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Mt  17  14-17

Origène. Pierre, qui désirait cette vie glorieuse qui venait de lui être révélée, et préférait ses intérêts aux intérêts du grand nombre, disait : « Nous sommes bien ici. » Mais la charité ne cherche pas ses intérêts personnels (1 Co 13) ; aussi Jésus n’accéda point au désir de son disciple, il descendit vers le peuple comme de la montagne élevée de sa divinité, afin de secourir ceux qui ne pouvaient monter jusqu’à lui, par suite des infirmités de leur âme. C’est ce que signifient ces paroles : « Et lorsqu’il fut venu vers le peuple. » Car s’il n’était pas venu le premier vers ce peuple avec les disciples qu’il avait choisis, il n’eût pas vu s’approcher de lui cet homme dont il est dit : « Un homme s’approcha de lui, et se jetant à ses pieds, il lui dit : Seigneur, ayez pitié de mon fils. » Remarquons ici que tantôt ce sont les malades eux-mêmes dont la foi sollicite la guérison ; tantôt ce sont d’autres personnes qui la demandent pour eux, comme cet homme prosterné aux genoux de Jésus le prie pour son fils ; tantôt, enfin, le Sauveur guérit de lui-même sans en avoir été prié. Or, examinons d’abord ce que signifient ces paroles : « Il est lunatique, et il souffre beaucoup. » Les médecins interprètent cette maladie à leur manière, ils ne veulent point y voir l’action de l’esprit impur, mais l’effet d’une douleur matérielle ; ils prétendent que les humeurs sont mises en mouvement dans la tête d’après certain rapport d’influence exercé par la lune. Pour nous, qui croyons à l’Évangile, nous disons que c’est l’esprit impur qui est l’auteur de cette maladie dans les hommes. Il observe certaines phases de la lune, et il agit de manière à faire adopter aux hommes cette erreur que leurs maladies sont la suite des influences lunaires, et à leur faire conclure que les créatures de Dieu sont mauvaises. C’est ainsi que d’autres démons observent d’autres signes dans les étoiles pour tendre des pièges aux hommes, et proférer contre le ciel des paroles d’iniquité, c’est-à-dire qu’il existe des étoiles malfaisantes, et d’autres douées de qualités contraires, quand il est vrai de dire que Dieu n’a créé aucune étoile qui puisse faire du mal aux hommes.

« Car souvent il tombe dans le feu, » etc. — S. Chrys. (hom. 57.) Remarquons que si cet homme n’avait pas été protégé par la Providence, il fût mort depuis longtemps ; car le démon qui le précipitait dans le feu et dans l’eau l’aurait fait périr, si Dieu n’eût mis frein à sa fureur. — S. Jérôme. « Je l’ai présenté à vos disciples, et ils n’ont pu le guérir. » Il accuse indirectement les Apôtres, bien que cependant le défaut de guérison ne vienne pas toujours de l’impuissance de ceux qui essaient de guérir, mais du peu de foi de ceux. qui veulent être guéris. — S. Chrys. (hom. 57.) Voyez, d’ailleurs, comme cet homme est imprudent ; c’est en présence de la foule qu’il cherche à indisposer Jésus contre ses disciples ; mais Jésus les justifie aussitôt en rejetant sur lui seul le défaut de guérison. Nous avons, en effet, plusieurs preuves de son peu de foi. Cependant le Sauveur, pour ne pas le décourager, ne fait pas tomber sur lui seul ses reproches, mais sur tous les Juifs ; car il est probable que plusieurs d’entre eux avaient mauvaise opinion de ses disciples. Or, Jésus répondit : « Jusques à quand serai-je avec vous ? » etc., paroles qui nous montrent le désir qu’il avait de sortir de la vie et de souffrir la mort.

S. Rémi. Il faut se rappeler que ce n’est pas seulement de ce jour, mais de longtemps auparavant, que le Seigneur avait à souffrir de la méchanceté des Juifs ; c’est pour cela qu’il dit : « Jusques à quand serai-je avec vous ? » C’est-à-dire j’ai souffert depuis trop longtemps de vos injustices, et vous êtes indignes de ma présence. — Origène. Ou bien, ses disciples n’ayant pu guérir cet homme par suite de leur peu de foi, c’est à eux qu’il adresse ce reproche : « O génération incrédule ! » Il ajoute : « Et dépravée, » pour nous apprendre que le mal a pour cause sur la terre la perversité des hommes, et non leur nature, et c’est, je pense, cette perversité de tout le genre humain qui le fait s’écrier comme accablé sous le poids de tant de malice : « Jusques à quand serai-je avec vous ? » — S. Jérôme. N’allons pas croire que le Sauveur se soit laissé abattre par l’ennui, et que lui, si doux et si pacifique, ait éclaté en paroles de colère ; non, il agit ici comme un médecin qui, voyant un malade aller contre ses ordonnances, dirait : Jusques à quand viendrai-je ici ? jusques à quand perdrai-je mes soins et mes peines, puisque vous faites le contraire de ce que je vous ordonne ? Une preuve qu’il n’est pas irrité contre cet homme, mais seulement contre sa mauvaise disposition, et que dans sa personne il veut reprendre l’incrédulité de tous les Juifs, c’est qu’il ajoute : « Amenez-moi ici cet enfant. » — S. Chrys. (hom. 57.) Après avoir excusé, ses disciples, il inspire au père de cet enfant l’espérance douce et certaine de la guérison de son fils, et pour amener le père à croire à ce miracle, il menace le démon qu’il voit s’agiter et trembler au seul son de sa voix. « Et Jésus le menaça, » non pas celui qui souffrait, mais le démon. — S. Rémi. Il laisse en cela un exemple aux prédicateurs, c’est de reprendre et de poursuivre les vices, mais de soulager les hommes. — S. Jérôme. Ou bien il réprimande cet enfant, parce que ses péchés étaient cause qu’il était tourmenté par le démon.

« Et le démon sortit de lui. » — Raban. Car aucune infirmité ne résiste à l’action du Tout-Puissant qui donne la guérison.

S. Jérôme. Pour moi, je crois que dans le sens figuré le lunatique est celui qui, par moment, retourne au vice, et qui tantôt se précipite dans le feu, parce que le cœur des adultères est comme une fournaise embrasée (Os 7, 4 ; 7, 6) ; tantôt se jette dans les eaux des voluptés et des désirs charnels qui ne peuvent éteindre la charité. — S. Augustin. (Quest. évang., 1, 22.) Ou bien, le feu signifie la colère, parce qu’il tend à s’élever en haut ; et l’eau les voluptés de la chair. — Origène. L’Esprit saint, parlant de l’inconstance du pécheur, dit : « L’insensé est changeant comme la lune. » (Si 27.) On voit, en effet, ces hommes se livrer avec une espèce d’impétuosité à la pratique des bonnes oeuvres, et puis soudain, comme emportés par un mauvais esprit, devenir les esclaves de leurs passions, et déchoir du haut degré de vertu où on les croyait inébranlables. Peut-être est-ce l’ange à qui Dieu a confié la garde de ce lunatique, qui est appelé ici son père, et c’est lui qui prie le médecin des âmes comme pour son fils, et lui demande de délivrer celui que n’a pu guérir la parole impuissante des disciples du Christ, parole qu’il n’a point voulu entendre, comme s’il était atteint de surdité ; il faut la parole du Christ pour qu’il agisse désormais suivant les inspirations de la raison.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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