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Objections sur l'heure de la mort

Question Disputée sur a.dumouch@hotmail.com


 Objections sur l'heure de la mort
 

From: "Fabio Schmitz" <fabioschmitz@hotmail.com

To: <a.dumouch@free.fr

Sent: Saturday, September 04, 2004 12:13 AM

Subject: Sur l'heure de la mort

 

Monsieur,

 

Vous présentez la mort non comme l'instant précis où l'âme se sépare de son corps, mais comme le passage de la vie à l'au-delà. Cette idée est très stimulante, semble résoudre de nombreux problèmes (salut des païens, des enfants morts sans baptême) de manière optimiste, mais en pose d'autres. S'il est possible, j'aimerais que vous m'éclairiez sur ces points. Bien que votre thèse soit séduisante, ne croyez-vous pas qu'elle rende le jugement particulier trop "facile", et ce, à quatre titres. Voici brièvement mes réserves. Elles sont liées, mais abordent le problème sous des angles différents.

 

1- A L'HEURE DE LA MORT, SI L'ON VOIT LE CHRIST DANS LA LUMIERE DE LA VERITE, LA FOI N'EST PLUS NECESSAIRE POUR OBTENIR LE SALUT Si votre thèse est vraie, la nécessité de la foi pour le salut est quasiment réduite à rien. En effet, à l'heure de la mort, je verrai Jésus dans sa lumière d'amour. Donc, le voyant dans sa Majesté, je n'aurais plus besoin de "croire" ce que je ne vois pas. L'épreuve de la foi disparaît pour la justification. Cela ne me paraît difficilement conciliable avec la doctrine catholique qui affirme dans le concile Vatican I que jamais personne n'a été justifié sans la foi.

 

2- EN VOYANT CLAIREMENT NOTRE VRAI BIEN A L'HEURE DE LA MORT, NOUS NE POUVONS QUE L'AIMER ET Y ADHERER J'ai du mal à comprendre qu'on puisse vraiment refuser le Christ lorsqu'il apparaît dans la lumière de son Amour. Tous les pécheurs, lorsqu'ils verront la beauté du Christ, ne vont-ils pas renoncer à la vanité du péché de manière systématique ? En effet, on veut toujours le bien quand on le perçoit comme tel ; or, si l'on voit le Christ en pleine lumière (sans pesanteur/obstacle d'aucune sorte) on comprend infailliblement qu'il est notre Bien ; donc, on ne peut que le vouloir, car sa Bonté dépasse infiniment celle de tout autre bien. Votre thèse, par sa générosité, débouche sur un optimiste radical : bien peu d'hommes se damneront, et peut-être même aucun.

 

3- SE TENIR PRET POUR L'HEURE DE LA MORT PERD DE SON SENS J'ai du mal à voir comment se concilie cette thèse avec les paroles du Seigneur nous exhortant à nous tenir prêt, à tenir notre lampe allumée pour l'arrivée de l'Epoux. L'Eglise enseigne en effet qu'une personne mourant en état de péché mortel est immédiatement précipitée en enfer. Or, une personne en état de péché mortel, dans votre thèse, aura toujours "le temps" de se déterminer pendant l'heure de sa mort. En revanche, si la mort ne dure qu'un instant très bref (comme j'ai tendance à le croire), elle n'a pas le temps de se convertir (sauf miracle, ou du moins grâce spéciale) et se trouve immédiatement damnée. L'idée selon laquelle la mort est une durée plus ou moins longue rend le jugement particulier beaucoup moins redoutable. "Se tenir prêt", "veiller", "tenir sa lampe allumée" comme les vierges sages n'a guère de sens. En conséquence, la notion de péché mortel me semble, dans votre thèse, devenir très relative. Le péché mortel prive de la grâce de Dieu, certes, mais il ne damne que si l'on y persiste à l'heure de la mort qui peut durer très longtemps, en faisant comprendre à quel point l'on a eu tort, tout ce que l'on va perdre si l'on persiste, tout ce que l'on va gagner si l'on s'humilie. Donc, les sacrements (confession et sacrement des malades en particulier), qui nous permettent de recouvrer la grâce, deviennent très facultatifs.

