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Mc  2  1-12

Bède. La miséricorde divine, loin d’abandonner les hommes charnels, daigne leur accorder la faveur de sa visite, afin d’en faire des hommes spirituels. C’est pour cela que Jésus-Christ quitte le désert pour revenir dans la ville : " Et il entra de nouveau à Capharnaüm, " etc. — S. Augustin. (De l’accord des Evang., 2, 25) Saint Matthieu rapporte (Mt 9) que le miracle qui suit, fut opéré dans la ville du Sauveur ; Saint Marc le place à Capharnaüm. Il serait difficile de résoudre cette difficulté, si saint Matthieu avait dit positivement que cette ville est Nazareth. Mais comme la Galilée a très bien pu être appelée la patrie du Seigneur, parce que Nazareth se trouvait dans la Galilée, on peut dire que le Seigneur a fait ce miracle dans sa ville, puisqu’il l’a opéré dans Capharnaüm, ville de Galilée, surtout si l’on se rappelle que Capharnaüm dominait tellement sur toutes les villes de la Galilée, qu’elle en était regardée comme la métropole. Ou bien saint Matthieu ne parle des miracles opérés par Jésus-Christ à Nazareth, que quand il fût arrivé ù Capharnaüm, et ce n’est qu’après avoir dit : " Et il vint dans sa ville," qu’il ajoute, en parlant de la guérison du paralytique : " Et voici qu’ils lui présentaient un paralytique. " — S. Chrys. (hom. 30 sur S. Matth.) Ou bien saint Matthieu appelle Capharnaüm la ville du Sauveur, parce que Jésus y allait souvent et qu’il y faisait beaucoup de miracles.

" Et lorsqu’on sut qu’il était dans la maison, il s’y assembla un grand nombre de personnes, " etc. Le désir de l’entendre triomphait des difficultés qu’on avait de l’approcher. C’est alors qu’on introduisit le paralytique, dont parle saint Matthieu et saint Luc : " Et on lui amena un paralytique qui était porté par quatre hommes, " et trouvant la porte obstruée par la foule, ils furent quelque temps sans pouvoir entrer. Toutefois les porteurs, espérant que le paralytique pourrait obtenir la grâce de sa guérison, le soulevèrent avec son lit, et l’introduisirent par une ouverture qu’ils firent au toit, et le déposèrent sous les yeux du Sauveur : " Et comme ils ne pouvaient le lui présenter, " etc. Or, Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : " Mon fils, vos péchés vous sont remis. " L’Evangéliste veut parler de la foi non du paralytique, mais de ceux qui le portaient ; car il arrive quelquefois qu’on doit sa guérison à la foi d’autrui. — Bède. Quelle n’est pas, près de Dieu, la puissance de la foi personnelle de chaque fidèle, si la puissance de la foi d’autrui et de leurs mérites, a été si grande, qu’elle a obtenu pour cet homme la guérison complète de son corps et de son âme, et la rémission de ses péchés ! — Théophile. Jésus vit aussi la foi du paralytique ; car s’il n’eût pas eu foi en sa guérison, il ne se serait pas laissé porter aux pieds de Jésus-Christ.

Bède. Le Seigneur, avant de guérir cet homme de sa paralysie, commence par briser les liens de ses péchés, afin de montrer que c’étaient ces liens funestes qui l’avaient condamné à cet anéantissement de ses membres, et qu’il n’en pouvait recouvrer l’usage qu’après avoir été délié de ses fautes. O admirable humilité de Jésus ! Cet homme méprisé et faible, dont les membres ont perdu tout ressort et toute force, Jésus l’appelle son fils, lui que les prêtres n’auraient même pas voulu toucher. Ou bien encore, il lui donne le nom de fils, parce que ses péchés lui sont remis.

Or, il y avait là quelques scribes assis, qui pensaient dans leurs cœurs : " Comment cet homme parle-t-il ainsi ? il blasphème. "

S. Cyrille. Ils l’accusent de blasphème, et dans leur précipitation homicide, ils portent contre lui une sentence de mort. Car la loi ordonnait que quiconque blasphémerait contre Dieu, serait puni de mort. Or, ils l’accusaient de ce crime, parce qu’il s’attribuait la puissance de remettre les péchés. Qui peut, en effet, ajoutent-ils remettre les péchés, sinon Dieu seul ? Celui-là seul qui est le juge de tous les hommes a le pouvoir de remettre les péchés. — Bède. Dieu remet encore les péchés, par ceux qui ont reçu de lui le pouvoir de les remettre ; et une prouve évidente de la divinité de Jésus-Christ, c’est qu’il peut remettre les péchés comme Dieu. Les Juifs sont donc dans l’erreur, lorsque tout en reconnaissant que le Christ est Dieu, et qu’il peut remettre les péchés, ils refusent de croire que Jésus est le Christ promis ù leurs pères. Mais, l’erreur des ariens est encore plus absurde, eux qui, convaincus par les paroles de l’Evangile, n’osent nier que Jésus soit le Christ, qu’il puisse remettre les péchés, et ont néanmoins l’audace d’affirmer qu’il n’est pas Dieu. Toutefois, Jésus, qui désire sauver ces âmes perfides, fait éclater sa divinité, et par la manifestation des pensées secrètes du cœur et par la puissance de ses œuvres. " Aussitôt, Jésus, connaissant dans son esprit ce qu’ils pensaient en eux-mêmes, il leur dit : Pourquoi pensez-vous ces choses dans vos cœurs ? " Il leur prouve ainsi qu’il est Dieu, puisqu’il peut connaître les secrets des cœurs ; et son silence semble leur dire en quelque sorte : Cette vertu divine ; cette majesté souveraine qui pénètre vos pensées les plus cachées, peut pareillement remettre aux hommes leurs péchés.

