Successivement, nous
traiterons de son existence, de sa nature, de son effet sur les âmes.
Article l : Existe-t-il un purgatoire après cette vie ?
Article 2 : Y a t-il six degrés du purgatoire ?
Article 3 : La vie terrestre est-elle le premier
purgatoire ?
Article 4 : Les purgatoires de l’au-delà ont-il un lieu ?
Article 5 : Certaines âmes peuvent-elles être purifiées
en se réincarnant dans un corps ?
QUESTION 16 : Le shéol, purgatoire qui précède la
parousie du Christ
Article 1 : Existe-t-il un purgatoire dans le passage
qu’est la mort ?
Article 2 : La peine de ce purgatoire est-elle
voulue par Dieu ?
Article 3 : La peine principale du shéol est-elle la
solitude de l’errance ?
Article 4 : Les âmes de ce purgatoire sont-elles
tourmentées par les démons ?
Article 5 : Ce purgatoire est-il plus douloureux que
la vie d’ici-bas ?
Article 6 : Les âmes de ces purgatoires sont-elles
saintes ?
Article 7 : Les âmes du shéol peuvent-elles se
damner ou au contraire peuvent-elles mériter ?
Article 8 : Les âmes du shéol peuvent-elles prier
pour nous ?
Article 9 : Est-ce dans ce purgatoire que le Christ
glorieux paraît dans sa gloire ?
QUESTION 17 : Les trois purgatoires qui suivent la
parousie du Christ
Article 2 : Le feu des purgatoires de lumière est-il le
désir de Dieu ?
Article 3 : Les âmes de ces purgatoires sont-elles
rongées par le ver du remords ?
Article 4 : Les âmes de ces purgatoires sont-elles
tourmentées par les démons ?
Article 5 : Le feu de ces purgatoires est-il le même que
celui de l’enfer ?
Article 6 : Les souffrances de ces purgatoires
surpassent-elles toutes celles d’ici-bas ?
Article 7 : La peine du purgatoire est-elle voulue par
Dieu ?
Article 8 : Les âmes de ces purgatoires sont-elles saintes
?
Article 9 : Les âmes de ces purgatoires sont-elles
soumises à la volonté de Dieu ?
Article 10 : Les souffrances des âmes de ces purgatoires
sont-elles voulues par elles ?
Article 11 : les âmes des purgatoires de lumière
peuvent-elles pécher ?
Article 12 : Les âmes de ces trois purgatoires
peuvent-elles mériter ?
Article 13 : Les âmes de ces purgatoires sont-elles dans
la joie et dans la paix ?
Article 14 : Les âmes du purgatoire peuvent-elles les
prier pour nous ?
QUESTION 18 : Les effets des trois purgatoires qui
suivent la parousie du Christ
Article 1 : Le péché véniel comme péché véniel est-il
expié par souffrances du purgatoire ?
Article 3 : Les flammes du purgatoire libèrent-elles
de la pénitence due au péché ?
Article 4 : Les âmes du purgatoire sont-elles délivrées
plus vite les unes que les autres ?
A propos du purgatoire, nous
nous demanderons :
1°
Existe-t-il un purgatoire après cette vie ?
2°
Existe-il six degrés du purgatoire ?
3° La
vie terrestre est-elle le premier purgatoire ?
4°
Les purgatoires de l’au-delà ont-ils un lieu ?
5° Certaines âmes se purifient-elles en se
réincarnant sur terre ?
Objection 1 :
La notion de purgatoire n’a été
définie par l’Église qu’au XVe siècle. Il semble que les Pères n’y ont pas cru
avant. Elle ne saurait donc être un dogme de foi mais seulement un ajout à la
foi.
Objection 2 :
L’apocalypse semble le nier[2]
: "heureux les morts qui meurent dans le Seigneur! Dès maintenant, dit
l’Esprit, qu’ils se reposent de leurs travaux". Ceux qui meurent dans le
Seigneur n’ont donc pas à subir un travail de purification après cette vie ;
pas davantage ceux qui ne meurent pas dans le Seigneur, puisqu’il n’y a pas,
pour eux, de purification possible.
Objection 3 :
Le rapport est le même entre la
charité et la récompense éternelle, le péché mortel et le supplice éternel. Or
ceux qui meurent en état de péché mortel vont immédiatement au supplice
éternel. Donc ceux qui meurent en état de grâce vont tout droit au Ciel.
Objection 4 :
Dieu qui est souverainement
miséricordieux, est plus prompt à récompenser le bien qu’à punir le mal. Or de
même que ceux qui sont en état de grâce peuvent avoir commis certains péchés
qui ne méritent pas la peine éternelle, de même ceux qui sont en état de péché
mortel peuvent avoir fait quelque bien qui ne mérite pas la récompense
éternelle. Dès lors, puisque ce bien n’est pas récompensé dans l’autre vie, ces
péchés ne doivent pas être punis non plus (Selon Alexandre de Halès).
Cependant :
Le pape Clément VI écrit[3]
: "Nous croyons que c’est au purgatoire que descendent les âmes de ceux
qui meurent en état de grâce et qui n’ont pas encore satisfait pour leur péché
par une entière pénitence. De même, nous croyons qu’elles y sont tourmentées
par un feu pour un temps et que, dès leur purification, avant même le jour du
jugement, elles parviennent à la véritable et éternelle béatitude qui consiste
à voir Dieu face à face et à l’aimer".
Conclusion :
L’existence du purgatoire est
un article de foi qui trouve son fondement dans l’Écriture Sainte d’une manière
explicite. Il est écrit au livre des Macchabées[4]
: "C’est une sainte et salutaire pensée que de prier pour les défunts,
afin qu’ils soient délivres de leurs péchés". Or ceux qui sont au paradis
n’ont pas besoin de prières puisqu’ils ne manquent de rien ; ceux qui sont en
enfer n’en ont que faire, puisqu’ils ne veulent être délivrés de leurs péchés.
Il y a donc dans l’autre monde des âmes qui peuvent parvenir à la gloire par
une purification. C’est ce que veut dire saint Paul dans l’épître aux
Corinthiens[5]
: "Quant à l’homme qui aura bâti sa maison avec du bois, du foin, de la
paille, il sera sauvé, mais comme à travers un feu".
Mais on peut établir d’une
manière théologique la nécessité du purgatoire pour certaines âmes. Le
fondement de toute théologie catholique est le suivant : "L’entrée dans la
vision de Dieu se fait à travers le consentement mutuel, comme dans le mariage
entre Dieu et de la créature élevée par la grâce. Mais la créature doit être
adaptée à la nature de son époux, à savoir devenir tout humble (kénose) et tout
amour". Au moment de la mort, face à la parousie de l’image de Dieu que
constitue le Christ glorieux accompagné des saints et des anges, la contrition
peut être parfaite et supprimer tout péché mortel ; l’amour de charité
s’enflamme alors tout entier au point que l’âme aime Dieu de toute sa force.
L’âme reçoit alors le pardon de toutes ses fautes et est établie par la grâce
en état de sanctification. Cependant, il peut subsister certains restes du
péché dans l’âme et ils sont de deux sortes :
1°
Un manque d’humilité : il s’agit d’un attachement habituel de l’âme à elle-même
qui l’empêche de se donner pleinement et totalement à l’amour de Dieu. Ce vice
de l’âme fait subsister des péchés véniels actuels qui rendent imparfaits
l’acte de la charité. À cause de ces restes des péchés passés, l’âme est comme
entachée. Il lui est donc impossible d’être immédiatement introduite dans la
lumière de Dieu, non à cause d’un défaut de cette lumière mais à cause de la
tâche elle-même qui empêche la lumière de pénétrer. Il est donc nécessaire que
le reste du péché soit détruit par une purification.
2°
Une dette de pénitence : En outre, il peut subsister des péchés passés et lavés
par la contrition une obligation à la peine. Chaque péché réalise en effet un
désordre dans le monde qui peut être rétabli d’une manière juste par la
pénitence. Ainsi, celui qui vole son prochain est tenu de restituer s’il veut
rétablir pleinement le droit. De même, la justice divine peut exiger de l’âme
la satisfaction de la peine non accomplie sur cette terre, dans l’autre vie.
C’est ce que dit saint Luc[6]
: "hâte-toi de te réconcilier avec ton adversaire tant que tu es en chemin
avec lui (…) Je te le dis, tu ne sortiras pas de prison que tu n’aies rendu
même jusqu’au dernier sou". C’est principalement par ce texte que l’Église
admet la nécessité de réparer, même au purgatoire, pour les désordres issus de
nos péchés. Nous verrons cependant que "l’indulgence" de Dieu qui
peut nous en dispenser.
De ces deux considérations, il
ressort la nécessite d’un purgatoire après cette vie pour les âmes chez qui il
subsiste la moindre imperfection. L’essence divine est d’une si grande et
incompréhensible pureté qu’elle ne saurait être vue par une âme imparfaitement
purifiée. Vatican Il rappelle sobrement la doctrine des autres Conciles dans le
chapitre sur le caractère eschatologique de l’Église[7]
: "Ainsi donc, en attendant que le Seigneur soit venu dans sa majesté,
accompagné de tous les anges, et que, la mort détruite, tout lui ait été
soumis, les uns parmi ses disciples continuent sur terre leur pèlerinage ;
d’autres, ayant achevé leur vie, se purifient encore ; d’autres enfin sont mis
dans la gloire contemplant dans la pleine lumière, tel qu’il est le Dieu en
trois Personnes".
Solution 1 :
Au XVe siècle, l’Église n’a pas
inventé le purgatoire mais elle en a proclamé, au plan de son Magistère romain,
la définition solennelle. L’opposition de Luther à cette doctrine vient moins
de la proclamation tardive par l’Église de cette foi explicitement contenue
dans l’Écriture, que de la conception du salut qui domine dans les confessions
réformées. En effet, ils ne voient pas l’entrée dans la vie de Dieu comme un
consentement libre et mutuel lié à l’amour réciproque de charité. Pour eux,
même élevée par la grâce, la liberté humaine est définitivement détruite quand
il s’agit de ces sujets. L’homme est élevé à la Vision béatifique non comme une
épouse libre mais comme un enfant confiant et incapable d’une autre coopération
que cette confiance passive. En conséquence, admettre une purification de la
liberté avant comme après la mort leur est insupportable. La se trouve la
racine de toute différence entre Réforme et foi catholique ou orthodoxe.
Solution 2 :
Dans le purgatoire qui subsiste
après la parousie du Christ, les âmes sont saintes. En pleine liberté, le choix
de Dieu qu’elles ont fait est définitif. Elles savent, de science certaine,
qu’elles verront Dieu dès que leur humilité aura été perfectionnée et leur
dette payée. En ce sens, elles sont dans le repos, la joie et la paix.
Solution 3 :
Le mal n’est pas semblable au
bien. Il n’existe pas de mal sans quelque bien. En enfer, les damnés, malgré la
parfaite lucidité de leur rejet de Dieu, restent des créatures spirituelles
dont la nature est bonne. Au contraire, le bien parfait exigé par la Vision de
Dieu ne supporte aucun reste d’impureté. C’est pourquoi, même fixée dans
l’amour de Dieu, une âme sainte peut rester imparfaitement bonne et à purifier.
Solution 4 :
Pour entrer auprès de Dieu,
pour vivre du bonheur infini qui consiste à le voir et à l’aimer face à face,
il est absolument nécessaire de devenir semblable à lui, dans la proportion
adaptée à une faible créature, à savoir tout humble (kénose) et tout donné à
l’amour. Ici se trouve la clef de tout. "Nul ne peut voir Dieu sans mourir
à lui-même[8]",
enseigne l’Ancien Testament. À cause de la pureté et de la délicatesse de Dieu,
n’importe quel amour, n’importe quelle humilité ne suffit pas mais seulement un
amour d’amitié total, dépouillé de toute recherche intéressée. Le moindre
orgueil, le moindre égoïsme, et l’entrée face à Dieu devient impossible,
comparable à un viol alors qu’elle devrait être un mariage. Il ne s’agit pas
d’une condition liée à une convenance de la part de Dieu mais d’une nécessité
de nature. Toute la vie de Jésus en est la révélation. L’image de l’amour
nécessaire est visible à travers la vie de Jésus. Ceux qui l’ont mis à mort et
qui se moquent de lui, il les aime au point qu’il les accueille à l’heure de
leur mort et leur propose, sous condition de repentir et de conversion totale,
la vie éternelle.
Concrètement, personne ne peut
entrer dans la vie éternelle. Les conditions exigées sont impossibles à
l’homme. Il est impossible de devenir humble (kénose) et aimant à ce niveau là.
Il suffit de considérer avec réalisme notre mentalité humaine. Mais, explique
Jésus après une question de ses disciples sur ce thème[9],
ce n’est pas impossible à Dieu, d’où le purgatoire.
Pour résumer, il peut être plus
simple de comprendre les choses ainsi : Parce que Dieu est infinie délicatesse
de l’humilité et de l’amour, nul ne peut le voir et être heureux de son bonheur
que s’il l’épouse. C’est un mariage d’amour où il est exigé de la fiancée
(nous-mêmes) d’être comme Dieu[10]
: tout humble (kénose) et tout amour[11].
Sans ces qualités du cœur, nul ne peut épouser Dieu car nul ne peut alors
comprendre quoique ce soit de Dieu.
Objection 1 :
Cela ne semble pas possible. Si
l’on distingue six degrés du purgatoire, c’est qu’il peut y avoir
perfectionnement de la charité. Or Martin Luther montre que la charité ne peut
croître.
Objection 2 :
L’existence d’un purgatoire
appelé shéol ou limbes situé après la mort et où le désir de Dieu pourrait
augmenter est contraire à la foi puisque aussitôt après la mort, les âmes
reçoivent leur récompense ou châtiment selon leur mérite ou démérite.
Objection 3 :
Dès l’entrée dans le
purgatoire, l’âme possède une charité parfaite, selon sainte Catherine de
Gênes. Aucun purgatoire ne semble donc nécessaire après l’apparition du Christ.
Objection 4 :
Si l’on admet trois degrés de
purification après la parousie du Christ, pourquoi ne pas admettre de nombreux
autres degrés intermédiaires par lesquels l’âme passe avant de contempler Dieu
face à face.
Objection 5 :
Dès cette terre, certains
hommes sont préoccupés uniquement par la recherche de Dieu et "désirent
mourir pour être avec le Christ" comme saint Paul. Il semble qu’il soit
inutile qu’ils passent par les degrés du purgatoire qui suivent la mort.
Cependant :
Dans tout mouvement, il y a un
début, un progrès et une fin. Or la purification de l’âme est un mouvement qui
aboutit au détachement total de soi. Donc on doit admettre qu’il peut y avoir
plusieurs étapes dans cette purification. C’est ce que confirme sainte
Catherine de Gênes[13] : "la joie des âmes
augmente en proportion qu’elles s’approchent de Dieu, qu’elles s’occupent
uniquement de lui".
Conclusion :
Si l’on considère l’homme dans
la totalité de son histoire, c’est-à-dire depuis sa conception par ses parents
jusqu’à son entrée dans la vision de Dieu, deux types de croissances peuvent
être discernés : 1° une croissance humaine et naturelle. 2° une croissance
surnaturelle liée à la grâce.
Au terme, il convient que toute
créature humaine soit capable 1° de poser un acte de choix libre et conscient,
volontaire et libre ; 2° de refuser Dieu où au contraire de l’aimer sans aucune
trace d’un quelconque amour désordonné de soi (voir question 7).
En scrutant la tradition la
plus lointaine de l’Église, on arrive à discerner l’existence de six demeures
du purgatoire. Il s’agit de six étapes successives. L’homme n’est pas obligé de
passer par toutes. L’essentiel est, qu’au terme, l’amitié (Agapé) pour Dieu et
le prochain soit devenue tout humble (kénose).
Les deux premiers purgatoires
sont caractérisés par le fait que le Ciel et ses habitants se cachent. Ce sont
les purgatoires du "silence de Dieu"
[14], les purgatoires de l’ombre.
1° La première demeure est la vie terrestre. Elle est l’un des plus
terribles purgatoires en ce sens que l’homme n’est pas sûr autrement que par un
acte de foi du projet de Dieu. Il est laissé dans l’absence d’évidence. Il est
possible à certains de comprendre avec leur raison que Dieu existe et que l’âme
survit après la mort pour un jugement. Mais l’homme est laissé dans l’ignorance
totale de la nature de ce jugement… sauf s’il accepte de croire : "Heureux
celui qui croit sans avoir vu"
[15]. Cette première étape est très
efficace pour disposer le cœur de l’homme, à travers une succession de bonheur
fragile et d’abandons, vers une soif de plus en plus intense d’un salut :
"Y a t il quelqu’un là-haut, qui entend nos prières ?[16]"
2° La deuxième est le domaine des âmes errantes. Ce purgatoire est
edécrit par saint Bernard dans sa vie de saint Malachie. C’est un lieu
que la Bible appelle "le territoire des ombres [17]"ou ailleurs le
"shéol [18]". Elle commence avec
l’arrêt du cœur et se termine lorsque le Christ et les saints paraissent. La
prolongation d’une errance dans le shéol n’est nécessaire qu’aux âmes
extrêmement rustres ou coupables d’un grand crime, quoique non obstinées dans
le mal, et pour qui un délai d’errance et de solitude entre ce monde et l’autre
aura l’effet positif de développer un minimum de sensibilité à l’amour. L’homme
constate que la mort ne conduit pas au néant. En ce sens, il n’a plus peur.
Mais, s’il se prolonge, ce temps de shéol peut constituer pour certains hommes
particuliers une grande souffrance et purification en vue du salut parce qu’il
erre sans but dans une solitude qui paraît ne jamais devoir s’arrêter. Il est
inquiet et tremble à l’idée que Dieu ou les dieux sont des forces hostiles dont
il ignore la nature.
Les quatre derniers purgatoires
(à partir de l’apparition du Messie glorieux), sont caractérisés par le fait
qu’une connaissance totale de la Révélation est donnée. Ce sont les purgatoires
de lumière.
3° Le premier est vécu à travers l’apparition glorieuse du Christ
accompagné des saints et des anges (voir question 8), telle que la décrit saint
Faustine dans son Journal. Il s’agit bien du "troisième ciel"
où fut ravi saint Paul et qu’il décrit en 2 Corinthiens 12, 2. Cette parousie
se produit dans le passage du shéol (dans la mort) la plupart du temps sans
délai. La puissance de sa vision provoque un tremblement dans l’âme, plus
puissant que tout. À la lumière de la pureté de l’humilité (kénose) et de
l’amour du Messie, l’âme est choquée de ses propres ténèbres. L’effet en est la
violente purification du reste de ses illusions "Dies irae". Dieu
apparaît à tout homme sous les voiles de son humanité (étape 3) avant de se
donner sous la forme de sa divinité (7). Personne n’échappe à cette étape qui
permet un choix libre.
4-5-6° Pour ceux qui choisissent le
projet de Dieu et en qui demeurent quelques restes du péché, s’ouvrent alors
les trois purgatoires mystiques décrits par sainte Catherine de Gênes dans son Traité
du purgatoire[19]. Les âmes, toutes amoureuses
de Dieu, passent de la volonté d’être un jour dignes de lui à la certitude
qu’elles ne le seront jamais. Elles deviennent vraies, c’est-à-dire humbles.
L’amour égoïste de soi ne subsiste dans cet état qu’à travers des restes qui
sont comme des tendances vicieuses de la volonté encore attachée à elle-même.
Celui donc qui, dans le purgatoire, désire se purifier des restes du péché en
étant principalement préoccupé par la lutte contre la tâche qu’ils laissent en
lui, peut être considéré comme un débutant dans la purification et c’est le
premier degré du purgatoire mystique. Celui dont la préoccupation principale
est d’établir de plus en plus la totalité des tendances de sa volonté dans
l’unique désir de Dieu, c’est-à-dire de progresser dans la purification de son
âme est dans le deuxième degré du purgatoire mystique, c’est-à-dire le degré
des progressants. Enfin, celui qui ne se préoccupe plus du tout de la pureté de
son âme mais ne désire qu’une chose, à savoir l’union à Dieu, appartient au
troisième degré du purgatoire mystique qui est celui des parfaits et qui peut
être appelé le parvis immédiat du Ciel. Elle peut donc être immédiatement
introduite dans la gloire de la vision béatifique.
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7- Vision béatifique |
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6- Parvis du Ciel |
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5- Purgatoire de l’usure |
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4- Purgatoire des fiers |
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3- parousie du Christ
(troisième ciel). |
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2- Limbes |
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1- Vie terrestre |
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Cette théologie frappa les
Pères de l’Église au point qu’ils virent les étapes successives qui conduisent
à l’amitié parfaite pour Dieu sous l’image de l’échelle de Jacob. Le livre de
la Genèse raconte que le petit-fils d’Abraham, Jacob eut un songe[20] : "Voilà qu’une échelle
était dressée sur la terre et que son sommet atteignait le Ciel, et des anges
de Dieu y montaient et descendaient! Voilà que Yahvé se tenait devant lui et
dit : "Je suis Yahvé, le Dieu d’Abraham ton ancêtre et le Dieu d’Isaac. La
terre sur laquelle tu es couché, je la donne à toi et à ta descendance".
Il s’agissait là, selon eux, de la vie humaine dans sa progression, pas après
pas, vers la vision de Dieu.
Solution 1 :
Luther nie la possibilité même
de la charité, c’est-à-dire d’un amour d’amitié réciproque et libre entre Dieu
et l’âme. Sa théologie constitue une perte par rapport à l’Évangile mais non
une perte totale car il admet un amour passif d’abandon et de confiance. Les
degrés du purgatoire ne se prennent pas tous de l’augmentation de la charité[21]. Avant l’apparition du Christ
glorieux, de désir de Dieu peut augmenter, donc la charité dès que cet amour
est proposé explicitement. Au moment de son apparition, l’amour s’embrase tout
entier. L’âme aime de tout son cœur. Après l’apparition du Christ, la charité
brûle avec la même force l’âme au début et à la fin de la purification. Les
trois purgatoires décrits par sainte Catherine de Gênes ne concernent donc pas
la charité mais l’humilité (kénose), c’est-à-dire les restes du péché. Au
commencement de ce purgatoire mystique lorsque la présence glorieuse du Christ
s’efface, l’âme prie en disant : "Je t’aime et je deviendrais un jour
digne de ton amour". Son amour est total mais il lui manque de cette
humilité qui est adaptée à l’essence même de Dieu. Au terme du purgatoire,
laminée par l’attente, l’âme dit : "Je ne suis pas digne de te recevoir.
Mais dis seulement une parole et je serai guéri". Sans qu’elle l’ait
provoqué elle-même, par la seule vertu du feu de l’absence, son amour est
devenu humble.
Solution 2 :
Le shéol ne se situe pas après
la mort. Il est le passage même de la mort, c’est-à-dire qu’il n’est ni tout à
fait ce monde ni encore l’autre monde. Il est représenté dans l’Ecriture Sainte
par le désert où vécut le peuple Juif entre l’Egypte (ce monde) et la terre
promise. Le Christ glorieux descend visiter l’âme dans ce passage, sous forme
d’une colonne de feu dit le livre de l’Exode, de telle façon qu’à l’entrée dans
l’autre monde, c’est-à-dire après la mort (au sens théologique), l’âme soit
pour l’éternité en état de mérite et de démérite. Le fait que cette étape puisse
se prolonger pour certains ne constitue donc pas une opposition au dogme, sauf
si l’on se donne une autre définition de la mort (question 8, article 4).
Solution 3 :
Après la venue du Christ
glorieux, que la charité soit parfaite, cela signifie que l’âme est
définitivement établie dans l’amour de Dieu au point qu’elle ne peut et ne veut
se tourner vers une autre fin que celle de la charité. Mais cela ne signifie
pas qu’il ne demeure aucun reste de l’attachement à soi aussi bien dans les
tendances de la volonté que dans les préoccupations de l’intelligence. Or celui
qui commence à se détacher du péché véniel est dans une autre disposition
intérieure que celui qui progresse ou que celui qui arrive au terme. Il y a
donc trois degrés dans le purgatoire mystique, après la parousie du Christ.
Solution 4 :
Toutes les distinctions
intermédiaires que l’on peut saisir dans la purification de l’âme se trouvent
comprises dans l’un ou l’autre des degrés dont on a parlé ; de même que toute
division pratiquée dans ce qui est continu est située, selon le philosophe dans
ces trois termes : le début, le milieu, la fin.
Solution 5 :
Ceux qui, dès cette vie
terrestre, ont déjà purifié leur âme de tout attachement à eux-mêmes ne passent
pas dans ou après la mort par le feu du purgatoire. Mais, au cours de
l’histoire humaine, en dehors du Verbe incarné, il ne s’est trouvé qu’un seul
humain pour vivre une telle perfection, à savoir la Vierge Marie. Pour elle,
l’apparition du Messie glorieux n’a en aucune façon constitué une révélation de
sa misère. Elle se savait si misérable, que la parousie de son Fils ne fit que
confirmer les paroles de l’ange à l’annonciation : "Tu es pleine de
grâce". Pour tous les autres hommes, même les plus grands saints, un
purgatoire au moins est vécu après celui de cette terre. Il s’agit du
"jour du Seigneur" selon l’Écriture [22] : "En ce jour-là - oracle
de Yahvé - le coeur manquera au roi, il manquera aux chefs ; les prêtres seront
frappés de stupeur et les prophètes d'effroi. Et je dis : "Ah! Seigneur
Yahvé, tu as vraiment trompé ce peuple et Jérusalem quand tu disais : Vous
aurez la paix alors que l'épée nous a frappés à mort!"
Une autre exception peut être
discernée : c’est le cas des petits enfants ou des malades mentaux parvenus
innocents dans la mort (Question 19). Mais leur cas n’est pas comparable
puisqu’ils n’ont pas été confrontés à la lutte de la chair pendant la vie
terrestre. Comme nous le verrons, les innocents connaissent un temps dans les
limbes (deuxième purgatoire) où ils développent leur capacité de choisir en
présence des saints et des anges, avant la venue du Messie.
Ceux qui sont dans l’état de
progressants dans la charité n’ont pas besoin de passer par le purgatoire des
débutants car il y a continuité spirituelle entre le purgatoire de cette terre
et celui de l’au-delà.
Objection 1 :
Il semble qu’il ne convienne
pas de parler ainsi de la terre. Loin d’être un purgatoire, elle ressemble
plutôt à l’épreuve d’une tentation puisque bien des hommes, confrontés aux
injustices, loin de se tourner vers Dieu, le rejettent.
Objection 2 :
La terre est un scandale selon
saint Paul, et un scandale lié à la croix[23], c’est-à-dire à la souffrance,
d’autant plus incompréhensible qu’elle frappe coupables et innocents ensembles.
Elle n’est donc pas un purgatoire mais un scandale.
Objection 3 :
Il semble que les épreuves de
la terre, loin d'être purificatrices, sont plutôt la punition du péché selon le
Lévitique 26, 19 : "Je continuerai à vous châtier au septuple pour vos
péchés. Je briserai votre orgueilleuse puissance, je vous ferai un Ciel de fer
et une terre d'airain".
Cependant :
L’apocalypse 7, 13 affirme à
propos des élus : "Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d'où
viennent-ils ? Ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé
leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau". La grande
épreuve est la vie terrestre. Avec la grâce du Christ, elle a le pouvoir de
laver les âmes. Donc elle est un purgatoire.
Conclusion :
On ne peut entrer dans la vie éternelle qu’à deux conditions :
1° A titre de disposition, l’humilité poussée jusqu’à la mort intérieure (kénose).
2_° A titre de réalité, l’amour réciproque de charité avec Dieu.
Il est impossible à l’homme de devenir par lui-même tout humble et tout amour, dans la mesure voulue par Dieu et révélée par la vie de Jésus. Mais, explique Jésus après une question de ses disciples sur ce thème, ce n’est pas impossible à Dieu[1]. C’est pourquoi, à travers une série d’étapes, Dieu va donc conduire les hommes de bonne volonté à une conformité au Christ.
La première étape consiste en la vie terrestre qui est marquée par plusieurs épreuves caractéristiques :
1° Le silence de Dieu (Ap. 8, 1) : il se cache à la grande majorité des hommes. Il cache ses volontés, laissant la plupart dans l’incertitude totale sur le destin qui suit la mort. C’est l’épreuve la plus grande car celui qui ne connaît pas le but ne sait rien d’essentiel.
2° Les injustices (Ap. 8, 9) puisque le bon comme le mauvais sont frappés, à égalité, de toutes sortes de maux.
3° Les souffrances matérielles et spirituelles (Ap. 6, 1) –maladie, famine, guerre, mort- au point que tout homme de ce monde finit tôt ou tard par être vaincu. La vie est fragile, dépendante des aléas du hasard et elle s’achève par la mort.
Ces épreuves sont, avec les nombreuses joies de cette vie, des MOYENS utilisés par Dieu pour préparer l’homme au salut, comme le montrent les sept mystères scellés de l’Apocalypse.
La FINALITE de toutes ces épreuves est de donner à tout homme un cœur humble, de telle manière qu’il soit préparé à accueillir favorablement l’Évangile du Messie, soit en cette vie, soit à la onzième heure de cette vie. C'est ce qu’annonce le prophète Isaïe (Luc 3, 4) : « Tout ravin sera comblé, et toute montagne ou colline sera abaissée; les passages tortueux deviendront droits et les chemins raboteux seront nivelés. »
Pour quelques uns qui sont disciples du Messie dès cette terre, ces épreuves font davantage que disposer au salut à venir mais, puisqu’ils vivent déjà dans une relation de charité avec Dieu, elles purifient les restes de l’orgueil.
Pour résumer : sauf orgueil indéracinable, cette vie est le premier purgatoire et elle produit au minimum de l’humiliation qui est une préparation à l’humilité. Pour d’autres hommes, cette vie produit de l’humilité et le désir d’un salut. Dans les deux cas, il s’agit d’une disposition au salut. Pour quelques uns enfin, qui ont eu la chance de connaître par la foi la volonté de Dieu, cette vie produit par le don de la grâce surnaturelle, un amour de charité tout humble, pour Dieu et le prochain, ce qui est déjà le salut vécu dans une véritable union affective. Dans le passage de la mort, l’union effective à Dieu est ensuite proposée glorieusement à tout homme sans exception.
Solution 1 :
Rejeter Dieu parce qu’il paraît
injuste ou indifférent, loin d’être une preuve de damnation est plutôt un signe
de disposition au salut selon Matthieu 5, 6 : "Heureux les affamés et
assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés". En effet, à l’heure de
la mort, dès que ces révoltés seront confrontés à la révélation des vrais
motifs de ces injustices provisoires, ils aimeront Dieu.
Solution 2 :
Dès qu’on applique au concret
du destin de chacun, la souffrance de la terre devient insupportable au point
que saint Paul parlait du "scandale de la croix" et que sainte
Thérèse d’Avila disait : "Pas étonnant que Dieu ait si peu d’amis".
Pourtant, même la question de la mort des enfants perd sa dimension
incompréhensible si on la regarde du point de vue de la vie éternelle : au
moment de leur mort, le Ciel tout entier vient les chercher. Ils voient Jésus,
accompagné des anges et des saints, de leurs proches déjà décédés. C’est un
accueil d’une beauté et d’une tendresse inouïe. Ils comprennent son projet, la
raison de leur mort et la raison de son silence. Un tel amour enflamme leur
cœur. Autant ils avaient subi l’abandon, autant ils se sont jettent avec force
dans les bras de Dieu. Leur amour est devenu intense comme celui de nul autre
car leur humilité et leur désir, provoqués par leur souffrance, s’étaient
considérablement creusés.
Solution 3 :
Pour
l’homme tant qu’il vit ici-bas, la purification par la croix est interprétée
comme un châtiment, de la même façon qu’un enfant fessé par son père n’y voit
pas d’amour. Ce n’est que plus tard, devenu adulte, qu’il comprend que la
punition était une pédagogie.
Objection 1 :
Il semble qu’il ne convienne
pas de parler d’un lieu pour le purgatoire. Les âmes sont en effet séparées du
corps et ne peuvent être localisées puisqu’elles ne sont pas de nature
matérielle. Le purgatoire est donc plutôt un état intérieur de l’âme qu’un
lieu.
Objection 2 :
Même si l’on admet un lieu pour
le purgatoire, ce ne peut être que d’une manière métaphorique, à la manière
dont on parle d’un lieu pour les purs esprits. Mais ce ne peut être d’une
localisation telle qu’on en parle pour les hommes de la terre. C’est pourtant
de cette manière là que parlent ceux qui décrivent des apparitions de fantômes
et de revenants.
Objection 3 :
L’âme qui reste liée au corps
de telle manière qu’elle peut voir ce qui se passe dans le monde d’ici-bas
n’est pas vraiment passée par la mort qui est la séparation totale d’avec le
corps. Elle n’est donc pas au purgatoire qui suit le jugement dernier et la
mort. Donc on ne peut s’appuyer sur les témoignages des N. D. E. pour conclure
sur la question de la localisation des demeures du purgatoire.
Cependant :
Les expériences de mort
approchée montrent que les âmes ont un rapport avec le lieu.
Conclusion :
La localisation physique est
une conséquence de ce que nous avons dit de la nature des morts. Puisqu’ils
conservent un corps psychique véritablement fait de matière, ils en possèdent
les propriétés à savoir une localisation. Le lieu des deux premiers purgatoires
est la terre comme nous venons de le dire. Pour les quatre autres, le contenu
de la révélation ne donne pas de précisions décisives. Selon l’opinion commune
des anciens théologiens, c’est un lieu séparé des âmes de l’enfer, et des âmes
du paradis. D’autres théologiens anciens prétendaient au contraire que, selon
la loi commune, le purgatoire est situé au-dessous de nous et correspond ainsi
à l’état de ces âmes qui sont à mi-chemin entre le Ciel et la terre. Cette
opinion est évidemment liée à une cosmologie que la science actuelle rend
caduque. Elle est sans doute liée à des visions de type métaphorique, visant à
faire comprendre des réalités autrement plus profondes car spirituelles. Il
vaut mieux dire que nous ne savons pas où se trouve le purgatoire.
De même, la raison ne peut
conclure d’une manière définitive. L’étude des Near death Experience semble
indiquer l’existence d’une porte entre ce monde et l’autre, que beaucoup
décrivent comme un tunnel. Elle s’ouvre à l’arrêt du cœur ou dans d’autres
circonstances rares mais ne semble pas éloignée. Il semble que l’autre monde et
ses demeures est plutôt un monde parallèle et invisible qu’un univers situé à
l’autre extrémité de l’univers.
Solution 1 :
On peut regarder le purgatoire
selon deux approches : 1° Si l’on considère le purgatoire sous son aspect
formel qui est un cheminement purificateur de l’âme, alors le purgatoire n’est
pas un lieu. Il est plutôt un état de l’âme, de la même façon que l’enfer est
d’abord l’état de celui qui se sépare de l’amour de la charité à cause de son
orgueil. 2° Si l’on considère le purgatoire sous l’aspect plus matériel de
l’état corporel de celui qui subit la purification, il faut se souvenir que
l’âme séparée de la chair garde un corps psychique siège de ses facultés
sensibles[25]. Elle est donc localisée par
elle-même et non seulement d’une manière métaphorique comme on le dit pour les
anges quand ils appliquent leur intelligence et leur action à un corps
déterminé. En ce sens, les âmes sont véritablement dans un lieu.
Solution 2 :
La nature du corps psychique
est peu connue. Les témoignages le présentent comme un double du corps physique
fait d’une matière non palpable. Son rapport avec le lieu semble identique à
celui du corps physique. Il occupe un espace déterminé. Mais son rapport au mouvement
local est différent. Privé de masse et d’inertie, il se déplace de manière
véloce et n’est pas arrêté par les murs.
Solution 3 :
Nous concédons le caractère
hypothétique de ces recherches, en insistant sur la valeur philosophique des
témoignages, au moins pour ce qui concerne l’objectivité de la première phase
de décorporation.
Objection 1 :
Cela semble prouvé par le
témoignage de certains enfants qui parlent une langue étrangère sans l’avoir
apprise et qui se souviennent de lieux sans y être allés. On voit mal comment
cela serait possible s’ils n’avaient connu ces choses dans une vie antérieure.
Objection 2 :
La réincarnation semble
convenir au moins pour les enfants morts sans baptême. La bonté de Dieu qui
appelle tout homme à la vie éternelle ne peut tolérer pour eux qu’ils demeurent
éternellement handicapés dans leur capacité d’aimer, à cause d’un échec de leur
vie terrestre. Le moyen de la réincarnation qui leur donne une chance de passer
à nouveau par le pèlerinage terrestre semble donc adapté.
Objection 3 :
Dans l’Écriture Sainte, la
réincarnation est possible pour certains saints qui, de cette manière, peuvent
revenir sur terre et prêcher à nouveau. C’est ce que semble dire Jésus à propos
de Jean-Baptiste[26] : "Or Je vous le dis,
Élie est déjà venu en Jean-Baptiste". Si cela est possible pour les saints
qui n’en ont pas besoin, cela le semble a
fortiori pour ceux qui ont à se purifier.
Objection 4 :
La damnation éternelle où l’âme
se plonge à cause de la perversité de sa volonté est le mal absolu que Dieu ne
peut vouloir puisqu’il a créé tout esprit en vue de la béatitude. Il est donc
concevable qu’il donne à ces âmes la possibilité de revenir sur leur choix par
le moyen d’une réincarnation qui tire un trait sur la vie passée et sa
méchanceté. Il semble donc que les damnés se réincarnent.
Objection 5 :
Le purgatoire est finalisé par
la purification des peines du péché et par le paiement de la dette due par le
péché. Or la réincarnation semble pouvoir réaliser ces deux buts puisque,
d’après ceux qui y croient, le méchant paye ses dettes en se réincarnant dans
un corps handicapé ou malade. Il semble donc que la réincarnation peut être une
forme de purgatoire.
Objection 6 :
À la fin du monde, Dieu
ressuscitera nos corps et les transformera pour la vie éternelle. Or il n’est
pas plus difficile pour sa puissance de ressusciter un corps que de donner à
une âme un corps différent. Cela semble sage de sa part puisqu’il permet ainsi
le salut de l’âme. Donc la réincarnation peut être un moyen de purification en
vue de la gloire.
Cependant :
Les saints Conciles de l’Église
ont formellement condamné la doctrine de la réincarnation et de la
transmigration des âmes qui était enseignée par Origène[27] puis ils ont continuellement
renouvelé leur rejet jusqu’à aujourd’hui[28]. Donc la réincarnation
n’existe pas.
Conclusion :
La réincarnation n’existe pas.
C’est un article de foi qu’il faut tenir sous peine de sortir de la révélation
apportée par notre Seigneur. Mais c’est une vérité qu’on peut établir aussi par
la raison naturelle. Comme nous l’avons montré dans la première partie, l’âme
ne se comporte pas à l’égard du corps comme un moteur à l’égard d’un mobile.
C’était l’opinion de Platon et c’est la raison pour laquelle il croyait qu’une
âme pouvait indifféremment migrer d’un corps à un autre. Or nous avons montré
que l’âme n’est pas seulement cause efficiente du mouvement corporel. Elle est
aussi forme du corps c’est-à-dire qu’elle donne au corps d’être ce qu’il est.
L’âme est donc indissociablement adaptée à tel corps, d’une manière analogue à
la forme d’une oeuvre d’art qui est avec la matière une seule réalité. Ce n’est
que par une distinction de la raison que l’homme est capable d’opposer dans une
oeuvre d’art sa forme et sa matière qui, en fait, forment indissociablement une
seule réalité.
De tout cela, on doit conclure
que l’âme est adaptée par nature à son corps et à nul autre. Elle est incapable
par ses propres forces de devenir substance et forme d’un autre corps. Seul un
miracle divin qui changerait la nature de l’âme pour en faire le principe d’un
autre corps pourrait réaliser cela. Mais alors, ce ne serait pas la même âme.
Ce ne serait donc pas la même personne, ce qui s’oppose au fondement même de
notre connaissance de Dieu qui veut créer des personnes établies pour
l’éternité.
On peut établir par des
arguments théologiques qu’un tel miracle ne convient pas à la Sagesse de Dieu.
En effet, comme on l’a vu, le projet de Dieu sur l’homme est de créer une
personne individuelle de nature raisonnable pour l’unir au bonheur de sa vie
trinitaire. Il ne l’élève pas à sa gloire par mode d’obligation mais comme il
convient à une nature personnelle, c’est-à-dire à travers l’acceptation
consciente et volontaire du libre arbitre. Et la condition primordiale à un tel
projet, c’est que Dieu respecte parfaitement la liberté humaine. Dans ce but,
il commence par la former et c’est la finalité de la vie terrestre qui fait de
l’enfant un être responsable et capable de choix. En second lieu, il propose au
choix de l’homme la finalité surnaturelle et c’est le but de la révélation et
de la prédication de l’Évangile qui est accordée à tout homme durant sa vie
terrestre ou à son terme. Il est essentiel à cette conduite divine que la
personne humaine conserve au moment de son choix et après ce choix ce qui fait
d’elle une personne morale, c’est-à-dire les connaissances et les intentions
profondes de son intelligence et de sa volonté.
Or la réincarnation, telle
qu’elle est comprise et enseignée, est absolument contradictoire avec cela
puisque ceux qui se réincarnent perdent non seulement tout souvenir de ce
qu’ils ont été, de leurs choix passés, mais aussi changent de personnalité en
recevant un corps et une sensibilité nouvelle. Il y aurait dans ce cas, non
respect de la part de Dieu de la personne de l’homme, ce qui est contradictoire
avec sa sagesse et avec sa bonté. Il est donc aberrant pour un chrétien de
croire que sa personne et la personne de ceux qui l’entourent puisse être le
fruit d’une quelconque réincarnation.
De même, concernant le
purgatoire, il est contradictoire avec la sagesse de Dieu qu’il puisse se faire
sur la terre après une réincarnation. La raison première en est l’absence de
tout souvenir d’une quelconque vie antérieure. Nul ne peut être puni pour ce
qu’il n’a pas le souvenir d’avoir commis car l’oubli supprime la responsabilité
de la faute.
[29]
Solution 1 :
Le fait que des jeunes enfants
aient des souvenirs qui semblent appartenir à une autre personne ne prouve pas
nécessairement la réincarnation car de tels phénomènes peuvent trouver d’autres
explications. On constate en effet dans la nature des phénomènes analogues qui
ont une cause différente : on peut par exemple, en hypnotisant quelqu’un,
introduire dans sa mémoire des souvenirs qu’il croira être siens à son réveil.
De même, les enfants qui par nature sont influençables peuvent recevoir
inconsciemment au moment de leur naissance ou plus tard des influences
extérieures. Cela peut être provoqué par l’action d’un homme qui est en train
de mourir et qui, étant dans un état de détresse, émet avec force des ondes
cérébrales qui peuvent être captées par celui qui y est sensible. C’est ainsi
qu’on raconte que certaines mères ont l’intuition de la mort de leur enfant au
moment où elle se produit et bien qu’elles soient très éloignées de lui. Rien
n’empêche que, par le même processus, des souvenirs portés par le cerveau d’un
autre soient communiqués à l’enfant. Le phénomène peut aussi trouver une
explication dans l’action des bons anges qui protègent la survie de religions
anciennes ou encore des esprits angéliques mauvais qui espèrent de cette
manière détourner l’homme de sa foi au Jugement dernier.
Solution 2 :
Les enfants reçoivent la vision
de Dieu à la mesure de tout leur amour pour Dieu, amour qu’ils peuvent
développer dans un temps d’éducation appelé les limbes, comme nous le verrons.
Au jours de leur choix, ils entrent donc dans la béatitude. Rien ne leur
manque. Il leur est inutile de se réincarner. Ils ne regrettent jamais leur
mort précoce. Ce sont plutôt les adultes, au moment où ils les rejoignent au
Ciel, qui sont plein de confusion s’ils ont provoqué un avortement volontaire.
Solution 3 :
Lorsque le Seigneur dit que
Jean-Baptiste est cet Élie qui devait revenir, il n’entend pas enseigner la
réincarnation de l’âme du prophète Élie dans le corps de Jean-Baptiste. Il veut
signifier que Jean-Baptiste est le prophète annoncé dans l’Écriture et qui
devait revenir avec la force et la spiritualité d’Élie. Et c’est bien ainsi que
cela s’est passé : de même qu’Élie fut intransigeant par rapport à la pureté de
la foi du peuple d’Israël, au point de faire mettre à mort les prophètes des
idoles, de même Jean-Baptiste fut intransigeant concernant la morale au point
d’en perdre la vie après avoir reproché à Hérode son mariage avec une femme
déjà engagée. Jean-Baptiste prêcha aussi la conversion au bord du Jourdain,
renouant avec la spiritualité d’Élie qui convertit le peuple en le privant de pluie
pendant trois ans. Ainsi, on peut dire en vérité que Jean-Baptiste a vécu de la
spiritualité d’Élie à un point tel qu’on aurait dit qu’Élie était revenu sur
terre. Mais ce retour n’est une réincarnation qu’au sens métaphorique.
Solution 4 :
C’est d’une manière absolument
libre que les âmes des damnés se séparent de Dieu pour l’éternité. Il est vrai
que Dieu ne veut absolument pas ce mal pour elles mais il le permet à cause de
son respect pour la liberté de l’homme qui est une créature spirituelle. Dieu ne
peut renier son oeuvre car il se renierait lui-même. Il ne peut donc s’opposer
à la liberté de celui qui le rejette car ce serait s’opposer à son projet de
faire de l’homme une créature douée de liberté. C’est pourquoi il n’est pas
pensable qu’il impose aux damnés contre leur choix une réincarnation qui
effacerait les orientations profondes et définitives de leur personne.
Solution 5 :
Jésus nie explicitement dans
l’évangile la théorie d’une réincarnation qui servirait à payer les dettes du
péché accumule dans sa vie terrestre : aux disciples qui lui demandent pourquoi
l’aveugle est né avec un tel handicap et si cela vient de lui, il répond[30] : "ni lui ni ses parents
n’ont péché, mais c’est pour que la gloire se révèle en lui (qu’il est
handicapé)". Et la raison de l’impossibilité d’une telle manière de
s’acquitter de ses dettes vient de ce que nul ne peut payer que pour ce qu’il
sait avoir commis. C’est pourquoi celui qui ignore complètement pourquoi il est
accusé ne peut être condamné. Il est donc essentiel que le purgatoire soit vécu
par l’âme en pleine connaissance de cause ce qui n’est pas le cas sur la terre
dans l’hypothèse où la réincarnation servirait à cela. C’est pourquoi le
purgatoire a lieu avant la mort, dans la mort et après la mort.
Solution 6 :
C’est un plus grand miracle
pour Dieu que d’unir une âme à un corps pour lequel elle n’est pas faite que de
l’unir à son propre corps par la résurrection. En effet, dans le premier cas,
il faut non seulement qu’un corps soit façonné mais en plus il faut changer la
nature de l’âme pour qu’elle soit adaptée à ce nouveau corps dont elle devient
la forme. Or changer la nature de l’âme, c’est changer l’être tout entier
puisque l’âme est ce par quoi l’homme existe. Dans le cas où Dieu réaliserait
un tel miracle, ce ne serait pas le même homme qui se réincarnerait puisque ce
ne serait pas la même âme. Cela s’oppose d’une manière contradictoire au fait
que Dieu a fait de l’homme une personne individuelle et non une simple énergie
impersonnelle capable de migrer de corps en corps.[31]
A ce sujet, neuf questions :
1°
Existe-t-il un purgatoire dans le passage de la mort ?
2°
La peine du purgatoire est-elle voulue par Dieu ?
3°
La peine principale du shéol est-elle la solitude de l’errance ?
4°
Les âmes de ce purgatoire sont-elles tourmentées par les démons ?
5°
Ce purgatoire est-il pire qu’ici-bas ?
6°
Les âmes de ce purgatoire sont-elles saintes ?
7°
Les âmes de ce purgatoire peuvent-elles pécher ou au contraire mériter ?
8°
Peuvent-elles prier pour nous ?
9°
Est-ce dans ce purgatoire que le Christ glorieux paraît dans sa gloire ?
Objection 1 :
Il semble qu’il ne convienne
pas de parler d’un tel purgatoire. La mort est la séparation de l’âme et du
corps, selon Aristote. Elle ne laisse donc aucune place pour un passage et
encore moins pour un séjour de longue durée.
Objection 2 :
On ne trouve pas, dans
l’Ecriture sainte, de passages clairs sur un tel séjour. C’est bien plutôt dans
les religions païennes et les cultes animistes que l’on parle de revenants et
de fantômes.
Objection 3 :
Même si l’on admet d’un tel
purgatoire, ce ne peut être que d’une manière métaphorique. On ne voit pas en
effet où il pourrait être situé si tant est qu’on puisse parler d’une
localisation pour l’âme d’un mort qui est un esprit. Mais ce ne peut être une
localisation telle qu’on en parle pour les hommes de la terre. Tout cela ne
relève-t-il pas davantage des contes et légendes que de la réalité ?
Objection 4 :
Il n’y a pas de trace de ce
purgatoire dans les textes officiels de l’Église.
Objection 5 :
L’âme qui reste liée au corps
de telle manière qu’elle puisse voir ce qui se passe dans le monde d’ici-bas
n’est pas vraiment passée par la mort qui est la séparation totale d’avec ce
monde et l’entrée dans l’autre monde. Elle n’est donc pas au purgatoire.
Objection 6 :
Ce n’est pas conforme au
dogme : Il est dit dans l’Ecriture Sainte : « L’homme meurt une fois
puis il reçoit sa récompense. » Or ce purgatoire prolonge la vie terrestre
dans un temps qui, comme sur terre, précède le jugement dernier.
Objection 7 :
Ce n’est pas conforme à
l’Ecriture qui dit en effet[32] :
« Vous savez vous-mêmes parfaitement que le Jour du Seigneur arrive comme
un voleur en pleine nuit. Quand les hommes se diront: Paix et sécurité! c'est
alors que tout d'un coup fondra sur eux la perdition, comme les douleurs sur la
femme enceinte, et ils ne pourront y échapper. » Or, si la mort un long
passage, voire un séjour, c’est qu’elle vient progressivement et non
brutalement, laissant l’homme dans l’état de mérite ou de démérite où il a été
surpris.
Cependant :
Saint Bernard raconte[33]
: « Saint Malachie vit un jour sa sœur qui avait trépassé depuis quelques
temps. Elle faisait son purgatoire au cimetière : à cause de ses vanités, des
soins qu’elle avait eus de sa chevelure et de son corps, elle avait été
condamnée à habiter la propre fosse où elle avait été ensevelie et à assister à
la dissolution de son cadavre. Le saint offrit pour elle le sacrifice de la
messe durant trente jours. Ce terme expiré, il revit à nouveau sa sœur. Cette
fois elle avait été condamnée à achever son purgatoire à la porte de l’église,
sans doute à cause de ses irrévérences pour le lieu saint, peut être parce
qu’elle avait détourné les fidèles de l’attention des Mystères Sacrés ».
Conclusion :
L’Écriture Sainte donne une série de textes dont le sens littéral parle d’un territoire des ombres sans joies, où justes et criminels, rois et esclaves, pieux et impies se retrouvent après la dissolution de leur corps pour y demeurer dans le silence et y redevenir poussière. La Bible hébraïque nomme ce lieu shéol dès le livre de la Genèse : "l'homme insensé ignore qu'il y a là des Ombres et que ses invités sont aux vallées du shéol".[1] Plus tard, dans les livres écrits en grecs, ce lieu est appelé l’Hadès ce qui se réfère au « séjour de la mort »[2] de la mythologie grecque : « Pour eux, durant cette nuit vraiment impuissante, sortie des profondeurs de l'Hadès impuissant, endormis d'un même sommeil, ils étaient tantôt poursuivis par des spectres monstrueux, tantôt paralysés par la défaillance de leur âme; car une peur subite et inattendue les avait envahis. »
[1] Proverbes 9, 17. De nombreux textes de l’Ancien testament à propos du shéol pourraient être interprétés dans le sens de Job 26, 20 : «Les Ombres tremblent sous terre, les eaux et leurs habitants sont dans l'effroi. Devant lui, le Shéol est à nu, la Perdition à découvert ».
[2] Sagesse 17, 14.
Le Magistère de l’Église laisse
sur ce point les théologiens sans repères dogmatiques.
Cependant, il est possible
d’avancer certains arguments en s’appuyant sur des révélations privées qui paraissent
dignes de crédibilité et une longue tradition des saints, des docteurs et des
théologiens dans l’Église. De multiples autres témoignages d’apparitions et de
révélations faites aux saints[36]
confirment ce genre de récit. Donc certaines âmes font leur purgatoire sur
terre.
L’existence d’un
« passage » entre ce monde et l’autre est d’ailleurs confirmée par
les témoins des Near Death Experiences (EMI) qui décrivent un temps
relativement court où l’âme, déjà sortie de son corps de chair, n’est pas
encore entrée dans l’autre monde. Ils distinguent trois étapes dont la première
est une présence en ce monde ; la seconde est un passage en forme de
tunnel ; et la troisième un jardin magnifique où ils peuvent s’avancer
jusqu’à une certaine limite, symbolisée par une barrière, une rivière ou tout
autre limite.
