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Mc  8  34-39

Bède. Après que Notre-Seigneur a prédit à ses disciples le mystère de sa passion et de sa résurrection, il les exhorte conjointement avec la multitude à imiter les exemples qu’il leur donnera dans sa passion : " Et appelant le peuple avec ses disciples, il leur dit : Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se renonce lui-même. " — S. Chrys. (hom. 56 sur S. Matth.) Jésus semble dire à Pierre : Vous me reprochez d’aller volontairement au-devant des souffrances. Or, je vous déclare qu’en cela vous faites une chose-nuisible, mais que vous-même vous ne pouvez être sauvé que par les souffrances et par la mort. Il leur dit : " Si quelqu’un veut venir après moi, " c’est-à-dire je vous appelle à la possession de biens qui doivent être l’objet des désirs de tous les hommes, et non pas comme vous le pensez, à souffrir des choses pénibles et intolérables. En effet, celui qui cherche à forcer la volonté l’empêche souvent de se déterminer ; mais celui qui laisse à son auditeur toute sa liberté l’attire bien plus sûrement. Or, on se renonce soi-même quand on professe une souveraine indifférence pour son corps, et qu’on est disposé à souffrir avec patience les coups ou tout autre mauvais traitement semblable. — Théophile. Celui qui, par exemple, renonce son frère ou son père, n’éprouve aucun sentiment de pitié au d’indignation, bien qu’il les voie couverts de blessures et mis à mort ; telle est l’indifférence, tel le mépris que nous devons professer pour notre corps ; qu’il soit aussi couvert de plaies et l’objet des plus mauvais traitements ; nous ne devons pas nous en mettre en peine. — S. Chrys. Remarquez que le Sauveur ne dit pas que l’homme doit s’épargner lui-même, mais ce qui est bien plus considérable, qu’il doit se renoncer comme s’il n’avait rien de commun avec lui-même, qu’il doit s’exposer aux dangers et les supporter, comme si un autre que lui en était la victime. Et c’est vraiment là s’épargner soi-même, de même que les parents font preuve d’indulgence envers leurs enfants lorsqu’on les remettant entre les mains de leurs maîtres, ils leur recommandent de ne point les épargner. Or, jusqu’où doit aller ce renoncement ? Le voici : " Et qu’il porte sa croix, " c’est-à-dire jusqu’à la mort la plus ignominieuse. — Théophile. La croix était alors un supplice honteux et infâme, parce qu’on n’y attachait que d’insignes malfaiteurs.

S. Jérôme. Ou bien encore, Notre-Seigneur agit comme un pilote habile qui, prévoyant la tempête lorsque le temps est calme, veut y préparer ses matelots, et c’est dans ce sens qu’il leur dit : " Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se renonce lui-même, " etc. — Bède. En effet, nous nous renonçons nous-mêmes lorsque nous évitons toutes les actions qui appartenaient au vieil homme, et que nous nous efforçons de pratiquer cette sainte nouveauté à laquelle nous sommes appelés. Nous portons notre croix, ou lorsque nous mortifions notre corps par la privation des biens sensibles, ou lorsque notre esprit s’attriste en compatissant aux maux du prochain.

Théophile. Mais il ne suffit pas de porter sa croix, il faut s’élever à une vertu plus grande : " Et qu’il me suive. " — S. Chrys. Ce n’est pas sans raison que Notre-Seigneur ajoute cette recommandation, car il peut arriver que tout en portant sa croix, on ne suive pas Jésus-Christ, lorsque, par exemple, ce n’est pas pour Jésus-Christ qu’on souffre. Suivre Jésus-Christ, c’est marcher véritablement à sa suite, c’est se conformer à sa mort, c’est mépriser ces puissances, ces princes dos ténèbres sous l’empire desquels on se livrait au péché avant l’avènement de Jésus-Christ : " Car celui qui voudra sauver sa vie la perdra, et celui qui perdra sa vie pour l’amour de moi et de l’Evangile la sauvera. " Jésus semble leur dire : " C’est dans une pensée toute d’indulgence que je vous fais cette recommandation, car celui qui veut trop ménager son fils devient la cause de sa perte, et celui qui ne le ménage pas le sauve. Il nous faut donc être continuellement préparés à la mort, car si dans les combats où la vie naturelle est enjeu, le plus brave soldat est celui qui a fait le sacrifice de sa vie (bien que personne ne puisse le ressusciter après sa mort), à combien plus forte raison eu doit-il être ainsi dans les combats spirituels, où nous avons l’espérance certaine de la résurrection, et l’assurance ; que qui sacrifie son âme la sauve. — S. Rémi. L’âme doit s’entendre ici de la vie présente, et non de la substance même de l’âme. — S. Chrys. Comme Notre-Seigneur avait dit : " Celui qui voudra sauver son âme la perdra, " et qu’on aurait pu croire qu’il était égal de la sauver ou de la perdre, il ajoute : " Et que sert à l’homme de gagner le monde entier, et de se perdre soi-même ? " C’est-à-dire : ne dites pas qu’un homme a sauvé sa vie, parce qu’il a échappé au supplice de la croix, car quand même à la conservation de son âme, c’est-à-dire de cette vie, il joindrait la conquête du monde entier, quel fruit lui en reviendra-t-il, s’il vient à perdre son âme ? En a-t-il une autre qu’il puisse donner en échange ? On peut recevoir pour une maison une somme d’argent, mais celui qui vient à perdre son âme ne peut donner une autre âme en échange. C’est avec dessein que le Sauveur se sert de cette expression ; " Et que donnera l’homme en échange de soi-même ? " Car Dieu a donné en échange pour notre salut le sang précieux de Jésus-Christ. — Bède. Ou bien cette recommandation est pour les temps de persécution, où Dieu demande le sacrifice de notre vie. Dans les temps de paix, nous devons mortifier les désirs terrestres, et c’est ce que veulent dire les paroles suivantes : " Que sert à l’homme de gagner tout l’univers ? " Mais souvent une fausse honte nous empêche d’exprimer de vive voix les sentiments que nous avons dans notre âme, et c’est contre ce sentiment coupable que le Sauveur s’élève en disant : " Celui qui aura rougi de moi et de mes paroles, " etc. — Théophile. Ne regardons pas comme suffisante la foi qui est renfermée dans l’âme ; Dieu demande de plus la confession extérieure, car si l’âme est sanctifiée par la foi, c’est par la profession de foi extérieure que le corps est lui-même sanctifié.