Théophile. Mais quoique leurs pensées fussent ainsi révélées, ils n’en restent pas moins insensibles, et ne veulent pas reconnaître que celui qui pénètre le fond de leurs cœurs, puisse remettre les péchés. Aussi, le Seigneur prouve la guérison de l’âme par la guérison du corps, il démontre l’invisible par ce qui est visible, ce qui est plus difficile par ce qui est facile, bien que telle ne fût pas leur manière de juger. Car ils regardaient la guérison du corps comme plus difficile, parce qu’elle est extérieure, et celle de l’âme comme plus facile, parce qu’elle est invisible, tel était donc à peu près leur raisonnement : Il renonce à guérir les corps, et il prétend guérir l’âme qui est invisible. Mais s’il en avait le pouvoir, il aurait déjà guéri le corps de cet homme, et ne se serait pas retranché dans la guérison invisible de l’âme. Le Sauveur donc, pour leur démontrer qu’il peut l’un et l’autre, leur dit : " Qui est le plus facile ? " c’est-à-dire, en opérant la guérison du corps qui, en réalité, est plus facile, mais qui vous paraît à vous plus difficile, je vous forcerai de reconnaître la guérison de l’âme qui est plus difficile. — S. Chrys. Mais comme il est plus aisé de dire que de faire, ils persévéraient ouvertement dans leur incrédulité, parce qu’il n’avait pas encore opéré le fait extérieur qu’ils désiraient. Aussi, ajoute-t-il : " Or, afin que vous sachiez, " etc. Comme s’il disait : Puisque vous doutez de ma parole, j’y joindrai les œuvres, pour confirmer la vérité de ce qui ne paraît pas à vos yeux, il dit donc clairement : " Le Fils de l’homme a le pouvoir sur la terre de remettre les péchés, " pour montrer qu’il a uni par un lien indissoluble la puissance divine avec la nature humaine. Il s’est fait homme, il est vrai, mais il n’en demeure pas moins le Verbe de Dieu ; il a daigné, par son incarnation, converser avec les hommes, mais il n’en avait pas moins la puissance de faire des miracles, et d’accorder la rémission des péchés ; car son humanité n’a diminué en rien les attributs de sa divinité ; et la divinité n’a point empêché que le Verbe de Dieu se fit sur la terre Fils de l’homme, en réalité et d’une manière permanente. — Théophile. Il dit donc au paralytique : " Prenez votre lit, " pour établir plus clairement la vérité du miracle, et pour montrer qu’il n’est pas seulement apparent, mais bien réel, et qu’avec la guérison, il rend à cet homme la force. C’est ainsi qu’il ne se contente pas de retirer les âmes du péché, mais qu’il leur donne encore la force pour accomplir les commandements.

Bède. Jésus opère donc un prodige extérieur, pour rendre témoignage au miracle intérieur, bien qu’à vrai dire, il appartînt à la même puissance de guérir les maladies du corps et celles de l’âme : " Et aussitôt, il se leva, et ayant pris son lit, il s’en alla en présence de tous. " — S. Chrys. Il commença par guérir ce qu’il était venu chercher, c’est-à-dire les âmes en remettant leurs péchés, pour opposer ensuite au doute des pharisiens un miracle sensible, confirmer sa parole par ses œuvres, et prouver par l’évidence du prodige extérieur la vérité du prodige intérieur, c’est-à-dire la guérison de l’âme rendue manifeste par la guérison du corps. — Bède. Nous devons aussi comprendre par là, que les péchés sont la source de la plupart des infirmités corporelles ; et c’est probablement pour cela, que les péchés sont remis tout d’abord, afin que la santé ne soit rendue que lorsque les causes de l’infirmité ont disparu. En effet, les hommes sont soumis aux infirmités de la chair, pour cinq causes : c’est pour augmenter leurs mérites, comme nous le voyons dans Job et dans les martyrs ; ou pour conserver l’humilité, comme il advint à saint Paul, tourmenté par l’ange de Satan ; ou pour nous faire comprendre la malice de nos péchés et la nécessité de nous en corriger, comme Dieu le permit pour Marie, sœur de Moïse, et pour le paralytique ; ou pour la gloire de Dieu, comme l’aveugle-né et Lazare en sont une preuve ; ou comme un commencement de damnation, comme il arriva pour Hérode et Antiochus. Or, nous devons admirer la vertu de la puissance divine, qui, sur-le-champ, et d’une seule parole, opère le salut de cet homme. Aussi, lisons-nous : " Et ils étaient dans l’admiration, " etc. — Victor d’Antioche. Ils négligent le plus important, c’est-à-dire la rémission des péchés, pour admirer ce qui frappe les yeux, la guérison du corps. — Théophile. Ce paralytique n’est point celui dont saint Jean raconte la guérison. Ce dernier n’avait point d’homme pour le porter. Celui dont il est ici question, en a quatre. L’un est guéri dans la piscine, l’autre dans une maison particulière. Mais c’est le même dont saint Marc et saint Matthieu rapportent la guérison. Il y a aussi une signification mystérieuse dans le lieu choisi par Jésus-Christ pour opérer ce miracle, c’est Capharnaüm, le lieu de la consolation. — Bède. Jésus, prêchant dans cette maison, ne peut être entendu de ceux qui étaient à la porte, c’est-à-dire que lorsque Jésus prêchait dans la Judée, les Gentils ne purent entrer pour l’entendre, mais cependant il envoya des prédicateurs à ceux qui étaient dehors pour leur enseigner sa doctrine.

