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Mc  16  1-8

S. Jérôme. À la tristesse du jour du sabbat succède un jour brillant et fortuné, jour qui tient le premier rang parmi les jours, parce qu’il est éclairé des rayons de la lumière par excellence, et qu’il est témoin du triomphe de la résurrection du Seigneur : " Et lorsque le jour du sabbat fut passé, Marie-Madeleine, " etc. — La glose. Tant qu’il leur fut permis de travailler, c’est-à-dire, jusqu’au coucher du soleil, les saintes femmes préparèrent pieusement les parfums nécessaires à la sépulture du Sauveur, comme le rapporte saint Luc. Mais le peu de temps qui leur restait ne leur permit point de terminer ces préparatifs ; aussitôt donc que le jour du sabbat fut passé, et que le coucher du soleil leur eut rendu la liberté de reprendre leur travail, elles se hâtèrent d’aller acheter des parfums, comme le dit saint Marc, afin de pouvoir, le matin, embaumer le corps de Jésus, car elles ne purent se rendre au tombeau le soir du jour du sabbat, la nuit commençant à répandre son obscurité. — Sévère d’Antioche. Ces saintes femmes obéissent à un sentiment de piété propre à leur sexe, ce n’est pas un témoignage de foi qu’elles viennent offrir à Jésus-Christ vivant, ce sont des parfums qu’elles apportent pour embaumer un mort, c’est un hommage de leur tristesse qu’elles offrent à celui qui est enseveli, ce ne sont pas les joies d’un triomphe tout divin qu’elles préparent à celui qui doit bientôt ressusciter. — Théophile. Elles ne comprenaient pas encore la grandeur et la dignité de la Divinité de Jésus-Christ. Elles vinrent, selon la coutume des Juifs, embaumer le corps de Jésus, pour lui conserver une odeur agréable, et le préserver de la corruption qu’engendrent les humeurs. Les parfums ont, en effet, une vertu dessicative, qui absorbe toutes les parties humides du corps et le préserve de la corruption. — S. Grég. (hom. 21 sur les Evang.) Pour nous qui croyons en celui qui est mort, nous venons à son tombeau avec des parfums, si nous le cherchons tout parfumés de la bonne odeur des vertus et avec la conscience de nos bonnes œuvres.

" Et le premier jour de la semaine, étant parties de grand matin, " etc. — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 2, 24.) " De grand matin, " dit saint Luc ; " le matin, quand les ténèbres régnaient encore, " dit saint Jean. Saint Marc exprime la même pensée, en disant : " De grand matin, le soleil étant déjà levé, " c’est-à-dire, lorsque le soleil commençait à blanchir du côte de l’Orient, c’est ce qui a lieu à l’approche du lever du soleil, on donne à ces premières lueurs le nom d’aurore. Saint Jean a donc pu dire sans contradiction : " Quand les ténèbres régnaient encore, car lorsque le jour paraît, les ténèbres se dissipent insensiblement et disparaissent à mesure que le soleil se lève sur l’horizon. " Ces paroles : " Le soleil étant déjà levé, " ne veulent pas dire qu’il dardait pleinement ses rayons sur la terre, mais qu’à mesure qu’il approchait, il commençait à blanchir et à éclairer le ciel de ses rayons naissants. — S. Jérôme. Saint Marc appelle donc ici : " De grand matin, " ce qu’un autre Evangéliste appelle : " Le point du jour, " c’est-à-dire, le point intermédiaire entre les ténèbres de la nuit et les clartés du jour où devait paraître le salut du genre humain annoncé dans l’Eglise par cette heureuse coïncidence de l’aurore ; semblable au soleil qui, avant son lever, se fait précéder par l’aurore empourprée, il prépare les yeux à contempler la splendeur éclatante de sa résurrection. Alors, à l’exemple des saintes femmes, l’Eglise tout entière chante les louanges de Jésus-Christ qui, par le fait de sa résurrection, rend au genre humain le mouvement et la vie en l’inondant delà lumière de la foi. — Bède. En se rendant de grand matin au tombeau, ces pieuses femmes nous donnent une preuve de leur ardent amour ; elles nous apprennent ainsi dans le sens spirituel, à offrir à Dieu le parfum de nos bonnes œuvres et la suave odeur de nos prières, la face éclairée de sa lumière et après avoir chassé les ténèbres des vices. — Théophile. " Le premier jour du sabbat, " c’est-à-dire, le premier jour de la semaine, car tous les jours de la semaine portent le nom de sabbat, et le premier jour est appelé una sabbatorum. — bède. Ou bien, le premier jour du sabbat est le premier jour à partir du jour du sabbat ou du repos que l’on observait le jour du sabbat.

