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Mc  10  1-12

Bède. Jusqu’ici saint Marc a rapporté les actions et les enseignements du Sauveur dans la Galilée ; il va maintenant nous présenter le récit de ce qu’il a fait, enseigné et souffert dans la Judée : d’abord, au delà du Jourdain à l’Orient : " Et Jésus étant parti de ce lieu, se dirigea vers les confins de la Judée, " etc. Puis en deçà du Jourdain, à Jéricho, à Béthanie, à Jérusalem. Tout le pays habité par les Juifs, porte le nom général de Judée, nom qui le distingue des nations voisines ; mais ou donne spécialement le nom de Judée à la partie méridionale de ce pays, pour la distinguer de la Samarie, de la Galilée, de la Décapole, et des autres provinces du même royaume. — Théophile. Jésus-Christ visite la Judée, dont il s’était souvent éloigné à cause de la jalousie des Juifs, parce que c’est là que sa passion devait s’accomplir. Cependant il ne s’avance pas encore jusqu’à Jérusalem, mais il demeure sur les confins, pour utiliser son ministère en faveur du peuple simple et sans malice, tandis que la malveillance des Juifs faisait de Jérusalem un centre de complots criminels. " Et le peuple, dit l’Evangéliste, s’assembla autour de lui, " etc.

Bède. Remarquez comme le peuple et les pharisiens sont animés d’intentions différentes ; le peuple s’assemble pour recueillir l’enseignement, et obtenir la guérison de ses malades, comme nous le rapporte saint Matthieu ; les pharisiens s’approchent du Sauveur pour le tenter et le perdre. " Les pharisiens s’approchant, " etc. — Théophile. Les pharisiens n’ont garde de s’éloigner de Jésus, dans la crainte que le peuple ne croie en lui, ils l’entourent continuellement, persuadés qu’ils viendront à bout de l’embarrasser et de le confondre par leurs questions. Celle qu’ils lui font eu ce moment, cache un double piége. Que le Sauveur réponde qu’il est permis, ou qu’il est défendu à un homme marié de renvoyer sa femme, ils ont à lui opposer un texte de la loi de Moïse, qui le contredit et le condamne. Mais Jésus, qui est la sagesse même, leur fait une réponse qui échappe aux filets dans lesquels ils veulent le faire tomber. — S. Chrys. (hom. 63 sur S. Matth.) A cette question : " Est-il permis ? " Il ne répond pas aussitôt, non, cela n’est pas permis ; ce qui aurait amené de l’agitation parmi eux, mais il veut leur opposer d’abord le texte de la loi, afin de les forcer à donner eux-mêmes la réponse qu’il se disposait à leur faire. " Il leur répondit : Que vous a ordonné Moïse ? Moïse, disent-ils, a permis à l’homme de renvoyer sa femme, en lui donnant un écrit de répudiation. " Ils apportent cette permission donnée par Moïse, ou à cause de la question du Sauveur, ou pour soulever contre lui la colère de la multitude ; car les Juifs regardaient ce point comme indifférent, et rien n’était plus ordinaire parmi eux que cette conduite qu’ils croyaient autorisée par la loi.

S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 2, 62.) Peu importe à la vérité, que ce soit les Juifs qui, comme le rapporte saint Matthieu, entendant le Sauveur proclamer l’indissolubilité du mariage, et appuyer sa décision sur le texte même de la loi, l’aient interrogé sur l’écrit de répudiation autorisé par Moïse ; ou bien qu’il les ait amenés lui-même à lui faire cette réponse en les questionnant sur cet acte de répudiation, comme le dit saint Marc. L’intention du divin Maître était de n’expliquer l’autorisation accordée par Moïse, qu’après que les Juifs auraient l’eux-mêmes cité ce texte de la loi. Dès lors que les deux Evangélistes nous ont également fait connaître l’intention des personnes (intention qui doit déterminer le sens des paroles), peu importe une variante dans la manière de s’exprimer. On peut dire d’ailleurs avec saint Marc, que les Juifs commencèrent par demander au Sauveur s’il est permis de renvoyer son épouse, et qu’il leur demande à son tour ce que Moïse leur a ordonné ; sur la réponse qu’ils lui font, que Moïse le permettait en donnant un acte de répudiation, Notre-Seigneur leur répond, comme le rapporte saint Matthieu, en leur rappelant la loi donnée par Moïse, où l’on voit l’institution divine de l’union de l’homme et de la femme ; et c’est après cette réponse du Sauveur, qu’ils seraient revenus à leur première question, et lui auraient demandé : " Quel est donc le sens de l’autorisation donnée par Moïse. "