Solution 1 :
C’est au sens théologique et
scripturaire que la mort a de tout temps été regardée comme un passage,
sens qui ne s’oppose pas à la définition philosophique d’Aristote mais regarde
les choses sous un autre rapport. Au plan théologique, est considéré comme
ayant franchit la mort celui qui est entré dans l’autre monde, soit pour son
salut, soit pour sa perte éternelle.
Solution 2 :
Il est clair que,
universellement dans le monde, la croyance au phénomène des âmes errantes est
attestée. Mais la tradition biblique scripturaire n’est pas étrangère à cela,
non seulement dans ses nombreuses attestations sur le shéol, mais aussi dans le
livre de l’Exode tout entier qui est reconnu par la tradition rabbinique comme
une métaphore exprimant le passage de cette vie (l’Egypte) à l’autre monde (la
terre promise) à travers la mort (le désert). Et on voit bien le livre de
l’Exode décrire ce passage comme une véritable purification qui, en
l’occurrence, alors qu’il devait durer quelques semaines, dura 40 ans par la
faute du peuple Hébreux.
Solution 3 :
La possibilité d’une telle
localisation pour l’âme d’un mort s’explique facilement si l’on considère ce
que nous avons montré sur la survivance dans les morts d’une vie non seulement
spirituelle mais d’un corps psychique. Des traités pluriséculaires, écrits dans
les traditions philosophiques égyptiennes (le kâ et le baï[37]),
chinoises, hindoues et tibétaines (corps astral), animistes (esprits) en
parlent. C’est d’ailleurs là qu’on trouve les plus profondes explications
philosophiques du phénomène. Selon ces traditions, on peut discerner dans
l’être humain trois degrés de vie auxquels correspondent trois
« natures » unifiées en une personne et parfaitement adaptés l’une à
l’autre : le corps physique, le corps psychique et l’esprit.
Dans l’hindouisme, le corps
physique est le siège d’un autre corps, appelé le corps astral. Le corps astral
est, avec le corps physique, le siège des facultés psychiques comme les
sensations, les passions, l’imagination, la mémoire, l’estimative. Mais, selon
cette tradition, la survie de ce dernier est indépendante de la mort du
premier. Si l’on tue le corps physique, son double subsiste. Cette propriété
explique l’expérience de la décorporation, aussi bien chez l’homme que chez
l’animal.
Solution 4 :
Lorsque des prêtres sont
confrontés à ce phénomène de revenants, ils usent naturellement d’une procédure
liée aux âmes du purgatoire, comme on le voit dans le cas de saint Malachie
cité ci-dessus.
1° L’enquête est première.
Toutes les histoires d’âmes en peine ne doivent pas être prises à la lettre.
Une imagination effrayée peut inventer bien des fantasmes.
2° Si le cas est avéré, la
deuxième étape est la parole d’explication adressée à l’âme. Parce que la
connaissance précède l’amour et que ces âmes sont dans une grande ignorance de
ce qui leur est arrivé, les vivants, s’ils se rendent compte de leur présence,
ont le pouvoir de les aider en leur expliquant leur erreur et le chemin qui
leur est ouvert vers l’autre monde.
3° La troisième étape est la
prière : Face au phénomène, la réponse doit être la miséricorde et la
prière qui, offerts pour elles, ont une efficacité étonnante. L’âme en peine
est bouleversée, comme le serait le plus solitaire des prisonniers, qui, pour
la première fois, recevrait une lettre. Ce geste est souvent efficace, surtout
lorsque l’âme, après un long temps de solitude, est dans de bonnes dispositions
et a besoin de présence affective. Elle peut, devant un geste d’attention, comprendre
assez rapidement la grandeur de l’amour. Si on l’y invite et qu’elle a dépassé
son blocage intérieur, elle appelle le Sauveur. Elle passe alors dans un autre
purgatoire, celui de la parousie du Christ.
Solution 5 :
On peut répondre à cette objection
en disant que les apparitions de revenants sont dues à des âmes qui sont dans
la mort au sens théologique. Elle est un passage qui peut durer plusieurs
jours selon Marthe Robin, voire des années après la mort au sens clinique du
corps charnel, selon des récits dignes de crédibilité. La partie psychique de
son être subsistant, ces morts errent sur la terre ou dans le parvis de l’autre
monde sans avoir vécu la parousie du Christ, des saints et des anges. Elles
sont donc entre deux mondes et cet état n’est pas normal. Leur nature aspire au
contact avec les vivants des deux mondes et souffre de la solitude.
Solution 6 :
L’homme ne meurt qu’une fois.
Il ne revient jamais pour se réincarner sur terre. Ce qui n’empêche pas que la
mort puisse être un passage purifiant, pouvant durer de longues années. Ce
n’est qu’après cette mort selon la lettre du dogme de Benoît XII[38],
c’est-à-dire après ce passage, et après la parousie du Christ glorieux que
l’homme, définitivement stabilisé en état de mérite ou de démérite, reçoit sa
récompense s’il ne reste rien à purifier en lui, ou son châtiment.
Solution 7 :
L’heure de la mort arrive d’un
coup, sauf bien sûr si une longue maladie ou la vieillesse extrême prévient
l’homme attentif. La mort arrache l’homme à cette terre et à ses richesses
matérielles. C’est justement lorsque l’homme, surpris par sa venue, refuse de
quitter ses attaches à cette terre, qu’il peut être laissé par le Christ dans
ce prolongement de temps. D’où l’intérêt du sacrement des malades qui vise, à
travers son rituel, à préparer les hommes à ce détachement. Ceci ne veut pas
dire que Dieu stériliserait par la mort toute liberté humaine, la statufiant
pour l’éternité dans l’état de grâce ou d’absence de grâce, comme le crurent
les anciens théologiens. Au contraire, d’une manière ou d’une autre, comme
l’enseigne le Concile Vatican II[39],
il est certain que Dieu proposera sa grâce à tout homme avant son entrée dans
l’autre monde.
Objection 1 :
Tout ce qui peut produire du
salut est voulu par Dieu. Or ce prolongement de la vie terrestre, en plongeant
l’âme dans la solitude et le malheur, produit souvent de l’humilité, au moins
chez les hommes de bonne volonté, donc une disposition au salut. Donc ce purgatoire
est voulu par Dieu.
Cependant :
Dans le chapitre 14 du livre
des Nombres, on voit que c’est le peuple Hébreux qui, de sa propre initiative,
refuse de suivre les indications de Moïse et d’entrer tout de suite dans la
terre promise, effrayé à l’idée d’affronter un autre monde et plein de
nostalgie pour le pays d’Egypte[40] :
« Alors toute la communauté éleva la voix; ils poussèrent des cris; et
cette nuit-là le peuple pleura. » Ce n’est qu’en conséquence que Dieu
transforme ce passage par le désert en un véritable séjour, une errance de
quarante années[41] :
« et vos fils seront nomades dans le désert pendant 40 ans, portant le
poids de votre infidélité, jusqu'à ce que vos cadavres soient au complet dans
le désert. » Donc ce purgatoire est d’abord une responsabilité de l’homme.
Conclusion :
Le projet de Dieu est le salut
des hommes. Il n’impose donc pas à l’homme une épreuve sans qu’elle ne soit
utile, d’une manière ou d’une autre, pour son salut. C’est pourquoi, en
fonction de la mentalité de telle ou telle âme, il peut être sage que Dieu lui
laisse souffrir un temps de purgatoire dans ce passage de la mort, et parfois
sur les lieux même de sa vie terrestre. On peut voir à cela deux raisons :
1° Le bien de l’âme elle-même.
Deux raisons peuvent expliquer qu’une âme ne soit pas prête à entrer dans
l’autre monde :
La première vient de ses
attaches trop fortes à cette terre, comme on le voit dans la parabole de
l’homme des greniers[42] :
« et je dirai à mon âme: Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour de
nombreuses années; repose-toi, mange, bois, fais la fête. Mais Dieu lui dit:
Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. » Il est probable
qu’un tel homme, surpris par une mort brutal, reste attaché un long temps à ces
grenier qui faisaient le but de sa vie. C’est l’âme elle-même qui reste comme
"accrochée" au lieu où elle a vécu, incapable malgré la disparition
de la chair, de s’en détacher. Il s’agit donc d’une âme pathologiquement
attachée à quelque chose de terrestre au point qu’elle est incapable de
considérer la Lumière du Christ ou de son ange au moment de son apparition,
malgré sa beauté. Cette âme est certes en état de mort spirituelle, sans être
pourtant coupable d’un blasphème explicite contre l’Esprit. Elle peut donc être
sauvée. Pour que la parousie du Christ puisse produire son effet, à savoir le
choix lucide entre le Ciel ou l’enfer, il est nécessaire que la gangue qui
l’enferme soit quelque peu et progressivement dégrossie.
La deuxième
peut venir du refus d’une âme mourante d’affronter l’apparition lumineuse du
Ciel, à cause de la conscience d’un important crime passé non pardonné, comme
dans ce texte[43] :
« A cette vue, Simon-Pierre se jeta aux genoux de Jésus, en disant:
"Eloigne-toi de moi, Seigneur, car je suis un homme pécheur! » Ainsi,
sainte Faustine décrit le salut d’un grand pécheur de ce purgatoire à travers
un dialogue entre l’âme et Jésus[44] :
« -
L'âme, comme éveillée : Est-il possible qu'il y ait encore de la miséricorde
pour moi ? demande-t-elle pleine d'effroi.
- Jésus :
C'est justement toi, mon enfant, qui as un droit exclusif à ma miséricorde.
Permets à ma miséricorde d'agir en toi, dans ta pauvre âme ; permets aux rayons
de la grâce d'entrer dans ton âme, ils apportent avec eux la lumière, la
chaleur et la vie.
- L'âme :
Pourtant la crainte m'envahit au seul souvenir de mes péchés et cette terrible
frayeur me pousse à douter de Ta bonté. »
Pour ces
deux raisons, le Christ ou son ange peuvent retarder leur parousie. L’âme qui
s'accroche à cette terre reste dans le passage de la mort, bloquée sur les
lieux où elle a péché sans pouvoir se livrer au péché. Elle touche du doigt
d’une certaine façon la vanité du péché. De même, l’âme qui, ayant commis un
grand péché, fuit la rencontre de son juge, délaissée dans le désespoir
solitaire de ce second purgatoire, visitée au bout d’un long temps d’abandon
par les anges ou par la prière des vivants, peut apprendre à demander pardon.
2° La deuxième raison est
l’instruction des vivants lorsque, par exception, les âmes en peine de ce
purgatoire manifestent leur présence. À la vue de leurs souffrances, les
vivants sont amenés à convertir leurs mœurs pour éviter à leur tour de subir
cette errance qui suit la mort. En outre, les vivants sont ainsi conduits à
offrir leurs prières comme adoucissement aux peines des morts. Pour cela, Dieu
permet parfois que les âmes de ce purgatoire apparaissent ou se fassent
entendre des vivants. Il leur est difficile de le faire par elles-mêmes car le
corps psychique qu’elles gardent est peu adapté à ce genre de contact. C’est
pourquoi ceux qui parlent des phénomènes des revenants décrivent parfois la
vision d’un corps vaporeux, fait d’énergie physique. Il faut en tout cas tenir
que la subsistance de ce lien avec la matière est naturel, comme nous l’avons
dit précédemment, même si sa manifestation aux vivants n’est pas aisée pour
l’âme faite pour se rendre visible à travers son corps charnel.
La plupart du temps,
l’apparition est produite à travers une aide de Dieu et de ses anges. Le
phénomène des revenants, quand il se produit, ne doit pas effrayer. Qu’on se
rappelle la réaction des disciples de Jésus quand ils le virent s’approcher
d’eux en marchant sur les eaux[45]
: "Ils crurent que c’était un fantôme, et poussèrent des cris."
Solution 1 :
Ce purgatoire n’est pas voulu
par Dieu directement et par soi mais comme un moyen, une dernière planche de
salut, adaptée à certaines âmes. Il peut y avoir dans cette expérience un réel
progrès spirituel de certains hommes matérialistes et encore rustres, peu
disposés à accueillir l’apparition lumineuse de l’ange de Dieu ou du Christ.
Cette prolongation de la vie terrestre, peut faire naître une plus grande
sensibilité au spirituel. Ce purgatoire devait être très fréquent dans les
temps anciens, à l’époque frustre des générations antiques, selon l’Écriture[46]
: "Ce sont les héros du temps jadis, ces hommes fameux. Yahvé voyait
que la méchanceté de l'homme était grande sur la terre et que son cœur ne
formait que de mauvais desseins à longueur de journée". De nos jours,
la sensibilité et la culture s’étant affinées, il semble être moins
universellement nécessaire. Cela explique des récits tels que ceux rapportés
par saint Bernard.
Objection 1 :
Il ne semble pas qu’on puisse
qualifier ce purgatoire par les notions de solitude et d’errance. En
effet, pour caractériser un purgatoire, il faut quelque chose qui lui soit
propre, comme la parousie du Christ glorieux dans le troisième. Or la terre est
elle aussi le plus souvent un lieu de solitude, sans compter les purgatoires
qui suivent la parousie du Christ.
Objection 2 :
Dans cette comparaison, Jésus
dit à ses disciples[47] :
« En vérité, je vous le dis, il sera difficile à un riche d'entrer dans le
Royaume des Cieux. Oui, je vous le répète, il est plus facile à un chameau de
passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume des
Cieux. » Il semble donc que ce purgatoire, adapté aux âmes riches, se
caractérise par le détachement de soi-même et non par la solitude et l’errance.
Cependant :
Le psaume 116, 3 dit :
« Les lacets de la mort m'enserraient, les filets du shéol; l'angoisse et
l'affliction me tenaient, j'appelai le nom de Yahvé. De grâce, Yahvé, délivre
mon âme! » et le livre de la sagesse 17, 2 ajoute : « Alors que
des impies s'imaginaient tenir en leur pouvoir une nation sainte, devenus
prisonniers des ténèbres, dans les entraves d'une longue nuit, ils gisaient
enfermés sous leurs toits, bannis de la providence éternelle. Alors qu'ils
pensaient demeurer cachés avec leurs péchés secrets, sous le sombre voile de
l'oubli, ils furent dispersés, en proie à de terribles frayeurs, épouvantés par
des fantômes. Car le réduit qui les abritait ne les préservait pas de la peur;
des bruits effrayants retentissaient autour d'eux, et des spectres lugubres, au
visage morne, leur apparaissaient. »
Conclusion :
Dans le passage de la mort, le
mourant n’est pas nécessairement confronté d’un seul coup à toutes les étapes
qui le conduiront au choix éternel. Il arrive que ce ne soit que dans un second
temps que le Christ paraisse et que sa gloire libère l’âme de toute faiblesse
et ignorance. Ainsi, lorsque le Christ retarde son apparition, c’est pour mieux
la disposer au salut. Dans cette circonstance, le péché contre le Père, à
savoir le péché mortel de faiblesse et le péché contre le Fils, à savoir le
péché du à l’ignorance restent possibles. Sans pouvoir atteindre une finalité
ni sur terre ni au Ciel, l’âme erre entre deux mondes à la recherche d’un but. Privée
pour un temps de toute affection humaine et divine, elle se tourne vers les
créatures avec angoisse, ne parvenant plus à en obtenir de satisfaction. Ne
pouvant être vues par les hommes vivants (sauf cas exceptionnel) et étant
séparées de l’au-delà, leur solitude est totale. Si cette solitude dure
plusieurs années, plusieurs siècles, elle finit par produire un retournement.
La vanité des choses auxquelles elles sont attachées finit par s’imposer. Ils
comprennent que l’unique bien est l’Amour ou au contraire l’égoïsme. Comme un
feu contrariant la nature de son esprit et de sa sensibilité, l’effet
douloureux de cette errance affine l’âme et la dispose à recevoir en temps
voulu deux choses :
1° Un détachement de ses
anciennes affections terrestres.
2° Une soif ardente d’un salut.
Solution 1 :
Chacun des purgatoires
participe, d’une manière ou d’une autre, à la transformation de l’esprit humain
dans l’humilité et l’amour en vue de l’union à Dieu. Pour les caractériser, on
regarde ce qui est universellement vécu dans chacun d’eux. Ainsi, pour le
premier purgatoire, celui de cette terre, qu’on peut aussi appeler
« premier Ciel », la vie est liée au corps biologique. C’est pourquoi
ce premier ciel est physique et sa purification peut être caractérisée
par la dimension de fragilité charnelle, la nécessité de se nourrir et de
mourir, l’incertitude sur la survie après la mort.
Le deuxième ciel est le ciel
psychique. L’âme est enserrée dans les liens de sa propre psychologie
pécheresse et elle est conduite à s’en détacher par une confrontation à la
solitude. Faite pour aimer, l’âme s’ennuie, puis souffre, puis appelle.
Le troisième Ciel est
mystique car il correspond à la parousie du Christ accompagné des saints et
des anges, qui délivre l’âme de ses faiblesses et de ses ignorances, et lui
communique, si elle l’accepte, la plénitude de la grâce sanctifiante.
Quant au fait que certains
vivent de cette grâce sanctifiante dès le premier ciel, il n’implique pas qu’on
doive caractériser la vie terrestre par cette grâce qui est le fait d’un petit
nombre.
Solution 2 :
Le détachement de soi-même est
une des dispositions du cœur nécessaire comme préparation à une bonne réception
de la grâce. En ce monde, ce détachement -qu’il soit matériel, psychologique ou
spirituel- est produit principalement par le silence de Dieu, l’injustice, la
famine, la maladie, la guerre et la mort, comme le montre le livre de
l’Apocalypse 6-8, à travers les sept mystères scellés. Mais parfois, ces
épreuves n’arrivent pas ou ne suffisent pas. C’est pourquoi, dans le passage de
la mort et avant la parousie du Christ, cet effet peut être approfondi par la
douloureuse expérience de la solitude, dans un séjour ou la souffrance physique
n’existe plus, mais où le psychisme humain reste fait pour la compagnie de ses
proches, tandis que son esprit reste en attente d’un sens à la vie. C’est
pourquoi, bien que le deuxième purgatoire vise à libérer l’âme de ses
richesses, il peut être caractérisé par son épreuve significative qui est la
solitude et l’errance.
Objection 1 :
Il ne convient pas que les
anges révoltés viennent tourmenter et tenter les âmes de ce purgatoire. En
effet, les démons ont reçu un pouvoir provisoire en cette terre, par le choix
libre d’Adam et Eve lorsqu’ils vivaient dans leur chair. Or, dans la
mort, le corps de chair ayant disparu, le pouvoir donné par Adam et Eve
disparaît aussi.
Cependant :
Le chapitre 17 du livre de la
Sagesse décrit le tourment qui en sort : « Pour eux, impuissants durant
cette nuit des profondeurs de l'Hadès, ils étaient tantôt poursuivis par des
spectres monstrueux, tantôt paralysés par la défaillance de leur âme ; car une
peur subite et inattendue les envahissait. Celui qui tombait là, quel qu'il
fût, se trouvait emprisonné dans cette geôle sans verrous ». Tout ceci
relève à la fois de la faiblesse d’une psychologie malade et non délivrée du
« foyer du péché », et des tentation des démons.
Conclusion :
Ce deuxième purgatoire est,
rappelons-le, un prolongement exceptionnel de la vie terrestre, adapté à
certaines âmes. Il est donc logique que certains des instruments de Dieu
utilisés pour notre salut en cette vie soient encore utilisés. Ainsi en est-il
de l’ignorance, mais aussi de certaines des faiblesses psychologiques de cette
terre. Tel en est-il aussi du rôle de Satan qui, pour ce qui est de lui, n’a
pas pour but de sauver l’homme mais au contraire de l’habituer à l’égoïsme.
Or il faut remarquer que les
anges révoltés peuvent visiter l’homme sous deux formes :
1° Ils se font serpent
(Satan) sur cette terre: Leur action consiste à se cacher dans la vie des
hommes pour les habituer à des égoïsmes matériels -plaisir égoïste, argent
égoïste, gloire égoïste-. Le but de Satan est de disposer la volonté humaine à
l'égoïsme.
2° Mais les démons se montrent
sous leur vrai jour d'Anges de lumière (Lucifer) au dernier moment de
notre vie, c’est-à-dire à l'heure de notre mort et à la fin du monde. Là, ils
nous révèlent la vraie raison de leur révolte à savoir la liberté, la dignité,
l’exigence d'un changement des plans de Dieu, le refus de l'humilité et de
l'amour. Ils espèrent que, habitués à l'égoïsme, nous les suivrons librement
dans leur révolte.
Dans ce deuxième purgatoire,
c’est en tant que Satan que les anges révoltés tourmentent les âmes. Ils
prolongent leur œuvre de la terre en appliquant à l’âme des tentations
cependant moins charnelles, le corps ayant disparu. Ils les tentent
principalement par la convoitise frustrée, le désespoir et la colère.
Ce n’est que lorsque arrive le
troisième purgatoire, à savoir la parousie du Christ, que les démons se
montrent comme Lucifer, présentant à la liberté de l’âme son projet de salut
alternatif.
Solution 1 :
Comme on l’a dit, ce purgatoire
est un prolongement de cette vie et non une partie de l’autre monde. Tant que
le Christ n’est pas venu, lui qui détient les clefs de l’Hadès[48],
certaines des lois de cette vie fragile restent utiles pour le salut de l’âme.
Ainsi en est-il de l’Hadès que le Christ vient visiter lui-même, à l’heure
qu’il estime la plus adaptée au salut.
Objection 1 :
Il ne semble pas car, sur un
point au moins, ces âmes expérimentent leur immortalité, chose dont beaucoup
doutent dans l’angoisse sur terre.
Objection 2 :
La vie terrestre laisse l’homme
dans un état proche de l’animal puisqu’il doit trouver chaque jour sa
nourriture et peut mourir d’un simple accident. Dans le passage de la mort,
l’âme est délivrée de tout cela. Donc ce purgatoire est moins douloureux et
plus stable que la vie terrestre.
Objection 3 :
Le livre de Job montre que le
shéol est souvent un séjour de paix par rapport à la misère de cette vie[49] :
« Or mon espoir, c'est d'habiter le shéol, d'étendre ma couche dans les
ténèbres. »
Cependant :
L’Ecriture Sainte décrit le
shéol comme un séjour sans joie[50] :
« Les flots de la Hadès m'enveloppaient, les torrents de Bélial
m'épouvantaient; les filets du shéol me cernaient, les pièges de la mort
m'attendaient. »
Conclusion :
On peut regarder chaque
purgatoire de deux façons :
1° D’abord selon les lois
générales qui le caractérise. Le deuxième purgatoire a pour but de briser le
cœur endurci de ceux qui y transitent à travers l’expérience d’une longue et
désespérante solitude et errance. La personne étant seule et n’ayant plus son
corps de chair, mais seulement sa vie sensible, rien ne peut venir la distraire
de l’angoisse. En comparaison, les lois de la vie terrestre permettent de
grands moments de bonheur. Donc, selon ses lois générale, le shéol est plus
étranger à la nature humaine et beaucoup plus douloureux.
2° On peut regarder chaque
purgatoire selon la manière individuelle dont il a été vécu. Selon cette
approche, il arrive que le premier purgatoire, celui de cette terre soit pour
certains le plus terrible de tous. Je vise principalement les personnes qui,
n’ayant pu trouver de réconfort à l’angoisse dans des occupations extérieures
ou dans un endurcissement de leur âme, sont extrêmement sensibles à l’épreuve,
parfois jusqu’à mettre un terme à leur vie. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus,
ayant connu cette tentation du désespoir dès ici-bas dans les affres de sa
maladie et du silence de Dieu, écrivait qu’elle comprenait l’acte de ceux qui
désirent la mort. Pour ces personnes là, le plus terrible des purgatoires peut
être la terre.
Solution 1 :
Sous le point de vue de
l’épreuve de la mortalité, le purgatoire de la terre est effectivement le plus
terrible puisque les âmes du shéol expérimentent leur indestructibilité.
Cependant, non seulement l’homme ne pense pas sur terre à chaque instant à sa
mort, mais il peut soit par raisonnement philosophique soit par la foi, vivre
dans la certitude de la survie.
Cependant, on doit admettre que
pour certains hommes, ceux qui vivent dans l’angoisse de leur mortalité et de
la vanité de toute chose, cette épreuve peut être source de désespoir et être
donc de la plus terrible des souffrances qu’aucun autre purgatoire ne pourra
dépasser.
Solution 2 :
« L’homme ne vit pas seulement
de pain… », dit Jésus. Celui qui a souffert expérimente que plus la
souffrance touche une dimension profonde de son être, plus elle est
douloureuse.
1° Ainsi les souffrances physiques
seules, sont moins douloureuses que 2° les souffrances psychologiques à
savoir que les passions négatives comme la tristesse, la peur, le désespoir.
L’incertitude, source de peurs et d’espoirs alternés, de l’homme qui ne sait
pas s’il sera torturé le fait plus sûrement parler que les tortures physiques
d’un homme qui, fort dans sa psychologie, défie ses bourreaux. 3° De même les
souffrances spirituelles comme le fait d’avoir livrer ses amis à
l’ennemi pour éviter la torture physique sont plus douloureuses que la torture
elle-même. 4° Au dessus de tout, les souffrances « mystiques »,
celles qui sont liées à la perte totale du sens à sa vie, conduisent ceux qui
les subissent à l’idée du suicide.
Ainsi, si la disparition du
corps charnel dans le passage de la mort délivre l’homme des douleurs
physiques, elles exacerbent la sensibilité à la douleur psychologique
par l’incapacité de l’âme à atteindre les plaisirs sensibles de jadis, spirituelle
par l’absence de la compagnie de sa famille et de ses amis, et mystique
à cause du silence du Ciel resté fermé. C’est ce que montre Moïse dans le
désert de l’Exode, qui est le symbole du shéol[51] :
« Il t'a humilié, il t'a fait sentir la faim, il t'a donné à manger la
manne que ni toi ni tes pères n'aviez connue, pour te montrer que l'homme ne
vit pas seulement de pain, mais que l'homme vit de tout ce qui sort de la
bouche de Yahvé. »
Solution 3 :
Pour l’homme qui vit sur terre
un vrai désespoir, tout autre lieu que cette vie devenue insensée semble
meilleure. Pourtant, le suicide ne résout rien et celui qui le pratique doit,
comme tout homme, à un moment où à un autre, soit dans le passage de la mort ou
après la parousie du Christ, expérimenter cette mort à lui-même pour entrer
dans le septième Ciel de la Vision de Dieu. Voilà pourquoi le suicide est un
acte dommageable, quoique souvent pardonné puisque le plus souvent regretté, et
qui ne fait que retarder la purification de l’âme.