" Or, elles se disaient l’une à l’autre : Qui nous ôtera la pierre, " etc. — Sévère d’Antioche. Votre cœur est fermé, vos yeux sont appesantis, et vous ne pouvez voir la gloire qui environne ce tombeau ouvert. — Bède. " Mais en regardant elles virent que cette pierre était ôtée. " — Bède. Saint Matthieu nous a suffisamment expliqué comment la pierre avait été renversée par l’ange. Cette pierre enlevée figurait au sens allégorique, que les mystères du Christ couverts comme d’un voile par la lettre de la loi écrite sur la pierre étaient maintenant pleinement dévoilés, a Cette pierre était fort grande. " — Sévère d’Antioche. Elle était plus grande par sa destination que par sa forme, puisqu’elle suffit à couvrir et à enfermer le corps du Créateurs de l’univers.

S. Grég. (hom. 21.) Les saintes femmes qui sont venues avec des parfums voient les anges ; ainsi les âmes qui méritent de voir les habitants des cieux sont celles qui, chargées de vertus, s’avancent vers le Seigneur par de saints désirs : " Et entrant dans le sépulcre, elles virent un jeune homme assis, " etc. — Théophile. Ne soyez point surpris que saint Matthieu rapporte que l’ange était assis sur la pierre, tandis que d’après saint Marc, c’est en entrant dans le tombeau qu’elles virent un jeune homme assis ; elles purent très-bien voir, un instant après dans l’intérieur du tombeau, celui qu’elles avaient vu d’abord assis sur la pierre. — S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 3, 24.) Nous pouvons aussi admettre que saint Matthieu a gardé le silence sur l’ange que les femmes virent en entrant dans le tombeau, et saint Marc, sur celui qu’elles ont vu assis sur la pierre. Dans cette hypothèse, elles en ont vu deux, et ont entendu de chacun d’eux séparément les paroles que rapportent les Evangélistes. Ou bien encore, le tombeau dans lequel elles entrèrent, doit s’entendre d’une place libre entourée de murs qui formaient comme une enceinte destinée à défendre à une certaine distance le roc dans lequel le sépulcre était creusé. On comprend parfaitement alors qu’elles aient vu dans le même lieu, assis du côté droit, celui qui, d’après saint Matthieu, était assis sur la pierre. — Théophile. Quelques auteurs prétendent que les femmes dont parle saint Matthieu sont différentes de celles dont il est question dans saint Marc, mais Marie-Madeleine les accompagnait toutes dans l’impatience de sa ferveur et l’ardeur de son amour.

Sévère d’Antioche. Les saintes femmes entrent dans le tombeau pour s’ensevelir avec Jésus-Christ et ressusciter avec lui. Elles aperçoivent un jeune homme, figure de l’âge de l’homme ressuscité, qui ne connaît point la vieillesse ; car là où l’homme ne doit plus ni naître ni mourir, l’âge de l’homme n’est plus soumis ni à la croissance, ni à la décroissance. Voilà pourquoi ce n’est ni un vieillard, ni un enfant, mais un jeune homme dans la fleur de l’âge qui se présente aux regards des saintes femmes. — Bède. Elles virent un jeune homme assis à la droite, à la partie méridionale de l’endroit où le corps avait été déposé. En effet, ce corps étendu sur le dos dans le sépulcre, ayant la tête à l’Occident, devait avoir nécessairement la droite au Midi. — S. Grég. (hom. 20.) La gauche est ici l’emblème de la vie présente ; et la droite le symbole de la vie éternelle. Or, comme notre Rédempteur avait traversé cette vie corruptible, c’est avec raison que l’ange qui venait annoncer son entrée dans la vie éternelle, se tenait à droite. — Sévère d’Antioche. Une autre raison pour laquelle ils aperçoivent ce jeune homme assis à la droite, c’est que dans la résurrection glorieuse il n’y a point de gauche. Elles le virent revêtu d’une robe blanche ; cette robe blanche n’est point un tissu fait avec la laine d’une toison, c’est l’œuvre d’une puissance pleine de vie, sa couleur n’a rien de la terre, et emprunte tout son éclat aux cieux, selon ces paroles du prophète : " Il est revêtu de la lumière comme d’un manteau " (Ps 103), et ces autres du Sauveur en parlant des justes : " Alors les justes brilleront comme le soleil. (Mt 13) — S. Grég. (hom. 21.) On bien encore, il apparut revêtu d’une robe blanche, parce qu’il nous annonce les joies de cette grande fête, car la blancheur des vêtements est le symbole de cette grande et éclatante solennité. — S. Jérôme. La robe blanche figure encore la joie véritable que répand dans les âmes la défaite de notre ennemi, la conquête du royaume, la jouissance du roi pacifique que nous avons trouvé après tant de recherches, et que nous possédons sans crainte de le perdre. Ce jeune homme donne donc à ceux qui craignent la mort, un symbole de la forme que nous réserve la résurrection. Les femmes sont saisies de frayeur, parce que l’œil n’a point vu, l’oreille n’a point entendu, le cœur de l’homme n’a point compris ce que Dieu a préparé à ceux qui l’aiment (2 Co 2, 9).