S. Augustin. (contre Fauste, 19, 26.) Certes, il était loin d’approuver le divorce, le législateur qui réprimait la fougue d’un esprit trop prompt à désirer la séparation par la sage lenteur que demande la rédaction d’un acte ; car chez les Hébreux, les scribes seuls avaient le droit d’écrire l’hébreu. C’était donc devant ces sages interprètes de la loi, à qui il appartenait de dissuader d’une séparation trop peu fondée, que devait se présenter celui à qui la loi ne permettait de renvoyer sa femme qu’en lui donnant un acte de répudiation. Ceux qui pouvaient seuls rédiger cet acte, trouvaient dans la nécessité où on était de recourir à leur ministère, une occasion de donner un conseil utile, et de travailler à rétablir entre l’homme et la femme l’affection et la concorde. Si la haine était si forte, qu’il fut impossible de l’éteindre ou de l’apaiser, l’acte était rédigé, la loi jugeant que la séparation était devenue nécessaire, puisque la haine avait atteint un degré qui ne permettait pas aux conseils de la sagesse de rappeler les époux aux sentiments d’affection qu’ils se doivent mutuellement. Voilà pourquoi le Sauveur répond : " C’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse a fait cette ordonnance. " Quelle dureté, en effet, que celle qui ne se laissait ni vaincre ni adoucir, soit par les difficultés de cet acte, soit par les conseils des hommes justes et sages, qui cherchaient à faire renaître ou à réveiller dans ce cœur l’affection conjugale ? — S. Chrys. Ou bien ces paroles : " A cause de la dureté de votre cœur, " signifient, qu’une âme libre de toute colère et de désirs mauvais, serait capable de supporter la femme la plus méchante ; mais si ces passions viennent à se développer et à exercer leur empire dans l’âme, elles deviendront le germe d’une infinité de maux, qui rendront souverainement odieux tout rapport entre les époux. Cette réponse justifie Moïse, qui leur avait donné cette loi et retourne contre eux l’accusation qu’ils semblaient porter contre lui. Mais comme l’explication que le Sauveur venait de donner, pouvait leur paraître sévère, il ramène leur attention sur la loi qui fut donnée dès l’origine. " Au commencement que le monde fut créé, Dieu forma un homme et une femme. " — Bède. Il ne dit pas un seul homme et plusieurs femmes, ce qui était le but et la fin du divorce, mais " un seul homme et une seule femme, " pour exprimer l’unité du lieu conjugal. — S. Chrys. (hom. 62 sur S. Matth.) Si l’intention de Dieu eût été que l’homme put renvoyer sa femme pour en épouser une autre, il aurait créé plusieurs femmes en même temps qu’un seul homme. Mais au contraire, non-seulement Dieu unit l’homme à une seule femme, mais il veut que, pour s’attacher plus complètement à elle, il abandonne même les auteurs de ses jours : " L’homme abandonnera son père et sa mère, dit Dieu par la bouche d’Adam, et il s’attachera à son épouse ; " cette expression, " il s’attachera, " indique assez nettement l’indissolubilité du mariage. — Bède. Il faut dire la même chose de l’expression suivante, " il s’attachera à son épouse " et non à ses épouses.

" Et ils seront deux dans une seule chair. " — S. Chrys. (hom. 62.) C’est-à-dire, que, sortis d’une même racine, ils ne feront qu’un même corps. " C’est pourquoi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. " — Bède. La gloire et le bonheur du mariage est de faire de deux personnes une même chair ; et l’union de l’esprit avec un corps chaste, produit l’unité de l’esprit.

