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Mc  2  18-22

La glose. Après avoir incriminé le Maître près de ses disciples en l’accusant de fréquenter les pécheurs et de manger avec eux, voilà maintenant qu’ils accusent les disciples près du Maître et leur font un crime de ne pas jeûner, pour semer ainsi entre eux des germes de division. "Les disciples de Jean et ceux des pharisiens jeûnaient, " etc. — Théophile. Les disciples de Jean, qui n’étaient pas encore dans la voie de la perfection, suivaient les coutumes judaïques. — S. Augustin. (De l’accord des Evang., 2, 27) On peut admettre que saint Marc a joint les pharisiens aux disciples de saint Jean, parce qu’ils auraient fait avec eux l’observation qui suit : " Et ils dirent au Seigneur, " etc. Saint Matthieu n’attribue cependant ces paroles qu’aux disciples de Jean. Mais la suite indique plutôt que ce ne sont ni les uns ni les autres qui l’ont faite. En effet, nous lisons : " Et ils vinrent et dirent à Jésus : Pourquoi les disciples de Jean, " etc. Ces paroles prouvent assez que les convives présents vinrent à Jésus, et qu’ils adressèrent à ses disciples l’observation ci-dessus. Ainsi, quand saint Marc dit : " Et ils vinrent à Jésus, " il n’entend point parler de ceux dont il vient de dire : " Et les disciples de Jean et ceux des pharisiens jeûnaient ; " mais à l’occasion de ce jeune, d’autres qui s’en préoccupent viennent trouver Jésus. D’où vient donc que saint Matthieu dit formellement : " Et les disciples de Jean s’approchèrent de lui, et lui dirent, " etc. ? Gela prouve uniquement qu’eux aussi étaient là présents, et que tous en cette circonstance s’empressent de faire cette question. — S. Chrys. Les disciples de Jean et ceux des pharisiens dévorés d’envie contre Jésus-Christ, lui demandent s’il sera le seul avec ses disciples pour prétendre, sans abstinence et sans efforts, triompher des passions. — Bède. Jean-Baptiste ne but ni vin ni aucune boisson fermentée, et cette abstinence augmentait son mérite, lui qui ne possédait de sa nature aucune puissance particulière. Mais pourquoi le Seigneur, qui avait naturellement le pouvoir de pardonner les péchés, se serait-il séparé de ses disciples qu’il pouvait rendre plus purs que ceux qui observaient ces pratiques d’abstinence ? Si donc Jésus-Christ jeûne, c’est afin de ne pas éluder le précepte, et s’il mange avec les pécheurs, c’est pour faire éclater à la fois sa miséricorde et sa puissance.

" Et Jésus leur répondit : Est-ce que ceux qui sont conviés aux noces, " etc. ? — S. Augustin. (comme plus haut.) Saint Marc appelle ici conviés aux noces (ou fils des noces) ceux que saint Matthieu appelle les fils ou les amis de l’Epoux, et il faut entendre par ces invités aux noces les amis, non-seulement de l’Epoux, mais de l’Epouse. — S. Chrys. Il s’appelle l’Epoux, parce qu’il doit prendre l’Eglise pour Epouse. Or, ses épousailles, ce sont les arrhes qu’il a données, c’est-à-dire la grâce de l’Esprit saint qui a conquis à la foi l’univers entier. — Théophile. Il s’appelle encore l’Epoux, non-seulement parce qu’il s’unit les âmes virginales, mais encore parce que le temps de son premier avènement n’est point pour ceux qui croient en lui un temps de douleur, de tristesse et de travail pénible, mais un temps de repos. Ça effet, il nous affranchit des œuvres légales, et nous donne le repos par le baptême, qui nous sauve sans aucun travail de notre part. Or, les conviés aux noces ou les amis de l’Epoux, ce sont les Apôtres qui, par la grâce de Dieu, sont devenus dignes de tous les biens célestes et rendus participants d’un bonheur sans mesure. — S. Chrys. Il déclare que son commerce est exempt de toute amertume, lorsqu’il ajoute : " Tant qu’ils ont avec eux l’Epoux, " etc. Celui-là s’attriste qui ne possède pas actuellement le bonheur ; mais celui qui en jouit est dans la joie et ne connaît point la tristesse. Or afin de détruire dans leur cœur tout sentiment d’orgueil et de montrer qu’il ne gardait pas ses disciples pour les vaines joies de la terre, il ajoute : " Viendront les jours où l’Epoux leur sera enlevé, " etc. Comme s’il disait : viendra le temps où ils pourront manifester leur force et leur vigueur. Car, quand l’Epoux leur sera enlevé, ils jeûneront alors ; ils aspireront ardemment après sa venue, afin d’unir à ce divin Epoux leurs cœurs purifiés par les épreuves de la terre. Il montre aussi par là qu’il n’y a nulle nécessité pour ses disciples de jeûner, puisqu’ils ont au milieu d’eux l’Epoux de la nature humaine, qui partout préside aux œuvres de la Providence divine et répand le germe de la vie dans les urnes. — Il les appelle fils de l’Epoux, parce qu’en effet ils sont encore enfants et qu’ils ne peuvent en cette qualité se conformer pleinement à leur Epoux et à leur Père qui, eu égard à la fragilité de leur âge, les dispense de l’obligation du jeûne. Mais après le départ de l’Epoux, ils regretteront de l’avoir perdu et ils jeûneront alors. Toutefois, lorsqu’ils auront atteint la perfection et qu’ils seront unis à l’Epoux dans des noces toute célestes, oh ! alors, ils savoureront éternellement les mets du royal festin. — Théophile. On peut aussi entendre ces paroles dans un autre sous : Tout homme qui fait le bien est ami de l’Epoux., possède avec lui l’Epoux qui est Jésus-Christ, et il ne jeûne pas, c’est-à-dire il ne se livre pas aux œuvres de pénitence parce qu’il ne pèche pas. Mais quand l’Epoux est enlevé à celui qui tombe dans le péché, cet homme jeûne alors et fait pénitence pour la guérison de, sa faute.

