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Kelly, jeune fille assassinée

Le sens de la souffrance

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Kelly, jeune fille assassinée.

Le mercredi 17 septembre 2003. Une jeune fille de 16 ans, Kelly Marchand, est retrouvée par des promeneurs dans un sous-bois. Son corps dénudé flotte à la surface d’un étang. Partie chercher sa petite soeur à l’école, elle a disparu depuis la veille. Rapidement, on découvre qu’elle a été violée puis torturée et assassinée. Le tueur est rapidement identifié. C’est un marginal de 19 ans. Il dit avoir agi sous l’influence de la drogue. Il prétend ne se souvenir de rien. En juin 2005, il est condamné à 20 ans de réclusion criminelle par la cour d’Assises de Charleville-Mézières. Les parents de Kelly sont restés sur terre, dans la douleur.

 

Le jour de l’enterrement de Kelly, ses amis lurent cette lettre :

« Petite soeur, Oublie tes erreurs et tes peurs. Ils n’existent plus. Les faux pas que tu as pu commettre sont tous oubliés. Notre seule envie serait de t’offrir une vie nouvelle, idéale, sans peine et sans mal. Tout a changé le jour où on nous a annoncé cette horrible nouvelle. Si jamais le monde était trop cruel, on était toujours là pour toi…

Tous tes amours devaient être sûrs et tous tes amis sincères. On rêve pour toi d’un domaine où la haine est la seule étrangère. Où que tu sois, nous espérons que pour toi, tout ira bien, que tu ne seras jamais seule, que tu ne manqueras de rien. Nous voudrions pouvoir tout savoir pour nous donner une vision plus claire… Notre seul désir serait de te voir revenir parmi nous. Pour nous, tu ne nous quitteras jamais car tu seras toujours présente dans nos coeurs. »

L’heure de ma mort

« Kelly, nous ne pouvons t’oublier. Tu étais une fille lumineuse par le physique, discrète et calme par le comportement. Nous avons tous en tête le souvenir de ton regard et de ton sourire qui étaient uniques. Tu étais belle et tu as été détruite, souillée par un barbare, alors que tu étais partie chercher ta petite sœur à l’école.

Réponds à nos questions, à travers la voix de l’Église. Où es-tu ? Pourquoi ta souffrance ? »

— Lorsque je me suis réveillée, j’étais en dehors de mon corps. Surtout, j’éprouvais une incroyable paix. Je n’avais plus la terreur, ni la douleur, ni les tremblements. J’ai tout de suite compris que je mourais.

On m’avait raconté longuement en classe (j’étais scolarisée en Belgique où il y a un cours de religion), la sortie du corps. Auprès de moi, j’ai senti la présence d’un guide invisible. Il m’a dit : « Visite les tiens. » J’ai pensé à maman et, tout de suite, j’étais auprès d’elle. Ensuite, j’ai fait une caresse à papa, là où il était, à mon frère, à mes amis. Personne ne me voyait. Moi, je les voyais et, en pensant très fort à eux, j’ai suscité une pensée à Myriam, ma petite sœur, pour moi.

— Tu dis : « je les voyais ». Tu avais donc un corps ?

— Oui, c’était mon corps, intact, sans coupure ni souillure, avec mes bras et des jambes et une impression de légèreté totale. Il m’obéissait, se déplaçant à volonté, comme l’éclair. Au-dessous de moi, j’ai aperçu ma dépouille, comme une église profanée. Il faudra beaucoup prier pour le profanateur.[1] Dites-le à mes amis.

— Qui était ce « guide » qui t’accompagnait ?

— Mon ange gardien, chargé du salut de mon âme. Ensuite, il m’a demandé si j’étais prête.

Une porte s’est ouverte au dessus de moi. C’était bien un tunnel, un passage vers l’autre monde, comme le racontent des témoins revenus de la mort. J’étais attirée vers lui car il en sortait une lumière faite d’un sentiment de bonheur. Tout ce qu’on m’avait appris me revenait en mémoire. Je savais maintenant que j’allais voir, de mes yeux, le Sauveur. J’étais émue. Qu’allait-il penser de moi ?