Objection 1 :
Elles sont nécessairement
saintes, c’est-à-dire en état de mérite, sinon, selon le dogme solennel de
Benoît XII[52],
elles sont damnées pour l’éternité puisque ces âmes vivent après la
mort. En effet, Benoît XII écrit : « Selon la disposition générale de Dieu, les âmes de ceux qui meurent en état
de péché mortel descendent aussitôt après leur mort en enfer. »
Objection 2 :
Sainte Catherine de Gênes note[53]
: « L’ardent désir de Dieu est ressenti comme une peine qui est proprement
celle du purgatoire ». Or un ardent désir de Dieu est la définition de la
sainteté. Donc…
Cependant :
Loin d’être saints, les Hébreux
excitèrent la colère de Dieu par leur refus d’entrer dès leur sortie d’Egypte
dans la Terre promise. C’est donc à cause de leurs péchés que Dieu les condamna
à errer puis à mourir au désert. De même, les âmes ne restent dans le shéol jusqu’à
leur mort à elles-mêmes par le désespoir qu’à cause de leur péché grave et
actuel.
Conclusion :
Les âmes de ce deuxième
purgatoire sont nécessairement en état de mort spirituelle. Comme nous l’avons
montré, elles ne restent dans le passage de la mort que pour deux causes :
1° Leur attachement extrême à
la terre.
2° Leur refus de rencontrer la
lumière du Christ, à cause d’un grand péché dont, ayant conscience, les
paralyse dans la peur.
Or ces deux causes sont deux
péchés contraires à l’existence de la charité. Un homme centré sur des biens
créés ou effrayé par la venue du Messie ou de son ange ne peut en même temps
l’aimer dans une amitié réciproque.
Mais c’est parce que ces péchés
mortels ne constituent pas un blasphème contre l’Esprit Saint (pleine lucidité
et maîtrise de soi) que ce purgatoire à sa raison d’être. Ces âmes peuvent être
sauvées et ce prolongement de vie dans l’errance vise à les disposer à
accueillir l’Evangile du Christ au jour de sa venue.
Solutions 1 :
Comme nous l’avons montré, ce
purgatoire n’est pas « après la mort ». Il est le passage de la mort
lui-même, dont la durée est prolongée exceptionnellement pour certaines âmes.
Les expressions bibliques « shéol » ou « Hadès » ne
signifient pas autre chose que « la mort ». Elle est un passage qui
peut durer plusieurs jours selon Marthe Robin, voire des années après la mort
au sens clinique du corps charnel, selon des récits dignes de crédibilité. La
partie psychique de son être subsistant, ces morts errent entre deux séjours,
parfois sur la terre ou dans les parvis de l’autre monde, sans avoir vécu la
parousie du Christ, des saints et des anges. Si, face à la venue du Christ qui
se produit dans ce passage, une âme du shéol s’obstine dans son péché mortel,
c’est qu’elle est dans un état de blasphème contre l’Esprit Saint. Elle est
alors damnée pour l’éternité car elle entre dans le monde qui suit la mort
en état de démérite parfaitement lucide, volontaire et libre.
Solution 2 :
Sainte Catherine de Gênes ne
parle pas ici de ce purgatoire mais des trois purgatoires mystiques où les âmes
saintes qui ont choisi d’aimer le Christ après sa parousie achèvent de se
purifier après la mort et le jugement dernier. Dans le shéol, il règne
cependant un ardent désir de Dieu, douloureusement ressenti. La grande
différence est que cette angoisse, les âmes du shéol n’en connaissent pas
toujours la cause alors que dans les purgatoires vus par sainte Catherine de
Gênes, les âmes sont paisiblement établies dans la charité et ont compris,
comme saint Augustin dans ses Confessions que leur cœur fait pour Dieu
aimait jadis Dieu sans le savoir et avant même de le connaître.
Objection 1 :
Selon saint Thomas d’Aquin, le temps
de la vie terrestre est celui du mérite et du démérite. Après cette vie
terrestre, vient le temps de recevoir la récompense de son mérite ou démérite.
Or, si ces âmes sont en état de démérite, elles recevront nécessairement
l’enfer. Ce qui n’est pas toujours le cas. Donc ces âmes sont saintes.
Objection 2 :
Sainte Catherine de Gênes dans
son Traité du purgatoire[54]
que les âmes du purgatoire sont assurée de leur salut et en éprouvent une joie
constante. Donc elles ne peuvent se damner.
Cependant :
Sainte
Brigitte de Suède rapporte ce dialogue entre Satan et la Vierge Marie, à
l’occasion de la mort et du salut miraculeux de son fils[55] :
« Le démon se mit alors à crier : "Écoutez, Juge
tout-puissant. J'ai à me plaindre de votre mère (…). Elle m'a injustement ravi
l'âme qui comparaît devant vous. Car, en bonne justice, j'avais le droit de
m'en emparer au moment de sa sortie du corps et de l'amener, avec mes
compagnons, devant votre tribunal. Or, ô juste Juge, l'âme
n'était pas sortie pour ainsi dire du corps, que cette femme, votre Mère, s'en
est saisie, l'a couverte de sa puissante protection, et vous l'a présentée. »
La sainte Vierge dit à Satan : « Tu vois, Satan, dans
quelles dispositions cet homme est mort. Que te semble-t-il donc ? N'était-il
pas juste que je prisse cette âme sous ma protection devant le tribunal de
Dieu, et pouvais-je la laisser tomber en tes mains pour partager tes supplices?
» Et Satan demanda de nouveau: « Pourquoi, ô Reine, à l'heure de l'agonie de
cette âme, nous avez-vous mis en fuite de telle sorte qu'aucun de nous n'a pu
ni la troubler ni l'effrayer?" »
Sainte Faustine rapporte en
sens contraire le cas d’une possible damnation dans le passage de la mort[56] :
« "Conversation de Dieu miséricordieux avec l'âme désespérée :
- Jésus :
Ame plongée dans les ténèbres, ne
désespère pas, tout n'est pas encore perdu, entre en conversation avec ton Dieu
qui est amour et miséricorde même. - Mais malheureusement l'âme
demeure sourde à l'appel de Dieu et se plonge dans des ténèbres plus grandes encore.
- Jésus
l'appelle à nouveau : Ame, entends la
voix de ton Père miséricordieux.
- Une
réponse s'éveille en l'âme : Il n'y a plus pour moi de miséricorde. Et elle
tombe dans des ténèbres encore plus grandes, dans une sorte de désespoir qui
lui donne comme un avant-goût de l'enfer et la rend complètement incapable de
se rapprocher de Dieu.
- Pour la troisième fois, Jésus
s'adresse à l'âme, mais l'âme est sourde et aveugle et elle commence à
s'affermir dans l'endurcissement et le désespoir. Alors des entrailles de la
miséricorde divine un dernier effort est tenté et sans aucune coopération de
l'âme, Dieu lui donne Sa dernière grâce. Si elle la dédaigne, Dieu la laisse
alors dans l'état où elle-même veut être pour les siècles." » Donc,
si on peut être sauvé ou damné dans le passage de la mort.
Conclusion :
Ce
purgatoire est situé avant la mort accomplie, entre ce monde et l’autre, comme
à la onzième heure de cette vie. Il a lieu avant la parousie du Christ qui
permettra le choix définitif de l’âme. Donc l’âme n’a absolument pas reçu les
conditions nécessaires à l’acte parfaitement lucide, volontaire et libre qui
lui permettrait de se tourner vers la grâce ou au contraire de la rejeter.
Comme sur terre, l’âme n’est absolument pas assurée de son salut dont, bien
souvent, elle ignore la nature. Ce n’est que lorsque le Christ paraît à ces
ouvriers de la onzième heure[57],
qu’il les a appelés à la vigne pour y travailler, qu’ils peuvent s’y rendre ou
refuser. Ainsi en est-il pour les âmes du shéol. Elles peuvent donc se damner.
Solution 1 :
Les ouvriers de la onzième
heure ne sont pas « après la mort » mais dans le passage de la mort
comme nous l’avons dit.
Solution 2 :
Sainte Catherine de Gênes dans
son Traité du purgatoire, ne décrit pas ce purgatoire là mais les
purgatoires qui se situent après le retour du Christ et après l’entrée dans
l’autre monde.
Objection 1 :
Saint Alphonse de Ligori écrit[58]
: "On doit le croire pieusement, Dieu leur manifeste nos prières afin que
ces saintes âmes intercèdent pour nous et qu’ainsi entre elles et nous soit
conservé ce bel échange de charité ; Elles prient pour nous et nous prions pour
elles".
Cependant :
D’après l’opinion de saint
Thomas d’Aquin, les âmes du purgatoire sont dans un tel état d’affliction
qu’elles ne peuvent prier pour personne. Elles sont entièrement occupées de
leur purification.
Conclusion :
Nous avons montré que ces âmes
ne font du passage de la mort un séjour durable qu’à cause d’un attachement
très fort aux choses de cette terre, ou encore par un acte de leur conscience
qui fuit la lumière du Christ qui vient. Elles ne vivent donc pas de la charité
et sont extrêmement centrées sur elles-mêmes. Tout cela ne constitue pas une
disposition favorable à la prière.
Par contre, il se produit pour
celles pour qui ce purgatoire se révèle profitable, non seulement un
détachement vis-à-vis de la terre, mais un progrès dans le repentir selon cette
parole biblique[59] :
« Les flots de la Mort m'enveloppaient, les torrents de Bélial
m'épouvantaient; les filets du shéol me cernaient, les pièges de la mort
m'attendaient. Dans mon angoisse j'invoquai Yahvé et vers mon Dieu je lançai
mon cri; il entendit de son temple ma voix et mon cri parvint à ses oreilles. »
C’est pourquoi, lorsque l’âme
arrive au terme de cette étape de purification, on doit dire que non seulement
elle prie Dieu mais qu’elle se met à prier pour les hommes qu’elle voit
puisque, comme on l’a dit, beaucoup font ce purgatoire dans les lieux mêmes où
elles ont vécues et qu’elles ne quittent pas.
Solution 1 :
Saint Alphonse de Ligori parle
ici des purgatoires mystiques qui suivent la parousie du Christ ou encore de
l’état de certaines âmes du shéol, lorsqu’elles sont proches de leur délivrance
et s’ouvrent enfin à la grâce.
A l’objection en sens contraire :
Il faut répondre que, comme sur
terre, les dispositions intérieures des âmes de ce shéol sont diverses et
peuvent évoluer selon qu’elles entrent dans une démarche de repentir ou au
contraire se durcissent dans l’obstination. Il arrive que, au début de ce long
temps d’errance, certaines sont entièrement prises par leurs attaches
terrestres, tandis que vers la fin, usée par le désespoir et pleines de bonnes
dispositions, elles se mettent à prier pour les hommes qu’elles voient dans les
lieux où elles résident et qui, souvent, les ont eux-mêmes aidés de leurs
prières.
Objection 1 :
Le Christ devrait apparaître au
tout début de l’entrée dans la mort et non au terme de ce passage. (Un peu
lourde)
Objection 2 :
D’après saint Paul, c’est
plutôt la venue du démon ou de l’Antéchrist qu’on doit attendre avant la fin de
cette vie[60] :
« Ne vous laissez pas trop vite mettre hors de sens ni alarmer par des
manifestations de l'Esprit, des paroles ou des lettres données comme venant de
nous, et qui vous feraient penser que le jour du Seigneur est déjà là. Que
personne ne vous abuse d'aucune manière. Auparavant doit venir l'apostasie et
se révéler l'Homme impie, l'Etre perdu, l'Adversaire, celui qui s'élève
au-dessus de tout ce qui porte le nom de Dieu ou reçoit un culte, allant
jusqu'à s'asseoir en personne dans le sanctuaire de Dieu, se produisant
lui-même comme Dieu. »
Cependant :
L’Apocalypse 1, 17 rapporte
cette parole du Christ : « Ne crains pas, je suis le Premier et le
Dernier, le Vivant; je fus mort, et me voici vivant pour les siècles des
siècles, détenant la clef de la Mort et de l'Hadès. » Donc c’est le Christ
qui met fin à l’Hadès en y apparaissant aux mourants.
De plus, avant et après sa
passion, le Christ dit et fait dire de nombreuse fois à ses disciples par des
anges[61] :
« Il est ressuscité d'entre les morts, et voilà qu'il vous précède en
Galilée; c'est là que vous le verrez. » Or, la Galilée des nations est
présentée par l’Ecriture comme le sombre pays de la mort[62] : « Galilée
des nations ! Le peuple qui demeurait dans les ténèbres a vu une grande
lumière; sur ceux qui demeuraient dans la région sombre de la mort, une lumière
s'est levée. » C’est donc dans ce passage de la mort que le Christ paraît
dans sa gloire à tous les hommes de toutes les nations.
Conclusion :
Universellement, pour tous les
hommes de tout temps, il est nécessaire que, avant l’entrée dans l’autre monde,
la Bonne Nouvelle du salut soit prêchée en pleine lumière et sans que la
personne soit esclave de quelques faiblesse ou peur. Cela se fait déjà en cette
chair pour certains et dans le passage de la mort pour tous, de telle manière
que tout homme qui entre dans l’autre monde soit en état de mérite ou de
démérite de manière entièrement libre.
C’est pourquoi, avant
l’incarnation du Verbe, cette annonce de la future rédemption était faite par
un messager de Dieu, tandis que, après la rédemption, elle est accomplie par le
Christ lui-même accompagné des saints et des anges, comme nous l’avons montré
dans la question 8. C’est pourquoi le pape Paul VI rappelle dans le Credo
de 1968 : « Le Christ viendra de nouveau, en gloire cette fois, pour
juger les vivants et les morts : chacun selon ses mérites - ceux qui ont
répondu à l'amour et à la pitié de Dieu allant à la vie éternelle, ceux qui les
ont refusés jusqu'au bout allant au feu qui ne s'éteint pas. »
Solution 1 :
Dieu patiente, selon saint
Pierre[63]
: « Le Seigneur ne retarde pas l'accomplissement de ce qu'il a promis,
comme certains l'accusent de retard, mais il use de patience envers vous,
voulant que personne ne périsse, mais que tous arrivent au repentir. Il
viendra, le Jour du Seigneur, comme un voleur ; en ce jour, les cieux se
dissiperont avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, la terre avec
les oeuvres qu'elle renferme sera consumée ». Pour la même raison, pour le
salut de quelques-uns, rien n’empêche que cette patience de Dieu se prolonge
dans la mort, le Christ retardant de quelques jours ou quelques années son
apparition, laissant l’âme découvrir la stupidité de son attachement aux
vanités de cette terre.
Solution 2 :
Il est vrai
que, pour la liberté du choix, il est nécessaire que Lucifer paraisse aussi
avant l’entrée dans l’autre monde Mais auparavant, l’âme doit être confrontée à
la venue de Lucifer selon ce texte de saint Paul[64].
Lucifer présente à l’âme, comme séducteur puis accusateur son projet fondé sur
une liberté orgueilleuse. Mais saint Paul ajoute, dans le même passage :
« Alors l'Impie se révélera, et le Seigneur le fera disparaître par le
souffle de sa bouche, l'anéantira par la manifestation de sa venue. » ce
qui signifie tout homme recevra toute l’aide qu’il lui faut pour échapper à
l’attraction de l’enfer. C’est pourquoi sainte Faustine conclut sa vision du
salut d’un grand pécheur dans le passage de la mort[65] :
« - Jésus : Ame, sache bien que
tous tes péchés ne m'ont pas blessés aussi douloureusement le coeur, que ta
méfiance actuelle ; comment peux-tu demeurer incrédule devant ma bonté ?
- L'âme : O
Seigneur, sauve-moi Toi-même, car je péris, sois pour moi le Sauveur. O
Seigneur, je ne suis pas en état d'exprimer le reste, mon pauvre coeur est
déchiré, mais Toi, Seigneur...
Jésus ne laissa pas l'âme
terminer ces mots, mais l'enleva de terre, de cet abîme de misère et en un
moment la conduisit en la demeure de son propre Coeur où tous ses péchés
disparurent en un clin d'oeil, le feu de l'amour les détruisit. »
A ce sujet, quatorze questions
:
1°
La peine principale des trois purgatoires de lumière est-elle la séparation
d’avec Dieu ?
2°
Le feu de ces trois purgatoires est-il le désir de Dieu ?
3°
Les âmes de ces trois purgatoires sont-elles rongées par le ver du remords ?
4°
Les âmes de ces trois purgatoires sont-elles tourmentées par les démons ?
5°
Le feu de ces trois purgatoires est-il le même que celui de l’enfer ?
6°
Les souffrances de trois ces purgatoires surpassent-elles toutes celles
d’ici-bas ?
7°
La peine du purgatoire est-elle voulue par Dieu ?
8°
Les âmes de ces purgatoires sont-elles saintes ?
9°
Sont-elles soumises à la volonté de Dieu ?
10°
Veulent-elles d’une volonté droite les souffrances du purgatoire ?
11°
Peuvent-elles pécher ?
12°
Peuvent-elles mériter ?
13°
Les âmes du purgatoire sont-elles dans la joie et la paix ?
14°
Peuvent-elles prier pour nous ?
Objection 1 :
On parle ici des trois
purgatoires qui suivent l’apparition du Christ. Nous avons montré que la peine
de l’enfer était la séparation d’avec Dieu. Elle ne peut donc être celle du
purgatoire sans quoi le purgatoire et l’enfer seraient une seule et même chose.
Objection 2 :
Dans l’Écriture, la peine
principale du purgatoire est désignée sous le terme de "feu". Ce
n’est donc pas la séparation d’avec Dieu.
Objection 3 :
Durant notre vie terrestre,
nous sommes séparés de Dieu. Cela ne constitue pourtant pas pour nous une peine
plus terrible que celles que nous devons subir par la maladie, la souffrance et
la mort. Il en est de même au purgatoire qui n’est que l’achèvement de la
purification commencée en cette terre.
Cependant :
Sainte Catherine de Gênes écrit[66] : "L’âme qui est au
purgatoire aime Dieu au point que cela lui est un tourment insupportable que
d’être obligée de se séparer de lui un moment".
Conclusion :
La peine principale du
purgatoire est la séparation d’avec Dieu. Pour le comprendre, il faut savoir
que l’âme humaine possède par nature un instinct divin qui la fait se porter
vers Dieu comme vers la source unique de tous ses désirs. Mais le péché
originel et l’accumulation des péchés actuels a fini par quelques peu obscurcir
l’acte de cette inclination au point que l’homme, sur cette terre, n’éprouve
pas toujours l’angoisse du désir de Dieu et se complet souvent dans les biens
créés. Après la mort, l’âme libérée du poids psychologique des conséquences du
péché originel retrouve l’acte de cet instinct divin dont l’exercice se trouve
démultiplié par la participation des grâces infusées par Dieu. Ces grâces
consistent principalement dans la découverte actuelle de l’amour de Dieu, de sa
miséricorde à l’égard d’une créature aussi imparfaite et du soin qu’il apporte
à l’élever jusqu’à lui. L’âme se porte donc vers Dieu comme vers sa fin
dernière avec une charité incomparable dans son exercice à celle de la terre.
En conséquence, la séparation provisoire d’avec Dieu devient une peine qui est
à la mesure de la charité qui porte l’âme à Dieu. Cette peine est proprement
celle du purgatoire. Vitalini Sandro écrit[67] : "L’homme se découvre
isolé, incapable de communiquer aux autres. Tandis qu’il coïncide avec son
propre moi, il comprend que la seule valeur qui a existé est celle de son don.
La personne compare son amour à l’Amour, son être à l’Être. Au désir d’une
communion plénière avec l’Amour se joint l’effroi jaillissant de la perception
de sa propre indignité. L’amour qui est Dieu est un feu dévorant ; sa présence
enchante et épouvante à la fois, si l’on se réfère aux théophanies de
l’Écriture : la vision de Moïse et d’Élie, la Transfiguration, les visions de
l’apocalypse".
Solution 1 :
"L’Église, dans la
fidélité au Nouveau Testament et à la Tradition croit à la félicité des justes
qui seront un jour avec le Christ. Elle crut qu’une peine attend pour toujours
le pécheur qui sera privé de la vue de Dieu et à la répercussion de cette peine
dans tout son être. Elle croit enfin pour les élus à une éventuelle
purification préalable à la vision de Dieu, tout à fait étrangère cependant à
la peine des damnés. C’est ce que l’Église entend lorsqu’elle parle d’enfer et
de purgatoire.[68]" La séparation d’avec
Dieu est voulue par les âmes de l’enfer à cause de leur perversité qui les
porte à haïr les volontés de Dieu. Les âmes du purgatoire au contraire se
séparent de Dieu à cause de leur très grand amour pour lui et de leur désir de
devenir parfaites épouses pour lui, selon l’apocalypse[69] "son épouse pour lui
s’est faite belle". C’est pourquoi la séparation est éternelle pour les
damnés mais temporaire au purgatoire.
Solution 2 :
Le feu du purgatoire n’est
autre que le désir ardent que l’âme a de voir Dieu. Il est donc un effet de
l’intense charité qui ne peut supporter d’être séparée de Dieu.
Solution 3 :
L’exercice de la charité ne
peut être parfait sur la terre à cause des conséquences du péché, qu’il soit
originel ou actuel, qui obscurcissent dans l’âme l’instinct de Dieu. C’est
pourquoi nous ne souffrons pas trop de son absence. Cependant, une telle
souffrance peut exister consciemment chez ceux que la grâce a suffisamment
purifiés comme on le voit chez certains saints. C’est pourquoi le Cantique des
Cantiques chante[70] : "J’ai cherché celui que
mon cœur aime, Je l’ai cherche mais ne l’ai pas trouvé. Si vous trouvez mon
bien-aimé, dites-lui que je suis malade d’amour". Chez les autres, elle
existe réellement et se manifeste sous la forme de certaines angoisses
profondes, au point que l’augmentation des suicides des désespérés dans des
pays pourtant matériellement heureux est le signe, voire la preuve de cette
orientation naturelle de l’âme humaine vers le Bien absolu non connu.
Objection 1 :
Il ne semble pas que le feu du
purgatoire soit le désir de Dieu mais un véritable feu matériel. Saint Paul
affirme en effet[71] : "qu’elles seront
sauvées mais comme à travers un feu". De même, il dit que c’est le feu qui
éprouvera la qualité de l’œuvre de chacun. Ce feu semble donc être une réalité
qui purifie l’âme de l’extérieur et non de l’intérieur.
Objection 2 :
Saint Grégoire écrit :
"Ainsi que dans le même feu l’or brille et la paille fume, ainsi par le
même feu le pécheur est brûlé en l’élu purifié". Il semble donc que le feu
de l’enfer est le même feu que celui du purgatoire. Or le feu de l’enfer n’est
pas sans rapport avec la matière, comme nous l’avons vu. Donc le feu du
purgatoire est autre chose que le désir de Dieu.
Cependant :
Sainte Catherine de Gênes note
: "L’ardent désir de Dieu est ressenti comme une peine qui est proprement
celle du purgatoire". Or ce qui est ardent est comme un feu. Donc le désir
de Dieu est le feu du purgatoire.
Conclusion :
Comme nous l’avons montré
précédemment, la peine principale du purgatoire est la séparation d’avec Dieu.
Mais il s’agit d’une séparation douloureuse puisque l’âme aime Dieu qu’elle a
aperçu sous la forme de l’humanité du Christ. Celui qui aime ne peut consentir
sans tristesse à se séparer du bien aimé. Or l’âme est libérée du poids des
conséquences du péché originel et divinement justifiée par la grâce à une
charité envers Dieu dont l’exercice est parfait puisqu’il n’est empêché par
aucun obstacle venant du corps. La tristesse d’être séparé de Dieu est donc à
la mesure de cette charité et le désir de le posséder peut être comparé à un
feu tant son ardeur est intense. C’est en ce sens qu’on peut dire que, au sens
littéral, le feu du purgatoire signifie le désir de Dieu.
Vitalini Sandro écrit :
"On a imaginé le purgatoire comme un châtiment infligé par Dieu au fils
désobéissant. Mais la souffrance dans cette rencontre ne vient pas de Celui qui
est Amour, mais de celui qui se voit avoir négligé l’empressement paternel. La
souffrance de l’enfant prodigue aurait été bien moins grande si le père lui
avait infligé quelques châtiment externes. Sa souffrance au contraire s’accroît
à l’infini parce qu’il voit que son père l’a toujours aimé et continue de
l’aimer d’une façon indéfectible. Le désir de conversion est alors total, mais
la souffrance nous apparaît aussi extrême. Loin d’imaginer un Dieu qui se
refuserait d’accueillir la personne avec ses limites, il faut dire que c’est
cette même personne qui se trouve effrayée par son indignité".[72]
Solution 1 :
En un second sens, on peut
cependant dire que le feu du purgatoire est une réalité matérielle dans la
mesure où une âme séparée du corps peut avoir quelque rapport avec la matière.
Comme nous l’avons vu concernant le feu de l’enfer, un feu matériel ne peut
directement brûler une âme séparée. Mais, puisque les morts gardent
perpétuellement leur psychisme, c’est-à-dire leur sensibilité, à travers un
corps invisible qui est de nature matérielle, il peuvent être blessés par une
véritable souffrance sensible. L’intelligence de l’absence de Dieu se répercute
dans la douleur des passions de la sensibilité. On peut dire alors que l’âme
est prisonnière des flammes puisqu’elle vit d’une véritable et douloureuse
passion sensible. Elle accepte d’être prisonnière de cette séparation. Sa peine
n’est donc pas totalement étrangère à la notion de feu. Une telle
interprétation n’est pas contradictoire avec celle donnée plus haut à condition
que l’on maintienne que la peine principale dont souffre l’âme n’est pas cette
sensation mais sa cause, c’est-à-dire la séparation d’avec Dieu et le désir
brûlant de le voir.
Solution 2 :
Pris en un sens spirituel, le
feu du purgatoire ou celui de l’enfer est le même puisqu’il a son origine
première dans un désir naturel de la béatitude qui n’est pas satisfait puisque
la source de la béatitude éternelle Dieu, n’est pas présente. Mais ce feu est
différent si l’on considère sa cause et son effet : l’absence de Dieu est
causée chez les damnés par un refus volontaire et conscient de l’ordre de sa
sagesse que ne peut accepter l’orgueil ; chez les élus du purgatoire, par une
charité qui ne peut consentir à voir Dieu avant d’être totalement purifiée des
restes du péché. En conséquence, l’effet du feu chez les damnés est une
souffrance qui les fait blasphémer sans cesse Dieu ; chez les élus, il conduit
à la sanctification parfaite de l’âme.