 

4- LE POIDS D'ETERNITE DE CHAQUE ACTE DE NOTRE VIE EST CONSIDERABLEMENT AMOINDRI A quoi sert la vie, chaque instant de notre existence terrestre, si à l'heure de la mort, je peux m'affranchir des conséquences de mes actes d'une manière aussi aisée. La vie doit nécessairement avoir une pesanteur forte sur l'heure de la mort. Elle est comme une inertie qui pousse les pécheurs à la damnation et les justes au salut, même si un sursaut peut avoir lieu au dernier instant, par l'effet d'une grâce spéciale (et non d'un droit automatiquement accordé). Le saint curé d'Ars enseignait dans ses sermons qu'il fallait passer son temps sur terre à préparer cette heure, avec une crainte véritable (que tempère et apaise l'espérance). L'homme n'est pas un ange, et son choix ou son refus de Dieu s'effectue dans le temps. C'est l'ensemble de notre vie qui doit peser sur notre liberté à l'heure de la mort, même si cette liberté demeure.

 

5- LA NECESSITE D'UNE CONTRITION PARFAITE POUR LE PARDON DES PECHES EN DEHORS DU SACREMENT DE PENITENCE (ce dernier point est davantage une remarque qu'une objection, puisqu'il ne contredit pas votre thèse, mais ajoute une précision) Le concile de Trente (et le CEC) enseigne qu'il faut une contrition parfaite pour obtenir le pardon de Dieu en dehors du sacrement de pénitence. Donc, à l'heure de la mort, une faute mortelle non pardonnée ne le sera qu'à cette condition. Le simple désir du Ciel, la simple crainte de l'enfer ne suffira pas. Il faudra regretter sa faute parce que la Bonté de Dieu a été offensée et parce que Jésus est mort pour expier ce péché... Il n'est pas certain que l'amour et la contrition du pécheur atteignent nécessairement ce degré à l'heure de la mort, même si votre thèse sur l'heure de la mort est vraie, a fortiori si elle dure un bref instant.

 

Ces cinq réserves m'empêchent d'adhérer pleinement à votre thèse pour l'instant. Elles proviennent sans doute d'incompréhensions de ma part. Si vous pouviez m'éclairer, j'en serai heureux.

 

Cordialement,

Fabio SCHMITZ

 

 Objections sur l'heure de la mort
 

From: a.dumouch@free.fr

To: Fabio Schmitz" <fabioschmitz@hotmail.com

Sent: Saturday, September 04, 2004 15:13 AM

Subject: Sur l'heure de la mort

Cher Fabio, Vos objections sont très précises et riches, comme jamais. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, elles méritent de figurer sur le forum du site.

 

Je réponds donc, point par point, en prenant le temps:

 

"Vous présentez la mort non comme l'instant précis où l'âme se sépare de son corps, mais comme le passage de la vie à l'au-delà."

Tout-à-fait, votre résumé est précis. Il s'agit bien, pour moi, du sens théologique du mot mort, tel que je le soutiens "Passage, pâque". (sens qui ne s'oppose pas au sens philosophique). Je ne l'ai pas découvert en m'appuyant sur les seules NDE mais sur un raisonnement théologique face à ces quatre dogmes:

PREMIER DOGME : la charité (= amour d'amitié conscient et réciproque avec Dieu) seule ouvre le Ciel.

DEUXIÈME DOGME : Dieu propose A TOUS le salut (ce qui ne signifie pas que tous l'acceptent).

TROISIÈME DOGME : AUSSITÔT APRÈS LA MORT, l’âme en état de mort spirituelle est séparée de Dieu pour l’éternité.

QUATRIÈME DOGME : Le salut est proposé à l’homme DURANT SA VIE TERRESTRE, avant la séparation de l’âme et du corps.

 

Chacun de ces quatre dogmes fut plusieurs fois proclamé solennellement par l'Eglise.

 

AU DELA DE LA FOI, L’EXPERIENCE MONTRE QUE LE SALUT NE SEMBLE PAS ÊTRE PROPOSÉ À TOUS LES HOMMES DURANT LEUR VIE TERRESTRE (beaucoup d'hommes meurent sans la foi donc sans la charité…, selon ce que dit saint Paul: "Romains 10, 9 En effet, si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton coeur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Mais comment l'invoquer sans d'abord croire en lui? Et comment croire sans d'abord l'entendre? Et comment entendre sans prédicateur?")

 

Pourtant, la foi ne ment pas: chacun de ces dogmes est vrai….