— Le Sauveur ?

— Oui, mais avant lui, alors que j’avançais dans le tunnel, j’ai vu une dame. Elle semblait avoir mon âge. Son corps est comme fait de couleurs, qui semblent sortir de son âme. J’étais hors de moi. Je n’avais jamais vu rien de si beau. C’était la Vierge Marie. Elle ne m’a pas quittée un instant, jusqu’à la fin de mon jugement dernier.

Ensuite est apparu le Sauveur, sous la forme d’un Être de lumière… et chaque couleur est comme une qualité de son cœur. J’ai été comme aspirée en lui. J’aurais voulu me fondre dans tout cet océan de tendresse.

— Mais tu ne pouvais pas aller bien. Ce n’est pas possible ? Tu venais de mourir dans les tortures ?

— J’avais tout oublié. Tout est si simple là-haut. Mes souffrances, la vue de Marie et de Jésus les avait guéries, d’un coup.

— Et ensuite ?

— Ensuite, je me suis vue entourée de milliers de gens. J’en ai reconnu certains. Ma famille déjà décédée était là. J’ai reconnu Julie et Melissa et de nombreuses jeunes filles martyres. J’étais le centre de toute l’attention. Il ne régnait que de la joie.

Ensuite, Jésus m’a dit : « Regarde ta vie ». Devant moi se sont mis à défiler, comme un film, tous les événements marquants de mon passé. Je me suis vu naître. J’ai vu le visage jeune de maman penché sur mon berceau, et tous les soins que j’avais reçus d’elle. Quand Jésus me montrait un acte bon venant de moi, il m’en félicitait ; lorsque c’était un gros péché, un acte d’égoïsme, il me le disait, en toute franchise, mais sans jamais me condamner. J’ai vu aussi mes (trop) nombreux petits copains. A la fin de ce film, j’étais bouleversée. Tout était vrai. J’étais désolée pour les fois où je m’étais mal comportée. Je me trouvais indigne de tant d’amour à la vue de ce que j’étais vraiment. C’était une souffrance bien plus douloureuse que ma mort elle-même. Je m’en voulais de tant avoir déçu Dieu. Jésus lui, loin d’être déçu, semblait se réjouir de mes larmes de regret.

Alors est apparu l’Ange de lumière.

— L’ange de lumière ? Tu veux dire un autre ange ou un autre Être de lumière ?

— Non, c’est tout autre chose. Jésus répandait de la douceur, de l’humilité. Cet ange-là répandait une autre lumière avec une grande dignité, de la noblesse. Les chrétiens l’appellent Lucifer.

— Lucifer, mais c’est le diable ?

— Ce n’est pas comme cela qu’il m’est apparu. Il était beau, vraiment séduisant. Il avait une sorte de corps de lumière, mais une lumière faite de plein de couleurs, sans aucune chaleur. Il s’est mis à parler. « Dieu te propose un monde curieux : chacun se fait serviteur des autres, chacun vit « couché », dans le repentir et la petitesse. Je te propose, si tu m’écoutes, de vivre debout, digne, dans une indépendance totale ».

A ce moment, Jésus était comme effacé. Lucifer a repris le film de ma vie. Mais il l’a lu tout autrement. Il me rappelait les avantages, les plaisirs, que j’avais trouvés dans chacun de mes actes égoïstes. Il m’a montré la liberté que j’obtenais quand je n’écoutais pas les conseils de maman.

J’ai vu l’enfer. C’était un jardin magnifique. Il était rempli d’êtres solitaires et libres. C’était terrible. Tous étaient seuls et agressifs. Ils semblaient brûler de mille passions mauvaises. Je m’y sentais mal. Toute ma vie, j’ai cherché l’amour. Je l’ai souvent fait avec maladresse mais ce n’était pas pour faire le mal.

Je n’arrivais pas à me dégager de Lucifer. Ce qu’il disait était vraiment séduisant pour une partie inavouable de moi. En plus, il disait la vérité. J’avais vraiment agi avec beaucoup d’égoïsme durant ma vie.