Pris en un sens matériel, le
feu de l’enfer et du purgatoire n’est que l’instrument de Dieu qui par sa
contradiction avec la volonté punit ou purifie les âmes selon leurs
dispositions intérieures. En ce sens, on peut dire à la suite des Pères que le
feu de l’enfer et celui du purgatoire sont une seule réalité.
Objection 1 :
Les âmes du purgatoire
regrettent leurs péchés et ce sont les restes de ces péchés qui les
maintiennent séparées de Dieu, donc elles éprouvent du remords.
Objection 2 :
Le remords est l’acte par
lequel une âme regrette une faute morale. Or les âmes du purgatoire sont en
état de péché véniel. Elles éprouvent donc le remords pour ces péchés.
Cependant :
le ver rongeur des damnés
aboutit à la ruine. Au contraire, les âmes du purgatoire s’élèvent vers la
purification. Elles ne peuvent donc pas être rongées par le remords.
Conclusion :
La notion de remords possède
deux sens :
1° Il est le regret qui suit la conscience d’avoir mal agi. Il est
donc naturel chez toute âme qui pèche. L’âme a été en effet créée par Dieu
droite. Elle possède par nature une orientation vers le bien à laquelle
s’oppose le péché. C’est pourquoi les âmes de l’enfer qui sont irrémédiablement
fixées dans le péché sont rongées par le remords puisque l’orientation de leur
volonté perverse s’oppose à l’ordre de leur nature et cette souffrance augmente
en elles la haine de Dieu qui leur parait être la cause de leurs tourments. Les
âmes du purgatoire, quant à elles, ne sont aucunement en état de péché mortel.
Elles ont entièrement été pardonnées à la suite d’une contrition parfaite qui
précède la mort. Elles ne peuvent donc éprouver de remords actuel puisque leur
âme est totalement orientée dans la recherche du bien véritable. C’est la
charité qui est cause en elles d’un état permanent de contrition dont la
chaleur achève de purifier leur âme du péché véniel. Cette contrition n’est
donc pas comparable au ver du remords des damnés qui reste stérile et les fait
se replier sur leur malheur. Elle est plutôt comparable à la chaleur du feu qui
purifie l’âme comme l’or qui est passe au creuset. De même en effet que la
chaleur est un effet du feu, de même la contrition est un effet de la charité.
2° Le remords peut venir du regret de s’être fait punir à la suite
d’un péché. Il règne largement en enfer. De même, selon cette acception du
terme, il ne règne pas de remords au purgatoire puisque, de volonté droite, par
amour de Dieu et en vue de devenir digne de la voir, elles ont voulu
elles-mêmes la peine du purgatoire.
Solution 1 :
Le regret des âmes du
purgatoire pour leur péché n’est pas la simple douleur naturelle éprouvée par
une âme corrompue. Elle est une douleur voulue et consentie à cause du très
grand amour qu’elles éprouvent pour Dieu. Elle est une perpétuelle confession
de leurs fautes au Dieu qu’elles attendent, et une joie à satisfaire par la
douleur pour ces offenses.
Solution 2 :
Le péché véniel n’est pas une
orientation de la volonté vers une fin mauvaise mais simplement un lien qui
empêche l’orientation vers le vrai bien de s’exercer avec facilité et aisance.
Il ne s’oppose pas directement à l’ordre naturel vers le bien que Dieu infuse à
l’âme à sa création. Il ne peut donc être source d’un véritable remords mais
simplement d’un certain état de regret.
Objection 1 :
D’après le Maître des
Sentences, "les âmes ont pour bourreaux dans l’autre monde ceux-là mêmes
qui ont été ici-bas leurs mauvais conseillers", c’est-à-dire les démons
qui poussent au péché véniel qu’on expie en purgatoire, aussi bien qu’au péché
mortel.
Objection 2 :
Les justes sont purifiés de
leurs péchés non seulement dans l’autre monde, mais dès cette vie. Or, ici-bas,
les démons sont les instruments de cette purification, comme nous le voyons par
l’exemple de Job ; Ils font donc de même en purgatoire.
Cependant :
Il serait injuste que celui qui
a triomphé d’un ennemi lui soit soumis après sa victoire. Mais les âmes du
purgatoire ont quitté cette vie en état de grâce, après avoir triomphé du
démon. Celui-ci a donc perdu tout pouvoir sur elles.
Conclusion :
L’éternel châtiment des damnés
sera le feu allumé par leur propre perversité si contradictoire à la nature
bonne de leur âme. Les démons n’auront qu’un rôle accidentel en ce sens que
leur présence orgueilleuse sera source de déplaisir pour tous les damnés. De
même, au purgatoire, jusque-là, c’est l’absence du Dieu désiré et elle seule,
qui purifie les élus. Elle ne requiert pour cela le ministère des démons qui
ont été vaincus par eux. Par contre, il est possible que les bons anges soient
chargés d’appliquer certaines dispositions particulière de cette purification,
en vue d’hâter le travail de la grâce. Ce sera par exemple leur rôle que de
rendre visible à l’âme en peine les mérites et indulgences offerts par ceux qui
prient pour elle depuis la terre. Le rôle de la Vierge Marie et ses saints dans
ces purgatoires est évident : lorsque le découragement et le désespoir se
font sentir, ils peuvent visiter ces âmes concentrées sur leur propre
perfection et hâter leur purification par leur manifestation bouleversante, qui
manifeste clairement le peu d’utilité de tout ce qui n’est pas l’amour de Dieu
et du prochain.
Par contre, en cette terre
d’ici-bas, qui est un lieu de combat, les hommes sont frappés par les mauvais
anges, leurs ennemis, comme nous le voyons par l’exemple de Job, et par les
bons anges, comme Denys l’affirme en propres termes, et comme nous le voyons en
la personne de Jacob, dont l’ange toucha et démit la hanche, au cours de la
lutte qu’il soutint avec lui
Solutions :
Elles viennent d’être données.
Objection 1 :
Sainte Catherine de Gênes écrit[74] : "Le feu du purgatoire
est différent du feu de l’enfer car, dans le purgatoire la volonté demeure
toujours bonne et soumise à Dieu ; Au lieu que dans l’enfer les damnés étant
toujours plongés dans le péché et n’étant plus capables que Dieu verse en eux
les influences de sa bonté, ils demeurent dans le désespoir et dans une volonté
mauvaise qui sera éternellement opposée à celle de Dieu".
Objection 2 :
La peine des damnés est pour
toujours puisqu’ils "iront au feu éternel"
[75] ; le feu du purgatoire ne dure
qu’un temps. Ce n’est donc pas le même feu.
Objection 3 :
Même conclusion négative, du
fait que le supplice de l’enfer reçoit différents noms dans l’Écriture par
exemple[76] : "le feu, le soufre, le
vent des tempêtes etc"., tandis que celui du purgatoire, c’est uniquement
le feu.
Objection 4 :
Selon certains auteurs, le feu
de l’enfer est la haine lancinante que les âmes éprouvent pour la Justice de
Dieu qui s’oppose à leur liberté ; le feu du purgatoire est au contraire le
désir de Dieu issu de la ferveur de la charité. Donc le feu de l’enfer et celui
du purgatoire ne sont pas les mêmes.
Cependant :
Saint Grégoire écrit[77] : "Ainsi que dans le même
feu l’or brille et la paille fume, ainsi par le même feu le pécheur est brûle
et l’élu purifie".
Conclusion :
Comme nous l’avons vu, le feu
de l’enfer et celui du purgatoire peuvent être entendus selon deux acceptions.
En un premier sens, qui est le principal, il s’agit d’un feu spirituel et
intérieur provoqué par la séparation d’avec Dieu. La raison en est que toute
âme après la mort, par la libération du corps et la rencontre avec Jésus, voit
s’actuer le désir naturel de Dieu qui est en elle et qui avait été étouffé par
le poids de la chair et le péché. La séparation d’avec Dieu contrarie donc cet
instinct naturel de la béatitude. Cependant, elle n’est pas voulue de la même
façon par les damnés et par les âmes saintes du purgatoire. Dans le premier
cas, elle trouve son origine dans un amour déréglé de soi qui est établi en
absolu et qui les conduit à préférer se séparer de Dieu plutôt que de se
repentir. Dans le second cas, elle est voulue relativement à un obstacle
temporaire qui doit être purifie dans l’âme. Ainsi, la séparation des damnés
est causée par l’orgueil, celle des âmes du purgatoire par la charité.
[78]
De tout cela, on doit conclure
que le feu a la même origine en enfer et au purgatoire mais n’agit pas de la
même façon sur les âmes selon les paroles de saint Grégoire : "par le même
feu le pécheur est brûlé et l’élu purifié".
Si l’on considère en un second sens le feu du
purgatoire de la même manière que certains théologiens à savoir comme feu
sensible, on est amené à la même conclusion. La séparation de Dieu provoque
dans la sensibilité une absence de paix, des passions douloureuses. Elles sont
toutefois très différentes en enfer où sont surtout haine, fuite, tristesse,
désespoir, crainte, et au purgatoire où elles s’appellent amour, désir,
tristesse, espoir, audace.
Solution 1 :
Sainte Catherine de Gênes
regarde le feu dans sa cause prise du côté de la volonté de l’homme et non dans
sa nature qui est un désir naturel de Dieu.
Solution 2 :
Le feu du purgatoire est
éternel quant à sa substance puisqu’il dure autant que la personne dont la vie
n’a pas de fin. Mais l’action purificatrice qu’il opère ne dure qu’un temps,
jusqu’à ce que Dieu paraisse.
Solution 3 :
Les peines de l’enfer n’ont
aucune finalité. Elles sont un simple effet d’une âme séparée de sa fin. On
leur donne les noms de toutes les choses qui nous font souffrir. Celles du
purgatoire ont pour but principal d’effacer les restes du péché : on leur donne
le seul nom de feu, parce que le feu purifie et consume.
Solution 4 :
Les damnés ne haïssent pas Dieu
en lui-même mais à cause d’un effet de sa providence qui nuit à leur volonté
orgueilleuse. En détournant leur volonté du Bien Incréé, les damnés ont laissé
pour toujours insatisfait leur désir naturel du bonheur que seul Dieu aurait pu
combler. Ils en subissent les conséquences dans leur nature par le feu. Cette
insatisfaction perpétuelle de leur âme provoque en eux la haine, de même
qu’elle provoque le désir brûlant de la charité chez les élus. La haine et le
désir sont donc des effets du feu. Cependant, si l’on insiste pour dire que ces
états de l’âme sont le feu de l’enfer et du purgatoire alors on doit admettre
que ces feux sont différents, selon l’autorité de sainte Catherine de Gênes.
Objection 1 :
Plus un être est passif, plus
la souffrance est vive, s’il a le sentiment de son mal. Or, le corps est plus
passif que l’âme séparée : le feu lui est plus contraire et agit sur lui plus fortement
; ses souffrances doivent donc aussi être plus grandes.
Objection 2 :
Les souffrances du purgatoire
ont pour objet direct les péchés véniels qui sont les péchés les plus légers et
doivent donc subir la peine la plus légère, s’il est vrai que le nombre des
coups doit être proportionné à la faute.
Objection 3 :
La dette, qui résulte de la
faute, ne peut s’intensifier qu’avec elle. Mais une faute pardonnée ne peut
plus augmenter. Donc, celui qui a reçu le pardon d’un péché mortel, pour lequel
il n’a pas pleinement satisfait, ne voit pas sa dette augmenter à la mort Or,
en cette vie il n’était pas passible de la peine la plus grave. Donc, la peine
qu’il subira dans l’autre vie ne sera pas supérieure à toutes les peines que
l’on peut endurer ici-bas.
Cependant :
1° "Le feu du purgatoire, dit saint Augustin, fait plus
souffrir que tout ce que nous pouvons éprouver, voir ou imaginer en ce
monde".
2° C’est quand la souffrance atteint l’être tout entier qu’elle est
la plus grande. Or, l’âme séparée étant simple, est atteinte dans sa totalité ;
il n’en va pas de même pour l’homme tant qu’il est uni à sa chair révoltée.
Donc la souffrance de l’âme séparée est supérieure ainsi à toute souffrance du
corps.
Conclusion :
Il y a deux peines en
purgatoire : 1° la peine du dam, l’ajournement de la vue de Dieu ; 2° La peine
du sens, la souffrance qui en découle dans l’esprit comme dans la sensibilité.
Les théologiens anciens pensèrent que le moindre degré de l’une comme de
l’autre surpassait la peine la plus grande que l’on puisse endurer ici-bas.
Car, disaient-ils de la peine du dam, plus une chose est désirée, plus son
absence cruelle. Or, au sortir de ce monde, le souverain bien excite dans les
âmes justes le désir le plus intense, parce que le poids du corps ne l’étouffe
plus et qu’elle a vu l’espace de l’heure de la mort la Lumière. De même pour
eux, la peine du sens était la plus intense : ce n’est pas la blessure
mais le sentiment que l’on en a qui cause la souffrance, celle-ci est en
proportion de la sensibilité : c’est pour cette raison que les parties du corps
les plus sensibles éprouvent les souffrances les plus vives.
Cette opinion reste vrai pour
la majorité des gens que l’on observe sur terre et qui arrivent, d’une manière
ou d’une autre, à distraire le feu des angoisses et des désespoirs.
Mais, cette opinion ne peut
plus être gardée lorsqu’il s’agit des désespérés. On ne le voyait pas au
Moyen-âge pour deux raisons :
1° La séparation d’avec Dieu
(le dam) était moins ressenti dans une époque ou la foi en la vie après la mort
allait de soi et motivait la vie des gens. Mais dans un monde où des foules
humaines croient sincèrement que la mort est le néant et que tout est
finalement vain, on voit clairement que, chez un petit nombre, le feu du dam
est des plus vifs, et est source d’un total désespoir, à l’image du Christ sur
la croix lorsqu’il crie : « Mon Dieu ! Mon Dieu ! Pourquoi
m’as-tu abandonné ? ».
2° De même, le sentiment de ce
vide peut se révéler pour certains à ce point douloureux qu’il ne peut y avoir
pire dans l’autre monde. C’est que, dans une époque de confort, où l’homme
n’est plus endurci par la dureté de la vie face aux souffrances, certains
deviennent extrêmement sensibles à l’impact de ce feu intérieur qu’est
l’angoisse. On le voit de manière claire chez ceux qui en viennent à vouloir
détruire leur vie plutôt que de la supporter. C’est aussi pour cette raison que
la dernière génération qui vivra cette terre, sous le règne brillant au plan
matériel du dernier Antéchrist, n’aura pas à passer par la mort physique, ayant
subi du fait de l’absence du vrai Dieu et de son extrême sensibilité à
l’angoisse le plus terrible et efficace des purgatoires, les laissant pour la
plupart brisés donc tout humbles.
Ceci n’empêche pas que
l’opinion des théologiens anciens reste vrai pour l’universalité des hommes,
puisque aucun homme ne pourra plus, dans les purgatoires de l’autre monde,
contourner d’une façon ou d’une autre le feu du purgatoire déjà présent sur
terre.
Solution 1 :
L’âme est moins passive que le corps,
mais elle a un sentiment plus vif de ce qui la fait pâtir, et c’est cela
surtout qui cause la souffrance.
Solutions 2 et 3 :
L’acuité des peines du
purgatoire vient moins de la quantité du péché qui est puni que de la condition
de celui qui est puni : ce qui fait que la punition du même péché est plus
ressentie pour la plupart dans l’autre vie ; de même que le condamné dont la
sensibilité est plus grande souffre plus qu’un autre, sans cependant recevoir
plus de coups, et cependant, sans manquer à la justice, le juge infligera à
tous deux le même nombre de coups pour les mêmes fautes.[80]
Réponse aux objections en sens contraire :
Saint Augustin parle en
général, la majorité des gens arrivant en ce monde à rendre moins sensible le
feu de l’absence de Dieu soit en se distrayant, soit en endurcissant leur
sensibilité. Mais, le purgatoire pouvant de fait se résumer à l’expérience du
désespoir sensible à l’image du Christ sur la croix, on ne peut raisonner en
parlant d’un plus ou moins grand désespoir, que ce soit en ce monde ou dans
l’autre. Le désespoir, par définition, atteind l’être tout entier puisqu’il
prive l’homme ou l’âme du sentiment d’avoir un sens à sa vie. Et c’est lui seul
qui, en fin de compte, crée en l’homme « un coeur tremblant, des yeux éteints,
un souffle court.[81] », c'est-à-dire cette
kénose si nécessaire pour voir Dieu.
Objection 1 :
La peine est un mal. Dieu qui
est la bonté même ne saurait vouloir un mal pour sa créature. Donc la peine du
purgatoire n’est pas voulue par Dieu.
Objection 2 :
La peine du purgatoire a deux
finalités : purifier l’âme des restes du péché et satisfaire par une pénitence
pour les péchés passés. On voit mal pourquoi Dieu exige une telle satisfaction
qui relève plus d’une stricte justice vindicative que de sa bonté.
Cependant :
Sainte Catherine de Gênes écrit[82] : "les peines du
purgatoire sont reçues par l’âme comme un témoignage de la bonté de Dieu sur
elle". Or la volonté des âmes du purgatoire est sainte et ne saurait
qu’être conforme à la volonté de Dieu. Donc les peines du purgatoire sont
voulues par Dieu.
Conclusion :
La volonté première de Dieu sur
l’homme, celle qui l’a poussé à le créer, à l’élever à la grâce, à le rétablir
dans cette grâce après le péché en s’incarnant, c’est la communication de sa
bonté. Une telle communication se réalise et s’achève par la vision de son
essence. On peut donc dire que Dieu ne veut pas, d’une manière absolue, tout
mal qui s’oppose directement à son projet, à savoir le péché contre l’Esprit
Saint par lequel l’homme ou l’ange méprisent l’amour de Dieu pour l’éternité.
Si donc certains hommes se damnent à cause de leur orgueil, Dieu ne peut
vouloir directement et par soi leur damnation. Il la permet à cause de son respect
de la liberté de la créature spirituelle qui constitue, même chez les damnés,
une manifestation de sa gloire. On peut même dire, que relativement à cette
gloire, Dieu veut que le méchant soit damné.
Quant au mal de la peine qui,
chez les élus, constitue un moyen de purification, d’illumination et de
sanctification, il peut être voulu par Dieu comme un moyen au service du bien
de l’âme elle-même, en tant qu’il la prépare à la communication de la vie
éternelle. Relativement à cette finalité, le mal de peine constitue même un
bien puisqu’il en est le moyen préparatoire à la gloire. C’est pourquoi le
prophète Osée peut écrire au nom de Dieu[83] : "Je la rendrai pareille
au désert, je la réduirai en terre aride, Je la ferai mourir de soif…pour
qu’elle écarte de sa face ses prostitutions…puis je la fiancerai à moi pour
toujours".
Solution 1 :
Dieu veut la peine du
purgatoire, non en elle-même, mais relativement au bien de l’âme. De même, une
mère veut parfois une peine pour son enfant, non à cause de la peine elle-même,
mais à cause du bien que constitue l’éducation de l’enfant.
Solution 2 :
Tout péché produit dans l’ordre
de la création un désordre dont les conséquences dérèglent les rapports de
l’âme avec le corps, les rapports des hommes entre eux et de l’homme avec Dieu.
Il doit être réparé par quelque chose qui rétablisse de quelque manière
l’ordre. Il convient que l’excès d’amour de soi soit compensé par l’excès
d’amour pour Dieu. C’est ce que peut réaliser la peine satisfactoire du
purgatoire offerte par charité. Mais une telle peine peut être accomplie par
d’autres que l’âme, à cause de la charité qui unit les fidèles entre eux. Nous
le verrons dans la question consacrée aux suffrages pour les défunts.
Objection 1 :
Les âmes du purgatoire sont
séparées de Dieu. Or nul ne peut l’être sans s’être d’abord détourné de lui
selon cette parole d’Isaïe[84]
: "Malheur! ils ont abandonné le Seigneur, ils se sont détournés de
lui". Or celui qui se détourne de Dieu ne peut être saint.
Objection 2 :
À cause du péché véniel qui
demeure en elles, les âmes du purgatoire ne sont pas entièrement soumises à
Dieu. Elles ne peuvent donc être qualifiées de saintes puisqu’elles restent en
quelque manière attachées à elles-mêmes. Celui qui est saint, au contraire est
totalement séparé de lui-même pour Dieu et ses frères.
Cependant :
Sainte Catherine de Gênes écrit[85]
: "la disposition des âmes du purgatoire leur vient de la grâce dont elles
sont pleines". Donc elles sont saintes.
Conclusion :
Comme nous l’avons vu plus
haut, les âmes de ces trois degrés du purgatoire sont provisoirement séparées
de Dieu à cause d’un reste du péché qui doit être purifié et à cause d’une
peine qui reste à accomplir. Mais, soit avant la mort soit au moment de la
mort, elles se sont repenties par une contrition parfaite de leur péchés
mortels. Elles ont reçu de Dieu la grâce du pardon et de la sanctification. À
cause de leur état de séparation d’avec le corps, les âmes du purgatoire voient
s’épanouir en elles en plénitude les dons de la vie surnaturelle, dans la
mesure tout de même où cela est conciliable avec le fait qu’elles sont séparées
de Dieu. Ainsi, les effets de ces dons en tant qu’ils sont source de plaisir
n’existent pas, mais seulement en tant qu’ils sont source de désir brûlant.
1°
Elles ont la foi et une foi parfaite quant à ses deux objets puisque l’exercice
de cette vertu a été purifiée et illuminée par la révélation du Verbe fait
chair au moment de la mort. Elles ont connaissance de Dieu par la foi, sans
erreur possible sur ce qu’il est et ce qu’il propose ; elles croient en tant
que c’est Dieu qui s’est révélé et non à cause d’une parole humaine.
2°
Elles espèrent avec certitude être sauvées, sans aucune inquiétude à cause de
la promesse du Seigneur faire lors du jugement dernier et de leur absolue
confiance en la fidélité au Seigneur
3°
Elles aiment Dieu plus que leur propre bien-être et pour lui-même par la vertu
de la charité et elles aiment le prochain à cause de Dieu. L’exercice de cette
charité est propre à leur état d’âme séparée de la chair puisqu’elles peuvent
perpétuellement maintenir en acte leur attention fixée en Dieu, par une prière
continuelle qui ne peut exister sur terre à cause des multiples occupations
auxquelles nous sommes tenus et à cause des exigences du corps. D’autre part,
la ferveur de cette prière est incomparable à celle de la terre, non parce que
la charité est plus grande mais parce qu’aucun obstacle ne peut en appesantir
l’exercice.
4°
Les dons du Saint Esprit qui disposent l’âme à être mue directement et avec
facilité par les influx divins sont présents
Cependant, à cause des restes
du péché, l’âme oppose une certaine résistance à leur parfait exercice. Elle a
tendance à ne pas suivre immuablement l’instinct divin mais à se fier davantage
à sa propre raison. Et c’est par rapport à cet exercice parfait de la charité
réalisé par les sept dons du Saint Esprit qu’il est nécessaire que soit
réalisée une purification. Mais une telle imperfection ne s’oppose pas à la
sainteté de l’âme puisqu’on la voit chez les saints. Elle s’oppose à la
sainteté parfaite qui est nécessaire[86]
pour être introduit dans la gloire où Dieu prend entièrement possession de
l’âme.
Solution 1 :
Les âmes du purgatoire ne sont
pas entièrement séparées de Dieu puisqu’elles lui sont unies par la charité et
les dons du Saint Esprit. Elles sont seulement séparées provisoirement de la
vision de son essence et de la possession de sa présence. De même qu’on ne peut
pas dire qu’un ami est séparé de celui qu’il aime parce qu’ils sont
provisoirement situés dans deux lieux différents, de même on ne peut pas dire
que les âmes du purgatoire sont totalement séparées de Dieu. L’objection ne
s’applique pas à ces âmes mais seulement aux damnés.
Solution 2 :
Un objet est qualifié de saint
lorsqu’il est député par une consécration au service exclusif de Dieu.
Cependant, il n’a pas besoin pour rester saint d’être actuellement et à chaque
instant en acte de service de Dieu. De même un homme sur la terre est qualifié
de saint parce que son intention est habituellement fixée sur Dieu, au point
qu’il ne fera jamais rien d’explicitement contraire à cette intention. Mais il
n’a pas besoin d’être à chaque instant dans la pensée de Dieu. Il lui suffit de
l’être habituellement. La sainteté des âmes du purgatoire est plus parfaite que
celle des hommes sur la terre puisqu’elles ne peuvent plus pécher et peuvent à
chaque instant demeurer dans la pensée de Dieu. Le fait qu’il leur demeure
quelque purification à apporter du côté de leur âme s’oppose seulement à la
sainteté absolue de la gloire et non à la sainteté en soi.
Objection 1 :
Comme on vient de le montrer,
les âmes du purgatoire résistent à l’impulsion des dons du Saint-Esprit, à
cause des restes du péché qui les inclinent davantage faire confiance à leur
propre raison qu’aux impulsions divines. Elles ne sont donc pas soumises à la
volonté de Dieu.
Objection 2 :
Les âmes du purgatoire ne
veulent pas de la souffrance du feu puisqu’elles demandent à en être délivrées.
Or Dieu veut pour elles cette peine comme nous l’avons montré. Elles ne sont
donc pas soumises à la volonté de Dieu.
Cependant :
Nul ne peut être saint si sa
volonté n’est soumise à celle de Dieu.
Conclusion :
Être soumis à la volonté de
Dieu peut signifier deux choses :
1°
vouloir ce que Dieu veut d’une manière habituelle, c’est-à-dire être prêt par
l’intention à ne rien vouloir ni ne rien faire en dehors de ce que Dieu demande.
Les âmes du purgatoire, sous ce rapport sont soumises à la volonté de Dieu
puisqu’elles ont la charité qui est le résumé de tous les commandements de Dieu
selon saint Matthieu[87].
2°
Réaliser cette volonté de Dieu jusqu’à devenir pour Dieu un instrument docile
de sa volonté, parfaitement apte à être mu par ses impulsions. Une telle
soumission n’appartient pas aux âmes du purgatoire à cause des restes du péché
qui les attache encore à elles-mêmes. Mais cette seconde soumission est acquise
à travers les purifications du feu.
Solution 1 :
Ce qui est essentiel à la
soumission d’un serviteur, c’est que sa volonté soit disposée à se modeler sur
la volonté de son maître. La rapidité avec laquelle il exécute l’ordre reçu
n’est que la perfection secondaire de la soumission.