Alors quand la foi peut-elle être prêchée à l'homme? Il ne reste cette partie de la vie terrestre qui est le passage de la mort, la onzième heure…

 

Je prends maintenant vos objections une après l'autre:

1- A L'HEURE DE LA MORT, SI L'ON VOIT LE CHRIST DANS LA LUMIERE DE LA VERITE, LA FOI N'EST PLUS NECESSAIRE POUR OBTENIR LE SALUT

Résumé de ma réponse: Face au Christ glorieux, la foi demeure.

 

Vous écrivez: "Si votre thèse est vraie, la nécessité de la foi pour le salut est quasiment réduite à rien. En effet, à l'heure de la mort, je verrai Jésus dans sa lumière d'amour. Donc, le voyant dans sa Majesté, je n'aurais plus besoin de "croire" ce que je ne vois pas." LA FOI RESTE NECESSAIRE AU SALUT: La foi ne disparaît pas totalement face à la Parousie du Christ, face à la vision de son humanité glorieuse. La foi ne disparaît, au sens strict, que dans la Vision béatifique de l'essence divine. De même que Bernadette à Lourdes, face à la gloire de Marie n'était pas dans la pleine vision et avait la foi sur certains points comme: elle est la mère de Dieu, son Fils est Dieu etc.

Vous écrivez: L'épreuve de la foi disparaît pour la justification. C'est vrai, ce qui disparaît, au sens strict, c'est l'obscurité de la foi qui caractérise notre statut terrestre. De cette manière, le premier des péchés contre l'Esprit que cite saint Thomas dans la IIa IIae de la Somme (le refus de croire face à l'évidence) devient possible pour tous et non seulement pour les croyants-théologiens.

Ainsi, l'épreuve de la foi DANS L'OBSCURITE TOTALE caractérise la vie d'ici-bas, qui est un premier purgatoire.

Vous écrivez: Cela ne me paraît difficilement conciliable avec la doctrine catholique qui affirme dans le concile Vatican I que jamais personne n'a été justifié sans la foi. La foi n'est nécessaire au salut qu'à titre de disposition à la charité, dit le Concile de Trente (6° session sur la justification). Mais ce qui compte ultimement, c'est cette charité qui seule fait entrer dans la justification. Ainsi, successivement, et en vue d'acquisition de la charité, l'homme passe de

1- l'épreuve de la foi (ici. Cette épreuve vise à disposer notre coeur au salut, par l'acquisition d'une humilité)

2- à la foi sans épreuve, (le passage de la mort). Cette étape a pour but de permettre le choix d'acceptation ou de refus de la vision béatifique

3- à la vision béatifique qui exclut la foi.

Cela ne s'oppose donc pas au dogme.

 

2- EN VOYANT CLAIREMENT NOTRE VRAI BIEN A L'HEURE DE LA MORT, NOUS NE POUVONS QUE L'AIMER ET Y ADHERER

Résumé de ma réponse: L'apparition de l'humanité de Dieu permet le rejet du salut (ce qui ne serait pas le cas si Dieu apparaissait en tant que Dieu, dans son essence infinie).

 

Hélas, non. L'apparition de la gloire du Christ provoque effectivement cet effet, infailliblement, mais seulement chez les hommes de bonne volonté. Mais elle provoque l'effet inverse chez les orgueilleux. En effet, cette apparition produit plusieurs effets:

1-     Elle révèle le but de la vie, "voir Dieu face à face". Cela tout esprit ne peut que le désirer… Vous avez raison.

2-     Elle révèle les conditions requises pour accéder à ces "noces éternelles": l'amour et l'humilité absolus "Le plus grand est le plus petit". Ces deux conditions, loin de plaire à l'orgueilleux, les révulsent…

3-     Elle révèle la vérité de notre cœur, la vraie nature de nos comportements, la part d'égoïsme en nous: "Tout genou fléchira devant lui." Face à cela, l'homme de bonne volonté répond: "Je ne suis pas digne de ton amour. Prends pitié de moi". Mais l'orgueilleux répond par le mépris pour ce "pseudo-salut". Le cycle de la damnation, des remords haineux et des grincements de dent commence à cet instant précis.

4-     Au contraire, l'apparition de Lucifer dans sa gloire provoque chez le damné une vraie et totale conversion à son projet mondial, où le fort, l'intelligent, règne.