J’ai crié vers Jésus. Aussitôt, Lucifer a disparu, comme un livre qu’on roule.

Je pleurais beaucoup. J’ai dit à Jésus. « Je sais maintenant que je ne mérite pas d’aller au Ciel avec toi et Marie. Mais il faut que tu m’y emmènes. Ne m’abandonne pas. »

— Tu as eu envie d’aller en enfer ?

— Non, ou plutôt oui. Tout mon égoïsme m’attirait vers la liberté de l’enfer. Mais le reste de moi aspirait à rester avec Jésus. Je n’aurais pas pu choisir l’enfer. Ils sont fous, ces gens-là. Ils préfèrent tout perdre plutôt que de reconnaître qu’ils ne sont pas des dieux. Mais on n’est pas fait pour vivre sans aimer, surtout quand on a vu Jésus ou Marie. On ne peut pas les décevoir ainsi.

— Que s’est-il passé alors ?

— Il y a eu un grand silence, quelque chose de solennel. Puis une voix, comme un tonnerre, a dit :

« Kelly, trésor de diamants et d’or,
parce que tu as reconnu tes péchés,
parce que tu as su tout de suite que tu ne serais jamais digne,
parce que tu es petite,
je vais faire de toi ma reine.
Veux-tu maintenant partager la gloire de ton Créateur, face à face ? »

 

— On t’a dit cela ?

— Oui. Comme cela, mais sans les mots. C’était comme un océan de bonté et d’admiration qui tombait sur moi. C’était la voix de la Trinité. J’étais toute troublée (Luc, 1, 29). Marie ne m’a jamais lâché la main.

— Qu’as-tu répondu ?

— « Oui … »

— C’est tout ?

— Oui.

— Donc tu es une sainte ?

— Pas au sens où tu le penses. Mes amis qui m’ont connue sur terre le savent bien. J’avais plein de défauts. Je fréquentais avec imprudence certains lieux et certaines personnes. Mais c’est Dieu qui m’a exaltée. Je ne sais pas pourquoi. Je crois qu’il m’admire pour autre chose…

— Et ensuite ?

— Il s’est produit comme un dévoilement, comme « le voile d’un temple qui se déchire, de haut en bas ». Jésus était là. Je voyais toujours son corps de lumière. Mais j’ai vu soudain sa divinité, face à face. J’ai vu le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans un jaillissement d’infini et d’éternité. Je ne peux t’en parler. C’est…… 

(Kelly s’est tue. Il y a eu un long silence, environ une demi-heure). (Matthieu 27, 51) «Et voilà que le voile du Sanctuaire se déchira en deux, du haut en bas ; la terre trembla, les rochers se fendirent, les tombeaux s’ouvrirent et de nombreux corps de saints trépassés ressuscitèrent». Il n’existe pas de texte plus réaliste pour décrire le bouleversement qu’est l’entrée dans la vision béatifique.

Maintenant…

— Et maintenant, Kelly, que fais-tu ?

— Je ne vous quitte jamais. La Trinité a fait de moi sa reine, son épouse. Parce que j’ai vu, dans ma mort puis dans le regard du Christ, que je n’étais rien, la Trinité se considère comme plus petite que moi. Parce que je lui obéis, Elle m’obéit. Elle a mis ses anges à ma disposition, pour vous aider à ma demande.

— Certains d’entre nous veulent faire du spiritisme pour avoir des nouvelles de toi. Vas-tu répondre ?

— Ne faites pas de spiritisme. Si les habitants du Ciel se cachent, c’est vraiment pour votre bien. Je ne répondrai jamais au spiritisme. Attention : il en est un autre qui s’y glisse facilement, pour vous éloigner de l’humilité et de l’amour.

— Vas-tu donner des signes à ta famille pour nous prouver que tu es au Ciel ?