Solution 2 :
Les âmes du purgatoire ne
veulent pas des souffrances en tant qu’elles sont des maux ; mais elles les
veulent relativement au bien qui se réalise par elles. En ce sens, elles sont
parfaitement en conformité avec la volonté de Dieu qui ne veut le mal de peine
qu’à cause d’un bien qui lui est attaché. Et leur volonté est à ce point
conforme à celle de Dieu qu’elles désirent elles-mêmes se plonger dans la
solitude du purgatoire en même temps que Dieu le fait lui-même.
Objection 1 :
Les âmes du purgatoire ont une
volonté droite. Or, la rectitude de la volonté consiste dans sa conformité à la
volonté divine. Dès lors, puisque Dieu veut qu’elles soient punies, elles le
veulent donc pareillement.
Objection 2 :
Tout homme sage veut le moyen
nécessaire de parvenir à la fin qu’il veut. Or, les âmes du purgatoire savent
que leurs souffrances sont le chemin de la gloire ; Elles veulent donc
souffrir.
Cependant :
On ne demande pas à être
délivré d’une peine que l’on subit volontairement. Or, les âmes du purgatoire
demandent leur délivrance, comme saint Grégoire en cite de nombreux exemples.
Leurs souffrances ne sont donc pas volontaires.
Conclusion :
Une chose peut être dite
volontaire de deux manières. -1° D’une volonté absolue ; ainsi, aucune peine
n’est volontaire, puisqu’il est de sa raison même qu’elle soit contraire à la
volonté. -2° D’une volonté conditionnelle, ainsi une brûlure est volontaire en vue
d’une plaie à guérir. Ici deux cas se présentent. Dans le premier, la peine
fait acquérir un bien, et, à cause de cela, la volonté la recherche, comme dans
la satisfaction ; ou encore, l’accepte volontiers et ne voudrait pas en être
privée, comme dans le martyre. Dans le second, la peine ne mérite pas un bien,
mais elle est le moyen d’y parvenir : ainsi en est-il de la mort. Cette peine,
la volonté ne la recherche pas, elle voudrait en être délivrée, mais elle la
supporte, et, pour autant, cette souffrance est dite volontaire. C’est en ce
sens que les souffrances du purgatoire sont volontaires.
Certains auteurs prétendent
qu’elles ne le sont en aucune façon ; car, disent-ils, les âmes du purgatoire
sont tellement absorbées par elles qu’elles ignorent qu’il s’agit d’une
purification et se croient damnées. Cette opinion est erronée ; car si ces âmes
ne savaient pas qu’elles dussent être délivrées, elles ne solliciteraient pas
nos suffrages, comme il leur arrive souvent de le faire.
Solution 1 :
Elles viennent d’être données.
Objection l :
Les âmes du purgatoire peuvent
au moins commettre des péchés véniels puisqu’elles doivent s’en purifier.
Objection 2 :
Au purgatoire, les âmes ne sont
pas en présence de l’essence divine. Elles ne sont donc pas comme les âmes du
paradis qui ne peuvent se détourner de Dieu à cause du fait qu’il est l’essence
même de la bonté. Au contraire, les âmes du purgatoire sont dans l’obscurité
d’une prison et elles sont soumises aux pires des tourments. Elles peuvent, à
cause de ces tourments qui s’opposent à leur volonté, se détourner de Dieu qui
en est la cause. Elles peuvent donc pécher.
Objection 3 :
C’est une condition de la
liberté de pouvoir se détourner d’un bien pour en poursuivre un autre. Or les
âmes du purgatoire gardent leur libre arbitre. Elles peuvent donc se séparer de
Dieu.
Cependant :
Sainte Catherine de Gênes écrit[89]
: "les âmes du purgatoire ne peuvent plus pécher". De même Léon X
condamne formellement la proposition suivante[90]
: "les âmes du purgatoire ne cessent de pécher aussi longtemps qu’elles
cherchent le repos et ont horreur de peine".
Conclusion :
Que les âmes du purgatoire ne
puissent plus pécher, c’est à cause de l’état de leur nature qui est séparée de
la fragilité des conséquences du péché originel et de la perfection du choix de
l’heure de leur mort, comme nous l’avons vu. Que l’homme puisse tant qu’il est
sur la terre se convertir sans cesse vers des biens opposés, cela tient à la condition
de son intelligence qui, étant liée à une sensibilité blessée, ne saisit
qu’avec peine et par étape la bonté des réalités ; cela tient aussi à la
condition de la volonté qui peut se porter vers un bien relatif en se laissant
entraîner par les désirs du corps et cela malgré l’intelligence qui peut savoir
qu’il y a là un péché. On le voit chez les alcooliques qui boivent bien qu’ils
sachent que l’alcool est un mal pour eux. Mais une fois libérée de ces peines
dûes au péché originel, une fois restaurée dans la plènitude de ses moyens,
toute ignorance de l’intelligence et toute faiblesse de la sensibilité
disparaît. Aussi, celui qui se porte une fois vers la fin éternelle ne peut
s’en détourner car c’est en pleine possession de lui qu’il a choisi ce bien pour
sa fin ultime.
Solution 1 :
les âmes du purgatoire ne
commettent aucun péché véniel volontaire puisqu’elles haïssent ces péchés qui
sont pour elles la cause de leur séparation provisoire du Dieu qu’elles aiment.
Mais elles commettent des péchés véniels involontaires à cause des restes du
péché passé qui maintiennent leur volonté vicieusement et involontairement
attachée à elle-même. Ainsi, elles aiment mal. Elles n’aiment pas de manière
humble (kénose) et n’arrivent pas à dire : "Seigneur, je ne suis pas
digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serais guéri". Le
temps seul peut, dans l’attente laminante de la venue de Jésus, les délivrer de
ce défaut.
Solution 2 :
Les tourments du purgatoire
sont eux-mêmes voulus et choisis par l’âme en tant qu’elle sait qu’ils la
conduiront à l’union à Dieu. Ils ne peuvent donc en aucune manière la détourner
de Dieu.
Solution 3 :
La liberté est une propriété de
l’esprit quand il se porte vers un bien en pleine connaissance et sans que sa
volonté y soit poussée de l’extérieur. C’est de cette façon là que l’âme du
purgatoire reste immuablement fixée en Dieu, de même que l’âme du damné reste
fixée en elle-même. Que nos intentions de la terre puissent se porter
successivement sur diverses fins contradictoires, cela tient aux limites de la
liberté conditionnée par l’erreur, le poids du corps, du monde et l’influence
du démon.
Objection 1 :
Cela semble possible : le
mérite se prend de l’augmentation de la charité. Or l’âme, après la mort, peut
aimer davantage Dieu puisqu’elle progresse jusqu’à la disparition des péchés
véniels. Donc la charité peut augmenter au purgatoire.
Objection 2 :
Les âmes de ces purgatoires
souffrent et offrent à Dieu leur souffrance. Un tel acte est difficile et
mérite donc une récompense supplémentaire comme une augmentation de la charité.
Objection 3 :
Les âmes de ces purgatoires
passent leur temps à lutter contre les restes du péché qu’elles discernent en
elles. Tout combat mené par amour pour Dieu mérite de sa part une récompense,
c’est-à-dire une augmentation de la charité. Donc les âmes de ces purgatoires
peuvent mériter.
Cependant :
Jésus dit dans la parabole des
talents[91]
: "Après un long temps, le maître de ces serviteurs arrive et il règle ses
comptes avec eux". Or, avant l’arrivée du maître, les serviteurs faisaient
fructifier leur talents. Il en est de même pour le mérite. Après la venue du
Seigneur, il n’est plus temps de les augmenter mais seulement d’en recevoir la
récompense.
Conclusion :
Comme on l’a vu dans la
deuxième partie, le mérite est proportionnel à la charité puisque Dieu veut
qu’une âme reçoive la proportion de gloire qui dépend de l’amour qu’elle a pour
lui. Ainsi, plus la charité augmente dans une âme, plus elle reçoit de Dieu une
claire vison de son essence.
Tant qu’il est sur la terre, un
homme peut progresser dans la charité comme on le voit chez les païens de bonne
volonté dont l’intention est de plus en plus désireuse d’aimer (il s’agit d’une
disposition à entrer dans la charité quand elle leur sera proposée) ou chez les
chrétiens qui aiment de plus en plus Dieu et le prochain. Cette augmentation se
réalise en eux essentiellement par le fait que la vertu de charité prend de
plus en plus possession de son sujet qui est la volonté et non parce que cette
vertu elle-même s’augmente par addition. Une telle augmentation est d’abord
réalisée par Dieu lui-même qui est l’auteur de l’infusion dans l’âme de cette
vertu surnaturelle. Du côte de l’homme sur la terre, il peut y avoir
disposition à l’accroissement de la charité en tant que, par un acte de
charité, l’homme se rend plus prompt à agir de nouveau sous l’inspiration de
cette vertu ; puis la facilité de renouveler cet acte venant à s’accentuer,
l’homme voit la vertu théologale prendre davantage possession de ces actes et
lui permettre de s’élancer vers un acte d’amour plus fervent. Cet acte plus
fervent mérite à la mort un don de gloire plus grand puisque chacun méritera
d’être comblé en proportion de sa charité.
Après la mort, l’homme n’est
plus en état de progresser dans la charité et cela pour deux raisons :
1°
Principalement à cause de son état nouveau. Le temps de la faiblesse de la
chair et de l’ignorance de l’intelligence se terminent. L’apparition glorieuse
du Messie fait que l’âme se porte vers sa fin tout entière et d’un seul coup,
de toute la capacité dont elle est capable. Elle aime donc Dieu avec toute la
potentialité de la vertu de charité préparée à titre de disposition durant sa vie
terrestre et souvent reçue à ce moment. Elle se porte vers Dieu de toutes ses
forces car il n’y a de mesure à cet acte que la dimension de sa capacité à
désirer.
2°
À cause de la volonté de Dieu qui a fixé que l’homme entrerait en possession de
sa fin au terme de la vie terrestre. C’est pourquoi il appartient à la charité
de la terre, celle qui est en état de voie vers l’obtention de la béatitude
finale de mériter ; quant à la charité du terme de la vie, il lui appartient
d’entrer en possession de cette fin aussi elle ne mérite plus mais reçoit sa
récompense.
Solution 1 :
le purgatoire ne permet pas à
l’âme d’augmenter sa charité en ce sens qu’elle aimerait davantage Dieu au
terme de la purification qu’au début. En effet, dès l’entrée dans la mort, l’âme
aime Dieu selon la mesure parfaite de la charité atteinte durant sa vie
terrestre (parousie incluse). La purification détruit certains obstacles qui
rendent peu aisé l’exercice de cette charité. Ces obstacles sont les restes du
péché déjà pardonné dont nous avons dit plus haut.
Solution 2 :
Le fait que les âmes du
purgatoire offrent leurs souffrances à Dieu ne prouve pas qu’elles peuvent
augmenter la charité en elles mais seulement qu’elles aiment Dieu plus que leur
propre bonheur. Sur la terre et dans le passage de la mort, une telle offrande
leur vaudrait de la part de Dieu une augmentation de la charité car les âmes
sont en état de voie. À cause de la nuit où vit l’intelligence, du silence de
Dieu, il est possible à l’homme d’aimer plus que de raison, d’aimer jusqu’à
donner sa vie et au delà de la compréhension. Ce n’est pas le cas des âmes du
purgatoire qui ont vu la lumière et aiment de toute la mesure de ce qu’elles en
ont compris et désiré. Leur charité est ordonnée à recevoir immédiatement la
gloire finale.
Solution 3 :
Il existe sur la terre deux
manières de travailler à la purification de son âme :
1°
une manière active lorsque l’on prend soi-même l’initiative de l’ascèse à
travers des actes et des exercices volontaires. Ainsi, l’homme qui s’astreint à
la prière, à la pénitence et à l’attention active à son prochain à cause de
l’amour qu’il a pour Dieu se dispose activement à la croissance de la charité.
2°
une manière passive : l’Esprit Saint prend lui-même l’initiative de nous
purifier à travers les multiples épreuves de notre vie. C’est uniquement de
cette manière que l’âme du purgatoire est purifiée. En effet, nous avons montré
que pour ce qui est de son activité propre, rien ne peut plus progresser en
elle : elle aime Dieu de toute la force de sa charité, à chaque instant et dès
le premier moment de son entrée au purgatoire. L’âme ne peut donc rien de plus
que ce qu’elle a déjà pour hâter sa purification. Celle-ci se réalise sans
qu’elle n’y puisse rien, par l’action de cette charité qui, dans la durée,
s’insinue petit à petit et transforme l’intelligence et la volonté. Il s’agit
d’une purification passive.
Objection 1 :
Nous avons montré que les âmes
du purgatoire sont dans une affliction extrême. Elle ne peuvent donc être en
même temps dans la joie, car la joie et la douleur sont opposées l’une à
l’autre.
Objection 2 :
La souffrance des âmes du
purgatoire dépasse ce qui existe sur terre. Or il peut exister sur terre des
souffrances sans aucun mélange de joie et de paix comme on le voit chez les
désespérés. Donc l’âme du purgatoire ne peut être dans la joie et la paix.
Objection 3 :
Aristote dit que la tristesse
violente empêche non seulement la délectation qui lui est directement opposée,
mais encore n’importe quelle délectation ; et réciproquement la joie par
rapport à la tristesse. Or la douleur des âmes du purgatoire est la plus aiguë
de toutes. Elles ne peuvent donc être en même temps dans la joie.
Cependant :
Sainte Catherine de Gênes écrit
: "les âmes du purgatoire ont un plaisir et une satisfaction qui se mêle
parmi leur souffrance".
Conclusion :
C’est par une même cause que
les âmes du purgatoire sont dans la souffrance et la joie. La cause en est la
charité parfaite qui se trouve en elles : En tant que leur volonté est conforme
à celle de Dieu, elles sont dans la joie ; en tant qu’il reste en elles un
reste du péché, elles souffrent.
Le lien de la charité qui les
unit à Dieu est source en elles de paix car leurs affections sont unies dans la
recherche d’un seul bien. Elle est aussi source de joie puisqu’elles sont déjà
unies à lui dans l’espérance. Ainsi, se trouvant exemptes de tout péché et
unies à Dieu par la conformité de leur volonté à la sienne, elles le
contemplent de loin, selon le degré de connaissance qui leur est donné et elles
comprennent de quelle importance est la pleine et parfaite jouissance qui leur
a été promise et qui leur sera donnée au jour de leur entrée dans la gloire.
Cette certitude de voir un jour l’essence divine les plonge dans une stabilité
totale et supprime toute inquiétude par rapport à leur salut.
C’est aussi le lien de la
charité qui est source en elles de souffrance mais pour un autre motif,
c’est-à-dire en tant que leur union définitive à Dieu n’est pas encore
réalisée.
Solution 1 :
La joie et la paix ne sont pas
directement contraires chez les âmes du purgatoire à la souffrance car l’une et
l’autre n’ont pas le même motif, même si elles procède du même amour de
charité. Rien n’empêche en effet que les contraires existent dans un même être
quand ils ne portent pas sur un même objet. Ainsi la joie et la paix existent
en tant que l’âme est déjà selon l’intention unie à Dieu par la charité, et la
douleur en tant qu’elle en est de fait séparée pour un temps et e souffre par
la charité.
Solution 2 :
la souffrance des désespérés
telle qu’on la voit sur terre est plus forte que celle des âmes du purgatoire,
car il y a plus de souffrance dans le fait de ne plus avoir de finalité que
dans celui d’en avoir une et d’en être séparé pour un temps. La souffrance de
ces désespérés n’est pourtant pas comparable à celle des âmes de l’enfer dont
la désespérance est volontaire, tandis que leur désespoir vient d’une ignorance
non volontaire des volontés de Dieu sur elles qui, par son silence, prépare
efficacement leur âme en vue du salut à venir.
Solution 3 :
Aristote regarde la tristesse
en tant qu’elle est une passion de la sensibilité. Une passion trop forte peut
supprimer tout autre acte de l’âme car elle attire à elle toutes les énergies
vitales. Au purgatoire, les passions n’existent pas de manière incontrôlée
comme sur terre puisque l’âme a été délivrée du foyer du péché. La douleur du
purgatoire est donc un acte de la volonté qui est séparée de son bien. Rien
n’empêche qu’elle s’accompagne de la joie et de la paix à condition que ce soit
sous un autre rapport saisi par l’intelligence.
Objection 1 :
Cela ne semble pas possible.
Nous avons montré que les âmes de l’au-delà, avant leur entrée dans le Ciel,
sont incapables par nature de voir ce que nous faisons sur la terre[92].
Elles ne peuvent donc connaître nos désirs et nos soucis. En conséquence, elles
ne peuvent prier pour nous.
Objection 2 :
Selon l’opinion commune, la
souffrance des âmes du purgatoire est la plus intense qu’on puisse imaginer à
cause de leur intense désir de voir Dieu que frustre leur isolement absolu. Or
l’expérience montre que celui qui souffre trop est incapable de s’occuper
d’autre chose que sa souffrance. Donc les ânes du purgatoire sont dans
l’incapacité de prier pour nous
Cependant :
Les âmes du purgatoire sont
emplies de charité. Or l’un des exercices essentiel de la charité fraternelle
consiste à prier pour ceux qui en ont besoin. Donc les âmes du purgatoire
peuvent prier pour nous. Nous en avons un exemple dans l’histoire de l’homme
riche rapportée par Jésus[93]
: dans le lieu de torture où il séjourne, il supplie Abraham pour ses frères.
Conclusion :
Saint Alphonse de Ligori résout
ainsi cette question[94]
: "On discute s’il est expédient de se recommander aux âmes du purgatoire.
D’aucuns soutiennent que les âmes en expiation ne peuvent prier pour nous. Ils
y sont amenés par l’autorité de saint Thomas d’Aquin qui enseigne que ces âmes,
étant là pour se purifier au sein des peines nous sont inférieures et,
pourtant, ne sont pas en situation de prier, mais plutôt de bénéficier de nos
prières. Mais de nombreux autres docteurs, comme saint Bellarmin, Silvius, le
cardinal Gotti, Lessius, Medina affirment avec beaucoup plus de probabilité :
on doit le croire pieusement, Dieu leur manifeste nos prières afin que ces
saintes âmes intercèdent pour nous et qu’ainsi entre elles et nous soit
conservé ce bel échange de charité ; Elles prient pour nous et nous prions pour
elles".
Solution 1 :
Il est vrai qu’ordinairement,
les âmes du purgatoire ignorent nos prières. C’est pourquoi l’Église n’a pas
coutume de les invoquer et d’implorer leur intercession. Mais on croit
pieusement, comme nous avons dit, que Dieu leur manifeste souvent nos prières
et que cela hête leur purification. Et alors elles, toutes remplies de charité,
ne négligent certainement pas de prier pour nous. Sainte Catherine de Bologne
désirait-elle quelque grâce, elle recourait aux âmes du purgatoire et, vite, se
voyait exaucée. Et même elle attestait que beaucoup de grâces obtenues par
l’intercession des saints, elles les avaient ensuite reçues par l’intermédiaire
des âmes du purgatoire.
Solution 2 :
Aux dires de Sylvius et de
Gotti, l’allégation de saint Thomas d’Aquin d’après laquelle les âmes en
expiation ne sont pas en état de prier, ne fait pas obstacle au fait qu’elles
prient réellement pour nous. Car autre chose est de ne pas se trouver en état de
prier et autre chose de ne pas pouvoir prier. C’est vrai, ces âmes saintes ne
sont pas en état de prier parce que, comme le dit saint Thomas, se trouvant là
pour souffrir, elles nous sont inférieures, ayant plutôt besoin de nos prières.
Néanmoins, en une telle situation, elles peuvent bien prier, étant des âmes
amies de Dieu. Si un père, malgré son tendre amour pour son fils, le tenait en
prison, en punition d’être tombé en quelque faute, le fils alors, ne serait
certes pas en situation de prier. Mais pourquoi serait-il incapable de prier
pour les autres, avec l’espoir d’obtenir ce qu’il demande, sachant l’affection
que lui porte son père ? Les âmes du purgatoire étant ainsi très aimées de Dieu
et confirmées en grâce, il n’existe aucun empêchement leur interdisant de prier
pour nous[95].
A propos des effets du
purgatoire, quatre questions sont posées
1°
Le péché véniel comme péché véniel est-il expié par souffrances du purgatoire ?
2° Est-ce principalement l’humilité qui est purifiée au
purgatoire jusqu’à devenir une kénose ?
3°
Les flammes du purgatoire libèrent-elles de la peine due au péché ?
4°
Les âmes du purgatoire sont-elles délivrées plus vite les unes que les autres ?
Objection 1 :
La Glose semble le nier :
"Ce qui n’a pas été amendé en cette vie, c’est en vain qu’on en demande le
pardon après la mort".
Objection 2 :
Tomber dans le péché et en être
délivré sont corrélatifs. Or, l’âme, après la mort, ne peut plus commettre de
péché véniel. Elle ne peut donc pas davantage en être absoute.
Objection 3 :
Saint Grégoire dit que l’âme
sera, au jugement, telle qu’elle est sortie du corps, car l’arbre demeure où il
est tombé. Si donc elle avait le péché véniel, au sortir de ce monde, elle
l’aura encore au jugement, et le purgatoire ne l’aura point expié.
Objection 4 :
Le péché actuel n’est effacé
que par la contrition. Mais, après cette vie, il n’y a plus de contrition, qui
est un acte méritoire, puisque alors on ne peut plus ni mériter ni démériter,
selon le principe posé par saint Damascène : "La mort est pour les hommes
ce que fut la chute pour les anges".
Objection 5 :
La cause du péché véniel, c’est
le foyer de convoitise ; aussi, dans l’état primitif, Adam n’aurait pu pécher
véniellement. Mais la convoitise, dont le foyer, justement appelé "la loi
de la chair", est détruit par la mort, n’existe plus dans l’âme séparée.
Le péché véniel n’y peut donc plus être, ni non plus être expié par le feu du
purgatoire.
Objection 6 :
D’après le Père Marie-Eugène de
l’enfant-Jésus[96], le purgatoire
est source de deux effets : -1° une purification morale qui amène la personne à
se refuser à toute infidélité volontaire, vénielle ou mortelle -2° un
retournement psychologique qui adapte les facultés aux emprises de plus en plus
aisées de la charité. Or ces deux effets ne concordent pas avec ceux énoncés
dans la réponse.
Cependant :
L’autorité de l’Église enseigne
à travers le pape Innocent IV[97]
: "Les orthodoxes grecs eux-mêmes croient et affirment en toute vérité et
certitude que les âmes de ceux qui meurent après avoir reçu la pénitence, mais
sans l’avoir accomplie ou qui meurent exempts de péchés mortels, mais avec des
péchés véniels et minimes, sont purifiées après la mort et peuvent être aidées
par les prières de l’Église". Donc les péchés véniels sont remis au
purgatoire.
Conclusion :
Certains auteurs ont prétendu
que, dans l’autre monde aucun péché, comme péché, n’était remis. Nous avons
montré que cette opinion ne peut convenir selon la lettre des Écritures[98]
: "Tout péché et blasphème sera remis aux hommes (...). dans ce monde et
dans l’autre sauf le blasphème contre le Saint Esprit". Elle ne convient
pas non plus selon son esprit : il serait aberrant d’affirmer que celui qui
s’endort le soir en ayant omis de demander pardon pour un péché serait damné
sans rémission possible s’il venait à mourir dans son sommeil. Dieu nous a
manifesté suffisamment à la croix que son amour n’est pas un piège.
Nous avons montré d’autre part
qu’il est impossible qu’après la mort, lorsque le pécheur repentant et sauvé
s’est tourné vers Dieu, il subsiste en lui un seul péché véniel volontaire. Le
péché mortel a, quant à lui, disparu complètement. C’est la conséquence
première de toute conversion à la charité. L’âme est en effet toute tournée
vers Dieu et rien, aussi bien dans ses intentions que dans ses actes intérieurs
n’est fait en dehors de Dieu. Cette vie spirituelle s’accomplit d’une manière
nouvelle car, avec la dissolution du corps, le foyer du péché conséquence du
péché originel, a disparu. Il ne reste donc plus dans l’âme que des vestiges de
son ancienne vie de péché, à savoir des orientations vicieuses de la volonté qui,
ayant cherché pendant trop longtemps son propre bien, a du mal à se livrer
entièrement et simplement à l’amour de Dieu et du prochain. Ces habitus vicieux
de la volonté n’affectent pas ses intentions mais seulement la qualité de
l’exercice de ses actes. Il s’agit d’un désordre involontaire dans l’âme.
Celle-ci voudrait bien aimer d’une façon totalement spontanée mais elle n’y
peut rien changer. Seul le temps du purgatoire pourra, lentement et dans le
Saint Esprit, réaliser cette oeuvre divine. Il s’agit donc d’un péché véniel
passif et non volontaire. C’est lui qui, comme tel, est détruit par les
souffrances du purgatoire.
Dans le purgatoire, une autre
purification doit être réalisée avec celle de la volonté : l’intelligence
aussi, marqué par la vie le péché, peut avoir du mal à comprendre d’une manière
pratique les exigences d’une vie tout orientée dans le sens de la charité. Nous
avons montré que, dans le moment de la mort, l’intelligence perçoit dans
l’apparition glorieuse du Christ, tout ce qui lui est nécessaire pour
l’orientation définitive qu’elle aura à effectuer vers le Bien ou vers le mal.
Cette connaissance est spéculative au sens littéral du mot (speculum)
puisqu’elle est vue comme dans un miroir dans le Christ. Il se peut cependant
qu’elle n’ait pas converti entièrement l’intelligence pratique. Celle-ci, peu
familiarisée avec les exigences d’un amour absolu, peut avoir des difficultés à
en percevoir toutes les implications délicates. Seul l’apprentissage réalisé
dans le temps du purgatoire, peut arriver à la faire progresser de demeures en
demeures, jusqu’à la rendre totalement et aisément obéissante à Dieu. [99]
Solution 1 :
Cette glose est à prendre avec
prudence. Elle tend à montrer qu’en enfer les âmes demandent pardon à Dieu mais
que celui-ci se montre sourd à leurs appels. Nous avons montré qu’aucune âme ne
demande jamais pardon à Dieu en enfer. Si, par hypothèse impossible, cela se
produisait, Dieu comblerait aussitôt cette âme de la grâce de son amitié. Tout
le mystère de la croix signifie et révèle cette disposition de Dieu qui
pardonne tout péché dès qu’il est regretté.
Solution 2 :
Il faut distinguer le péché
véniel actif qui est volontaire (comme lorsque par exemple, voulant aimer Dieu
et le prier, on se complait malgré tout dans des distractions à l’oraison) du
péché véniel passif qui n’est pas volontaire mais peut-être constitué par
n’importe quelle imperfection des actes moraux. Si le foyer du péché disparaît
avec la mort, les habitus vicieux de l’intelligence et de la volonté peuvent
demeurer, même après la conversion.