 

Vous écrivez: Tous les pécheurs (j'ajoute: "de bonne volonté"), lorsqu'ils verront la beauté du Christ, ne vont-ils pas renoncer à la vanité du péché de manière systématique. Oui. Le problème n'est pas pour ces pécheurs là mais pour les vrais pécheurs, ceux qui sont de mauvaise volonté: C'est ce que Jésus semble dire dans ce texte: " Matthieu 12, 31 Aussi je vous le dis, tout péché et blasphème sera remis aux hommes, mais le blasphème contre l'Esprit ne sera pas remis. Et quiconque aura dit une parole contre le Fils de l'homme, cela lui sera remis; mais quiconque aura parlé contre l'Esprit Saint, cela ne lui sera remis ni en ce monde ni dans l'autre."

Saint Thomas d'Aquin commente (Ia IIae: les espèces du péché mortel): Le péché contre le Père, c'est le péché mortel que l'homme commet par faiblesse; Le péché contre le Fils est le péché mortel commis par ignorance; Mais le péché contre l'Esprit est parfaitement lucide, volontaire et conscient. Lui seul conduit dans la damnation éternelle.

En effet, on veut toujours le bien quand on le perçoit comme tel; Les damnés ne voient qu'un mal dans l'humilité et l'amour qui règnent au paradis et à la mesure desquels chacun devient grand devant Dieu. Son bien réel, à lui, (qui est en fait un bien apparent), c'est la liberté, la dignité, l'autonomie qui règnent dans l'enfer. Ainsi, l'enfer est choisi par le damné, (comme un bien qu'il perçoit comme tel).

 

Vous écrivez: Si l'on voit le Christ en pleine lumière (sans pesanteur/obstacle d'aucune sorte) on comprend infailliblement qu'il est notre Bien; Ce que vous dites est vrai: on comprend infailliblement qu'il est notre Bien. Pourtant, les damnés rejettent avec violence ce bien que leur intelligence, dans sa nature droite, sait être le vrai bien. C'est d'ailleurs ici toute l'histoire de la lutte entre Lucifer et Michaël que rapporte l'Ecriture. Lucifer proclamait: "Je ne me révolte que pour le bien de Dieu! Son projet fondé sur l'humilité est absurde. Dieu perdra son statut de Dieu". L'archange révéla en une phrase la vérité, celle que Lucifer cachait: "Le vrai motif de ta révolte, c'est que tu vas perdre, toi le plus intelligent, ta place de premier. Qui est comme Dieu (Michaël) pour que tu te révolte ainsi?"

 

Vous écrivez: Donc, on ne peut que le vouloir, car sa Bonté dépasse infiniment celle de tout autre bien. Ce que vous dites n'est pas juste si vous parlez de l'apparition de l'humanité glorieuse de Christ. Ce serait vrai si, à l'heure de la mort, l'homme voyait directement l'essence infinie de Dieu, directement et sans le voile de l'humanité. Dans ce cas effectivement, on ne pourrait que le vouloir car nul ne rejette l'essence même du bonheur. Au contraire, l'humanité du Christ, même glorieuse, n'est qu'une créature. Si elle révèle parfaitement qui est Dieu "Qui m'a vu a vu le Père", elle ne happe pas la liberté humaine. Un homme peut parfaitement, quoique en brûlant, le rejeter.

 

Votre thèse, par sa générosité, débouche sur un optimiste radical : bien peu d'hommes se damneront, et peut-être même aucun. Je n'en suis pas sûr… Je pense même l'inverse. Beaucoup d'homme risquent de dire: "l'enfer est donc le même jardin que le paradis, mais sans ces ridicules vertus d'humilité et d'amour poussés jusqu'au mépris de soi? L'enfer est donc le paradis de la liberté individuelle? Cette liberté n'est-elle pas ce que j'ai cherché toute ma vie?" Je suis très inquiet en voyant les larmes de la Vierge face à la génération de mai 68 qui professe exactement cette philosophie là. J'espère que Dieu, dans les vieux jours de cette génération, va trouver le moyen qu'il faut pour la ramener face au mal réel qui règne dans l'enfer, comme la porte de tous les autres maux: la solitude, l'absence d'amour, l'absence de Dieu.