— J’en donnerai à certains, mais pas à d’autres. Le but n’est pas que vous soyez heureux ici-bas, mais que vous le soyez avec moi pour l’éternité (Première parole de la Vierge Marie à Bernadette, lors de l’apparition à Lourdes).[2]

— Viendras-tu nous chercher à l’heure de notre mort ?

— Je vous le promets. Je serai là, comme un témoin discret de votre mariage au Ciel.

— Comment faire pour éviter d’aller au purgatoire après la mort ?

Si vous faites dans votre vie ce que vous pouvez pour aimer les autres (Vous vous rappelez ce qu’on nous disait en classe sur les trois amours sacrés : “Vos vieux parents ; votre amour de jeunesse à qui vous avez promis fidélité ; vos enfants dès leur conception") ;

Si en même temps vous vous regardez avec vérité devant Dieu, sans nier la misère de votre péché ;

Si donc vous arrivez à l’heure de la mort dans ces deux états (amour et humilité), vous passerez par le purgatoire mais comme moi, c’est-à-dire très peu de temps. Vous n’aurez pas d’autre purgatoire que le regard de Jésus. Son regard est « le jour du Seigneur », un jour d’amour et c’est plus dur qu’un jour de colère. Je vous tiendrai la main, ce jour-là, comme Marie l’a fait pour moi.

— Et si on n’est pas comme cela ?

— Il y a beaucoup de gens qui meurent, qui choisissent l’amour, mais qui n’arrivent pas à renoncer à être fiers. Ils disent : « Dieu ! Non, Non ! Attends… Avant de te voir, je dois devenir digne de toi. Tu vas voir. Je vais changer, me réformer… ». Alors ils se mettent librement au purgatoire. Ils se séparent de leurs amis du Ciel et ils le font vraiment par amour. Ce sont vraiment des personnes sincères et aimantes. Et puis un jour, usés à force de se frotter, de se nettoyer sans rien réussir, ils disent : « Seigneur je ne serai jamais digne. Guéris-moi. » Ils entrent alors dans la vision de Dieu. Mais quel temps perdu…

D’autres vont au purgatoire car ils ont vraiment fait du mal aux autres. Ils veulent réparer. Ça, c’est juste de leur part.

— Comment se fait-il que tu ne sois pas passée par le purgatoire ? Tu avais aussi tes défauts ?

— Mes défauts, ils étaient si grands ! Je te montrerai qui j’étais vraiment quand tu viendras me rejoindre. Mais je ne pense pas que mon premier défaut était l’orgueil. Et puis j’ai tellement connu le désespoir dans ma mort. Il m’a été impossible de faire la fière.

— Est-il vrai que nous allons tous ressusciter un jour ?

— Oui, la Trinité l’a promis. Quand vous serez tous venus avec moi au Ciel, Dieu mettra fin à ce monde provisoire. Ce sera fini. Plus personne n’aura à apprendre l’humilité dans ce four de douleur. Alors, il nous rendra nos corps, à tous. Mais il le revêtira de lumière, le rendra immortel. Et ce n’est pas tout. Il créera le monde qui va avec. Vous ne pouvez pas imaginer les cadeaux qu’il prépare en secret, pour chacun de nous, comme si nous étions uniques. Des mondes immenses, des cortèges d’animaux, de la lumière…

— Et les damnés, seront-ils pardonnés un jour ?

Ils ne veulent pas du pardon. Ils sont totalement déterminés dans leur choix. Ils préfèrent mourir de solitude et de malheur plutôt que de renoncer à leur dignité, plutôt que de reconnaître leur soif d’amour.

Alors Dieu respecte leur choix. Eux aussi retrouveront leur corps, immortel. Eux aussi recevront des mondes en cadeau. Mais ils transforment en malheur tout ce qu’ils touchent. Plutôt que de se réjouir à la vue des fleurs, ils se mettent à haïr ce Dieu qui ne peut se montrer face à face qu’aux humbles.

Pourquoi la vie ici-bas ?

— Kelly, dis-moi à quoi ça sert. Pourquoi devons-nous passer par la vie ici-bas ?

— Tu es dans l’émotion quand tu écris cela. Ne pleure pas. Je ne souffre plus. Je vais bien.

