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Lc  6  43-45

Bède. Notre-Seigneur continue à parler ici contre les hypocrites : « L’arbre qui produit de mauvais fruits, n’est pas bon, » etc. ; paroles dont voici le sens : Si vous voulez avoir une vertu véritable et sincère, montrez-vous dans les oeuvres ce que vous êtes en paroles ; car l’hypocrite qui se couvre du masque de la vertu, n’est cependant pas vertueux, s’il fait le mal ; et s’il ose reprendre un innocent, ses reproches ne le rendent pas pour cela mauvais, puisqu’il fait le bien. — Tite de Bostra. Que ces paroles ne favorisent point votre négligence, un arbre est soumis aux lois qui régissent la nature végétale ; pour vous, au contraire, vous avez l’usage de votre libre arbitre ; tout arbre stérile a été créé pour une fin particulière ; pour vous, vous avez été créé pour pratiquer la vertu. — S. Isidore. (Liv. 4, lettre 81.) Ce n’est point le repentir, mais la persévérance dans le mal, que le Sauveur condamne par ces paroles ; tant que la disposition de l’âme reste mauvaise, elle ne peut produire de bons fruits ; mais si elle se tourne du côté du bien, alors elle produit des fruits de vertu. La nature de l’arbre s’appelle en nous l’affection, aussi elle peut ce qui est impossible à un arbre mauvais, c’est-à-dire produire de bons fruits.

S. Chrys. (Hom. 43 sur S. Matth.) Quoique le fruit naisse de l’arbre, il le fait néanmoins connaître, en ce sens, que la nature, l’espèce d’un arbre se distinguent par ses fruits. — S. Cyrille. Ainsi la vie de tout homme est l’expression véritable de ses moeurs, car ce n’est point aux ornements extérieurs, aux dehors d’une feinte humilité qu’on reconnaît l’éclat du vrai bonheur, mais par les oeuvres que chacun opère ; vérité que le Sauveur confirme par ces paroles : « On ne cueille point de figues sur des épines. » — S. Ambr. Ce n’est point parmi les épines de ce monde qu’on peut trouver ce figuier qui est l’image de la résurrection, parce que les seconds fruits en sont meilleurs que les premiers, ou encore, parce que, selon ces paroles du livre des Cantiques (Ct 2) : « Les figuiers ont donné leurs premières figues, » les fruits qu’ils ont donnés au temps de la synagogue, n’étaient ni mûrs, ni durables, ni utiles ; ou bien encore, parce que notre vie ne parvient pas à sa maturité dans ce corps mortel, mais seulement dans sa résurrection. Nous devons donc rejeter loin de nous les sollicitudes de la terre qui déchirent l’âme et consument l’esprit, afin d’obtenir par nos soins assidus des fruits d’une maturité parfaite. Ainsi ces paroles se rapportent à la vie présente et à la résurrection, et les suivantes à l’âme et au corps. « On ne vendange point de raisin sur des ronces, » c’est-à-dire, que le péché ne peut faire produire aucun fruit à l’âme qui, semblable au raisin, se corrompt si elle est trop près de la terre, et ne peut mûrir que dans les hauteurs ; ou bien que personne ne peut échapper à la damnation de la chair, s’il n’est racheté par Jésus-Christ, qui, comme le raisin, a été suspendu sur le bois. — Bède. Ou bien encore, les épines et les ronces signifient les soucis du siècle et les atteintes perçantes des vices, tandis que les figues et le raisin représentent les douceurs de la vie nouvelle et l’ardeur de la charité. Or, on ne cueille point de figues sur les épines, ni de raisin sur les ronces, parce que l’âme qui est encore courbée sous le poids des habitudes du vieil homme, peut bien avoir l’apparence trompeuse de la fécondité, mais ne peut produire les fruits de l’homme nouveau. Remarquons encore que, de même que la branche féconde de la vigne, s’appuie et s’enlace aux buissons, de sorte que les épines supportent et conservent pour l’usage de l’homme, un fruit qui n’est pas le leur ; ainsi les paroles ou les actions des méchants peuvent quelquefois être utiles aux bons, ce qui doit être attribué, non à la volonté des méchants, mais aux desseins providentiels de Dieu qui sait tirer le bien du mal.

S. Cyrille. Après avoir montré que le bon et le méchant peuvent se reconnaître à leurs oeuvres, comme on reconnaît un arbre à ses fruits, Notre-Seigneur enseigne la même vérité sous une autre figure : « L’homme bon tire le bien du bon trésor de son coeur, et l’homme mauvais tire le mal du mauvais trésor de son coeur. » — Bède. Le trésor du coeur est comme la racine de l’arbre ; celui donc qui possède dans son coeur un trésor de patience et d’amour parfait, produit des fruits excellents en aimant ses ennemis et en pratiquant tous les divins enseignements qui précèdent ; mais celui qui n’a dans son coeur qu’un trésor de méchanceté, agit d’une manière tout opposée. — S. Basile. De plus, la nature des paroles est un indice certain de l’état du coeur d’où elles sortent, et en révèle clairement les dispositions les plus intimes : « Car la bouche parle de l’abondance du coeur. » — S. Chrys. (hom. 43 sur S. Matth.) Lorsque la source intérieure du mal est abondante, par une conséquence naturelle, les paroles mauvaises s’exhalent des lèvres ; aussi quand vous entendez un homme proférer des paroles coupables, ne croyez pas que la méchanceté de son coeur est simplement égale à la malignité de ses discours, mais concluez sans crainte de vous tromper, que la source est beaucoup plus abondante que le ruisseau. — Bède. Par les paroles qui sortent de la bouche, Notre-Seigneur a voulu désigner tout ce qui prend sa source dans notre coeur, c’est-à-dire, les paroles, les actions ou les pensées, car c’est la coutume des Écritures, d’employer les paroles pour les actes.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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