 

3- SE TENIR PRET POUR L'HEURE DE LA MORT PERD DE SON SENS: J'ai du mal à voir comment se concilie cette thèse avec les paroles du Seigneur nous exhortant à nous tenir prêt, à tenir notre lampe allumée pour l'arrivée de l'Epoux.

Résumé de ma réponse: Longtemps, on a interprété ces paroles à la manière dont une souris est prise au piège par sa tapette (la mort) et reste pétrifiée. Son vrai sens semble être: le salut est l'essentiel. Il doit tout motiver dans notre vie !!!

 

L'Eglise enseigne en effet qu'une personne mourant en état de péché mortel est immédiatement précipitée en enfer. Effectivement, c'est un dogme proclamé infailliblement par l'Eglise. Comme vous j'y adhère totalement. Mais les dogmes doivent toujours être confrontés à ceux qui les complètent. Voici un autre dogme, rappelé par le Concile Vatican II: “Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu seul connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal” (GS n° 22, 5, trad. officielle). Parce que saint Augustin et saint Thomas n'ont pas tenu compte de ce deuxième dogme, pourtant explicite dans l'Ecriture, qu'ils ont établi la théorie de la damnation des païens (état de mort spirituelle due à l'ignorance, au péché contre le Verbe) et des enfants morts sans baptême (état de mort spirituelle due au péché originel). Nous savons maintenant, et ce de manière dogmatique, que c'est impossible: le péché originel sera pardonné, ainsi que la mort spirituelle par ignorance ou faiblesse.

 

Or, une personne en état de péché mortel, dans votre thèse, aura toujours "le temps" de se déterminer pendant l'heure de sa mort.

C'est absolument nécessaire sans quoi la damnation éternelle peut être imposée aux faibles et aux ignorants, ce que Jésus rejette totalement dans le texte cité ci-dessus sur le péché contre l'Esprit.

Conclusion: Ainsi donc, les passages sur "se tenir prêt", "je viens comme un voleur", ne peuvent signifier un piège qui tomberait aveuglement et pétrifieraient pour l'éternité un homme en enfer, mais l'énorme enjeu et l'importance de centrer ses intentions et sa vie, de manière habituelle, vers le retours du Christ.

 

En revanche, si la mort ne dure qu'un instant très bref (comme j'ai tendance à le croire), elle n'a pas le temps de se convertir (sauf miracle, ou du moins grâce spéciale) et se trouve immédiatement damnée.

Quand vous parlez de miracle, vous faites comme saint Thomas d'Aquin. Il ne l'a fait qu'une fois, sans doute à cause de la gêne où le met sa thèse habituelle sur la damnation des païens. Il parle de ce miracle, pour régler la question de la damnation des hommes qui n'ont pas la charité par ignorance de l'existence de cette charité: De Veritate, 14, 11, 1: « A un homme qui, sans y mettre d’obstacle, suivrait la raison naturelle pour chercher le bien et éviter le mal, on doit tenir pour très certain que Dieu révélerait par une inspiration intérieure les choses qu’il est nécessaire de croire ou lui enverrait quelque prédicateur de la foi, comme Pierre à Corneille. »

Pour ma part, je pense que ce n'est pas un miracle mais le lot de tous les hommes, sans exception.

 

Le péché mortel prive de la grâce de Dieu, certes, mais il ne damne que si l'on y persiste à l'heure de la mort qui peut durer très longtemps, en faisant comprendre à quel point l'on a eu tort, tout ce que l'on va perdre si l'on persiste, tout ce que l'on va gagner si l'on s'humilie. C'est tout-à-fait ce que je pense sauf que, visiblement, nous n'avons pas la même notion du péché mortel. Je pense qu'il y a là un point important à régler entre nous.

 

Pour moi, pour saint Augustin, le péché mortel n'indique pas seulement le péché volontaire contre l'Esprit Saint, mais tout état sans la vie de Dieu. Exemple: Nicodème, à qui Jésus dit: "Tout homme à moins de naître d'en haut etc." était un homme droit, il avait la foi juive et pourtant il était spirituellement mort "par ignorance": "Tu es docteur en Israël et tu ignores cela?"

