Accueil  >  Contes  >  Les contes des purgatoires  >  Moi, pauvre pécheresse

 

Moi, pauvre pécheresse

 

 

Flavia avait 16 ans et elle les aura pour toujours.

C’était une belle journée, ce mercredi 31 mai 2006. Et pourtant, une histoire noire y est ancrée.

Une jeune fille de 16 ans est retrouvée morte, battue par une bande de jeunes garçons qui sévissait pas très loin de son école. C’est dans une petite ruelle qui mène à un terrain de foot, que plusieurs jeunes la retrouvent à genoux, la tête penchée en avant et le front à même le sol. Certains disent que sa position était celle d’une personne qui priait. C’est après l’intervention d’un témoin que les tueurs ont pu être reconnus et arrêtés, pour être jugés et condamnés à 18 ans de prison. Ils prétendent, pour leur défense, avoir agi sous l’effet de la drogue, mais nul ne peut accepter un tel crime. Face au destin tragique de leur fille, les parents demeurent dans l’incompréhension et la douleur.

Flavia nous raconte sa mort, ses angoisses, ses peurs, où elle se trouve aujourd’hui et pourquoi sa souffrance.

 

Au moment où je me suis éveillée, je n’avais aucune peur ni aucune souffrance, j’éprouvais un sentiment de bien-être comme une gigantesque paix à l’intérieur de moi. Je sentais que je mourais et j’étais en dehors de mon corps. J’ai senti un être auprès de moi, plus précisément un guide, mais qui restait invisible.

Il m’a laissé le temps de revoir une dernière fois mes proches pour leur dire au revoir.

J’ai pensé à ma mère et mes frères, et j’étais alors près d’eux. J’ai pris mon père dans mes bras.

J’ai aussi embrassé mes amis qui ne me voyaient pas, mais moi je pouvais les voir.

Je pouvais les voir car moi aussi j’avais un corps, intact, qui me semblait si léger ! Il me déplaçait comme un éclair, là où je le voulais. Mais au-dessous de moi, je voyais ma dépouille pareille à une église profanée.

Ce guide qui était toujours à mes côtés était mon ange gardien, chargé du salut de mon âme.

Il m’a demandé si j’étais prête, et c’est à ce moment-là qu’un tunnel lumineux s’est ouvert devant moi.

Exactement comme celui dont parlent ceux qui sont revenus de ce passage. Il m’emplissait de bonheur.

J’ai alors vu une dame extrêmement merveilleuse, qui était la Vierge Marie. Son corps était comme fait de couleurs émanant de son âme, et elle ne m’a pas quittée jusqu’à la fin de mon jugement dernier.

C’est alors que j’ai vu le Sauveur comme un Être de Lumière dont chaque couleur semblait être une de ses qualités. J’ai été comme aspirée en lui.

Toutes mes souffrances étaient guéries par la vue de Marie, Jésus. Ensuite, je me suis trouvée parmi des milliers de gens décédés eux aussi, mes grands-parents sont venus m’accueillir et tout régnait dans une ambiance de joie.

Puis Jésus m’a proposé de voir ma vie, et pleins d’images se sont mises à défiler devant mes yeux comme un film, j’ai vu beaucoup d’éléments marquants de ma vie.

J’ai vu ma naissance, j’ai vu toutes les attentions que ma mère avait eues pour moi, et j’ai vu aussi mes actes de bonne foi, pour lesquels Dieu m’a félicitée. J’ai vu aussi mon égoïsme. Mais jamais Dieu ne m’a condamnée.

Je me suis trouvée indigne de tout cet amour que l’on m’offrait, à la vue de ce que j’étais réellement. Et j’ai alors pensé que ma mort m’avait causé une peine sans comparaison, plus petite que la peine que j’avais faite à Dieu par mes propres fautes. Mais Jésus était content à la vue de mes larmes de regret.

C’est alors que m’est apparu l’Ange de Lumière, il irradiait une grande dignité, de la noblesse, tout autre chose que Jésus qui répandait de la douceur, de l’humilité. Pour les chrétiens, c’est Lucifer. Il m’est apparu beau, séduisant, et m’a fait revoir le film de ma vie mais avec les avantages de mes actes égoïstes, et une partie de moi n’arrivait pas à se défaire de Lucifer. J’ai vu l’enfer, un jardin merveilleux, cependant chaque être y était comme brûlé de passion vive pour son égoïsme, et il était seul et triste. Mais on n’est pas fait pour vivre sans aimer, et toute ma vie j’avais cherché l’Amour. Alors j’ai crié vers Dieu pour qu’il ne m’abandonne pas, même si je ne méritais pas ma place auprès de Lui et Marie.

À ce moment, Lucifer s’est effacé et une voix solennelle m’a dit :

« Flavia, trésor de diamants et d’or,
parce que tu as reconnu tes péchés,
parce que tu as su tout de suite que tu ne serais jamais digne,
parce que tu es petite,
je vais faire de toi ma reine.
Veux-tu maintenant partager la gloire de ton Créateur, face à face ? »

Ça n’était pas réellement avec des mots, mais cela m’est apparu comme une énorme bonté et une admiration qui tombaient sur moi. C’était la voix de la Trinité, et pendant tout ce temps, Marie ne m’a jamais lâché la main.

Je n’ai répondu que oui, et j’ai senti que Dieu m’admirait pour autre chose que m’admiraient ma famille et mes amis. Et il s’est alors produit un dévoilement car j’ai vu soudain Jésus dans sa divinité, face à face.

J’ai vu le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans un jaillissement d’infini.

Maintenant, je ne vous quitte jamais ; j’ai vu en moi que je n’étais rien, alors la Trinité a fait de moi son épouse.

Je lui obéis et elle m’obéit, et elle a mis à ma disposition ses anges pour vous aider.

Je ne suis pas passée par le purgatoire car j’étais si désespérée de ma mort, et mes défauts étaient tellement grands ! Dieu ne m’a pas sauvée à proprement parler, de mon assassin : il m’a laissé devenir petite pour pouvoir faire face à la Trinité, et devenir toute humble et aimante. Mais le plus important n’est pas la souffrance, car à force de se faire souffrir, on devient orgueilleux.

Il faut pouvoir aimer et être humble. Je vous retrouverai tous un jour, j’en suis sûre.

D’ici là, je veille sur vous, et à l’heure de votre mort je viendrai avec Jésus et les Saints.

La vie est courte mais pourtant indispensable, alors le suicide ne sert pas à aller plus vite mais à passer par le purgatoire pour pouvoir apprendre dans l’au-delà.

Flavia Bianco, 31 mai 2006
Illustrations : Maximilie Sente

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle