. Or, une lumière spirituelle est encore plus communicable qu’une
lumière corporelle ; et cependant celle-ci, un cierge, par exemple, quand elle
est allumée pour quelqu’un, éclaire également tous ceux qui sont avec lui,
quoiqu’elle n’ait pas été allumée pour eux.
Objection 2 :
Les suffrages "sont utiles
aux défunts dans autre vie, dit saint Augustin, autant qu’ils l’ont mérité, pendant
qu’ils étaient en cette vie". Or, il y en a qui l’ont mérité bien plus que
ceux-là mêmes auxquels les suffrages sont destinés. L’utilité des suffrages est
donc aussi pour eux.
Objection 3 :
Il y a une grande disproportion
entre les riches et les pauvres, par rapport aux suffrages. Si donc les
nombreux suffrages assurés aux premiers n’étaient pas en même temps utiles aux
seconds, ceux-ci seraient dans une condition d’infériorité qui semble
incompatible avec la promesse évangélique "Bienheureux vous qui êtes
pauvres, car le royaume des cieux est à vous!"
Cependant :
1° La justice humaine se modèle
sur la justice divine. Or, chez les hommes, celui qui paye la dette de
quelqu’un ne libère que lui. Donc, comme les suffrages sont en quelque sorte le
payement d’une dette, ils sont utiles, aux défunts auquel ils sont destinés.
2°
Les suffrages sont une satisfaction applicable aux vivants aussi bien qu’aux
défunts. Mais dans le premier cas, celui à qui ils sont destinés est le seul à
en bénéficier. Il en va donc de même, quand il s’agit des défunts.
Conclusion :
Cette question a reçu deux
réponses. Les uns, parmi lesquels le Prévôtin, ont dit que les suffrages
destinés à un défunt ne lui sont pas plus utiles à lui-même, mais à d’autres
plus dignes. Et ils en donnaient deux exemples : celui d’un cierge qu’on allume
pour un riche, et qui n’éclaire pas moins ceux qui sont avec lui, et même
davantage ceux qui ont de meilleurs yeux ; celui d’une lecture faite
spécialement pour quelqu’un, et dont profitent tous les auditeurs autant et
même plus que lui, s’ils ont l’esprit plus ouvert. Et, si on leur objectait la
coutume approuvée par l’Église de prier spécialement pour tel ou tel défunt,
ils répondaient que cette manière d’agir avait pour but d’exciter la dévotion des
fidèles qui sont plus portés aux suffrages particuliers qu’aux suffrages
communs et prient avec plus de ferveur pour leurs parents que pour des
étrangers. – D’autres au contraire ont dit que les suffrages sont plus utiles
aux défunts pour qui ils sont destinés.
Chacune des deux propositions
contient une part de vérité. En effet, l’utilité des suffrages dépend de deux
choses. D’abord de l’union de charité qui fait que tous les biens sont communs
à tous. À ce point de vue, les suffrages destinés à un défunt sont cependant
plus utiles à un défunt dont la charité est plus grande. Ainsi considérée,
l’utilité des suffrages consiste moins en une diminution de la peine qu’en une
certaine consolation intérieure, qui vient de la joie causée à celui qui a la
charité par les bonnes œuvres du prochain. Après la mort, en effet, celles-ci
malgré l’union de charité ne peuvent plus comme en cette vie, nous obtenir la
grâce ou l’augmenter en nous.
Elle dépend, en second lieu, de
la direction d’intention, par laquelle les oeuvres satisfactoires passent d’un
vivant à un défunt. À ce point de vue, il est hors de doute que les suffrages
destinés à un défunt lui sont non seulement plus utiles qu’aux autres, mais ne
le sont qu’à lui. La satisfaction, en effet, a pour but direct et unique la
remise de la peine. Ainsi considérés les suffrages sont utiles à celui-là
surtout auquel ils sont destinés. Sur ce point, la seconde opinion est plus
vraie que la première.
Solution 1 :
Les suffrages agissent à la
façon de la lumière, lorsqu’ils parviennent aux défunts pour leur apporter une
certaine consolation d’autant plus grande que leur charité l’est aussi. Mais,
comme satisfaction transmise à un défunt par l’intention d’un vivant, ce n’est
plus à la lumière qu’il faut comparer les suffrages, mais au payement d’une
dette. Or, il n’y a aucune raison, si l’on paye les dettes de quelqu’un, pour
que celles d’autres personnes soient payées du même coup.