Ici-bas, c’était une maison provisoire. C’était juste une étape. Elle n’est pas indispensable pour venir au paradis. Beaucoup d’entre nous sont morts alors qu’ils étaient encore dans le ventre de leur mère. Mais, pour les autres, la vie est une chance formidable pour acquérir certaines qualités.

— Qui a décidé cela ?

— La Trinité. C’est elle qui a tout créé. Maintenant, je la vois face à face. Tout est devenu clair et simple. Elle a tout fait par amour.

— Comment peux-tu parler ainsi ? Tu as été assassinée, cruellement, et il n’est pas intervenu pour te sauver ?

— Pour la Trinité, la mort est comme le passage d’une pièce à une autre. Pour vous, c’est l’impression que tout est détruit. Lorsque je me suis réveillée, après mon assassinat, j’étais bien vivante. J’étais entourée par les anges, les gens du Ciel et mes ancêtres. Jésus était là. Avant de mourir, je possédais une médaille de Marie, la médaille miraculeuse. La Vierge Marie est donc venue me chercher en premier. Je les ai vus vraiment, vivants et lumineux. Ils m’ont consolée. Maintenant, ils ne me quittent plus. J’ai compris la raison du silence provisoire de la Trinité

— Tu étais croyante ?

— Un peu mais pas trop. Comme tous ceux de ma classe. Mes parents ne pratiquent pas beaucoup non plus. Moi, je ne sais pas. Ça n’a pas compté dans l’accueil des habitants du Ciel. Ils sont tous venus me consoler.

— Pourquoi le silence de Dieu ?

— Tu me poses la question la plus difficile. Elle te travaille. Mais elle devrait venir en dernier… Il faudrait d’abord que je t’explique qui Il est. Car tout s’explique par lui.

Humilité et amour

— Bien. Alors qui est Dieu ?

— Je le vois face à face. Je ne parle pas de mes yeux corporels. C’est une vision profonde, de l’intelligence et du cœur. Je ne sais pas comment te le décrire, c’est si grand… Je suis en paix.

Pourtant, deux de ses qualités dépassent les autres. Il les préfère aux autres. La première, c’est l’humilité.

Il est humble. Il se considère comme moins important que moi.

La deuxième, c’est l’amour. Il m’aime plus que sa vie même.

— C’est impossible. Dieu est tout puissant. Il ne peut être humble.

— La Trinité est humble. C’est étonnant mais c’est un fait. Le Père ne cesse d’exalter le Fils. Le Fils exalte le Saint-Esprit. C’est un perpétuel échange d’admiration mutuelle, éternel. Moi-même, la Trinité ne cesse de m’admirer, comme si j’étais Quelqu’un. Elle agit avec moi comme si elle disait : « Je suis le Tout-Puissant. Tu es plus grande que moi. »

— Exalter ? Qu’est-ce que ça veut dire ?

— En classe, on nous avait raconté cette histoire de Jésus : « Juste avant sa mort, il prit un linge et se mit à laver les pieds de ses élèves. Pierre refusa en disant : « Tu es le maître et Seigneur. Tu ne me laveras pas les pieds ». Jésus lui avait répondu : “Celui qui est le maître sera celui qui se fait serviteur. Faites comme moi”. » Eh bien la Trinité ne cesse de me servir. Elle m’exalte. Elle me dit que je suis belle. Elle parle surtout de mon âme. Et je ne le savais pas.

— La Trinité, c’est quoi ?

— C’est Dieu. C’est sa vie éternelle. Le Père depuis toujours contemple l’infini de sa beauté. Le Fils, c’est ça. Ce n’est rien d’autre que la connaissance du Père. Le Père et le Fils s’aiment. Leur Amour, c’est le Saint-Esprit. Je vois trois infinis, puissance, lumière et amour.

— C’est bien compliqué.

— C’est simplement Dieu.

— La Trinité est-elle une femme ou un homme ?

