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Lc  6  24-26

S. Cyrille. Notre-Seigneur vient d’enseigner que la pauvreté supportée en vue de Dieu, est la cause de tout bien, et que la faim et les larmes auront droit à la récompense des saints ; il passe maintenant aux vices opposés à ces vertus, et les présente comme une cause de damnation et de supplice : « Malheur à vous, riches, qui avez votre consolation. » — S. Chrys. (hom. 17 sur la Gen.) Cette locution malheur s’adresse toujours dans l’Écriture à ceux qui ne peuvent échapper au supplice de la vie future. — S. Ambr. L’abondance des richesses est la source de bien des séductions coupables, mais aussi de bien des inspirations vertueuses. Quoique la vertu ne recherche pas l’opulence, et que l’aumône du pauvre soit plus agréable à Dieu que la libéralité du riche ; cependant ce ne sont point ceux qui ont des richesses, mais ceux qui ne savent point en faire usage qui sont atteints par la sentence divine. En effet, le pauvre a d’autant plus de mérite, qu’il donne par un mouvement spontané du coeur ; et le riche est d’autant plus coupable, qu’il devait rendre grâce à Dieu de ce qu’il a reçu, et ne point réserver inutilement une fortune qui ne lui a été donnée que pour l’utilité commune. Ce ne sont donc point les richesses qui sont mauvaises, c’est l’attachement aux richesses qui est coupable. Et quoiqu’il n’y ait pas de plus grand tourment pour l’avare que d’entasser avec crainte et inquiétude des trésors dans l’intérêt de ses héritiers, cependant, parce que ses désirs d’amasser ont pour lui quelque attrait, il est juste que ceux qui ont la consolation de la vie présente, perdent les joies de la vie éternelle. Ces riches peuvent être aussi la figure du peuple juif ou des hérétiques, ou plutôt des pharisiens qui, se complaisant dans l’abondance des paroles et dans l’éloquence prétentieuse de leurs discours, ont dépassé la simplicité de la vraie foi et amassé des trésors inutiles.

« Malheur à vous qui êtes rassasiés, parce que vous aurez faim. » — Bède. Ce riche, vêtu de pourpre, se rassasiait en s’asseyant tous les jours à des tables splendidement servies, mais il souffrit ensuite ce cruel malheur, lorsque dévoré par la soif, il demandait que Lazare trempât le bout de son doigt dans l’eau pour rafraîchir sa langue. — S. Basile. L’Apôtre prouve la nécessité de la tempérance, en la plaçant parmi les fruits de l’Esprit (Ga 5). En effet, voulez-vous dompter votre corps ? point de moyen plus puissant que la tempérance, elle est comme un frein à l’aide duquel nous devons modérer l’ardeur de la jeunesse. La tempérance est donc la mort des crimes, l’apaisement des passions, le principe de la vie spirituelle, elle émousse l’aiguillon des plaisirs séducteurs. Néanmoins, pour éviter d’être confondus avec les ennemis de Dieu, nous devons, lorsque les circonstances l’exigent, accepter ce qui nous est présenté, pour montrer que tout est pur pour ceux qui sont purs, et user des choses nécessaires à la vie, en nous interdisant tout ce qui peut favoriser la volupté. D’ailleurs, tous ne peuvent pas s’imposer la même heure, ni la même manière, ni la même mesure dans la pratique de la tempérance, mais tous doivent avoir la même intention, de ne point aller jusqu’à la satiété, car la réplétion de l’estomac rend le corps lui-même impuissant à remplir ses fonctions, l’appesantit et le dispose au mal. — Bède. Ou encore, si ceux qui ont faim des oeuvres de justice, sont heureux, combien sont malheureux, au contraire, ceux qui cherchent à satisfaire tous leurs désirs, et n’éprouvent aucune faim du bien véritable.

« Malheur à vous qui riez, » etc. — S. Basile. Puisque le Seigneur menace ici ceux qui rient, il est donc évident que dans aucun temps, le vrai fidèle ne doit s’abandonner au rire, à la vue surtout de la multitude si grande de ceux qui meurent dans le péché et sur lesquels il faut bien plutôt verser des larmes. D’ailleurs, le rire immodéré est le signe d’un esprit déréglé et d’une âme désordonnée ; toutefois il n’est pas défendu de manifester la joie intérieure, en donnant au visage une certaine expression de gaieté. — S. Chrys. Mais dites-moi pourquoi cette dissipation, ces rires immodérés dans un chrétien qui doit paraître au terrible jugement de Dieu, et rendre compte de tout ce qu’il a fait ici-bas ?

Bède. La flatterie nourrit le péché, et, semblable à l’huile qui excite le feu, elle fournit un aliment à l’ardeur du mal ; aussi Notre-Seigneur ajoute : « Malheur à vous, quand les hommes vous loueront, » etc. — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Cette recommandation n’est point opposée à ces autres paroles du Sauveur : « Que votre lumière luise devant les hommes (Mt 5). » En effet, nous devons avoir un saint empressement à faire le bien pour la gloire de Dieu, et non pour notre propre gloire, car rien de plus funeste que la vaine gloire, elle engendre l’injustice, le désespoir et l’avarice, mère de tous les maux. Si donc vous voulez éviter ces funestes effets, tenez vos regards constamment tournés vers Dieu, et contentez-vous de la gloire qui vient de lui. Car, si, en toute espèce de chose, on doit choisir les plus savants pour experts et pour arbitres, comment pourriez-vous confier l’appréciation de votre vertu aux hommes plutôt qu’à Dieu, qui la connaît mieux qu’eux tous, qui en est à la fois l’auteur et la récompense ? Si vous désirez la gloire qui vient de Dieu, fuyez donc les louanges des hommes, car nul n’a plus de droit à notre admiration que celui qui dédaigne la gloire, et si tels sont nos sentiments, à plus forte raison, ceux du souverain Maître de toutes choses. Considérez, d’ailleurs, que la gloire des hommes passe bien vite, parce que le cours rapide du temps la fait tomber dans l’oubli.

« Car c’est ainsi que leurs pères faisaient aux faux prophètes. » — Bède. Les faux prophètes sont ainsi appelés, parce qu’ils s’efforçaient de prédire l’avenir pour gagner la faveur du peuple. Or, Notre-Seigneur n’a proclamé sur la montagne que les béatitudes des bons, tandis que, descendu dans la plaine, il prédit aussi les supplices des réprouvés, parce que les auditeurs encore ignorants et grossiers, ont besoin d’être poussés dans la voie du bien par la crainte des châtiments, tandis qu’il suffit pour les parfaits, de les inviter par l’attrait des récompenses. — S. Ambr. Remarquez encore que saint Matthieu attire les peuples à la foi et à la vertu par la perspective des récompenses, tandis que saint Luc cherche à les éloigner des crimes par la menace des châtiments.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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