Solution 2 :
Ce mérite personnel est en même
temps conditionnel : ces défunts ont mérité que les suffrages leur soient
utiles, s’il en est qui leur soient destinés ; et en d’autres termes, ils n’ont
fait autre chose que de se disposer à les recevoir. Il est donc clair qu’ils
n’ont pas mérité directement d’être secourus par des suffrages, mais ils se sont
seulement, par les mérites acquis de leur vivant, préparés à et en recevoir le
fruit. Il ne s’ensuit donc pas que ce mérite soit nul et de nul effet.
Solution 3 :
Rien n’empêche que les riches
soient plus favorisés que les pauvres, à un certain point de vue, par exemple,
celui de l’expiation. Mais cela n’est rien ou presque rien en comparaison de la
possession du royaume des Cieux, par rapport à laquelle les pauvres sont les
favoris, d’après le texte évangélique lui-même.
Objection 1 :
Celui pour qui est faite une
lecture n’en perd rien si un autre en profite. Il en va de même pour les
suffrages ; et ainsi, s’ils sont destinés à plusieurs défunts, chacun en
bénéficie autant que s’ils lui étaient uniquement destinés.
Objection 2 : Selon l’usage commun de l’Église, nous
voyons que, dans une messe célébrée à l’intention particulière d’un défunt, on
ajoute des prières pour d’autres défunts. Cette pratique n’aurait pas lieu si
elle devait tourner au détriment de celui pour lequel la messe est célébrée. Il
faut donc conclure comme ci-dessus.
Objection 3 :
La valeur des suffrages, des
prières surtout, dépend de la puissance divine. Mais le nombre de ceux par
lesquels il accorde son secours est indifférent à Dieu, aussi bien que le
nombre de ceux auxquels il l’accorde. Donc, chacun des défunts pour lesquels
une prière commune est faite en bénéficie tout autant que celui à l’intention
spéciale duquel la même prière serait faite.
Cependant :
1°
Mieux vaut secourir plusieurs personnes qu’une seule. Si donc le suffrage destiné
à plusieurs défunts était aussi utile à chacun que s’il lui était uniquement
destiné, il semble que l’Église n’aurait pas dû instituer des messes ou des
prières à l’intention spéciale d’un défunt, mais que les unes et les autres
dussent toujours être offertes pour tous les défunts, ce qui est évidemment
faux.
2°
L’efficacité d’un suffrage est limitée. Divisé entre plusieurs défunts, il est
donc moins utile à chacun que s’il était attribué en entier à un seul.
Conclusion :
Si l’on considère dans les suffrages
la valeur provenant de la vertu de charité qui unit tous les membres de
l’Église, la réponse est affirmative : Les suffrages destinés à plusieurs
défunts donnent à chacun autant que s’ils étaient destinés à lui seul. Car la
charité n’est pas diminuée, mais plutôt augmentée, par la diffusion de ses
bienfaits ; la joie, elle aussi, s’accroît en se communiquant, comme le dit
saint Augustin. Ainsi donc, la bonne oeuvre destinée à plusieurs défunts
réjouit chacun d’eux tout autant que si elle était faite pour lui seul.
Au contraire, si l’on considère
le suffrage comme une satisfaction dont la valeur est transmise aux défunts
par l’intention des vivants, il faut répondre que le suffrage destiné à un seul
défunt lui est plus utile que s’il lui était destiné et même temps qu’à
d’autres : car, en ce cas, la justice divine attribue à chacun une part seulement
de la valeur satisfactoire totale.
On voit par là que cet article
est un corollaire du précédent ; et l’on voit aussi la raison des suffrages
individuels dans l’Église.
Solution 1 :
Les suffrages, considérés comme
satisfaction, ne sont pas utiles en agissant, comme le serait un enseignement
dont l’efficacité, et il en est ainsi de toute action, est proportionnée aux
dispositions de celui qui le reçoit ; ils sont utiles en acquittant une dette,
comme on l’a expliqué. La comparaison est donc défectueuse.
Solution 2 :
On a dit que les suffrages
destinés à un défunt sont, d’une certaine manière, utiles à d’autres ; rien
n’empêche donc d’ajouter à une messe célébrée pour un défunt certaines prières
pour d’autres défunts ; car on ne prétend point par là détourner à leur profit
la valeur satisfactoire du sacrifice, mais seulement les secourir par ces
prières faites à leur intention.