" Il leur dit, " etc. — S. Grég. (hom. 21.) C’est-à-dire : Laissez la crainte à ceux qui n’aiment point la visite des habitants des cieux, laissez la frayeur à ceux qui, accablés sous le poids des désirs de la chair, désespèrent de pouvoir jamais arriver dans leur société ; mais pour vous, pourquoi craignez-vous la vue de vos concitoyens ? — S. Jérôme. Car la crainte n’est point dans la chanté. (1 Jn 4) Pourquoi craindraient-elles, après avoir trouvé celui qu’elles cherchaient.

S. Grég. (hom. 21.) Mais écoutons ce que l’ange ajoute : " Vous cherchez Jésus de Nazareth. " Jésus en latin veut dire salutaire ou Sauveur. Or, plusieurs ont pu être appelés Jésus de nom seulement, et sans qu’ils le fussent en réalité. L’ange ajoute : " De Nazareth, " pour préciser de quel Jésus il voulait parler, et il indique le motif pour lequel les saintes femmes le cherchaient, par ce mot : " Qui a été crucifié. " — Théophile. Il ne rougit point de la croix, car la croix est la cause du salut des hommes, et le principe de la béatitude des cieux.

S. Jérôme. La racine de la croix a cessé de faire sentir son amertume, la fleur de vie est sortie de sa tige, accompagnée de ses fruits, c’est-à-dire que celui qui gisait dans le tombeau victime de la mort, en est sorti glorieux et triomphant. " Il est ressuscité, il n’est plus ici. " Il n’y est plus présent corporellement, lui qui cependant remplit tout de la présence de sa majesté. — Théophile. Il semble leur dire : Voulez-vous une preuve certaine de sa résurrection ? Voici l’endroit où on l’avait mis, et il avait renversé la pierre, afin, qu’elles pussent constater elle-même le lieu où on l’avait déposé. — S. Jérôme. L’ange dévoile les mystères de l’immortalité à de simples mortels, pour nous inspirer de justes sentiments d’actions de grâces, et nous faire comprendre ce que nous avons été et ce que nous serons un jour.

" Allez, et dites à ses disciples, " etc. Il charge les saintes femmes d’apprendre cette nouvelle aux Apôtres ; la mort a été annoncée par la femme, c’est par la femme que doit être annoncée la vie qui ressuscita d’entre les bras de la mort. L’ange désigne spécialement Pierre, parce qu’il s’est jugé indigne de l’apostolat, lorsqu’il a renié par trois fois son Maître ; mais les péchés passés ne sont point pour nous un obstacle, lorsqu’ils cessent de nous être agréables. — S. Grég. (hom. 21.) Si l’ange n’avait pas désigné nommément celui qui avait renié son divin Maître, il n’aurait pas osé reprendre sa place parmi ses disciples, il l’appelle donc par son nom pour l’arracher au désespoir où aurait pu jeter son renoncement.