 

Pour vous, le péché mortel semble viser le seul péché conscient, libre et volontaire (le péché contre l'Esprit). Dans ce cas, lorsque vous dites: "mais il ne damne que si l'on y persiste à l'heure de la mort qui peut durer très longtemps", vous employez l'expression l'heure de la mort qui peut durer très longtemps pour parler de l'agonie sur le lit de mort et non, comme moi, des instants qui suivent l'arrêt du cœur. Dans ce cas, vous écrivez quelque chose (selon moi) de réel: La longue souffrance de cet agonisant dont vous parler peut effectivement produire un effet positif: un retour sur soi, une humilité, un rejet des valeurs mondaines qu'il aura défendu pendant sa vie. Cette conversion en fera un homme de bonne volonté.

Pourtant, cet effet positif le laisse EN ETAT DE MORT SPIRITUELLE. Il ne fait que le DISPOSER à cette renaissance (Voir encore une fois la 6° session du Concile de Trente). Il manque à cet homme plusieurs choses essentielles qui seules peut le faire entrer dans la Vie de la grâce: A titre de disposition, LA FOI (et il n'est pas en son pouvoir de l'avoir. Seul Dieu peut lui donner), et L'ESPERANCE (idem) et donc, à titre absolu, la CHARITÉ (qui et une amitié cœur à cœur avec Dieu et qui ne peut exister sans la foi, l'espérance car on n'a pas d'amitié pour quelqu'un qu'on ignore).

 

 

Donc, les sacrements (confession et sacrement des malades en particulier), qui nous permettent de recouvrer la grâce, deviennent très facultatifs. Non, ils sont indispensables. Cependant: ils ne le sont pas en eux-mêmes, (en ce sens que sans les avoir reçus formellement, avec leur forme canonique, nul ne serait pas sauvé). Ils le sont à cause de leur effet (ou plutôt, il serait plus juste de dire que leur effet est indispensable). Heureusement, il y a d'autres manières d'en obtenir cet effet. (voir saint Thomas d'Aquin, IIIa pars, les sacrements distinction entre dans les sacrements entre 1- le signe sensible, 2- le signe qui donne la grâce et 3- la grâce en elle-même).

Exemple: Le sacrement de pénitence n'est pas nécessaire en tant que forme sacramentelle (avec absolution) mais il est absolument nécessaire par la grâce qu'il porte: qui peut se prétendre ami de Dieu et refuser de demander pardon pour ses péchés?  

Même chose pour le sacrement des malades: Nul ne peut entrer au Paradis s'il reste attaché à quelque reste du péché. Mais la forme sacramentelle n'est pas en elle-même un piège. Elle est une aide. L'homme qui arrive de l'autre côté avec ces restes de péché sera sauvé, dit saint Paul, comme à travers un feu, c'est-à-dire à travers d'autres purgatoires.

 

4- LE POIDS D'ETERNITE DE CHAQUE ACTE DE NOTRE VIE EST CONSIDERABLEMENT AMOINDRI

Résumé de ma réponse: L'arbre tombera du côté où il penche. Et ce qui le fait pencher dans tel sens, c'est sa longue croissance terrestre.

 

A quoi sert la vie, chaque instant de notre existence terrestre, si à l'heure de la mort, je peux m'affranchir des conséquences de mes actes d'une manière aussi aisée.

A l'heure de la mort, l'humanité arrive dans des états de vie ou de mort spirituelle multiples. Certains n'ont que le péché originel; d'autres n'ont vécu dans l'égoïsme parce qu'il pensaient que le néant les attendait etc. D'abord,

Pour tous les hommes, la vie terrestre donne l'existence (elle ne donne que cela aux enfants morts sans baptême). Ceux là sont sauvés selon sainte Thérèse de l'Enfant Jésus: "Un petit enfant, cela ne se damne pas".

Pour la plupart des hommes, la vie construit leur croissance naturelle, les ouvre à la lucidité, puis les détermine dans telle ou telle intention purement humaine sans aucune vie surnaturelle, et ce dans une liberté fragile (conséquence du péché originel), une grande ignorance du salut ("Ils n'auraient jamais tué le Messie de gloire s'ils l'avaient connus").

Pour la plupart des hommes, la souffrance et la mort apprennent un début d'humilité, ce qui est une première disposition au salut.

Pour quelques hommes, privilégiés, le don est foi, dans la foi, de savoir parfaitement ce qu'ils font sur terre (l'amour de Dieu, la vision béatifique, l'humilité, l'amour).