Solution 3 :
Il faut considérer dans la
prière celui qui prie et celui qui est prié : l’effet dépend de tous les deux.
Sans doute le Dieu tout-puissant peut aussi facilement pardonner à plusieurs
qu’à un seul ; mais celui qui prie n’est pas capable, par une même prière, de
satisfaire autant pour plusieurs que pour un seul.
Objection 1 :
Dans l’autre monde, chacun est
traité selon ses mérites. Mais, celui à oui aucun, suffrage spécial n’est destiné
peut avoir mérité d’être secouru, après sa mort, autant qu’un admire qui
bénéficie de pareils suffrages : Donc les suffrages communs lui seront, à eux
seuls, tout aussi utiles.
Objection 2 : De tous les suffrages de l’Église, le
principal, c’est l’Eucharistie. Mais celle-ci, du fait qu’elle contient le
Christ tout entier, a une efficacité en quelque sorte infinie. Une seule
oblation du sacrifice eucharistique, à l’intention de tous les défunts, suffit
donc à leur délivrance plénière, et au suffrage commun ne laisse à désirer le
secours d’aucun suffrage particulier.
Cependant :
Deux biens sont meilleurs qu’un
seul. Les suffrages spéciaux ajoutés aux suffrages communs sont donc plus
utiles à un défunt que ces derniers seuls.
Conclusion :
La réponse dépend de celle qui
a été donnée à l’article 14. Si les suffrages destinés à un défunt en
particulier sont utiles à tous sans distinction, tous les suffrages sont
communs ; dès lors, un défunt privé de tout suffrage spécial est secouru, s’il
en est également digne, tout autant que celui auquel des suffrages sont
spécialement destinés. Au contraire, si la valeur des suffrages n’est pas
attribuée indifféremment à tous les défunts, mais d’abord et surtout à ceux
qui et en sont les destinataires, il n’est pas douteux que les suffrages
spéciaux ajoutés aux suffrages communs ne soient plus efficaces que ces
derniers seulement.
C’est pourquoi le Maître des
Sentences signalait deux opinions. La première soutient que les suffrages
communs omit pour le pauvre une valeur égale à celle qu’ont pour le riche les
suffrages communs et les suffrages particuliers : ce dernier a des secours plus
nombreux, mais qui ne sont pas plus efficaces. -La seconde opinion admet que
celui à qui sont destinés des suffrages particuliers reçoit un pardon plus
rapide, mais non pas plus entier, puisque riche et pauvre seront, en fin de
compte, entièrement délivrés.
Solution 1 :
Le secours apporté par les
suffrages ne dépend pas directement et absolument du seul mérite mais, pour
ainsi dire, conditionnellement, comme on l’a expliqué à la solution 2 de
l’article 13.
Solution 2 :
La puissance du Christ contenu
dans l’Eucharistie est infinie, mais son efficacité est orientée vers le
défunt à l’intention duquel le saint sacrifice est offert. Il ne s’ensuit donc
pas nécessairement qu’une seule oblation eucharistique expie toute la peine des
âmes du purgatoire, pas plus qu’elle n’opère, pour un vivant, la satisfaction
totale pour les péchés qu’il a commis la preuve en est que plusieurs messes
sont parfois imposées en réparation d’un seul péché.
On peut croire cependant que,
par un effet de la divine miséricorde, le surplus des suffrages particuliers
surabondants pour ceux auxquels ils sont destinés, est appliqué à d’autres
défunts qui sont privés de tels suffrages et qui ont besoin de secours".
Parce que Dieu est juste, dit saint Damascène, il n’exige de la faiblesse que
ce qu’elle peut donner ; parce qu’il est sage, il trouve le moyen de combler
les indigences" ; et ce moyen, c’est de transférer ce que les uns ont de
trop à d’autres qui n’ont pas assez.
[1]saint Thomas
d’Aquin, Somme théologique, Ia IIae question 89 article 6.
[2] CONCILE
DE TRENTE, Op. cit. Dumeige 358.
[3] Vatican II,
Gaudium et Spes n° 22, 5, trad. Officielle.
[4] Voir
l’article «Misère des enfants et péché originel d’après saint Augustin
», F. Refoule, Revue Thomiste, juillet 1963, p. 341.