S. Augustin. (de l’accord des Evang., 3, 25.) Ces paroles : " Il vous précédera en Galilée, " semblent indiquer que Jésus ne devait apparaître à ses disciples, après sa résurrection, qu’en Galilée ; apparition que saint Marc lui-même n’a point rapportée ; car les apparitions qu’il raconte en ces termes : "Le premier jour de la semaine, au matin, il apparut à Marie-Madeleine, et puis ensuite à deux d’entre eux qui s’en allaient à la campagne, " ont eu lieu à Jérusalem le jour même de la résurrection, et il arrive aussitôt à la dernière manifestation du Sauveur ressuscité sur le mont des Oliviers, non loin de Jérusalem ; saint Marc ne nous montre donc nulle part l’accomplissement de la prédiction de l’ange qu’il nous fait connaître. Quant à saint Matthieu, il ne mentionne d’autre apparition du Sauveur à ses disciples, après sa résurrection, que celle qui eut lieu en Galilée, selon la prédiction de l’ange. Mais comme cet Evangéliste n’indique point le temps précis de cette apparition, et qu’il ne précise point davantage ni le jour où les disciples se sont rendus sur une montagne dans la Galilée, ni l’ordre des faits, sa narration n’est point en contradiction réelle avec celle des autres Evangélistes, et donne toute facilité pour les interpréter et les expliquer. Mais pourquoi le Seigneur fait-il annoncer qu’il ne leur apparaîtra pour la première fois que dans la Galilée, où il ne se manifesta que plus tard. C’est un secret qui excite l’attention de tout fidèle, et le porte à demander quel mystère est renfermé dans ces paroles. — S. Grég. (hom. 21.) Le mot Galilée signifie transmigration ; déjà notre Rédempteur était passé des souffrances de sa passion à la gloire de là résurrection, de la mort à la vie ; et nous aussi nous jouirons un jour du spectacle de sa résurrection, si nous sortons ici de la fange des vices pour nous élever aux sommets de la vertu. Celui qu’on disait être dans le sépulcre, nous apparaît passant de la mort à la vie. Ainsi celui qui se fait remarquer par la mortification de la chair donne aux autres le spectacle de l’heureuse transmigration de son âme. — S. Jérôme. Ces paroles sont courtes à ne compter que les syllabes qui les composent, mais elles sont immenses par l’étendue des promesses qu’elles contiennent. Là est la source de notre joie et le principe de notre salut éternel ; c’est là que se réuniront tous ceux qui sont dispersés, et que tous les cœurs brisés seront pas tel que vous l’avez vu. " — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 3, 25.) Ces paroles signifient que la grâce de Jésus-Christ devait quitter le peuple d’Israël pour passer ou pour émigrer chez les Gentils, qui n’eussent jamais reçu la prédication des Apôtres, si Dieu lui-même ne leur avait préparé la voie dans les cœurs des hommes. Et c’est là le sens de ces paroles : " Je vous précéderai en Galilée, c’est là que vous le verrez, " c’est-à-dire là vous trouverez ses membres.

" Elles sortirent aussitôt du sépulcre et s’enfuirent, saisies de crainte et de tremblement. " — Théophile. Cette frayeur était produite à la fois par la vue de l’ange, et par l’étonnement où les jetait la résurrection du Sauveur. — Sévère d’Antioche. L’ange est assis sur le sépulcre, tandis que les femmes s’enfuient loin du sépulcre ; nous voyons d’un côté la confiance que donne une nature céleste, de l’autre, le trouble inhérent à la condition d’une nature terrestre. L’ange qui n’est point sujet à la mort, ne craint point le tombeau ; les femmes, au contraire, tremblent à la vue du fait dont elles sont témoins, et la présence du tombeau réveille dans leur âme la frayeur de la mort naturelle aux mortels. — S. Jérôme. On peut dire encore que c’est ici une figure de la vie future, d’où fuiront à jamais la douleur et les gémissements ; car les femmes imitent avant la résurrection générale ce que feront tous les hommes après la résurrection ; elles fuient la mort, et tout ce qui leur inspire de l’effroi.

" Et elles ne durent rien à personne, tant, leur frayeur était grande. " — Théophile. Ce fut ou par crainte des Juifs, ou sous l’impression de la frayeur de ce qu’elles avaient vu, qu’elles gardèrent le silence sur ce qui leur avait été dit. — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 3, 24.) Mais comment concilier ce que dit ici saint Marc avec le récit de saint Matthieu : " Ces femmes sortirent aussitôt du sépulcre avec crainte et grande joie, et elles coururent porter cette nouvelle aux disciples ? " On peut dire qu’elles n’osèrent adresser la parole soit à aucun des anges (c’est-à-dire rien répondre à ce qu’elles avaient entendu), soit aux gardes qu’elles virent étendus à terre ; car la joie dont elles étaient pénétrées, selon saint Matthieu, ne contredit pas le sentiment de crainte dont parle saint Marc. Nous devrions même admettre que leur âme fut livrée à ces deux émotions si différentes, lors même que saint Matthieu ne les représenterait point sous l’impression de la crainte. Mais comme il dit expressément qu’elles sortirent du sépulcre avec crainte et grande joie, il ne peut plus y avoir de difficulté. — Sévère d’Antioche. C’est peut-être à dessein que l’Evangéliste remarque que les femmes ne dirent rien à personne, parce que le devoir des femmes est d’écouter et non de parler, d’apprendre et non pas d’enseigner.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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