Bède. Voici comment, dans le sens mystique, ou peut expliquer ces paroles : Les disciples de Jean et les pharisiens jeûnent, parce que l’homme qui, sans la foi, se glorifie dans les œuvres de la loi, qui suit les traditions humaines, qui ne prête aux oracles du Christ que l’oreille du corps plutôt qu’un cœur animé par la foi, se prive ainsi des biens spirituels, se dessèche et dépérit par suite de ce jeûne intérieur. Celui, au contraire, qui par un amour fidèle s’unit au corps de Jésus-Christ, ne peut jeûner, puisqu’il se nourrit avec délices de sa chair et de son sang.

" Personne ne coud un morceau de drap neuf à un vieux vêtement, " etc. — S. Chrys. C’est-à-dire : Ils sont les prédicateurs du Nouveau Testament ; il n’est donc pas possible de les assujettir aux lois anciennes. Pour vous, qui suivez les anciennes coutumes, c’est avec raison que vous observez les jeûnes prescrits par la loi de Moïse. Eux, au contraire, qui vont enseigner aux hommes de nouvelles et merveilleuses observances, devront laisser les anciennes et pratiquer les vertus intérieures. Toutefois, viendra le temps où ils seront fidèles à la pratique du jeûne et des autres vertus ; mais ce jeûne diffère de celui de la loi : Ce dernier était imposé, celui de mes disciples sera volontaire, et le fruit d’une sainte ferveur dont ils ne sont pas encore capables, ce que veulent dire les paroles suivantes : " Personne ne met de vin nouveau dans des outres vieilles, " etc. — Bède. Notre-Seigneur compare ses disciples à de vieilles outres, et il déclare qu’ils sont incapables de contenir le vin nouveau, c’est-à-dire ses préceptes spirituels qui les feraient éclater. Mais ils deviendront des outres nouvelles, lorsque, après l’ascension du Seigneur, ils seront comme renouvelés par le désir de ses divines consolations. C’est alors que le vin nouveau s’épanchera dans des outres neuves, c’est-à-dire que la ferveur de l’Esprit saint remplira les cœurs de ces hommes tout spirituels. Ces paroles du Sauveur signifient encore que celui qui enseigne doit prendre garde de confier à une âme qui reste plongée dans ses anciennes iniquités les secrets des mystères nouveaux. — Théophile. Ou bien encore, les disciples sont comparés à de vieux vêtements à cause de la faiblesse de leur âme, incapable de supporter le joug rigoureux de la loi du jeune. C’est là une petite partie de la doctrine qui trace les règles de la tempérance chrétienne, doctrine qui enseigne à s’abstenir généralement de toutes les joies et plaisirs déréglés d’ici-bas. La fidélité à ces règles ou à cette doctrine nouvelle opère en quelque sorte une scission avec l’ancienne, et il n’y a plus de rapport entre l’une et l’autre. Le vêtement nouveau signifie les bonnes œuvres extérieures, et le vin nouveau figure la ferveur de la foi, l’espérance et la chanté qui réforment notre intérieur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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