[5] Constitution
Benedictus Deus, Dumeige p. 510.
[6] 1 Timothée
2, 3-4.
[7] Voir dans ce
traité, Question 16.
[8] Voir dans ce
traité, Question 1, article 2 ; Question 1 bis.
[9] Luc 3, 1.
[10] Denzinger
Schön. 858. C. JOURNET, La volonté divine salvifique sur les petits enfants.
[11] Ibidem
1306 (1438-1445). Le Décret Pro jacobitis du même concile précise
qu’il n’est possible de venir en aide aux petits enfants «par un autre
remède que le sacrement de baptême », Ibidem 1349.
[12] Décret sur
le baptême, Denzinger, 2626.
[13] La thèse que
nous proposons doit bien sûr subir la critique des théologiens. Mais elle a
l’avantage de s’inscrire dans le cadre d’une doctrine traditionnelle, celle du
baptême de désir. On pourrait nous objecter cette Déclaration de la
Congrégation pour la Doctrine de la foi. Tirée de l’instruction sur le baptême
des petits enfants (DC, 1997, n° 1980, p. 1109) : «Par sa doctrine et
sa pratique, l’Église a montré qu`elle ne connaît pas d’autre moyen que le
baptême pour assurer aux petits enfants l’entrée dans la béatitude éternelle.
C’est pourquoi, elle se garde de négliger la mission qu’elle a reçu de baptiser
les petits enfants. Quant aux petits enfants décédés sans avoir reçu le baptême,
l’Église ne peut que les confier à la miséricorde de Dieu comme elle le fait
dans le rite des funérailles qu’elle a créé pour eux ».
[14] « A mes Petits Frères du Ciel, les innocents ».
[15] Luc 16, 22.
[16] Marc 10, 13.
[17] Derniers entretiens, 18 août, éditions du Cerf, Paris.
[18] « J’entre
dans la vie », cerf-Desclée de Brouwer, 1977, p. 66
[19] Lettre
d’Innocent IV à l’évêque de Tusculum (06/03/1224)
[20] « J’entre dans la vie »,
cerf-Desclée de Brouwer, 1977, p. 66. Parole relevée par le 10 juillet 1897 (83
jours avant sa mort) sur le petit carnet jaune par mère Agnès de Jésus (Agnès
Martin) sous le titre : "Paroles recueillies les deniers mois de notre
Thérèse"
[21] Manuscrits
autobiographiques de sainte Thérèse de Lisieux, l’enfance.
[22] Marc 10, 13.
[23] 4 octobre 1997.
[24] Voir la
lette apostolique Ad Tuendam Fidem, 30 juin 1999, et le
commentaire du Cardinal préfet de la Congrégation pour la foi qui montre que la
condamnation de l’avortement relève bien du Magistère solennel.
[25] « J’entre dans la vie »,
cerf-Desclée de Brouwer, 1977, p. 66. Parole relevée par le 10 juillet 1897 (83
jours avant sa mort) sur le petit carnet jaune par mère Agnès de Jésus (Agnès
Martin) sous le titre : "Paroles recueillies les deniers mois de notre
Thérèse"
[26] Apocalypse 7, 13.
[27] Romains 10,
14.
[28] Voir chacune
des références dans le Dentzinger, Cerf, Paris, 1997.
[29] Actes 16, 6.
[30] S'il l'avait
voulu, ce serait fait depuis longtemps en raison de la puissance de l'Esprit et
seuls résisteraient aujourd’hui ceux qui en auraient fait lucidement ce choix.
[31] 2 Théssaloniciens 2, 8.
[32] Allocution SINGULARI
QUADAM de Pie IX (9 décembre 1854).
[33] 1 Jn 3, 2.
[34] Ep 4, 51.
[35] Lettre du
Saint Office à Mgr Cushing, Archevêque de Boston, 8 août 1949.
[36] Hébreux 11, 6.
[37] Hébreux 11, 6.
[38] Luc 17, 10.
[39] De
Veritate, 14, 11, 1.
[40] Luc 7, 47.
[41] Romains 6,
1.
[42] Voir notre
traité, question 11, article 5.
[43] Luc 12, 34.
[44] La question
71 du Supplément à la Somme de théologie de saint Thomas d’Aquin est ici
reprise, avec des modifications.
