Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Matthieu > chapitre 1, versets 12-15
S. Chrys. (sur S. Matth.) Après la transmigration, l’Évangéliste place Jéchonias parmi les personnes privées, comme n’étant lui-même qu’un simple particulier. — S. Augustin. (sur S. Luc chap. 3.) C’est de lui que Jérémie a dit : « Écrivez la déchéance de cet homme, car il ne sortira personne de sa race pour s’asseoir sur le trône de David (Jr 22, 30). Mais comment le Prophète peut-il dire qu’aucun descendant de Jéchonias ne doit régner, car si le Christ a régné et qu’il descende d’ailleurs de Jéchonias, le Prophète s’est évidemment trompé. Nous répondons que le Prophète ne dit pas que Jéchonias n’aura pas de descendant, le Christ a donc pu naître de son sang, et on ne peut opposer à l’oracle du Prophète la royauté de Jésus-Christ, car cette royauté n’a pas été une royauté temporelle, comme Jésus-Christ l’atteste lui-même : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » (Jn 19)
La glose. L’Évangéliste paraît ici en contradiction avec la généalogie qui se trouve au livre des Paralipomènes ; nous y voyons, en effet, que Jéchonias engendra Salathiel et Phadaia ; Phadaia, Zorobabel ; et Zorobabel, Mosolla, Ananie et Salomith leur sœur. Mais nous savons que le texte des Paralipomènes a été fréquemment altéré par la négligence des copistes, et qu’il est pour les généalogies le sujet de difficultés sans fin que l’Apôtre nous ordonne d’éviter. On pourrait peut-être dire que Salathiel et Phadala sont une même personne sous un double nom, ou que ce sont deux frères dont les fils ont porté le même nom, ou l’historien sacré n’aurait suivi que la ligne de Zorobabel, fils de Phadaia, laissant de côté celle de Zorobabel, fils de Salathiel. D’Abias jusqu’à Joseph, on ne trouve aucun document historique dans les Paralipomènes ; mais il existait chez les Juifs d’autres annales, appelées les paroles des jours, et dont Hérode, roi de race étrangère, fit brûler, à ce que l’on dit, une grande partie pour détruire les traces de la race royale. C’est dans ces annales que Joseph aurait peut-être trouvé les noms de ses ancêtres, si d’ailleurs il ne les avait pas conservés d’une autre manière, et c’est d’après ces renseignements que l’Évangéliste aurait dressé la suite de cette généalogie. Remarquons que des deux Jéchonias le premier signifie la résurrection du Seigneur, le second la préparation du Seigneur, et que l’une et l’autre signification conviennent au Seigneur Jésus-Christ, qui a dit : « Je suis la résurrection et la vie. » (Jn 11) Et encore : « Je vais vous préparer une place. » (Jn 14) Le nom de Salathiel, ou ma demande est Dieu, convient aussi au Christ qui a dit : « Père saint, conservez ceux que vous m’avez donnés. » (Jn 17) — S. Rémi. Il est aussi Zorobabel, le maître de la confusion, lui à qui on a fait ce reproche : « Votre maître mange avec les publicains et avec les pécheurs. » (Mt 9) Il est encore Abiud, qui veut dire celui-ci est mon père, lui qui a dit : « Mon Père et moi nous ne sommes qu’un. » (Jn 10) Il est aussi Eliachim ou le Dieu qui ressuscite, selon ces paroles : « Je le ressusciterai au dernier jour. » Il est Azor ou celui qui est aidé, car il a dit : « Celui qui m’a envoyé est avec moi. » Il est Sadoc, le juste ou le justifié, selon ces paroles : « Le juste a été livré pour les injustes. » (1 P 3) Il est Achias ou celui-ci est mon frère, d’après ce qu’il a dit de lui-même : « Celui qui fait la volonté de mon père, celui-ci est mon frère. » (Mt 7) Il est Eliud ou celui-ci est mon Dieu, d’après ces paroles : « Mon Dieu est mon Seigneur. » (Ps. 34) — La glose. Il est Eléazar ou mon Dieu est mon aide, d’après ces autres paroles du Psalmiste : « Mon Dieu est mon soutien. » (Ps 17) Il est Mathan, celui qui donne ou celui qui est donné, car il est écrit : « Il a répandu ses dons sur les hommes ; » (Ep. 4) et encore : « C’est ainsi que Dieu a aimé le monde, qu’il lui a donné son Fils unique. » (Jn 3) — S. Rémi. Il est Jacob, celui qui supplante, car non seulement il a supplanté le démon, mais encore il a donné à ses enfants tout pouvoir sur lui par ces paroles : « Voici que je vous ai donné la puissance de marcher sur les serpents. » (Lc 10) Enfin il est Joseph, celui qui ajoute, selon ce qu’il a dit lui-même : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient en plus grande abondance. » (Jn 10)
Raban. Mais voyons ce que signifient au sens moral les noms des ancêtres du Seigneur. Après Jéchonias, qui veut dire préparation du seigneur, vient Salathiel, ou Dieu est ma demande, car celui qui est déjà préparé par l’Esprit saint ne demande rien que le Seigneur. Il devient encore Zorobabel ou le maître de Babylone, c’est-à-dire des frontières des hommes auquel il fait connaître que Dieu est Père. Alors ce peuple sort du tombeau de ses vices ; ce que veut dire le mot Eliachim ou résurrection, et il ressuscite pour se livrer aux bonnes œuvres intérieures, ce que signifie Azor. Il devient Sadoc ou juste, et alors la charité fraternelle lui fait tenir ce langage : Il est mon frère, selon la signification du mot Achim, et l’amour de Dieu lui inspire ces paroles « Mon Dieu, » ou Eliud. Il devient ensuite Eléazar, ou Dieu est mon aide, parce qu’il reconnaît que Dieu est son secours. Le mot Mathan, qui signifie celui qui donne ou qui est donné, indique le but qu’il se propose, c’est-à-dire qu’il attend les dons de Dieu et qu’il combat contre les vices à la fin de sa vie comme il l’a fait au commencement, ce que signifie le nom de Jacob, et on arrive ainsi à Joseph, c’est-à-dire à l’accroissement des vertus.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.