 

Dans ces multiples états intérieurs, chaque homme développe, au fond de lui, une disposition difficile à juger pour ces deux choix qui vont déterminer son destin éternel: l'égoïsme ou l'amour.

La Parousie du Messie, accompagné des saints et des anges, accompagné de l'apparition de Lucifer, le Prince de l'enfer, va révéler cette disposition acquise durant toute la vie et ce de manière parfaite, sans qu'il y ait de voie médiane. Mais qu'est-ce qui vous a fait tel que vous êtes? Votre vie terrestre. Donc elle est bien ESSENTIELLE (sauf pour les enfants morts trop tôt)…

Mais sans cette Parousie du Christ, vous les damnez presque tous sans distinction car ils ont tous en commun… la mort spirituelle…

 

La vie doit nécessairement avoir une pesanteur forte sur l'heure de la mort. Absolument.

 

L'homme n'est pas un ange, et son choix ou son refus de Dieu s'effectue dans le temps. Puisque pour beaucoup d'hommes, il n'est donné avant l'heure de la mort aucune possibilité de poser ce choix portant sur la CHARITE (ou son refus) (pas de foi communiquée, pas de missionnaire venu parler selon saint Paul: "Romains 10, 9 En effet, si tes lèvres confessent que Jésus est Seigneur et si ton coeur croit que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé. Mais comment l'invoquer sans d'abord croire en lui? Et comment croire sans d'abord l'entendre? Et comment entendre sans prédicateur?") c'est donc que le temps du choix définitif doit être donné dans cette partie de la vie terrestre, le passage de la mort. Vous le voyez, ce ne peut être une révélation instantanée mais un temps, un cheminement, un passage parce que L'homme n'est pas un ange.

 

5- LA NECESSITE D'UNE CONTRITION PARFAITE POUR LE PARDON DES PECHES EN DEHORS DU SACREMENT DE PENITENCE

Résumé de ma réponse: Contrition parfaite: absolument nécessaire au salut éternel. Attachement à quelques restes du péché, manque d'humilité parfaite: le purgatoire lavera cela.

 

Vous écrivez: Le concile de Trente (et le CEC) enseigne qu'il faut une contrition parfaite pour obtenir le pardon de Dieu en dehors du sacrement de pénitence. Je ne sais pas si le Concile ajoute en dehors du sacrement de pénitence.

Mais, dans le cadre de ma thèse, celui qui voit le Christ (qu'il ait ou non reçu le sacrement de pénitence) ne peut demeurer que dans deux états possibles: une contrition parfaite ou un péché mortel parfait, un des six blasphèmes contre l'Esprit Saint. Le souffle du Christ ne permet pas d'état intermédiaire. Face à lui, on l'aime de tout son cœur ou on le rejette de tout son cœur.

Ainsi se trouve conforté ce dogme constant de l'Eglise: "Après la mort, nul ne peut aimer plus." Le degré de charité est total. Pourtant, une chose peut ne pas être parfaite: c'est l'humilité. Certains disent à Dieu: "Je t'aime de tout mon cœur. Alors tu verras, pour toi, je vais changer, devenir digne de toi." Ceux là se mettent au purgatoire.

Les prostituées, sans illusion sur elles, disent probablement plus vite: "Je ne serai jamais digne de toi". Aussi, si l'on suit Jésus, elles devancent les gens normaux au paradis!!

 

 

J'espère, chère Fabio, que ce n'est pas trop long à lire et que cela aura débroussaillé au moins certaines objections. N'hésitez pas à m'écrire si des points restent obscurs.

Cordialement à vous aussi,

 

Arnaud

 Objections sur l'heure de la mort
 

From: "Fabio Schmitz" <fabioschmitz@hotmail.com
To: <a.dumouch@free.fr
Sent: Saturday, September 04, 2004 10:09 PM
Subject: Merci

Monsieur,

Je tiens à vous remercier pour votre réponse très claire. Vous m'avez permis de comprendre des distinctions qui m'échappaient. Votre thèse, plus que séduisante, est robuste et convaincante. Aussi, je voulais vous féliciter pour la rigueur de votre travail et la qualité de votre réflexion théologique.

Je ne vois pas d'inconvénient à ce que mes objections et vos réponses figurent sur le forum de votre site.

Merci encore pour votre réponse.
Cordialement,

Fabio SCHMITZ.