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Questions Disputées sur le Grand portail Thomas d'Aquin

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 l'âme et l'animal.
Auteur: Alain VARNAT (---.w80-9.abo.wanadoo.fr)
Date:   31/07/2003 10:49

Ni philosophe, ni thomiste, mais simple besogneux de la pensée ordinaire, je suis un peu perdu dans votre portail où je voudrais trouver une réponse synthétique et claire à la question précise suivante : "Quelle est la pensée de saint Thomas sur le monde animal ?"Pouvez-vous m'aider ?
( Je crois, en effet, avoir entendu, au cours d'une conférence, qu'il en avait une interprétation plutôt réductrice et mécaniste, qui correspondrait à la tradition biblique et chrétienne, laquelle place l'homme au centre de l'univers et, plus ou moins, le lui soumet.Or je remarque que de plus en plus de gens mettent l'homme et l'animal, la souffrance humaine et la "souffrance" animale sur le même plan. Des mouvements, quand ce ne sont pas de véritables "lobbies", encouragent et soutiennent ces tendances.Cf."Valeurs Actuelles",du30/05/03).
Oserai-je avouer que je suis amené à cette interrogation par l'intérêt essentiellement spéculatif - mais pas seulement - que je porte à la tauromachie ?
Merci de votre réponse à ma sollicitation peut-être naïve.

 

 Re: l'âme et l'animal.
Auteur: L'animateur du forum (---.rain.fr)
Date:   31/07/2003 13:17

 
Cher Alain,

      La conception réductrice et mécaniste de l'animal (et de l'homme par la même occasion) est née avec l'avénement de la science moderne au 16ème siècle, et ne s'est jamais démentie depuis parmi les scientifiques. Vous trouverez un bon aperçu de la conception de l'animal chez Thomas d'Aquin, au menu 2 du Grand Portail - Métaphysique - première leçon.

Cordialement.

 

 Re: l'âme et l'animal.
Auteur: Polaire (---.ipt.aol.com)
Date:   31/07/2003 16:18

rép à Alian Varnat

Pourriez- vous développer sur la" tauro-machie" ..phénomène culturel pour lequel j' éprouve par ailleurs une certaine aversion .
Je dis" par ailleurs ",car je pense que l' empathie envers l' animal en général ne me semble pas relever de la spéculation philosophique ,à tout le moins ne pas pouvoir être obtenue par la voie du raisonnement spéculatif .

Maintenant la raison peut nous eclairer sur ce phénomène culturel ( et sur les positions adverses ), elle peut éclairir ce qu'il en est d' une genèse . Peut -elle faire évoluer les sympathies ou antipathies ? Sur le fond , j'en doute , .Mais c'est à discuter .Ce serait là discuter du pouvoir de la raison sur les émotions .

Polaire jean luc

 

 Re: l'âme et l'animal.
Auteur: Christophe (---.w193-251.abo.wanadoo.fr)
Date:   31/07/2003 18:53

Que l'animal ait une âme ou qu'il n'en est pas, en tout cas, ce qui est certain, c'est que l'animal n'est pas un jouet !

 

 Re: l'âme et l'animal.
Auteur: A.VARNAT (---.w80-9.abo.wanadoo.fr)
Date:   03/08/2003 18:10

Regrets ! Mais je n'ai vraiment ni l'intention, ni la capacité de "développer" ce sujet, qui plus est sur un site saint Thomas d'Aquin ! Une documentation surabondante existe. Quant au débat, il est usé et stérile.
Tout au plus puis-je éclairer ma question initiale. Quand, partant d'une "certaine aversion", on essaie d'appréhender ce choc des cultures nord / sud, avec ses partisans inconditionnels et ses adversaires irréductibles (certes, pas d'évolution possible sympathies/antipathies ), on réalise que l'incompréhension réciproque tient, pour l'essentiel, à une approche très différente du monde animal.
Pour les uns, qui ne sont pas forcément végétariens ( ! ), l'animal est presque de même nature que l'homme, quasi égal en droits !!! Pour les autres, plus humanistes ou anthropocentriques, l'animal, pour admirable, attachant ou surprenant qu'il soit, reste d'une nature très inférieure, ce qui légitime qu'on puisse le tuer pour se nourrir ou, éventuellement, l'utiliser dans des jeux où s'affrontent le courage et la mort.
Quand je regarde mon chien, un mouvement bien compréhensible d'empathie voudrait me faire croire qu'il possède quelque chose de comparable à l'âme humaine. Mais l'observation raisonnée me convaincs qu'il n'est, en fait, que l'addition d'un certain nombre de réflexes conditionnés.
Quant au poids respectif de la raison et des émotions, ne nous faisons pas trop d'illusions : il y aura toujours beaucoup plus de monde dans les arènes et dans les stades que dans les cercles philosophiques. A.V.

 

 Re: l'âme et l'animal.
Auteur: Arnaud Dumouch (---.88.238.223.codenet.be)
Date:   09/08/2003 11:41

Cher Alain, Vous demandez ce que pense saint Thomas des animaux.
La vision de saint Thomas sur les animaux peut être résumée ainsi:
1- Ils ont une âme, au sens Aristotélicien du terme c'est-à-dire qu'il sont des êtres vivants, unifiés et non des machines.
2- Ils ont une sensibilité, plus ou moins développée selon leur perfection. Selon lui, ce qui est commun à tous les animaux, c'est le sens du toucher.
3- Les animaux supérieurs ont une forme d'intelligence appelée ESTIMATIVE qui leur permet de discerner ce qui est concrètement utile pour leur survie physique et leur reproduction.
4- Les animaux n'ont pas d'esprit. Leur intelligence (estimative) est une faculté matérielle qui n'est pas de même nature que l'intelligence humaine. Elle est bornée à l'estimation de l'utile et du nuisible SENSIBLES. Au contraire, l'intelligence humaine à pour objet potentiel la connaissance de TOUT, le matériel comme l'immatériel (concepts abstraits, esprits, anges et Dieu).
5- Les animaux ne verront jamais Dieu face à face. Dieu est ESPRIT. Comme ils n'ont pas d'esprit, jamais ils n'auront le désir de voir Dieu, même si, par hypothèse, ils se trouvent présents dans l'autre monde.
5- Pour saint Thomas, il n'y aura pas d'animaux dans le monde nouveau, après la résurrection de la chair et ce pour plusieurs raisons: 1- leur psychisme étant totalement lié à l'organe physique du cerveau, ils sont totalement détruits par la mort. 2- "Leur être est, par nature, corruptible. Or, rien de corruptible ne subsistera dans le monde nouveau".

La science moderne permet de corriger un point dans cette analyse de saint Thomas: nous savons aujourd'hui qu'il existe des animaux qui n'ont pas le sens du toucher. C'est le cas de certains unicellulaires dont le fonctionnement est animal et non végétal.

Au plan théologique, l'Eglise maintient la vision n°4 de saint Thomas: visiblement, si les animaux ont une vie sensible, mais ils n'ont pas d'esprit. « Puisque, les animaux ont une vie sensible », ils doivent être respecter. Les torturer, bafouer la dignité de leur vie par sadisme est un péché (L’Eglise ne parle pas ici de la tauromachie ou de la chasse, ni du fait qu’on les mange. Elle vise le sadisme).
« ils n'ont pas d'esprit ». En conséquence, dans l’autre monde « jamais ils n'auront le désir de voir Dieu ».

Par contre, jamais l’Eglise n’a ratifié l’opinion n° 5 de saint Thomas sur l’absence d’animaux ressuscités dans le Monde nouveau. Au contraire, elle laisse libre à chacun de penser autrement. Saint François d’Assise, saint Bonaventure pensaient que les animaux seraient présents.

Je vous joins un article modernisé, de ce que dirait saint Thomas de nos jours en se servant des progrès de la science et de la théologie.