S. Chrys. Celui qui est pénétré de ces divins enseignements attend avec un vif désir le moment où il pourra sans aucune honte confesser Jésus-Christ. Le Sauveur appelle génération adultère celle qui a osé abandonner Dieu, son véritable époux, qui n’a point suivi la doctrine de Jésus-Christ, mais qui s’est rendue l’esclave des démons, et a reçu d’eux les semences de l’impiété, et c’est pour cela qu’il l’appelle génération criminelle. Celui donc qui, au milieu de cette génération, aura nié le légitime empire de Jésus-Christ et les paroles du Dieu qu’il nous a révélées dans son Evangile, recevra le juste châtiment de son impiété, en entendant lors du second avènement ces paroles terribles : " Je ne vous connais pas. " — Théophile. Celui, au contraire, qui aura confessé que Jésus crucifié est son Dieu, Jésus-Christ aussi le reconnaîtra pour sien, non pas en cette vie où Jésus est regardé comme pauvre et misérable, mais dans sa gloire et au milieu de la multitude des anges. — S. Grég. (hom. 32 sur les Evang.) Il en est quelques-uns qui confessent sans difficulté Jésus-Christ, parce qu’ils voient que tout le monde est devenu chrétien ; car si le nom de Jésus-Christ n’était pas environné d’une si grande gloire, l’Eglise ne compterait pas tant de fidèles qui font profession de lui appartenir. La foi légitime et véritable ne doit donc pas consister seulement dans ce témoignage extérieur que l’on peut donner sans rougir au milieu de tout un peuple qui fait profession de christianisme. Mais même dans les temps de paix, nous aurons des occasions du nous faire connaître à nous-mêmes ; nous craignons souvent le mépris du prochain, nous regardons comme une faiblesse de supporter patiemment les outrages ; s’il s’élève un différend avec un de nos frères, nous rougissons défaire les premières avances, car le cœur étant dominé par les affections charnelles ne peut rechercher la gloire qui vient des hommes, sans repousser la vertu d’humilité.

Théophile. Notre-Seigneur venait de parler de sa gloire ; il veut montrer à ses disciples que ce ne sont pas là de vaines promesse : " Et il ajouta : En vérité, je vous le dis, parmi ceux qui sont ici quelques-uns ne goûteront point la mort qu’ils n’aient vu le royaume de Dieu venant dans sa puissance. " C’est-à-dire : Il en est quelques-uns (Pierre, Jacques et Jean) qui ne mourront pas, avant que je leur ai découvert dans ma transfiguration, une image de la gloire dont je serai environné lors de mon second avènement. En effet, la transfiguration était comme l’annonce du second avènement où Jésus-Christ et les saints paraîtront au milieu d’une gloire éclatante. — Bède. C’est par un dessein providentiel plein de bonté que Dieu fait apercevoir cl goûter pour quelques instants aux apôtres une partie des joies de l’éternité, afin de les encourager au milieu des épreuves qui les attendent. — S. Chrys. (hom. 57 sur S. Matth.) Le Sauveur ne fait pas connaître le nom de ceux qui devaient l’accompagner sur le Thabor, pour ne pas éveiller dans l’âme des autres disciples un sentiment de jalousie. Mais il ne laisse pas de prédire cet événement pour les rendre plus attentifs à contempler ce mystère. — Bède. Ou bien encore le royaume de Dieu, c’est l’Eglise de la terre. Quelques-uns des Apôtres devaient prolonger leur vie assez longtemps pour voir de leurs yeux l’établissement de l’Eglise, élevée sur les ruines de la gloire du monde. Il fallait, en effet, donner aux disciples encore grossiers quelques consolations pour la vie présente, afin de les rendre plus forts pour l’avenir. — S. Chrys. Dans le sens allégorique, la vie, c’est Jésus-Christ, et la mort, le démon. Celui qui persévère dans le péché, goûte la mort, de même que tout homme qui s’attache à une doctrine bonne ou mauvaise, goûte le pain de la vie ou de la mort, c’est un moindre mal de voir la mort ; c’est un mal plus grand de la goûter, un plus grand encore de la suivre, et le plus grand de tous les malheurs de s’en rendre l’esclave.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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