[45] «Reconnaissant dès l’abord cette communion
qui existe à l’intérieur de tout le corps mystique de Jésus Christ, l’Église en
ses membres qui cheminent sur terre a entouré de beaucoup de piété la mémoire
des défunts dès les premiers temps du christianisme en offrant aussi pour eux
ses suffrages. car «la pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient
délivrés de leurs péchés, est une pensée sainte et pieuse ».
2 Macchabées 12, 45 (Lumen Gentium 50).
[46] 2 Macchabées 12, 45.
[47] L’article du
Supplément de la Somme de Théologie n’est plus utilisable dans
l’état ou le jeune saint Thomas l’avait écrit.
[48] Luc 16.
[49] Cet article
est, en conséquence de la thèse sur la venue du Christ à l’heure de la mort,
rajouté à la question de saint Thomas d’Aquin.
[50] Affirmer la communion des saints, c’est déjà,
d’une manière très générale, prendre le contre-pied d’une certaine
compréhension de la vie chrétienne : celle qui la voit comme une grandeur
isolée comme si, plus l’unique (Kierkegaard) était isolé et solitaire dans sa
recherche de Dieu, plus il était un chrétien authentique, existentiel. Pour la
Bible celui qui croit ne peut que «demeurer dans la communauté de ceux qui
rompent le pain » (Actes 2, 42), qu’être appelé dans la «communauté du Fils (de
Dieu) » I Corinthiens 1, 9), et ce par la «communion au sang du Christ » bu à
la même coupe, et par la communion à son corps mangé dans le même pain (10,
16). Tout ceci se replaçant dans la «communion de l’Esprit Saint » (2
Corinthiens 13, 13), qui est communion avec le Christ et communion les uns avec
les autres par lui (cf. Philippiens, 2, 1). Mais la communion dans le Christ
représente en même temps une garantie de «communion dans la consolation » par
Dieu (2 Corinthiens 1, 7), et même une «communion dans la gloire à venir » (I
Pierre 5, 1). Toute la doctrine de Paul sur l’Église comme corps du Christ,
dans laquelle les croyants existent comme membres, pour le bien de l’ensemble,
mais aussi pour celui des autres membres, marque du sceau du définitif la
signification centrale de l’idée chrétienne de communion.
Christoph SCHÖNBORN, o p : L’état de pèlerin,
de purification et de gloire (La communion des saints selon Vatican II).
[51] La discipline pénitentielle primitive
connaissait de longues et laborieuses satisfactions pour les péchés. Les
évêques, cependant, tel saint Cyprien, prirent la coutume de diminuer le poids
de ces satisfactions. Les tarifs pénitentiels des pénitents publics furent de
plus en plus réduits et remplacés par d’autres pratiques ; ainsi on pouvait
faire un pèlerinage au lieu d’un jeune de sept ans ; on recevait donc une
indulgence de sept ans. On accepta aussi que la pratique réduisant la peine
pouvait être accomplie par un ami du pécheur et même par un vivant à la place
d’un défunt. En 1457, pour la première fois dans un document pontifical,
Callixte III concéda des indulgences applicables aux âmes du purgatoire.
Cette doctrine doit être revue aujourd’hui. Elle
avait été présentée au Concile, mais les Pères furent empêchés de
l’approfondir. La Constitution apostolique Indulgentiarum Doctrina du 1.
1. 1967 a déjà simplifié la discipline des indulgences et montré l’universalité
du trésor de l’Amour que le Christ nous a mérité. Tout ce qui nous associe à la
charité du Christ, qui incarne l’initiative salvifique de Dieu, nous fait coopérer
au salut du monde.
[52] Saint Luc 8,
21.
[53] C’est ce que
réalisent sacramentellement toutes ces infirmières qui n’hésitent pas à
baptiser les nouveau-nés en danger de mort.
[54] 1
Corinthiens 15, 29.
[55] Supplément à la Somme de Théologie,
Question 71 ; L’Église exclut toute forme de pensée ou d’expression qui
rendrait absurdes ou inintelligibles sa prière, ses rites funèbres, son culte
des morts, lesquels constituent, dans leur substance, des lieux théologiques. Congrégation pour la doctrine de la foi, Lettre sur quelques questions concernant
l’eschatologie, 17 mai 1979.
[56] Supplément
à la Somme de Théologie, Question 71.
[57] Supplément
à la Somme de Théologie, Question 71.
[58] Supplément
à la Somme de Théologie, Question 71.