S. Jérôme. La paralysie est l’image de la torpeur spirituelle, dans laquelle languit le paresseux, engourdi par une honteuse mollesse, tout en conservant le désir du salut de son âme. — Théophile. Si donc dans le funeste relâchement des puissances de mon âme, semblable à un paralytique, je tends mollement vers le bien ; et que porté par les quatre Evangélistes, je sois présenté à Jésus-Christ, j’entendrai cette parole : " Mon fils, vos péchés vous sont remis ; " car on devient fils de Dieu par l’accomplissement de ses préceptes. — Bède. Ou bien ces quatre hommes représentent les quatre vertus que l’on nomme la prudence, la force, la tempérance, la justice, et sur lesquelles l’homme s’appuie, pour parvenir à la guérison. Ces vertus désirent présenter le paralytique au Sauveur, mais elles ne peuvent arriver jusqu a Jésus, a cause de la foule qui empêche tout accès près de lui. Souvent, en effet, l’âme, qui après les langueurs des infirmités du corps, désire se renouveler à l’aide de la grâce divine, se sent retardée par l’obstacle de ses habitudes anciennes. Souvent aussi, au milieu des douceurs de l’oraison mentale et du colloque délicieux de l’âme avec son Dieu, la foule des pensées étrangères vient à la traverse, obscurcit l’œil intérieur, et l’empêche de jouir de la vue de Jésus-Christ. Il ne faut donc pas demeurer dans les basses régions, ou s’agite la foule, mais il faut monter dans la partie supérieure de la maison, c’est-à-dire qu’il faut entrer avec empressement dans les sublimités de la sainte Ecriture, en méditant la loi divine.

Théophile. Mais comment serai-je porté aux pieds de Jésus-Christ, à moins que le toit ne soit entr’ouvert ? Car ce toit figure l’intelligence qui domine toutes les puissances de notre être. Cette intelligence tient beaucoup à la terre, si l’on considère les tuiles faites d’argile, c’est-à-dire les choses terrestres qui l’enveloppent. Mais si on les soulève, la vertu de notre intelligence, comme allégée, retrouve toute sa force. Il faut ensuite nous faire entrer par cette ouverture, c’est-à-dire il faut que l’âme s’humilie ; car elle doit, non s’enfler de ce que l’intelligence est délivrée d’un accablant fardeau, mais s’humilier davantage. — Bède. Ou bien encore, le malade est introduit par le toit entr’ouvert, pour signifier qu’on parvient à la connaissance du Christ, par les mystères des Ecritures qui nous sont découverts, c’est-à-dire qu’on descend jusqu’à ce Dieu humilié, par une foi pleine de piété. Ce malade, couché sur son grabat, signifie que Jésus-Christ doit être connu par l’homme, encore enveloppé de sa chair mortelle ; se lever de son grabat, c’est soustraire son âme aux désirs charnels, qui la tenaient assujettie ; emporter son lit, c’est soumettre sa chair au frein salutaire de la continence, et la séparer des jouissances terrestres, dans l’espérance des récompenses du ciel ; retourner dans sa maison en emportant son lit, c’est retourner vers le paradis. Ou bien encore, celui qui était malade revient guéri, et emporte son lit dans sa maison, c’est-à-dire que l’âme, après avoir reçu la rémission de ses péchés, s’astreint à la garde intérieure d’elle-même et des sens. — Théophile. Disons encore qu’il faut emporter son lit, c’est-à-dire soulever son corps, pour opérer le bien ; car ce n’est qu’alors que nous pourrons parvenir aux sublimes hauteurs de la contemplation, et dire au fond de notre cœur : Jamais nous n’avons vu avec tant de clarté, c’est-à-dire jamais nous n’avons si bien compris les célestes vérités, que depuis la guérison de notre paralysie ; car celui qui est purifié du péché, a l’œil de l’âme plus limpide et plus pur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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