— Elle a toutes les qualités d’un homme : puissance, éternité. Elle a tout créé en un éclair et je vois l’immensité de sa grandeur. Mais elle a toutes les qualités féminines : humilité et amour. Ce sont ces dernières qui expliquent toute la création.

— Et Jésus, qui est-il dans cette histoire ?

— C’est simplement Dieu le Fils. Il s’est fait homme pour venir vous raconter ce que je viens de te décrire. Tout ce qu’il a vécu et souffert ne fait qu’effleurer la grandeur de ce que je vois. La Trinité est l’Humilité et l’Amour.

Pourquoi ta souffrance ?

— Maintenant, tu dois pouvoir me répondre. Pourquoi le silence de Dieu ? Pourquoi ne t’a-t-il pas sauvée de ton assassin ?

— Il m’a sauvée de mon assassin. Celui-ci m’a conduite au désespoir. Puis il m’a bafouée et détruite. Mais, lorsque je me suis relevée, à la porte du Ciel, j’ai été consolée, d’un seul coup, par la Venue de Marie, de Jésus.

— Mais tu ne me réponds pas. A quoi cela lui a-t-il servi de te laisser être violée ?

— Pour voir la Trinité face à face, il est impossible de ne pas devenir comme elle, petite et prête à mettre au-dessus de tout les autres. Je te l’ai dit, la Trinité est vraiment l’Humilité et l’Amour. Pour se faire une idée de ce que je vois, je crois que tu ne peux, depuis la terre, faire autre chose que lire dans les évangiles ce à quoi Jésus s’est soumis. Lui qui est Dieu, il a choisi de se livrer pieds et mains liés à ses assassins. Il s’est abaissé au-dessous d’eux, sans les haïr. Il a subi plus d’outrages que moi, car il a tout ressenti avec l’âme.

Eh bien moi, j’ai subi à 16 ans un peu de sa passion. J’étais auparavant comme beaucoup de filles de mon âge. Je rêvais d’être mannequin, puis esthéticienne. D’un coup, par ce malheur, j’ai appris comme j’étais fragile.

Normalement, j’aurais dû l’apprendre goutte à goutte, en vivant ma vie. J’aurais fait des bonnes choses et aussi de gros péchés. Je pense que je serais devenue comme sainte Marie-Madeleine à la recherche de l’amour humain. Puis je me serais retrouvée, vivante, 70 ans plus tard, dans mon corps devenu vieux et ridé. J’aurais eu peu de visites. J’aurais alors appris la même chose.

— Tu veux dire qu’il faut être violée et assassinée pour voir Dieu ? Si c’est ça, c’est proprement scandaleux !

— Non. Il faut simplement devenir humble et amour, comme la Trinité. Il s’avère que, quand on a souffert, on a plus de chance de comprendre à quel point on n’est rien.

Mais l’important n’est pas la souffrance. Il y a ici des gens qui se sont fait souffrir et n’ont développé que de l’orgueil. Alors la souffrance ne leur a servi à rien et ils doivent tout recommencer au purgatoire. 

— Selon toi, quelles sont les qualités nécessaires pour aller vite au Ciel ?

— C’est simple. Je vais toutes te les résumer en trois. Deux sont vraiment importantes, la troisième n’est qu’une conséquence des deux autres.

Sois humble. Ne te prend pas pour quelqu’un de parfait. Je le vois ici, à part Marie et Jésus, tous mes frères et sœurs ont, ici ou là, péché par égoïsme au cours de leur vie terrestre. Personne n’est entièrement propre et tous le reconnaissent. Toi aussi, n’est-ce pas, tu as déjà été égoïste ? Alors, si tu reconnais vraiment que « tu es un pauvre pécheur », si tu arrives à te comporter sans avoir trop d’illusions sur toi, c’est déjà de l’humilité. Tu te contentes de le reconnaître en le confessant de temps en temps à la Trinité, ou à quelqu’un du Ciel que tu aimes bien. Tu peux aussi utiliser les prêtres et leurs sacrements. C’est un moyen très concret. Dieu fera le reste. Quand tu viendras me rejoindre, tu auras fait le plus gros du travail. Si tu dois encore te purifier, ce sera court.

Aime : Aimer, ce n’est pas éprouver des sentiments, c’est agir. Avec Dieu, c’est simple. Il suffit que, de temps en temps, tu lui dises que tu penses à lui, que tu attends qu’il vienne te chercher. Agis comme tu le fais avec tes amis. A toi de voir la fréquence où tu lui parles, où tu lui écris. Avec le prochain, c’est plus compliqué. Il y a des personnes sacrées : ses parents, surtout quand ils seront vieux. Ne les abandonne pas. L’amour de ta jeunesse (le garçon ou la fille à qui tu as fait des promesses), ne le trahis pas. Tes enfants : garde-les comme un don de Dieu, dès leur conception, et donne-leur une bonne éducation.

Les vertus : Sois droit et honnête. Les vertus morales sont une conséquence de l’amour. Bien des gens vertueux sont devenus fiers en les regardant trop. Ils ont gâché leur éternité. Mais, quand on aime, on ne peut voler, trahir, convoiter l’amour d’autrui. Les dix commandements sont importants. 

— Tu parles « d’écrire à Dieu ». C’est original ?

— Je voulais dire qu’il s’agit d’être ami de Dieu. La prière, ça fonctionne comme une amitié. Il y a certaines personnes qui aiment vraiment leur meilleur ami en lui écrivant une fois par mois. D’autres préfèrent une amitié passionnelle, avec des baisers tout le temps. Ça dépend de la sensibilité de chacun. C’est pareil avec Dieu : il demande une amitié, chacun à sa façon.

— Tu parles de la prière mais pas de la messe. Pourquoi ?

— Comprendre l’eucharistie, c’est une grâce. Je n’en ai pas du tout profité pendant ma vie terrestre. C’est dommage car elle est la plus grande réalisation de Jésus, en vue de la prière bien sûr. Il a réussi à se rendre physiquement présent, tout en se cachant, puisque pour le moment, la règle est que le Ciel se cache. Il se fait réellement pain. Il se mange comme dans un baiser. Après cela, chacun devrait passer des heures à lui parler, à lui raconter ses joies et ses soucis.

— Tu dis : « tout en se cachant ». Pourquoi ne pas se montrer, ce serait plus simple ?

— La Trinité se cache provisoirement. Elle se montre de manière lumineuse, à travers l’apparition de Jésus, de Marie, des saints et des anges, à l’heure de la mort. Puis, dès qu’on est devenu tout petit, la Trinité se montre face à face et sans voile. Le fait qu’elle se cache le temps de la vie terrestre est très profitable : cela fait grandir le désir, de manière incroyable, même chez ceux qui ne croient pas en son existence. C’est comme si on était privé d’eau. On a soif… de Dieu, sans le savoir. Or, là-haut, il se donne en fonction de cette soif…

— A bientôt alors, Kelly ?

A tout de suite. Le temps d’une courte vie. J’arrive avec Jésus et tous les saints du Ciel. Tenez bon. Ça passe très vite. Mais c’est indispensable.

Que personne ne se suicide pour me rejoindre. On ne gagne aucun temps. Pour ceux qui font cette bêtise, tout doit être appris dans les purgatoires de l’au-delà.

Arnaud Dumouch, 23 septembre 2003

 

1. Matthieu 18, 5 : « Mais si quelqu’un doit scandaliser l’un de ces petits qui croient en moi, il serait préférable pour lui de se voir suspendre autour du cou une de ces meules que tournent les ânes et d’être englouti en pleine mer. Malheur au monde à cause des scandales ! Il est fatal, certes, qu’il arrive des scandales, mais malheur à l’homme par qui le scandale arrive ! » [↩]

2. La première traduction était : « Je ne vous promets pas le bonheur dans ce monde, mais dans l’autre ». Autre interprétation plus satisfaisante : « Je ne vous promets pas le bonheur de ce monde, mais celui de l’autre… » Cette traduction semble un bon moyen terme, même s’il est plus éloigné de la lettre ! [↩]

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