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Mt  5  23-24

S. Augustin. (serm. sur la mont., 1, 10 ou 20.) S’il n’est pas permis de se mettre en colère contre son frère, ni de lui dire raca ou vous êtes un fou, à plus forte raison est-il défendu de conserver quelque chose contre lui dans son cœur, et de laisser changer en haine le premier mouvement d’indignation. Aussi le Sauveur ajoute : « Si vous présentez votre offrande à l’autel, et que vous vous souveniez que votre frère a quelque chose contre vous. » — S. Jérôme. Il ne dit pas : « Si vous avez quelque chose contre votre frère, » mais « si votre frère a quelque chose contre vous, » pour vous montrer combien est sévère et pressante la nécessité de la réconciliation. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Notre frère a quelque chose contre nous, lorsque nous l’avons offensé ; nous avons quelque chose contre lui, lorsque nous sommes nous-mêmes les offensés. Dans ce dernier cas, nous n’avons pas à provoquer une réconciliation, vous n’irez pas en effet demander pardon à celui qui vous a outragé, il suffit que vous lui pardonniez, comme vous désirez que Dieu vous pardonne les fautes que vous avez commises. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Si c’est lui qui vous a offensé, et que vous fassiez les premières avances, votre récompense sera grande. — S. Chrys. (hom. 16) Si toutefois la charité fraternelle est un motif insuffisant de réconciliation pour quelques-uns, qu’ils songent au moins à ne pas laisser leur oeuvre imparfaite surtout dans le lieu saint : « Laissez-là votre offrande devant l’autel, ajoute-t-il, et allez vous réconcilier avec votre fière. » — S. Grég. (sur Ezéchiel.) Dieu ne veut donc pas recevoir le sacrifice des chrétiens divisés entre eux. Jugez de là quel grand mal est la discorde, puisqu’elle force Dieu de rejeter le moyen qu’il nous a donné pour effacer nos péchés.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Voyez la grandeur de la miséricorde de Dieu, il préfère notre propre utilité aux honneurs qui lui sont dus ; l’union des fidèles lui est plus chère que leurs offrandes ; tant qu’ils sont divisés entre eux, ni leurs sacrifices ne sont acceptés, ni leurs prières exaucées. On ne peut être l’ami intime de deux personnes ennemies entre elles, et Dieu lui-même ne veut pas être l’ami des fidèles, tant qu’ils demeurent ennemis les uns des autres. Nous ne pouvons donc rester fidèles à Dieu, en aimant ses ennemis, en détestant ses amis. Or la réconciliation doit être de même nature que l’offense qui a précédé. S’est-elle bornée à une simple pensée, réconciliez-vous intérieurement ; avez-vous offensé votre frère par des paroles injurieuses, réconciliez-vous par des paroles charitables ; avez-vous été jusqu’à des actes outrageants, opposez-leur pour vous réconcilier des actes contraires, car la pénitence et la réparation doivent avoir le même caractère que le péché qui a été commis. — S. Hil. (can. 4.) La paix étant assurée avec le prochain, le Sauveur nous ordonne de reprendre l’oeuvre de la paix avec Dieu ; il veut que nous nous élevions de l’amour de nos frères jusqu’à l’amour de Dieu, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Alors vous viendrez offrir votre don. »

S. Augustin. (serm. sur la mont.) Si cette recommandation doit être prise au littéral, on est fondé à croire qu’elle n’est possible qu’autant que notre frère est présent, car ce n’est pas une chose qu’on puisse traîner en longueur, puisqu’on vous commande de laisser votre offrande devant l’autel. Or, si cette pensée vous vient lorsque votre frère est absent, et ce qui peut arriver, au delà des mers, il serait absurde de croire qu’il faille laisser le sacrifice devant l’autel pour le continuer après avoir parcouru les terres et les mers. Nous sommes donc obligés de recourir au sens spirituel et caché de ces paroles pour échapper à une pareille absurdité. Ainsi nous pouvons entendre spirituellement l’autel de la foi, car quelque offrande que nous puissions faire à Dieu, science, prière ou toute autre chose, elle ne peut lui être agréable sans avoir la foi pour appui. Si donc vous vous êtes rendus coupables de quelque offense envers votre frère, il vous faut aller au-devant de la réconciliation, non par les pas du corps, mais par l’élan du cœur. C’est là que vous devez vous prosterner aux pieds de votre frère dans un profond sentiment d’humilité, en présence de celui à qui vous devez offrir votre sacrifice. C’est ainsi qu’agissant en toute sincérité, vous pourrez apaiser votre frère et lui demander votre pardon, comme s’il était présent. Vous reviendrez ensuite, c’est-à-dire vous ramènerez votre intention sur l’oeuvre que vous aviez commencée, et vous offrirez votre sacrifice.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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