Article 6 : Y aura-t-il des plantes et des animaux dans le monde nouveau ?
Objection 1 : Il ne semble pas. Les animaux et les plantes ont été créés pour soutenir la vie animale de l’homme. La Genèse dit : « Je vous donne toute chair en nourritures ». Avec la cessation de la vie animale de l’homme, les animaux et les plantes doivent donc cesser d’exister, ce qui sera le cas après la résurrection.
Objection 2 : Les plantes et les animaux servent sur la terre à connaître comme dans un miroir les perfections de Dieu dont ils sortent des vestiges. Or, après la résurrection, Dieu sera connu face à face. Donc le monde animal et végétal sera devenu inutile.
Objection 3 : La vie végétale et animale est liée à la corruptibilité ; Il est en effet essentiel pour cette vie d’assimiler des éléments extérieurs pour qu’elle cuisse se maintenir et de rejeter ce qui est inutile. Or, dans le monde renouvelé, il n’y aura plus de place à la corruption selon saint Paul : « il faut que ce corps corruptible revêtu d’incorruptibilité et que ce corps mortel revêtu d’immortalité ».
Objection 4 : Si les plantes et les animaux demeurent, cela vaudra pour tous ou seulement pour quelques-uns. Si c’est pour tous, il faut que les animaux privés de raison, morts avant la fin du monde, ressuscitent comme les hommes. Cela ne peut être car leur forme disparaît à leur mort et ne peut être ressuscitée la même individuellement. Si ce n’est pas pour tous mais seulement quelques-uns, on ne voit pas le motif pour que l’un demeure plutôt que l’autre. Il semble donc qu’aucun ne demeurera perpétuellement.
Objection 5 S’il doit exister des animaux glorifiés, c’est qu’ils verront l’essence divine qui seule peut rendre glorieux. Or les animaux sont incapables par nature de la vision béatifique. Donc ils n’ont pas de place dans le monde nouveau.

Cependant : Dieu dit à Noé : « Voici que j’établis mon Alliance avec vous et avec vos descendants après vous et avec tous les êtres animés qui sont avec vous oiseaux, bestiaux, toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui est sorti de l’arche, tous les animaux de la terre ». Or l’Arche de Noé symbolise l’efficacité de la rédemption opérée par le Christ. Donc, les êtres animés ne seront pas exclus du monde nouveau.

Conclusion : Il n’y a pas d’arguments définitifs sur ce point. Cependant, l’opinion la plus traditionnelle des Pères consistait à affirmer qu’il n’y aurait ni animaux, ni plantes dans le monde nouveau. Leurs arguments consistaient à montrer que ne demeureraient que les êtres possédant en eux un élément d’incorruptibilité tels leur paraissaient être les corps célestes que la cosmologie ancienne croyait incorruptibles car d’une nature supérieure, les hommes à cause de leur âme immortelle, et les éléments minéraux puisqu’on ne pouvait jamais les réduire au néant. Au contraire, les animaux et les plantes qu’on peut tuer, les corps mixtes comme les molécules qu’on peut détruire étaient considérées comme n’ayant aucune disposition à l’incorruptibilité. Ils ne devaient donc pas subsister dans le monde nouveau.
Mais on ne peut plus parler ainsi. On sait aujourd’hui que tous les éléments matériels du monde y compris les corps célestes sont de même nature et corruptibles. Ainsi, les astres courent insensiblement à leur extinction et les atomes se dégradent dans leur structure. Pourtant, il est certain qu’ils demeureront dans l’au-delà puisque Dieu préparera en eux un monde adapté à la nouvelle manière d’être des hommes.
De même, il convient que les créatures matérielles comme les animaux et les plantes demeurent afin qu’il ne manque rien à la perfection de l’au-delà. En effet, ce monde nouveau verra chaque chose atteindre sa fin qui est Dieu, selon une hiérarchie adaptée au mode de chacun. L’ordre sera fondé sur la charité. Dieu, qui est l’essence de la charité incréée, est au sommet. Puis viennent les créatures spirituelles qui participent à la charité, c’est-à-dire les élus. Et le plus élevé d’entre eux, dans cette hiérarchie nouvelle de la Jérusalem céleste, c’est Jésus qui dans son humanité ne fait qu’un avec Dieu. Vient ensuite la Vierge Marie dont l’amour de charité dépasse celui des anges. Elle a donc reçu une plus grande participation à la gloire. L’ordre des créatures spirituelles, c’est-à-dire des anges et des hommes s’en suit et n’est pas mesuré par la perfection naturelle de chacun mais par sa perfection surnaturelle.
Viennent ensuite les êtres qui ne participent pas à la vision de l’essence divine. Certains en sont exclus par nature, comme les animaux, les plantes et le monde minéral puisque ces réalités sont dépourvues de facultés spirituelles. Ces êtres, peuvent faire partie du monde nouveau deux causes : 1° Leur propre bien qui aspire, soit par nature, soit par sensibilité à durer toujours selon saint Paul : « La création toute entière gémit dans l’attente de la révélation des fils de Dieu ». La vie végétale et animale font partie de la création, d’une manière intermédiaire entre les minéraux et les hommes. Donc ils seront présents dans le monde nouveau. 2° Pour le bien de l’homme qui peut par ses sensations contempler leur beauté et leur ordre qui témoigne de Dieu comme dans un miroir.
D’autres réalités sont exclues de la vision béatifique à cause d’un choix de leur volonté. Les damnés constituent les êtres les plus bas, non à cause de leur nature qui dépasse celle du monde matériel mais à cause de leur choix qui les rend inférieurs aux biens qu’ils choisissent. Ainsi voit-on déjà sur la terre des hommes pervertis se comporter d’une manière inférieure aux animaux. Et, par leur existence, ils proclament comme le reste de la création la gloire de Dieu qui laisse chacun libre de se séparer de lui. En conséquence, dans le monde nouveau, aucun des éléments essentiels à sa perfection générale ne manquera.

Solution 1 : Dans le monde de l’au-delà, il n’y aura plus de nutrition puisque chacun sera revêtu d’une immortalité qui fera disparaître toute possibilité de corruption. Aussi, les animaux et les plantes ne subsisteront pas pour que l’homme s’en nourrisse.
Solution 2 : La contemplation de la beauté du monde nouveau ne sera pas pour l’homme l’essence de sa connaissance de Dieu mais une connaissance surajoutée et pour ainsi dire accidentelle. Elle sera ordonnée au bien de son corps qui doit participer selon qu’il en est capable à la béatitude. Or la vie sensible est incapable par nature de contempler l’essence divine qui est d’ordre spirituel. Elle trouvera dans la beauté du monde nouveau et dans la vision de son ornement végétal et animal une participation sensible à cette contemplation .
Solution 3 : De même que le monde minéral qui est pourtant lié à des formes moins nobles que le monde des vivants, peut être revêtu par la puissance divine d’incorruptibilité et de clarté, de même la vie animale et végétale peut être élevée à un mode d’exercice qui exclut toute corruptibilité. Ainsi qu’un animal soit glorifié signifie que son corps est revêtu d’incorruptibilité et de clarté par la puissance divine. En conséquence, la recherche de la nourriture est supprimée ce qui exclut du monde nouveau les lois naturelles où le plus fort mange le plus faible. De même, la génération n’est plus possible. Les animaux et les plantes seront donc présents à cause de leur beauté et vivront une vie commune paisible. Selon la capacité de chacun, ils vivront d’une certaine béatitude sensible puisque leur appétit naturel sera comblé.
Solution 4 : Il ne convient pas qu’un appétit naturel soit frustré. Selon leur appétit naturel, les animaux et les plantes désirent exister perpétuellement, sinon comme individus, du moins en tant qu’espèce. C’est à cela qu’est ordonnée leur génération naturelle comme dit Aristote. Et c’est aussi à cela que sera ordonnée la restauration des espèces à la résurrection.
Quant à savoir si chaque animal individuellement ressuscitera, plusieurs opinions existent. Selon certains, il suffit que les animaux reviennent selon leurs espèces, car, de cette manière, l’aspiration générale qui est en eux et qui porte avant tout sur la survie de l’espèce, est satisfaite. Selon d’autres, il convient que Dieu crée à nouveau chaque individu qui doit être récompensé du service accompli pour nous par son passage sur la terre, et en compensation des multiples souffrances sensibles subies. Une telle restauration est bien évidement possible à la puissance de Dieu qui “ compte même les cheveux des hommes ». Cela semble mieux convenir à la bonté de Dieu. Là encore, nous pouvons en avoir un signe philosophique dans l’expérience de ceux qui approchent la mort et qui témoignent que le corps psychique n’est pas seulement conservé pour les individus humains mais qu’il subsiste aussi chez les animaux, individuellement, dans l’autre monde.
Solution 5 : Les animaux sont incapables d’être glorifiés en ce sens qu’ils puissent voir l’essence divine car les facultés de connaissance qui sont en eux sont d’ordre sensible ce qui exclut une quelconque possibilité d’élévation à un objet spirituel. Cependant, ils peuvent être rendus immortels dans leur être par Dieu et obtenir une béatitude qui leur est adaptée. Elle consiste essentiellement dans un état permanent de joie et de paix sensible, adapté selon leurs espèces, au degré du psychisme qui leur est attribué par nature. Et ce bonheur sensible leur sera communiqué par la fréquentation des hommes glorifiés dont la joie et la paix spirituelles rejaillira jusque dans la sensibilité animale d’une façon analogue mais bien supérieure à l’harmonie primitive qui existait dans le paradis terrestre entre Adam et la nature entière .

A votre service en cas de besoin.
Arnaud

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