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Mt  10  40-42

S. Jérôme. Notre-Seigneur, en envoyant ses disciples prêcher 1’Évangile, leur apprend à ne craindre aucun danger, et à sacrifier toutes leurs affections aux devoirs de sa religion. Déjà, il s’en est déclaré, il ne veut pas d’or, il ne veut pas d’argent dans leurs bourses : c’est une condition bien dure que celle des Évangélistes. Mais comment pourvoir aux dépenses nécessaires, à la nourriture, aux choses nécessaires à la vie ? Notre-Seigneur adoucit donc la sévérité de ses préceptes par l’espérance des promesses. « Celui qui vous reçoit, leur dit-il, me reçoit. » Ainsi chaque fidèle doit être persuadé qu’il a reçu Jésus-Christ en recevant ses Apôtres. — S. Chrys. (hom. 36.) Ce qui précède suffisait pour produire cette persuasion dans ceux qui devaient recevoir les Apôtres. Car en voyant ces hommes héroïques qui méprisaient tout ce qui les concernait pour sauver leurs frères, qui ne les aurait accueillis avec le plus vif empressement ? Plus haut, Notre-Seigneur a menacé de punir ceux qui ne les recevraient point ; ici il promet de récompenser ceux qui les recevront. Et d’abord il leur promet cet honneur insigne de recevoir dans la personne des Apôtres Jésus-Christ et même son Père. « Et celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé. » Que peut-on comparer à cet honneur de recevoir Dieu le Père et le Fils ? — S. Hil. (can. 10 sur S. Matth.) Ces paroles nous apprennent en même temps son office de médiateur, car après que nous l’avons reçu, lui qui est sorti de Dieu, il nous fait entrer en communication avec Dieu lui-même, et d’après cet ordre que suit la grâce, recevoir les Apôtres, c’est recevoir Dieu, parce que le Christ est en eux, et que Dieu est dans le Christ.

S. Chrys. (hom. 36.) A cette récompense qu’il promet il en ajoute une autre : « Celui qui reçoit un prophète au nom du prophète, recevra la récompense du prophète, et celui qui reçoit le juste, » etc. Il ne dit pas simplement : Celui qui reçoit un prophète, ou celui qui reçoit un juste, mais : Celui qui reçoit un prophète, un juste, au nom du prophète, au nom du juste, c’est-à-dire parce qu’il est prophète, parce qu’il est juste, et non pas à cause de la dignité dont il peut-être revêtu en ce monde, ou en vue de quelque autre avantage temporel. Ou bien dans un autre sens, comme il avait recommandé aux disciples de recevoir les maîtres qui les enseignent, les fidèles pouvaient lui faire secrètement cette réponse : Nous devons donc recevoir tes faux prophètes et Judas le traître ? Le Seigneur prend donc soin de leur rappeler qu’ils ne doivent pas considérer les personnes, mais les noms qu’elles portent, et qu’on ne perdra pas sa récompense parce que celui qu’on aurait reçu en serait indigne. — S. Chrys. (hom. 30.) Notre-Seigneur dit : « Il recevra la récompense du prophète et la récompense du juste, » c’est-à-dire la récompense qui convient à celui qui reçoit le prophète ou le juste, ou celle que le prophète et le juste devront recevoir eux-mêmes. — S. Grég. (homél. 20 sur les Evang.) Il ne dit pas : C’est des mains du juste ou du prophète qu’ils recevront la récompense, mais : « la récompense du prophète et du juste ; » peut-être celui qu’ils reçoivent est-il juste, et plus il est dépouillé de tout en ce monde, plus grande aussi sera sa fermeté à défendre les intérêts de la justice. Or celui qui possède les biens de la terre et qui pourvoit aux besoins du prophète et du juste, participera au mérite de son indépendance, et partagera la récompense de justice de celui qu’il a secouru et nourri sur la terre. Cet apôtre est plein de l’esprit de prophétie, mais son corps a besoin d’aliments, et si ses forces ne sont pas réparées, il est certain que la voix lui fera défaut. Or celui qui pourvoit à la nourriture du prophète, lui donne la force de parler : il recevra donc avec le prophète la récompense du prophète, parce qu’il a subvenu à ses besoins dans l’intention de plaire à Dieu.

S. Jérôme. Dans le sens mystique, celui qui reçoit le prophète comme prophète, et qui comprend ce qu’il lui enseigne des choses futures, partagera sa récompense. Les Juifs donc, qui ne comprenaient les prophètes que dans un sens charnel, ne recevront pas la récompense des prophètes. — S. Rémi. Dans ce prophète et dans ce juste, quelques-uns veulent voir Notre-Seigneur Jésus-Christ, de qui Moïse a dit : « Dieu vous suscitera un prophète, » etc. (Dt 18), et qui est juste aussi d’une manière incomparable. Celui donc qui recevra le prophète et le juste au nom du prophète et du juste, recevra la récompense des mains de celui pour l’amour duquel il a fait cette action.

S. Jérôme. Mais on pouvait lui alléguer cette excuse : Ma pauvreté me défend de donner l’hospitalité ; il la détruit en nous proposant la chose la moins coûteuse qui soit au monde, c’est-à-dire de donner de tout cœur un verre d’eau froide. « Et celui qui donnera à l’un de ces plus petits, un verre d’eau froide, etc. » Il dit un verre d’eau froide, et non d’eau chaude, de peur que s’il s’agissait d’eau chaude, on ne prétextât encore sa pauvreté et l’impossibilité de se procurer du bois pour la faire chauffer. — S. Rémi. Il ajoute : « Au plus petit, » c’est-à-dire non pas seulement aux justes ou aux prophètes, mais à l’un des plus petits et des plus misérables. — La glose. Remarquez ici comme Dieu regarde beaucoup plus à la disposition du cœur qu’à la valeur de la chose que l’on donne. Ou bien les plus petits sont ceux qui ne possèdent rien absolument en cette vie, et qui jugeront un jour le monde avec Jésus-Christ. — S. Hil. (can. 40 sur S. Matth.) Ou bien il prévoyait qu’il y en aurait plusieurs dont toute la gloire consisterait dans le nom d’apôtre qu’ils déshonoreraient par tout le reste de leur vie ; il ne veut donc pas priver de récompense l’honneur qui leur est rendu au nom de la religion, car bien qu’ils soient les plus petits de tous, c’est-à-dire les derniers des pécheurs, les services qu’on leur rend, même les plus légers, et qui sont exprimés par ce verre d’eau froide, ne seront pas perdus, car ce n’est pas aux péchés de l’homme, mais à son titre d’apôtre qu’est rendu cet honneur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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