Solution 3 :
Après la mort et la
manifestation du Christ, l’âme demeure pour toujours semblable quant à
l’orientation de son intention comme nous l’avons suffisamment montré. La
disparition des péchés véniels ne change pas l’état de l’âme, car ils
n’enlèvent ni ne diminuent la charité qui est la mesure de sa valeur
surnaturelle. Donc, qu’ils soient remis ou non, l’âme demeure la même.
Solution 4 :
Après la mort, l’âme ne peut
plus mériter quant à la récompense essentielle. Mais tant que l’homme n’est pas
au terme, il peut mériter par rapport à quelque chose d’accidentel ; c’est
ainsi que, au purgatoire, il peut y avoir des actes qui méritent la rémission
du péché véniel.
Solution 5 :
Le péché véniel a son principe
dans le foyer de convoitise mais il a sa consommation dans l’esprit. Il peut
donc y demeurer, même après que le foyer a été détruit.
Solution 6 :
Il s’agit ici des effets de la
purification telle qu’elle est accomplie ici sur la terre dans les sommets de
la vie mystique (sixième demeure). En effet, arrivé à ce degré d’union à Dieu,
le chrétien n’éprouve plus d’attraits pour le péché. Sa volonté est tournée
tout entière vers l’unique recherche de l’amour de charité. C’est le premier
effet cité par le père Marie-Eugène de l’Enfant Jésus. Quant au retournement
psychologique, il correspond à une modification de l’action de Dieu qui, compte
tenu des purifications précédentes, peut s’exercer selon un mode nouveau :
Dieu, dans cet état, commence à infuser ses lumières à l’esprit directement
sans passer par les sens qui, habituellement nourrissent l’intelligence par
l’apport des images.
A l’heure de la mort et lorsque
l’âme se tourne vers le bien, ces deux purifications sont réalisées
instantanément : 1° La conversion radicale qui accompagne la vision de la
gloire du Christ et de ses saints ne permet plus de croissance de l’amour tant
l’esprit se trouve aspiré selon toutes les forces dont il est capable et d’un
seul coup vers les biens éternels. C’est pourquoi il ne peut plus exister de
péché volontaire ni véniel ni mortel dans les trois purgatoires mystiques. 2°
Quant au retournement psychologique, il accompagne avec nécessité la mort du
corps puisque l’âme se trouvant séparée de son corps ne peut plus exercer ses
activités spirituelles avec l’aide des images qui ont disparues. Nous avons
montré que l’intelligence s’exerce alors selon le mode des anges. La seule
purification possible ne concerne donc pas la croissance de l’amour mais
seulement la simplification de son élan.
Objection 1 :
On ne peut pas dire que, parmi
le péché véniel purifié dans ces purgatoires est principalement l’humilité, qui
est conduite à un degré qu’on appelle une kénose. En effet, le fait
d’être humble n’implique pas de péché, même véniel. C’est au contraire une
disposition positive de l’âme au salut. Donc l’humilité n’a pas à être
perfectionnée.
Objection 2 :
On
prétend que cette kénose est nécessaire à l’homme parce que Dieu est, dans sa
vie Trinitaire, kénose. Mais comment attribuer à la Trinité éternelle, dans sa
perfection infinie, une propriété immanente impliquant une
"petitesse", à savoir une kénose intra trinitaire ? C’est
contradictoire.
Objection 3 :
Si Adam et Eve n’avaient pas péché, il
seraient entrés dans la Vision béatifique sans connaître de souffrance, et donc
sans vivre le désespoir du Christ à la croix : « Mon Dieu, mon Dieu,
pourquoi m’as-tu abandonné ? » Or ils seraient tout de même entrés
dans la vision béatifique. Donc la mort à soi-même n’est pas nécessaire à la
béatitude et elle ne nécessite pas un purgatoire spécial.
Objection 4 :
On peut faire une objection semblable pour
les anges, qui n’ont jamais connu de kénose et ont vu Dieu.
Objection 5 :
Beaucoup d’hommes sur terre connaissent le
désespoir, même sans être chrétiens. Eux aussi vivent donc une kénose, sans
pourtant vivre de la charité. Or, s’ils n’entrent pas dans la vie de charité à
l’heure de leur mort, ils seront damnés. Donc cette notion de kénose n’a pas de
rapport avec le salut.
Cependant :
Le livre de l’Exode 33, 20
explique : « Tu ne peux pas voir ma face, car l'homme ne peut me voir
et vivre. » Dieu qui est Esprit évoque une mort spirituelle à soi-même, à toutes
ses richesses et attaches. Or nous avons montré[100] que, au début de ces trois
purgatoires, l’âme désire devenir digne de Dieu par amour pour
Dieu. A la fin de ces purgatoires, l’âme découragée par la durée de ses efforts
et par son impuissance, reconnaît qu’elle ne sera jamais digne de recevoir
un tel Sauveur[101]. Or il s’agit là d’un progrès
dans l’humilité. De plus, cette conscience est vécue dans la douleur et
l’attente jusqu’au désespoir, c’est-à-dire jusqu’à la mort à soi-même. C’est donc bien une kénose que
produit le dernier purgatoire avant l’entrée dans la gloire.
Conclusion :
La
kénose est une notion de théologie chrétienne exprimée par un passage de
l'épître de saint Paul aux Philippiens[102] : « Lui, de condition divine, ne
retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu. Mais il s'anéantit
lui-même, prenant condition d'esclave, et devenant semblable aux hommes.
S'étant comporté comme un homme, il s'humilia plus encore, obéissant jusqu'à la
mort, et à la mort sur une croix! »
La
kénose désigne le mouvement d'abaissement par lequel Jésus Christ « se vida »
de ses attributs divins pour rejoindre notre humanité jusqu'à vivre
l'obéissance de la mort sur la croix. Ce mot théologique n'a pas d'usage dans
le langage commun car on n'observe pas habituellement, dans le comportement
humain, un supérieur qui s'abaisserait devant un inférieur de cette manière[103] : « Jésus se lève de table,
dépose ses vêtements, et prenant un linge, il s'en ceignit. Puis il met de
l'eau dans un bassin et il commença à laver les pieds des disciples. »
Si
Jésus fait un tel geste et l’achève à la croix, c’est non seulement pour nous
indiquer notre comportement, mais c’est aussi pour révéler quelque chose
d’essentiel du mystère de la vie trinitaire puisqu’il dit[104] : « Qui m’a vu a vu le
Père. » Il révèle une propriété
de sa divinité qui, dans ses relations intra trinitaires, vit une
"kénose" mutuelle et éternelle, qui est jaillissement de connaissance
et d'amour. Le Père n’existe que par le Fils, de même qu’il n’y a jamais de
père s’il n’a un fils. Dans la Trinité, le Père n'est que relation subsistante
au Fils (et réciproquement). Il est dans une relation de don et d’oubli total
de soi dans l’autre.
C'est
cette propriété immanente de la vie trinitaire qui explique pourquoi, pour voir
Dieu face à face, outre l'amour de charité, toute créature spirituelle doit
mourir à soi-même (kénose). C’est une condition sine qua non au point
que Jésus répond à Pierre qui, dans un premier temps, refuse de se faire laver
les pieds par lui : "Si je ne te lave pas, tu n'as pas de part avec
moi." C’est aussi la nécessité d’une identification par la kénose au
Mystère trinitaire qui explique le caractère rédempteur de la souffrance dans
presque toute vie humaine dès ici-bas. Il explique aussi pourquoi, si l’homme
ne connaît pas une kénose en cette vie, il doit la vivre dans la mort ou après
la mort.
Solution 1 :
L’humilité n’est certes pas un
péché. Elle est au contraire une vertu humaine qui consiste à se poser soi-même
à l’exacte place où l’on se situe par rapport à l’autre. Mais, lorsque l’autre
est Dieu, l’homme s’il est dans la vérité, doit se considérer comme étant en
quelques sorte, du néant puisque tout ce qu’il est, est reçu de Dieu et créé à
partir de rien. L’homme comprend cela dans son intelligence lorsque, à l’heure
de sa mort, il voit le Cœur sacré du Christ glorieux.
A cause du Mystère trinitaire
et en préparation à la Vision béatifique, encore faut-il qu’il le vive
jusqu’aux tréfonds de son âme, ce qui n’arrive que le jour où il se considère
comme n’étant rien, où il n’aspire à rien pour lui-même. Avant cela, l’humilité
de l’homme est entachée de péché véniel puisque, justement, c’est son
imperfection qui rend encore impossible l’entrée dans la vision de Dieu. Il
convient de remarquer que le bouddhisme, s’il recherche quelque chose qui
ressemble à cet anéantissement pour vivre, ne connaît pas encore la Personne
éternelle où conduit ce chemin dispositif. Cette sagesse est bonne mais ne fait
que disposer au salut qui, lorsque le Christ paraît à l’heure de la mort, donne
sens à leurs efforts, les sanctifie, et les perfectionne.
Solution 2 :
Dans la vie trinitaire, la
kénose n’implique aucun abaissement puisque, en étant extase vers l’autre
Personne divine, la Personne engendre une Personne qui lui est égale en
essence, dignité et grandeur. Pourtant ceci fait de chaque Personne divine une
« relation subsistante », ne vivant que par, pour et en l’Autre. Ceci
constitue un acte subsistant de perte de soi qui donne vie. Nulle créature
spirituelle ne peut voir la Trinité sans, à son niveau de créature, l’imiter.
C’est pourquoi Jésus dit, parlant de cette mort qui est vie, en Dieu comme en
l’homme[105] : « En vérité, en
vérité, je vous le dis, si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il
demeure seul; mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit ».
Solution 3 :
Avec l’entrée de la souffrance dans le
monde, Adam et Eve et leurs enfants après eux purent être conduit par Dieu à l
possibilité d’un niveau de kénose incomparablement plus grand, et donc à une vision
béatifique intensément plus lumineuse. Cependant, même sans la faute, Adam et
Eve vivaient une certaine kénose, leur intelligence étant plongée par Dieu dans
l’épreuve de la foi, et dans une obéissance qu’il finirent par prendre, sous
l’influence du démon révolté, comme infantilisante. C’est cette épreuve que,
dans leur révolte, ils refusèrent.
Solution 4 :
En adhérant au projet de Dieu au
commencement, les anges bons ont connus une véritable kénose dans leur vie
spirituelle puisque, alors qu’ils étaient naturellement créés pour se
hiérarchiser en fonction de leur degré intellectuel, ils durent entrer dans une
sagesse nouvelle où le plus petit est le plus grand. Ceci dit, il est clair que
la kénose de l’homme et de la femme peut aller bien plus loin, jusqu’à
l’impression d’anéantissement lorsqu’un homme donne sa vie. C’est pourquoi, du
point de vue surnaturel, l’homme et la femme sont le chef d’œuvre de Dieu.
Solution 5 :
La
kénose n’est pas une expérience exclusivement chrétienne, même si le Christ seul
en a expliqué le sens, selon l’Apocalypse 5, 5 : « L'un
des Vieillards me dit alors: "Ne pleure pas. Le lion de Judas ouvrira le
livre aux sept sceaux." Tout homme passant sur terre peut connaître
une perte brutale de ce qui constitue son trésor et où est placé son cœur[106]. Ceci provoque aussi chez les non
chrétiens un état de désespoir psychologique et spirituel (à ne pas confondre
avec la désespérance, qui est un blasphème contre l’esprit), dont l’effet est
une vraie kénose, quoique non finalisée par l’espérance et non vitalisée par la
charité. C’est ce que révèle au Golgotha, la présence des trois crucifiés
symbolisant l’humanité entière, les pécheurs, les justes et les saints. A
l’heure de la Venue du Christ dans sa gloire, l’homme qui arrive dans de telles
dispositions possède en lui une préparation immédiate à recevoir son salut, non
seulement parce que la vue du Christ attire puissamment spirituellement son
esprit mort à lui-même, mais aussi parce qu’en voyant le Christ ayant connue
une kénose semblable à la croix, il voit en lui un ami comprenant sa
souffrance. Cette disposition, si elle est parfaite, une fois vitalisée par la
charité dispense de tout autre purgatoire. C’est pourquoi Jésus dit à propos
des prostituées et des publicains, qui symbolisent les personnes ayant été
humiliés par cette vie[107] : « Les prostituées et les
publicains vous précèdent dans le Royaume des Cieux. »
Objection 1 :
On purifie ce qui est souillé.
Mais la pénitence n’est pas synonyme de souillure. Elle ne saurait donc être
effacée par le purgatoire.
Objection 2 :
Le contraire n’est purifié que
par son contraire. Comment la peine du purgatoire pourrait-elle donc purifier
de la peine due au péché ?
Objection 3 :
À propos du feu dont parle
saint Paul, et qui consume le bois, le foin, le chaume, symboles des péchés
véniels, la Glose dit : "Ce feu est celui de l’épreuve et de la
tribulation, dont il est écrit : La fournaise éprouve les vases du potier".
L’expiation consiste donc dans les peines de la vie, surtout dans la mort, la
plus grande de toutes, et non dans le feu du purgatoire.
Objection 4 :
Le fait de subir la peine due à
son péché ne semble pas obligatoire, à cause de la miséricorde de Dieu qui peut
la remettre en regard des souffrances du Christ qui ont amplement satisfait
pour le péché du monde entier. Donc les flammes du purgatoire ne sont pas
nécessaires pour délivrer de la peine due au péché.
Objection 5 :
L’homme qui a connu une kénose
en cette vie ou dans l’autre a souffert tout ce qu’il est possible de souffrir.
Il semble donc inutile d’ajouter une dette de peine pour ses péchés passés.
Cependant :
Matthieu 5, 25 :
« Hâte-toi de t'accorder avec ton adversaire, tant que tu es encore avec
lui sur le chemin, de peur que l'adversaire ne te livre au juge, et le juge au
garde, et qu'on ne te jette en prison. En vérité, je te le dis : tu ne sortiras
pas de là, que tu n'aies rendu jusqu'au dernier sou. »
Conclusion :
Avoir fait le mal, s’être
comporté égoïstement, avoir nui à Dieu et au prochain, tels sont les motifs
essentiels de la contrition qui règne en purgatoire concernant la considération
de la vie passée. Mais il existe une circonstance particulière de la
souffrance, pour celui qui s’est converti au vrai Dieu. Il s’agit de l’orgueil.
Il augmente la durée et la souffrance de cette purification. Lorsqu’un grand
pécheur qui s’imaginait parfait devant Dieu et les autres durant sa vie
terrestre, découvre le véritable état de son âme dans la lumière de la parousie
du Christ, il n’en reste pas moins structurellement porté à la fierté. Malgré
sa conversion à l’humilité et à l’amour, il a tendance tant qu’il n’a pas
atteint la kénose de son âme, à s’imposer avec rigueur un purgatoire douloureux.
Par amour et droiture de cœur, il s’applique à lui-même la dureté qu’il
appliquait aux autres selon cette parole de Jésus[109]
: "Ne jugez pas, afin de n'être pas jugés ; car, du jugement dont vous
jugez on vous jugera, et de la mesure dont vous mesurez on mesurera pour vous.
Qu'as-tu à regarder la paille qui est dans l'oeil de ton frère ? Et la poutre
qui est dans ton oeil à toi, tu ne la remarques pas!"
C’est pourquoi, parmi tous les
purgatoires, le plus rigoureux n’est pas celui des luxurieux mais celui que
s’imposent volontairement les hommes qui ont manqué de miséricorde envers le
prochain. Le payement de la dette de peine pour le péché se fait pour ces
hommes jusqu’au dernier denier, non à cause d’une rigueur divine, mais à cause
de la rigueur que s’applique le pécheur lui-même. Il ne comprend qu’avec
difficulté que la miséricorde le concerne aussi. Il trouve juste de s’appliquer
à lui-même la dureté qu’il appliquait aux autres jusqu’au jour où, usé
d’attendre, il appelle sur lui-même les indulgences du Messie.
Solution 1 :
La dette du péché ne comporte
pas de souillure par elle-même, mais par le péché qui en est la cause.
Solution 2 :
La peine n’est pas contraire à
la peine comme telle, mais comme dette, car, on reste débiteur tant qu’on n’a
pas subi la peine dont on est redevable.
Solution 3 :
Les mêmes expressions
scripturaires peuvent renfermer plusieurs sens. Le "feu" dont il
s’agit ici peut désigner les souffrances de ce monde ou celles de l’autre
monde, qui, les unes et les autres, purifient du péché véniel, tandis que la
mort, comme simple phénomène naturel, si elle n’est pas offerte comme une
pénitence, peut tout de même par le tremblement qu’elle inspire, conduire à
plus d’humilité et disposer l’âme au salut.
Solution 4 :
La peine due au péché peut être
remise par Dieu après la mort en ce sens que le défunt n’est pas obligé de
l’accomplir lui-même. Mais il est nécessaire, pour que l’homme n’abuse pas de
la miséricorde de Dieu, qu’elle le soit par un autre qui lui est uni dans la
charité et qui peut par ses sacrifices rétablir l’ordre qui a été brisé. Cet
autre peut être le Christ lui-même à cause des mérites de sa croix ou les
vivants par l’offrande de prières, d’aumônes ou de sacrifices. Le fait que Dieu
ne néglige pas cette dette tient à sa droiture qui ne néglige rien de la
vérité. [110]
L’homme droit qui vit dans ce
purgatoire tient, dans l’honneur et par amour, à régler toutes ses dettes. Il
en attend un état de vérité qui le rendra digne de se présenter de nouveau
devant le Christ et les saints. Cet amour est donc motivé par un reste de
fierté, ce qui constitue justement le péhé véniel. Mais l’homme au cœur brisé
n’a plus ces idées là. Il connaît dans les larmes son indignité à jamais. C’est
pourquoi le passage par la kénose absout toute dette et permet l’entrée
immédiate au paradis.
Objection l :
Plus grave est la faute et
grande la dette, plus la peine infligée en purgatoire est sévère. Et cette
proportion exige que pour une faute plus légère l’âme reçoive une peine moins
sévère. Il semble que, dans ce cas, l’âme subira moins intensément la douleur
due au feu. Et c’est cette différence d’intensité dans la souffrance qui
explique la diversité proportionnelle des peines du purgatoire. Donc les âmes
du purgatoire n’en sont pas délivrées plus tôt les unes que les autres.
Objection 2 :
Au Ciel et en enfer, tous les
mérites et tous les démérites ne sont pas égaux ; cependant la durée est la
même. Il doit donc en être ainsi au purgatoire.
Objection 3 :
Au purgatoire, il n’y aura plus
de temps puisque le corps aura disparu. Parler d’une durée de la purification
parait donc illusoire. Alexandre VI a condamné la proposition selon laquelle le
purgatoire ne pouvait durer plus de dix ans[111].
Nous connaissons la relativité de la durée temporelle. Nous ne pouvons pas
répondre par nos catégories spatio-temporelles qui sont purement humaines.
L’acte de la mort échappe à toutes nos mesures ainsi que l’acte de purgation.
"L’homme n’a pas seulement
un temps physique, mais aussi un temps anthropologique. Nous référant à
Augustin, appelons "temps mémoire" ce "temps humain".
Ajoutons que ce temps-mémoire est caractérisé par la relation de l’homme au monde
corporel, sans être complètement lié à ce monde et sans non plus qu’on puisse
totalement l’en détacher. Ce qui veut dire que lorsque l’homme sort du monde
biologique, le temps-mémoire se dissocie du temps physique et subsiste comme
temps-mémoire pur, sans pour autant devenir "éternité". Là se trouve
la raison du caractère définitif de ce qui s’est accompli en cette vie et de la
possibilité d’une purification comme d’un ultime destin à courir dans une
nouvelle relation à la matière. C’est la seule explication qui permette de
considérer la résurrection comme une possibilité nouvelle offerte à l’homme,
voire comme une nécessité à laquelle il lui faut s’attendre".[112]
Cependant :
Saint Paul compare les péchés
véniels "au bois, au foin et au chaume". Or il est évident que le premier
met plus longtemps à se consumer. Donc il y a des péchés véniels qui seront
punis plus longtemps que d’autres en purgatoire.
Conclusion :
Pour comprendre la durée du
purgatoire, trois choses sont à considérer :
1°
la nature du péché véniel qui reste à purifier ; 2° l’intensité du feu qui
purifie. 3° La dette des péchés passés de la vie terrestre.
1°
Pour le premier point, il faut dire ceci : certains péchés véniels sont plus
adhérents, selon que l’âme s’y porte avec plus de penchant et s’y attache avec
plus de force. Or ce qui imprègne plus profondément exige aussi plus d’efforts
pour être enlevé. C’est pourquoi certaines âmes du purgatoire exigent de passer
par une plus profonde purification, dans la mesure où le péché véniel a pénétré
davantage dans leurs affections.
2°
Pour le deuxième point, il faut dire ce qui suit : l’intensité du feu qui
purifie se mesure à l’intensité de la charité qui porte l’âme à souffrir de
l’absence provisoire de Dieu. Il est donc évident que l’âme qui aura reçu de
Dieu en cette vie et à l’heure de la mort la charité à un degré de
participation plus excellent souffrira davantage de l’absence de Dieu et sera
donc plus rapidement purifiée par le feu de ses restes d’attachement à
elle-même.
3°
Pour le troisième point, il faut dire ce qui suit : L’homme qui fut
miséricordieux sur la terre a tendance à demander miséricorde pour ces dettes
et à l’obtenir des mérites de Jésus-Christ et des saints. Au contraire, celui
qui sur terre s’est montré dur avec les autres à tendance à s’appliquer, dans
le zèle nouveau de sa conversion, la même rigueur qu’il appliquait aux autres.
Sa purification est donc plus longue parce que sa charité met plus de temps à
devenir miséricordieuse.
De tout cela on doit conclure
qu’il est impossible de calculer la durée du purgatoire. Trop de critères sont
en jeu. "On voit que dans ce contexte, tout le calcul fait sur une
réduction de la durée n’a aucun sens. La conversion est une réalité intérieure
à la personne, et par conséquent, rien d’extérieur à elle ne peut changer à sa
situation".[113]
La seule chose certaine est
qu’au terme, la charité de tout homme est devenue toute humble (kénose), à
l’image de celle du Christ.
Quelques règles simples peuvent
pourtant être établies. 1° Le purgatoire de ceux qui péchèrent par orgueil et
dureté est plus long que celui de tout autre péché. C’est pourquoi Jésus fut
dur avec les pharisiens et miséricordieux avec les prostituées. L’homme qui sur
la terre fut pécheur mais humble (kénose), c’est-à-dire confessant de ses
péchés passe certes par le purgatoire mais celui-ci est rapide, à l’image de
celui du bon larron. 2° À degré égal de purification, les âmes qui aimeront
davantage Dieu souffriront d’un purgatoire plus court mais plus douloureux que
celles qui l’aiment moins. 3° De même, à degré égal de charité, les âmes qui
seront davantage attachées par les restes du péché souffriront plus longtemps
que celles qui le sont moins.
Solution 1 :
La grandeur de la peine
correspond proprement à la grandeur de la faute mais sa durée correspond à la
profondeur de la pénétration de celle-ci dans l’âme. De même qu’il est plus
facile de brûler du foin que du bois, de même il est plus facile de purifier un
léger attachement à soi. La durée de la peine correspond aussi à l’intensité du
feu appliqué à l’âme, car un feu plus brûlant détruit plus vite les impuretés
qu’un feu de faible chaleur.
Solution 2 :
Le péché mortel qui mérite
l’enfer et la charité qui mérite le Ciel sont, après la mort, enracinés dans
l’âme à jamais. C’est donc pour tous les damnés et tous les élus la même durée
sans fin. Mais il en va autrement du péché véniel qui est nettoyé en purgatoire
d’une façon temporaire.
Solution 3 :
Il n’y aura plus de temps au purgatoire en ce sens qu’il ne sera plus mesuré par le mouvement régulier des corps célestes. Mais il demeurera un temps intérieur, mesuré de la durée des opérations vitales. La durée intérieure existe déjà sur terre, comme on le voit chez ceux qui s’ennuient et qui considèrent quelques minutes comme si c’était des heures. De même, au purgatoire, le temps paraîtra plus long à ceux qui désireront davantage Dieu puisque leur désir de le voir les tourmentera davantage. Et comme dans l’au-delà, la durée intérieure est ce qui est essentiel, on doit dire que le temps extérieur de leur peine leur sera indifférent ; pour un péché égal, que le purgatoire ait un temps terrestre qui dure quelques minutes ou des années, il leur paraîtra avoir duré intérieurement très longtemps, selon la mesure de ce qu’ils devaient souffrir. Un texte de l’Évangile de saint Luc peut commenter la situation de la personne qui se retrouve seule face à l’amour essentiel qui l’a passionnément recherchée[114] : "Comme il était encore loin de son père il l’aperçut et fut pris de pitié. Il courut se jeter à son cou et le couvrit de baiser" ( littéralement : pris aux entrailles).
Objection 1 :
Les sept demeures de sainte Thérèse d’Avila ne peuvent éclairer la théologie des purgatoires mystiques qui suivent la Parousie du Christ. En effet, les trois premières demeures, loin d’être mystiques, manifestent un exercice ascétique de la charité.
Objection 2 :
Sainte Thérèse décrit les Demeures pour manifester le cheminement intérieur des moniales contemplatives. Cela semble sans rapport avec le purgatoire.
Objection 3 :
Cette description des étapes de purification semble artificielle. Certaines âmes même fraichement converties à l’heure de leur mort, on déjà tant souffert sur terre qu’il leur est inutile de connaître la nuit de l’esprit.
Cependant :
La découverte de la survie de notre vie sensible après la mort permet de comprendre comment la grâce continue de s'exercer de manière humaine, c'est-à-dire à travers l'outil de nos sens et selon des étapes de progressivité.
Conclusion :
L'existence de la vie sensible dans les âmes des morts permet d'expliquer comment, après la mort et dans les trois purgatoires mystiques qui suivent l'apparition du Christ, l'âme va progresser d'une manière finalement très proche de ce que décrit sainte Thérèse dans « Le château intérieur ».
Dans tout mouvement, y compris intérieur, on peut distinguer trois étapes : 1° Un commencement ; 2° une progression ; et 3° une fin. Ainsi en est-il pour l’état des âmes après la venue du Christ.
1° Au commencement, l'apparition du Christ glorieux enflamme toutes les âmes sauvées et les fait entrer directement dans les quatrièmes demeures (amour sensible et passionné du Christ). Volontairement, ces âmes veulent se séparer du Christ pour un temps car, pleines d’enthousiasme, elles veulent devenir dignes de tout cet amour et cette humilité qui les a séduites. Ce premier état de leur âme se caractérise par le plaisir de l’amour nouveau. C’est le « purgatoire des fiers », celui où les âmes disent, pleines d’entrain : « Je serai un jour digne de toi ».