S. Chrys. (Ibid.) Notre-Seigneur tire enfin de ce qu’il vient de dire cette redoutable conclusion. Il ne dit pas seulement : " Ne séparez pas, " mais " que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. " — S. Augustin. (contre Fauste, 19, 29.) Les Juifs, en usant de la faculté du divorce, prétendaient s’appuyer sur l’autorisation donnée par Moïse ; et le Sauveur leur démontre que, d’après les livres de Moïse, l’homme ne doit point se séparer de sa femme. C’est ainsi que nous aussi, chrétiens, nous apprenons par le témoignage de Jésus-Christ lui-même, que c’est Dieu qui a créé et uni l’homme et la femme. Les Manichéens, qui ont nié cette vérité, sont condamnés, non-seulement par les livres de Moïse, mais par l’Evangile lui-même. — Bède. Il n’appartient donc pas à l’homme de séparer l’homme de la femme ; c’est le droit de Dieu seul, qui les avait unis lui-même, en ne faisant de l’homme et de la femme qu’une seule chair. Quand l’homme abandonne sa première femme, par le seul désir d’en épouser une autre, c’est lui-même qui fait la séparation ; mais c’est Dieu qui en est l’auteur, lorsque cette séparation n’a pour motif que le désir de mieux servir le Seigneur, en ayant une femme comme n’en ayant pas. — S. Chrys. Si c’est un crime de séparer les deux créatures que Dieu lui-même a unies, c’en est un beaucoup plus grand de chercher à séparer l’Eglise de Jésus-Christ, à qui Dieu l’a unie.

Théophile. La réponse de Jésus-Christ aux pharisiens n’a pas résolu complètement les doutes des disciples, aussi l’interrogent-ils à leur tour : " Ses disciples l’interrogèrent encore dans la maison sur le même objet. " — S. Jérôme. L’Evangéliste dit que les Apôtres l’interrogèrent une seconde fois, parce que leur question n’est que la répétition de celle des pharisiens, et qu’elle a pour objet l’état du mariage. Et cette répétition n’est pas inutile ; car la réponse que renouvelle le Verbe, loin de produire l’ennui, est un nouveau stimulant pour la faim et la soif. " Ceux qui me mangent, auront encore faim, et ceux qui ne boivent auront encore soif. " (Qo 24) Quand une âme a une fois goûte les enseignements de la sagesse, plus doux que le miel, son amour fait qu’elle y trouve une saveur délicieuse. Aussi le Sauveur s’empresse-t-il de renouveler l’instruction qu’il vient de donner : " Quiconque renvoie sa femme pour en épouser une autre, commet un adultère à son égard. " — S. Chrys. Habiter avec une femme qui n’est pas la sienne, voilà ce que le Sauveur appelle un adultère ; cette seconde femme ne peut être la sienne après qu’il a abandonné la première ; il commet donc le crime d’adultère avec elle, c’est-à-dire, avec la seconde ; il en est de même de la femme à l’égard de son mari. Et si la femme se sépare de son mari et en épouse un autre, elle devient adultère. Séparée de son mari, elle ne peut donner ce nom à un autre homme, auquel elle s’unit. La loi avait défendu l’adultère public, mais le Sauveur proclame que tout adultère, ne fût-il ni public, ni connu d’un grand nombre de personnes, est contraire à la loi naturelle.

Bède. Saint Matthieu est plus explicite encore : " Quiconque abandonnera sa femme, hors le cas de fornication. " La séparation ne peut donc avoir lieu que pour deux causes ; la fornication, c’est la raison charnelle, ou la crainte de Dieu, c’est le motif spirituel qui en a déterminé un grand nombre à une séparation mutuelle. Mais aucun motif approuvé de Dieu ne peut autoriser un homme à s’unir à une autre femme, tant que vit la première.

S. Chrys. Saint Matthieu, en disant que Notre-Seigneur donna ces enseignements aux pharisiens, ne contredit pas saint Marc, qui rapporte qu’ils furent donnés aux disciples, car ils ont très bien pu être donnés aux uns d’abord, et ensuite aux autres.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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