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La méthode thomiste

 

Le Thomisme n’est surtout pas une doctrine figée du Moyen Age. C’est à cause de cette confusion qu’il est devenu aujourd’hui insupportable pour beaucoup dans les Églises chrétiennes. C’est d’abord un esprit. Si la Somme Théologique a contribué à faire de son auteur le plus grand Docteur de l’Église catholique, c’est certainement à cause de cet esprit qui l’anime de bout en bout. Malheureusement, seul le temps et la maturation permet de le discerner : 1- Amour du réel abordé avec toutes les forces de l’intelligence humaine ; 2- Fidélité absolue à l’Église, à sa foi, à son Magistère. 3- Ecoute respectueuse des saints et des théologiens, ses prédécesseurs.

 CONSULTER LE TEXTE ORIGINEL DE FR. REGINALD

1- Saint Thomas d’Aquin fut d’abord, à l’école d’Aristote un grand philosophe. Il apprit à écouter la réalité, à s’y soumettre selon toutes ses dimensions en se servant de son intelligence. Même lorsqu’elle lui semblait d’un premier abord contradictoire avec la révélation, il s’y soumettait. Il remettait en cause son interprétation de la révélation. Jamais l’affaire Galilée n’aurait pu avoir lieu si les théologiens de cette époque avaient été vraiment thomiste. Jamais la science actuelle dans son réalisme ne se serait à ce point séparée de la philosophie devenue idéaliste et coupée du réel si Descartes avait été disciple de saint Thomas.

A son école, nous ne cesserons de tendre à l’écoute de la réalité. Nous ajouterons à la méthode nécessairement limitée, vu les outils scientifiques de son époque, ceux d’aujourd’hui. Cet effort apparaîtra particulièrement dans le traité de la résurrection. La nature du corps glorieux apparaîtra plus mystérieuse qu’à l’époque de saint Thomas depuis que nous approchons mieux aujourd’hui l’incroyable diversité d’états que peut prendre la matière. De même, notre traité de l’heure de la mort a été marqué profondément par l’expérience de la mort approchée. Cette expérience, non accessible à la science positive est tout à fait réaliste au plan d’une enquête rigoureuse de philosophie.

2- Saint Thomas d’Aquin fut un grand théologien car il fut avant tout un homme de foi. Il se permet des audaces doctrinales très grandes car il sait s’appuyer sur le rocher de la révélation. Il n’essaye jamais de remettre en doute les définitions solennelles du Magistère. Il croit en la protection de Dieu sur le ministère de Pierre. Il sait hiérarchiser avec précision le degré de chaque autorité. Il a raison d’agir ainsi. La qualité de son travail en est rendue unique. Pour s’en rendre compte, il suffit de regarder la structure de ses articles. Chacun est centré sur un argument d’autorité qu’il tire, le plus souvent qu’il le peut, de l’Écriture Sainte ou encore de l’enseignement de l’Église ou des docteurs reconnus.

"Elle dit la parole qu'il faut dire"

Cependant, il est conscient que l’utilisation de l’Écriture Sainte par fragments détachés de leur contexte risque de conduire à négliger leur genre littéraire et par la suite à faire erreur sur leur sens. Aussi saint Thomas d’Aquin ne se contente pas de ces arguments mais fait suivre son étude par un raisonnement théologique que l’on peut qualifier de scientifique. Il s’agit d’une science au sens profond du terme puisque, appuyé sur la révélation, il s’efforce d’en établir les multiples conséquences par un raisonnement rigoureux. Il fait confiance à l’intelligence humaine et l’établit dans toutes ses potentialités au service de la foi. Il réalise à l’avance cette maxime de saint François de Sales: «La foi et la raison sont filles d’un même Père: elles doivent avancer ensemble comme deux affectionnées »

3- L’esprit et la méthode de saint Thomas d’Aquin vont encore plus loin: Pour mieux approcher le réel révélé, il écoute les penseurs qui l’ont précédé. Il s’intéresse aux docteurs et aux théologiens reconnus par l’Église comme aux hérétiques. Il cite leur thèse en une série d’objections quand elles s’opposent à ses propres opinions. A la fin de chaque article, il s’efforce de leur répondre, sur un ton mesuré et jamais polémique, et la vérité s’en trouve bien.

Chaque article, construit pour répondre à un problème précis, fait lui-même parti d’un ensemble organique plus grand appelé «question ». Ces questions correspondent chacune à un des grands axes de compréhension du sujet traité. Elles rejoignent souvent les cinq causalités telles qu’elles ont été définies par Aristote.

Sa logique: C’est que, outre cet esprit de foi qui fonde toute la théologie thomiste, il existe une méthode structurellement aristotélicienne. Il fit de ce maître le formateur de sa pensée. Il fit traduire du grec, spécialement pour lui, une grande partie des écrits du philosophe. Il s’imprégna de sa pensée non seulement à cause de sa parfaite structure analytique mais surtout à cause de la vérité qu’on peut y trouver. Selon saint Thomas d’Aquin, Aristote n’est autre que le «philosophe », c’est-à-dire celui qui, parmi tous les chercheurs de la vérité, l’a approchée de plus près.

De tout cela, il résulte un exposé organique, très complet, précis et, malheureusement, trop souvent utilisé par les lecteurs d’une manière scolaire et désincarnée. Pour éviter ce risque, il faut se souvenir qu’au delà de la fidélité doctrinale, l’esprit de saint Thomas d’Aquin consiste dans la charité. Il n’utilise les moyens de connaître mieux que pour mieux aimer. Ainsi, sans une vie d’oraison et un exercice quotidien de l’amour du prochain, le lecteur de tels traités court le risque d’hypertrophier sa raison.

 

Intention

 

Dans le travail qui est le nôtre, nous essayerons d’appliquer la même méthode à ce que, selon nous, devrait être un traité complet des fins dernières.

Notre intention première est théologique. Il s’agit de montrer l’harmonie totale de la révélation chrétienne lorsqu’on lui donne son sens ultime, son terme.

Il s’agit aussi de montrer la valeur unique que peu prendre la pensée chrétienne lorsqu’elle fait le double pari de la fidélité catholique aux trois canaux de la révélation (Ecriture, Tradition, Magistère) et de la soumission philosophique au réel.

Notre intention est enfin pastorale. Une théologie peut être plus facilement mise au service de la prédication lorsqu’elle s’organise selon un plan structuré et sait aborder les questions subtiles dans un langage à la fois précis et simple. Il est important que la prédication des Fins dernières viennent à nouveau soutenir l’espérance. Si les prédicateurs se remettent à enseigner notre avenir, la foi et la charité reprendront feu.

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