2° Dans ce lieu du purgatoire, séparées du Christ et des saints, seules, ces âmes vont vivre leur progression avec plus ou moins de vitesse et selon les lois naturelles de leur psychologie individuelle et l’intensité de leur amour. En effet, ce qui caractérise cette deuxième étape, c’est la longueur d’un temps qui, par lui-même, va produire patiemment ses effets, d’où le nom de ce « purgatoire du temps ». Cependant, au-delà de ce qui est propre à chacun, on peut distinguer des phases habituelles. Après un temps plus ou moins long dans la pure joie de se savoir sauver, le sentiment de plaisir psychologique va peu à peu s’atténuer. Les beautés elles-mêmes du lieu vont devenir habituelles jusqu’à en éprouver de l’ennui. L’âme va entrer dans une forme de « nuit des sens[1] » qui sera d’autant plus dure à vivre que l’intensité de la joie sensible fut grande. Puis, comme pour toute douleur sensible, le temps finira par atténuer les choses et l’âme relativisera les anciens plaisirs sensibles. Elle entrera alors dans une quiétude que sainte Thérèse appelle les cinquièmes demeures. Le temps se prolongeant loin du Christ, l’âme va commencer à éprouver du doute. Le temps paraissant infini, et l’âme ne voyant en elle aucun progrès, elle finira par ressentir du désespoir, selon cette parole de l’Ecriture[2] : « J'ai ouvert à mon bien-aimé, mais tournant le dos, il avait disparu ! Sa fuite m'a fait rendre l'âme. Je l'ai cherché, mais ne l'ai point trouvé, je l'ai appelé, mais il n'a pas répondu ! ». Il s’agit d’une vraie « nuit de l’esprit[3] » que sainte Thérèse décrit dans les sixièmes demeures.
3° Au terme de la purification, usée par des souffrances inouïe, n’arrivant à rien, l’âme perd toute illusion sur elle-même. Elle devient kénose et dit : « Je ne serais jamais digne ». Elle entre alors dans une paix profonde, n’espérant plus rien que de faire la volonté de Dieu, quitte à rester à jamais dans ce lieu isolé. Ne pensant plus à elle-même, elle tourne toute sa prière pour ses frères et sœurs encore en chemin, selon cette parole de saint Paul[4] : « Car je souhaiterais d'être moi-même anathème, séparé du Christ, pour mes frères, ceux de ma race selon la chair. » Ce dernier purgatoire, appelé « parvis du Ciel » correspond aux septièmes demeures de sainte Thérèse. Etant morte à elle-même, tout obstacle ayant disparu, le Christ ne tarde pas à lui apparaître, accompagné des saints et des anges, pour l’introduire dans la Vision béatifique.
Solution 1 :
Les trois premières demeures ne sont pas concernées ici puisque, lors de son apparition, la présence glorieuse du Christ enflamme un amour passionnel de l’âme pour Dieu et la fait entrer directement dans les quatrièmes demeures. Elles décrivent en effet une relation d’amour de raison entre Dieu et l’âme, comme on le voit ici-bas chez ceux qui, chrétiens de naissance et portés par la foi et la charité, s’efforcent d’aimer Dieu depuis leur jeunesse sans avoir reçu cette grâce spéciale qui enflamme l’âme par sa Présence mystique. Dans cet état, les âmes qui veulent progresser dans l’amour volontaire de Dieu, ne se contentent pas d’une sorte de quotidien terne à son service (premières Demeures). Elles s’efforcent de faire effort vers Dieu par toutes sortes d’exercices spirituels, de le connaître, d'apprendre à l'apprécier (deuxièmes Demeures). Au terme de cet effort, remplies de sécheresses mais aussi de consolations, ces âmes peuvent arriver à une véritable unité paisible et quotidienne, comme on le voit dans certains mariage de raison qui ont réussi (troisièmes Demeures).
Solution 2 :
La vie monastique contemplative possède une dimension prophétique et eschatologique puisqu’elle manifeste ici-bas l’entière consécration de l’âme à Dieu telle que les âmes la vivent dans ces purgatoires. D’où l’inérêt d’observer le cheminement psychologique et spirituel de ceux qui se consacrent à Dieu avec fidélité.
Solution 3 :
Nous accordons cette objection. D’où la nécessité de ne pas prendre avec rigidité ce cheminement général qui dépend de l’individu, de son passé, mais aussi de l’intensité de son amour.
[1] Voir saint Jean de la Croix.
[2] Cantique 5, 6.
[3] Voir saint Jean de la Croix.
[4] Romains 9, 3.
[1]La Tradition
chrétienne parle encore du feu du purgatoire, de l’endroit où il serait situé,
et de la durée des peines que les âmes justes y endurent. Rien cependant n’a
été défini par l’Église à propos de ces divers points. Bien plus, on peut
affirmer que ces termes, selon le sentiment commun des théologiens, ne doivent
pas être entendus ici comme désignant ce qui y correspond dans notre expérience
humaine actuelle. Le Concile de Trente, d’ailleurs, a condamné avec une
particulière rigueur toute curiosité indiscrète concernant ces questions
difficiles. La prudence demande donc qu’en matières on n’accepte qu’avec
réserves des récits ou des spéculations où l’imagination aurait plus de part
que la raison, et qui, peut-être, seraient inspirés par des préoccupations peu
conformes à l’esprit chrétien.
L’intention
de l’Église cependant n’est pas d’interdire aux théologiens de scruter par la
raison certains aspects de ce point de notre foi. C’est ce que nous voudrions
faire dans cette note à propos de la durée des peines du purgatoire, et de son
rapport aux suffrages offerts par les fidèles pour le soulagement des âmes qui
y souffrent. RATZINGER J, La mort et l’au-delà, p. 228.
Voir dans la Somme
de Théologie : Satisfaction. En quoi consiste la satisfaction. sup. q.
12.-De sa possibilité. sup. q. 13.-De sa qualité. sup. q. 14.-Dcs choses par
lesquelles on satisfait. sup. q. 15-Des suffrages. Des suffrages des morts.
sup. q. 74. purgatoire. Les âmes des fidèles qui n’ont pas été purifiées
ici-bas sont purifiées par le feu du purgatoire. sup. q. 69, 2. c. et 7. c. et
q. 100. 1, c et ad 2.-Si le feu du purgatoire est localement séparé de celui de
l’enfer. sup. q. 100. 5. La moindre peine du feu du purgatoire surpasse toutes
les peines de cette vie. Sup. q. 100, 5. o.-Les âmes supportent les peines du
feu du purgatoire d’une volonté conditionnelle selon qu’elles n’arriveront pas
à la béatitude sans passer par ces souffrances. sup. q.-100. 4. o ;-La justice
divine purifie les âmes des fidèles par le seul feu du purgatoire sans le
ministère des démons.
[2] Apocalypse
14, 13.
[3] Lettre à
Mekhitar d’Arménie, 29 septembre 1351 (DS 854), Voir aussi DS 1304, DS
1820.
Concile de
Trente, Session 25, D. B, Enchiridion, 983, Trad. A. Michel,
purgatoire, Dictionnaire de Théologie Catholique 1278-1279.
[4] 2 Macchabées. 12, 46.
[5] 1 Corinthiens 3, 15.
[6] Luc 12, 59.
[7] Lumen
Gentium, 49.
[8] 1 Rois 19,
13.
[9] Matthieu 19, 25 : «Entendant cela, les
disciples restèrent tout interdits : Qui donc peut être sauvé ? Disaient-ils.
Fixant son regard, Jésus leur dit : «Pour les hommes c’est impossible, mais
pour Dieu tout est possible ».
[10] Autant que
faire se peut pour une créature limitée
[11] Ce que
l’Écriture appelle « le baptême d’eau et d’esprit ». Jean 3, 5
Jésus répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de
naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu ». De
même, l’eau et le sang qui sortit du côté du Christ symbolisaient ces deux
qualités. Il s’agit donc d’un mystère central de la Révélation.
[12] Voir
principalement le célèbre Traité du purgatoire de sainte Catherine de
Gênes. A propos des trois degrés du purgatoire, dont on peut aussi en extraire
la doctrine des traités de théologie mystique (Voir par exemple la structure
générale du château intérieur de sainte Thérèse d’Avila.
[13] Traité du
purgatoire.
[14] Voir
Apocalypse 8, 1 : «Il se fit un silence dans le Ciel, environ une demi-heure.
», c’est-à-dire le temps d’une vie terrestre.
[15] Jean 20, 29.
Parfois, en vue de l’humiliation et de l’humilité, la possibilité de croire lui
est refusée par Dieu. La foi étant un don de Dieu, Dieu peut, provisoirement,
ne pas en proposer la possibilité à un homme en vue d’une plus grande
préparation de son esprit à cette proposition à l’heure de la mort.
[16] Extrait de Starmania, Michel Berger. Cette sagesse
de Dieu sur les hommes de bonne volonté n’a pas disparu aujourd’hui. Il existe
des justes au sens biblique du terme, des hommes droits qui n’ont pas reçu la
grâce de la foi.
[17] Job 26, 5 : «Les
Ombres tremblent sous terre, les eaux et leurs habitants sont dans l’effroi ».
[18] Voir par
exemple Genèse 42, 38 : «S’il lui
arrivait malheur dans le voyage que vous allez entreprendre, vous feriez
descendre dans l’affliction mes cheveux blancs au shéol ».
[19] … qui est
une sainte canonisée. Elle a en outre été reconnue par l’Église comme une
réelle autorité théologique concernant le purgatoire d’un degré bien sûr
inférieur à celui de l’Écriture Sainte ou du Magistère de l’Église (voir en fin
d’ouvrage).
[20] Genèse 28,
11.
[21] Mgr d’Hulst,
dans ses Lettres de direction, (1906, p. 154-156), décrit de la façon
suivante les trois degrés du purgatoire. Nous ne pouvons malheureusement
souscrire à ce texte puisqu’il y voit l’augmentation de l’amour. Il s’agit
plutôt d’une description de la manière dont pourrait s’effectuer une
purification active ici-bas : «Je voudrais vous dire comment j’ai vu cette
année le purgatoire. Au sortir de cette vie, beaucoup d’âmes, sauvées par
miséricorde, sont par rapport au Ciel de véritables étrangères, elles n’en
savent pas la langue, elles ne sont pas vêtues comme il faut pour y entrer ;
elles ne sauraient pas y trouver leur place. Alors, la miséricorde les envoie
se purifier. Cette purification a trois phases.
La première,
c’est l’humiliation. Dieu leur envoie sa lumière et elles se voient telles
qu’elles sont ; la confusion qui naît de là est une agonie comparable à celle
de Jésus au jardin, quand il s’est vu couvert des péchés du monde. Sur la
terre, ces pauvres âmes buvaient le péché comme de l’eau ; maintenant elles en
ont horreur et s’en voient chargées. Ce tourment dure longtemps à moins qu’il
ne soit abrégé par les prières et les sacrifices qui montent de la terre.
Quand ces
âmes ont acquis, à leurs dépens, la vraie notion et la haine du péché, Dieu,
par une seconde illumination, se montre à elles de loin dans sa beauté, et
enflamme des désirs qu’elles ne se connaissaient pas. Alors elles se
souviennent du temps où Dieu était tout près, où il frappait à leur porte, et
où elles ne l’ouvraient pas, aimant mieux un plaisir, un hochet, un écu.
Maintenant elles brûlent du désir d’aller à Lui, et c’est Lui qui s’éloigne.
Ces désirs sont un supplice, mais un supplice qui purifie et prépare à l’amour.
Quand la
seconde oeuvre est faite, l’amour entre en scène, il pénètre ces âmes et les
fait fondre sous son feu. Alors, elles se souviennent de leurs mépris, (les
rebuts qu’elles lui ont infligés) et la contrition parfaite, celle des grands
pénitents, celle dont elles étaient incapables à l’heure du pardon reçu
ici-bas, cette contrition d’amour les envahit, les purifie et les introduit au
Ciel.
Voilà le
purgatoire avec ses trois heures d’agonie. Qui nous empêche de l’anticiper, de
commencer par l’humiliation, de continuer par le désir ; de finir par l’amour ?
»
[22] Jérémie 4,
10. Presque la totalité des textes de l’Ecriture, ancien et nouveau Testament,
qui parlent de « ce jour-là » ou du « jour du Seigneur » expriment
sous forme métaphorique la parousie du Christ et ses effets.
[23] Galates 5,
11.
[24] Luc 18, 26.
[25] Voir
Question 8, article 2.
[26] Matthieu 17,
12.
[27] Origène
semble bien avoir accepté l’idée d’une succession indéfinie des mondes.
L’univers serait alors un chantier d’âmes, mais où l’on reprendrait sans cesse
des constructions jamais achevées. G. Bardy [Origène, Dictionnaire de Théologie
Catholique, t. 11, 1549-1550] suit ici la reconstruction de Denis, qui
cherche à concilier la succession indéfinie des mondes avec l’idée de finalité.
[28] L’allusion à
l’unicité de la vie terrestre a été introduite dans Lumen Gentium 48 à la
demande de nombreux évêques brésiliens pour s’opposer à l’idée de réincarnation
[29] Ici aussi
vaut le principe selon lequel l’amour franchit le seuil de la mort. Le sensus
fidei a vécu dès le début dans la certitude que nous pouvons aider de notre
prière nos frères et sœurs trépassés, même lorsque leur «unique vie terrestre »
est terminée car la communauté de l’amour ne cesse pas, allusion au caractère
unique de notre vie terrestre.
[30] Jean 9, 3.
[31] «Il nous
faut jeter, ne serait-ce qu’un rapide coup d’œil, sur les motifs historiques
des stratégies actuelles de l’espérance. Car l’attente d’un monde tout à fait
juste n’est pas le fruit d’une pensée technologique, mais elle a ses racines
dans la mentalité judéo-chrétienne L’idée d’un cycle éternel ou d’une libération
par l’entrée au nirvana a armé d’autres cultures contre le désespoir que
devrait déclencher à toutes les époques le simple présent avec son cortège de
souffrances et d’injustices. L’idée d’un salut définitif à venir n’est sans
doute pas exclusive au monde judéo-chrétien, mais c’est clans ce milieu qu’elle
a été formulée avec le plus de vigueur et d’insistance Le poids des
inclinations terrestres héritées de l’Ancien Testament a entraîné la chrétienté
primitive à compléter l’espérance transcendante du royaume de Dieu par l’idée
d’un règne millénaire du Christ sur terre avec les premiers ressuscités » RATZINGER
J, La mort et l’au-delà, Communio-Fayard, 1994, p. 218
[32] 1
Théssaloniciens 5, 2
[33] Vie de
saint Malachie.
[34] Proverbes 9,
17. De nombreux textes de l’Ancien testament à propos du shéol pourraient être
interprétés dans le sens de Job 26, 20 : «Les Ombres tremblent sous terre,
les eaux et leurs habitants sont dans l'effroi. Devant lui, le Shéol est à nu,
la Perdition à découvert ».
[35] Sagesse 17,
14.
[36] Quelques
témoignages actuels : Clémence Ledoux, fondatrice de la Fraternité de
Marie-Reine Immaculée et ses visions lors d’une visite du château de
Versailles, vit nettement des âmes habillées en costume de l’époque du Grand
siècle.
[37] Dans l’Egypte pharaonique, on parle du corps
physique, du Kâ (le double) et du Baï représenté sous la forme d’un oiseau
portant la tête du mort (l’esprit). Le grand et ultime voyage commence par la
séparation du Kâ spirituel du corps
matériel. Le Kâ est le corps double
du défunt, qui sort de son cadavre. Avec lui, le Baï, âme de l’homme, est détaché de la vie terrestre et tourne désorienté
autour du cadavre. La compatissante Isis (épouse aimante du dieu de la mort
Osiris) l’accueille sous ses grandes ailes affectueuses et le confie au savant
dieu Anubis (représenté avec une tête de chacal) afin qu’il le réconforte et
lui serve de guide et de soutien jusqu’au jugement divin. Sous forme imagée, il
s’agit de la même réalité.
[38] Constitution dogmatique « Benedictus Deus ».
[39] Gaudium et
Spes 22, 5.
[40] Nombres 14,
1.
[41] Nombres 14,
33.
[42] Luc 12, 19.
[43] Luc 5, 8.
[44] Sainte
Faustine, Petit journal, (no. 1486)
[45] Marc 6, 49.
[46] Genèse 6, 5.
[47] Matthieu 19,
23.
[48] Apocalypse
1, 18
[49] Job 17, 13.
[50] 2 Samuel 22,
5.
[51] Deutéronome
8, 3.
[52] BENOIT XII Constitution
apostolique «Benedictus Deus », 29 janvier 1336, Dumeige 511.
[53] Sainte
Catherine de Gènes, Traité du purgatoire chapitre III.
[54] … qui est
une sainte canonisée. Elle a en outre été reconnue par l’Église comme une
réelle autorité théologique concernant le purgatoire d’un degré bien sûr
inférieur à celui de l’Écriture Sainte ou du Magistère de l’Église (voir en fin
d’ouvrage).
[55] Vie de
Sainte Brigitte, tome II ch XXXI.
[56] Sainte
Faustine, Petit journal, (no. 1486)
[57] Matthieu 20,
6.
[58] Saint Alphonse
de Ligori : le grand moyen de la prière.
[59] 2 Samuel 22,
5.
[60] 2
Théssaloniciens 2, 2-5.
[61] Matthieu 28,
7.
[62] Matthieu 4,
15.
[63] 2 Pierre 3,
9.
[64] 2
Théssaloniciens 2, 8.
[65] Sainte
Faustine, Petit journal, (no. 1486)
[66] Traité du
purgatoire III.
[67] Théologie
de l’au-delà, Université de Fribourg, Suisse, 1980, p. 34-35.
[68] Sacré
Congrégation pour la Doctrine de la foi, Lettre sur quelques notions
d’eschatologie, 17 mai 1979.
[69] Apocalypse
19, 7.
[70] Cantique des
cantiques 5, 6-7.
[71] 1
Corinthiens 3, 15.
[72] Vitalini
Sandro, Traité de l’au-delà, Université de Fribourg-Suisse, 1980, p. 35.
[73] Cet article
est de saint Thomas d’Aquin, Supplément Question 70 ter, article 5.
[74] Sainte
Catherine de Gènes, Traité du purgatoire chapitre III.
[75] Matthieu 25,
46.
[76] Psaume 10,
7.
[77] Dialogue
livre 4, 43.
[78] Seule sa
grâce peut nous purifier, à présent dans la mort et au-delà même de la mort, si
en cette vie nous acceptons au moins de ne pas nous fermer à sa pitié. Morts
dans le Seigneur, les défunts sont en sa main, et là, au terme de leur route
terrestre, ils connaissent sa joie, sa vie pour nous mystérieuse. Le Seigneur
parfait son œuvre et marque de l’empreinte définitive de sa beauté l’ouvrage de
ses mains.
Proposition
de foi des évêques français, 1978, DOCUMENTATION CATHOLIQUE. n°1073.
[79] Saint Thomas
d’Aquin, Supplément Question 70, article 3.
[80] Le cardinal
Joseph Ratzinger écrit : La mort et l’au-delà, Communio-Fayard, 1994, p.
226 : «Ainsi, dans l’histoire des saints, surtout de ces derniers siècles,
chez Jean de la Croix, dans la spiritualité du Carmel et avant tout chez
Thérèse de Lisieux, le mot «enfer » a pris une signification toute nouvelle et
une toute nouvelle forme. Pour eux, l’enfer est moins une menace qu’ils
brandissent contre les autres, qu’un appel à souffrir dans la nuit obscure de
la foi la communion avec le Christ en tant que communion aux ténèbres de sa
descente dans la nuit ; à approcher la lumière du Seigneur parce qu’ils
partagent ses ténèbres et servent le salut du monde en oubliant leur propre salut
au profit des autres. Dans une telle spiritualité, rien n’est édulcoré de la
terrible réalité de l’enfer ; il est si réel qu’il pénètre dans leur propre
existence. Une espérance ne peut lui être opposée que si l’on partage la
souffrance et la nuit de Celui qui est venu transformer toute notre nuit par
ses souffrances. L’espérance ne naît pas de la froide logique d’un système, de
l’appauvrissement de l’homme, mais du sacrifice de l’innocent et de
l’affrontement de la réalité au côté de Jésus-Christ. Une telle espérance ne
devient pas affirmation arbitraire ; elle remet sa supplique dans les mains du
Seigneur et l’y abandonne. Le dogme trouve sa vraie dimension ; l’idée de la
miséricorde qui, sous une forme ou sous une autre, l’a accompagné tout au long
de l’histoire ne devient pas théorie, mais prière d’une foi qui souffre et qui
espère ».
[81] Deutéronome
28, 65.
[82] Traité du
purgatoire, chapitre VIII.
[83] Osée II ;
[84] Isaïe 1, 4 ;
[85] Traité du
purgatoire VIII.
[86] Voir
Question 7 article 9.
[87] Matthieu 22,
40.
[88] Voir saint
Thomas d’Aquin, Somme théologique, Supplément, question 70,
article 4.
[89] Sainte
Catherine de Gènes, Traité du purgatoire, III.
[90] Bulle
«Exurge domine », 5 juin 1520.
[91] Matthieu 25.
[92] Voir ce
traité, question 9, article 7.
[93] Luc 16, 27.
[94] Saint
Alphonse de Ligori : le grand moyen de la prière.
[95] Ibidem.
[96] « Je
veux voir Dieu »,..
[97] Lettre à
l’évêque de Tusculum, 6 mars 1254, p. 509.
[98] Matthieu 12,
32.
[99]
L’interprétation chrétienne du purgatoire s’est donc clarifiée à nos yeux en ce
qu’elle a d’essentiel. Ce n’est pas une sorte de camp de concentration dans l’au-delà
(comme chez Tertullien°, où l’homme devrait subir des châtiments qui lui
seraient imposés d’une manière plus ou moins positiviste. C’est plutôt le
processus interne et nécessaire de transformation de l’homme, par lequel ce
dernier devient capable du Christ, capable de Dieu et par suite capable de
s’unir à toute la communio sanctorum. Celui-là seul, qui considère
l’homme de faon en quelque manière réaliste, comprendra la nécessité de cette
opération qui, loin de substituer les œuvres à la grâce, assure au contraire la
totale victoire de cette dernière. L’assentiment capital de la foi sauve, mais
cette décision essentielle est chez la plupart d’entre nous recouverte très réellement
de beaucoup de foin, de bois et de paille. Ce n’est qu`à grand peine qu’elle
perce le treillis de l’égoïsme dont l’homme n’a pu se débarrasser. Il bénéficie
de la miséricorde, mais il doit être transformé. La rencontre avec le Seigneur
constitue cette transformation, ce feu qui, en brûlant, le métamorphose en cet
être sans scorie qui peut devenir le vaisseau d’une joie éternelle. Une telle
conception ne serait en opposition avec la doctrine de la grâce que si la
pénitence était opposée à la grâce, alors qu’elle en est la forme : possibilité
offerte qui naît de cette grâce. Ce qui est important dans l’équivalence faite
par Cyprien et Clément entre le purgatoire et la pénitence ecclésiale, c’est
que la doctrine chrétienne du purgatoire, qui tient sa dimension propre de la
christologie, a son fondement dans la grâce christologique de la pénitence et
qu’elle est une conséquence intrinsèquement nécessaire de l’idée de pénitence,
c’est-à-dire de cette idée que le pardon dispose à la conversion.
RATZINGER J, La
mort et l’au-delà, Communio-Fayard 1994, p. 239.
[100] Question 15, article 2.
[101] Matthieu 8,
8.
[102] Philippiens
2,7.
[103] Jean 13,
4-16.
[104] Jean 14, 9.
[105] Jean 12, 24.
[106] Luc 12, 34.
[107] Matthieu 21,
31.
[108] Voir chez
saint Thomas d’Aquin, Supplément Question 70 ter, article 7.
[109] Matthieu 7,
1.
[110] Le cardinal
Ratzinger écrit à propos de la dette de peine : «Mais, une fois de plus, se
pose ici une question d’importance. Comme nous l’avons vu, la prière pour les
défunts, sous ses multiples formes, appartient aux tous premiers temps de la
tradition judéo-chrétienne. Or cette prière ne présuppose-t-elle pas que le
purgatoire est une sorte de châtiment externe dont on serait exempté en
empruntant la voie de la grâce ou que d’autres pourraient subir par une sorte
de substitution spirituelle ? Quelqu’un peut-il donc entrer autrement dans le
processus hautement personnel de rencontre avec le Christ, de transformation de
son moi par le feu de son approche ? N’est-ce pas un événement propre à tel
homme, qui ne laisse place à aucune substitution, à aucun remplacement ? Toute
la spiritualité des «pauvres âmes » ne repose-t-elle pas sur le fait que la
souffrance de ces âmes est traitée à la manière d’un «avoir «, tandis que,
d’après ce qu’on vient de dire, il s’agit de leur «être », de quelque chose
d’irremplaçable ? Il faut à cela objecter que l’être de l’homme n’est pas, lui
non plus, une monade close, mais, par l’amour et par la haine, il est relié aux
autres en qui il est présent. L’être personnel est présent dans les autres comme
faute et comme grâce. L’homme n’est jamais uniquement lui-même ou plus
exactement il est lui-même dans les autres, avec les autres, par les autres.
Que les autres le maudissent ou le bénissent, qu’ils lui pardonnent et
transforment sa faute par amour, c’est une part de son propre destin. Que les
saints «jugent », cela veut dire que rencontrer le Christ, c’est être mis en
présence de tout son corps, de ma faute contre les membres souffrants de ce
corps et de son amour pardonnant qui émane du Christ ». L’intercession des
saints auprès du juge n’est pas [. . ] une prière purement externe, dont la
portée reste douteuse selon l’insondable volonté du juge ; Elle est avant tout
un poids interne qui, placé sur le plateau de la balance, peut la faire pencher
». Cette intercession est le seul aspect fondamental de leur «jugement » ;
c’est même justement par leur jugement et leur prière salvatrice qu’ils ont
place dans la doctrine du purgatoire et dans la vie chrétienne correspondante
». J’espère en toi pour moi, RATZINGER J, La mort et l’au-delà,
Communio-Fayard 1994, p. 240
[111] D. S. 2063.
[112] RATZINCER J,
La mort et l’au-delà, Communio-Fayard 1994, p. 190.
[113] Vitalini
sandro, Théologie de l’au-delà, Université de Fribourg, Suisse, 1980, p.
38.
[114] Luc 15, 20.