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Comment Dieu rendit humble le christianisme
(Attention, ceci n’est pas une prophétie. Juste un conte.)
Je m’appelle Giovanni-Maria.
Nous voyons le monde comme une tapisserie retournée : les fils sont croisés, les nœuds sont visibles, et l’harmonie du dessin n’est pas évidente. Mais, lorsque nous entrons dans l’autre monde, d’un coup, la tapisserie est retournée par Dieu, en pleine lumière, et la raison de tout se révèle. Cette raison tient en deux mots : l’eau et le sang qui sortent du cœur de Dieu (Jean 19, 34), autrement dit, pour parler un langage clair : l’humilité et l’amour qu’il nous faudra tous acquérir pour voir Dieu un jour, car il est ainsi.
Je fus pape sous le nom de Pie IX. J’ai conduit les brebis du Christ plus longtemps que tous les autres papes de l’Histoire et j’ai vu beaucoup de choses inouïes. C’est sous mon pontificat que les États du Vatican furent volés au siège apostolique. Les Francs-maçons qui étaient à la source de cette spoliation, je les ai excommuniés. Don Bosco, qui était prêtre et mon ami, est venu me voir à cette époque et m’a dit : « Très Saint Père, laissez-les prendre vos États. Cela vient de Dieu. C’est la prophétie qui commence (Jean 21, 18) : “En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu mettais toi-même ta ceinture, et tu allais où tu voulais ; quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas.” »
Je n’ai pas compris ce qu’il disait. Comment l’aurais-je pu ? La grâce ne m’avait pas été donnée et il fallait que je réalise cette prophétie : “où tu ne voudrais pas.” Je me suis alors enfermé au Vatican. Puis j’y suis mort comme tout le monde meurt. Dieu et ses amis se sont occupés de ce qu’il restait à sanctifier dans mon âme. Maintenant que je vois la tapisserie à l’endroit, je comprends.
Je viens souvent dans ce monde et je m’assois au Vatican. Je suis discret : ne pas se montrer. Respecter les lois du silence. Puis je me promène dans les vastes couloirs. Je vois tout maintenant du point de vue de Dieu qui est sans cesse avec moi. J’accompagne mes successeurs. Je les observe et je constate comme ils se sont bien comportés depuis mon départ. Tous ont été prophètes, sans exception, et bien mieux que moi. Ils peuvent agir ainsi car ils n’ont plus à consacrer leur énergie aux Etats. Leur charge spirituelle peut les accaparer. Comme il avait raison, saint Jean Bosco ! Il y a eu Léon XIII, d’abord : il a écrit tout ce qu’il fallait dire contre le capitalisme pur qui réduisait en esclavage les habitants de l’Europe. Le plus souffrant a été Benoît XV. Quel courage ! Il a maudit la guerre de 14 et s’est mis à dos les deux camps parce qu’ils voulaient s’entre-déchirer jusqu’au bout. Pie XI est le pape qu’il fallait. Il s’est entouré du futur Pie XII et a condamné les deux bêtes : communisme et nazisme. Pie XII, je l’ai vu agir avec habileté et détermination sous le règne d’Hitler, assez discret pour ne pas attirer le monstre, tout en cachant dans la robe de l’Église près d’un million de Juifs qui sont le peuple de Jésus. Paul VI et Jean-Paul II ont parlé courageusement et en temps voulu, contre l’hédonisme qui tue des millions d’enfants par avortement, qui déchire les familles. Et les papes n’ont pas fait que combattre les six antichristianismes qu’a produits l’Europe. Ils ont aussi cultivé la vigne, faisant progresser la vie spirituelle des chrétiens, prêchant à temps et à contretemps.
Tous sont avec moi dans la gloire. Et le monde ne les a jamais remerciés. Bien au contraire, malgré la vérité de leurs prophéties, la haine du monde envers la parole de la Sainte Église n’a cessé de croître. Benoît XV a été accusé d’avoir béni les canons, ce qui est un comble. Pie XII d’avoir été pour Hitler, ce qui est la plus grande des calomnies. Jean-Paul II qui parlait de fidélité conjugale, a fini par être accusé d’être cause du sida en Afrique.
Je suis intervenu auprès de Marie, la Grâce au sourire, la protectrice de l’Église. Car elle laisse faire cette injustice. Je lui ai demandé d’intervenir auprès de Dieu pour qu’elle cesse. Elle m’a dit : « Laissons faire. Gardons toute justice pour après leur vie terrestre. En attendant, regarde ! »
Et j’ai vu l’humiliation des attaques injustes produire dans le cœur des chrétiens une fleur magnifique, blanche avec des reflets d’argent : l’humilité. Il aurait été impensable, à mon époque, que le pape fasse repentance pour les fautes passées des chrétiens. Jean-Paul II, le grand pape, l’a fait. Il a montré tous les péchés de l’Histoire, ceux du temps où l’Église, séduite par le pouvoir, domina le monde.
J’ai pu voir le futur dans les yeux de Dieu que je vois face à face. C’est magnifique. Cela se termine en une immense victoire, plus belle que celle que j’aurais imaginée du temps de ma vie terrestre et dans mon impatience. La victoire que prépare Dieu n’aura pas de fin. Cette persécution va empirer. Les habitants du monde ne cesseront de mettre en exergue le comportement de certains prêtres pécheurs, que l’on trouve à toute époque, en réduisant le comportement de toute l’Église à leurs excès. Les prêtres sont tirés du peuple. Qu’y a-t-il d’étonnant qu’ils pensent majoritairement selon les idées majoritaires du temps ? Après la grande guerre religieuse du XXIe siècle, une génération se lèvera qui assimilera toutes les religions à la barbarie. Elle reprendra les textes des clercs, eux qui demandaient de ne pas identifier l’islam à l’islamisme, et elle dira : « Voyez ! Ils les ont soutenus ! L’Église était pour l’islamisme fanatique qui nous a imposé toute l’horreur. C’est qu’elle espérait retrouver dans sa victoire un peu de son pouvoir perdu ! »
Folie !
J’ai vu les chrétiens de cette époque, leur paix et leur vie intérieure. Ils ne se sont pas défendus en élevant le ton. Ils n’ont pas protesté avec véhémence. Ils prenaient tout spirituellement, préoccupés surtout de plaire à Dieu (Isaïe 53, 3) : « objet de mépris, abandonnés des hommes, hommes de douleur, familiers de la souffrance, comme quelqu’un devant qui on se voile la face, méprisés. »
J’ai vu ensuite la réaction des habitants du monde au moment du retour du Christ, quand la vérité des choses leur est apparue. Beaucoup, bouleversés, se frappaient la poitrine en reconnaissant (Isaïe 53, 4) : « Nous ne faisions aucun cas de ces croyants. Or ce sont nos souffrances qu’ils portaient et nos douleurs dont ils étaient chargés. Et nous, nous les considérions comme punis, frappés justement, et humiliés. Mais eux, ils ont été transpercés à cause de nos crimes, écrasés à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix était sur eux, et dans leurs blessures nous avons trouvé la guérison. Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Dieu a fait retomber sur eux nos fautes à tous. Maltraités, ils s’humiliaient, ils n’ouvraient pas la bouche, comme l’agneau qui se laisse mener à l’abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette, ils n’ouvraient pas la bouche. Par contrainte et jugement ils ont été saisis. Leurs religions ont toutes été interdites. Parmi leurs contemporains, qui s’est inquiété qu’ils aient été retranchés de la terre des vivants, qu’ils aient été frappés pour le crime des habitants de ce monde ? »
J’ai vu comment, devant l’Église des derniers temps, le Ciel sera bouleversé. Car cette Église ressemblera enfin au Christ, eau et sang, humilité accompagnée de l’amour. Il nous est facile, à nous qui sommes au Ciel, de ressembler à Dieu puisqu’Il est toujours face à nous. Mais ceux de la terre n’ont rien que leur confiance et quelques textes… et l’Esprit Saint, bien sûr. Mais Il est aussi caché qu’une brise légère.
Devant tant de merveilles spirituelles, j’ai vu qu’il était proche, le moment où le Christ n’attendrait plus et viendrait manifester la beauté de toutes ces âmes. (Isaïe 63, 19) « Ah ! si tu déchirais les cieux et descendais… »
Arnaud Dumouch, 6 janvier 2006