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Lc  24  45-49

Bède. Notre-Seigneur s’est fait voir aux yeux et toucher par les mains de ses disciples, il vient de leur rappeler les témoignages des saintes Écritures, il ne lui restait plus que de leur en découvrir le véritable sens : « Alors il leur ouvrit l’esprit pour leur faire comprendre les Écritures. » — Théophile. Autrement, comment leur âme troublée et chancelante aurait-elle pu s’appliquer à l’étude des mystères de Jésus-Christ ? il y ajoute encore l’enseignement de sa divine parole : « Il leur dit : Il est ainsi écrit, et c’est ainsi qu’il fallait que le Christ souffrît, » c’est-à-dire, le supplice de la croix.

Bède. Jésus-Christ aurait perdu tout le fruit de sa résurrection, s’il ne fût véritablement ressuscité. Aussi ajoute-t-il : « Et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour. » Après avoir établi la vérité de son corps, il veut aussi établir l’unité de son Église : « Et qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations. » — Eusèbe. Dieu lui avait en effet : « Demandez-moi, et je vous donnerai les nations pour héritage. » (Ps 2.) Il était nécessaire, en effet, que ceux des Gentils qui se convertiraient à lui, fussent purifiés par sa vertu de toutes les taches et de toutes les souillures contractées au milieu des erreurs diaboliques de l’idolâtrie et des abominations d’une vie d’impudicité. Voilà pourquoi il ajoute : « Il fallait qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés dans toutes les nations ; » car tous ceux qui témoignent un véritable repentir, reçoivent de sa grâce et de sa miséricorde le pardon des iniquités pour l’expiation desquelles il a voulu souffrir la mort.

Théophile. L’idée du baptême dans lequel on obtient le pardon de ses péchés en renonçant aux crimes de la vie passée se trouve renfermée dans ces paroles : « Qu’on prêchât en son nom la pénitence et la rémission des péchés. » Mais comment entendre que le baptême doit être donné au seul nom de Jésus-Christ, lorsque lui-même commande ailleurs de baptiser au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ? Nous répondons premièrement que ces paroles ne veulent point dire que le baptême ne doive être donné qu’au nom de Jésus-Christ, mais qu’il faut recevoir le baptême de Jésus-Christ, c’est-à-dire un baptême spirituel tout différent du baptême des Juifs, un baptême qui ne soit plus comme celui de Jean, un baptême de simple pénitence, mais une véritable participation de l’Esprit saint, comme il arriva au baptême de Jésus-Christ dans le Jourdain, alors qu’on vit l’Esprit saint descendre sur sa tête sous la forme d’une colombe. Etre baptisé au nom de Jésus-Christ, c’est donc être baptisé en la mort de Jésus-Christ. En effet, de même qu’il est ressuscité trois jours après sa mort, de même nous sommes plongés trois fois dans l’eau, et nous en sortons en recevant les arrhes de l’esprit d’incorruptibilité. Ajoutons que le nom de Jésus-Christ comprend en lui-même, et le Père qui donne l’onction, et le Saint-Esprit qui est l’onction même, et le Fils qui a reçu cette onction dans sa nature humaine). Le genre humain ne devait plus être divisé en deux peuples, les Juifs et les Gentils, et c’est pour réunir tous les hommes en un seul peuple, qu’il ordonne à ses Apôtres de commencer la prédication par Jérusalem, et de la terminer par les nations : « Dans toutes les nations, en commençant par Jérusalem. » — Bède. La raison de ce précepte n’est pas seulement parce que c’est aux Juifs que les oracles de Dieu ont été confiés (Rm 3, 2) ; et qu’à eux appartient l’adoption des enfants, et la gloire et l’alliance (Rm 9, 4) ; mais parce que Dieu veut que les Gentils, plongés dans tant d’erreurs différentes, conçoivent une vive espérance d’obtenir leur pardon, en voyant la divine miséricorde l’accorder à ceux mêmes qui ont crucifié le Fils de Dieu. — S. Chrys. Il voulait aussi prévenir le reproche que l’on pourrait faire aux Apôtres, d’avoir négligé leurs concitoyens pour aller se produire avec ostentation chez les étrangers ; c’est donc devant les bourreaux eux-mêmes du Sauveur, qu’ils exposent les preuves de la résurrection, et dans cette même ville où s’est accompli cet audacieux forfait ; or quelle preuve plus éclatante de la résurrection de Jésus-Christ, que la conversion et la foi de ceux mêmes qui l’ont crucifié ?

Eusèbe. Or, si les prédictions que Jésus-Christ a faites, ont déjà leur accomplissement, et si la foi du monde entier reconnaît la puissance et l’efficacité de sa parole, il est temps désormais de croire à l’auteur de cette parole, et de reconnaître aussi qu’il doit nécessairement être Dieu, puisque les oeuvres divines qu’il opère sont conformes à ses divins enseignements. C’est ce qui s’est accompli par le ministère des Apôtres : « Pour vous, vous êtes témoins de ces choses » etc., c’est-à-dire, de ma mort et de ma résurrection. — Théophile. Mais comment, pouvaient se demander les Apôtres, dans le trouble de leur âme, comment, nous qui sommes des hommes ignorants, pourrons-nous rendre ce témoignage devant les Gentils et devant les Juifs qui vous ont mis à mort. Notre-Seigneur prévient cette difficulté : « Je vous enverrai, leur dit-il, le don promis par mon Père, » etc., celui que Dieu avait promis en ces termes par le prophète Joël : « Je répandrai mon esprit sur toute chair, » etc. (Jl 2, 18.)

S. Chrys. (hom. 4 sur les Actes.) De même qu’un général ne laisse point ses soldats marcher contre de nombreux ennemis, qu’ils ne soient parfaitement armés ; ainsi le Sauveur ne permet pas à ses disciples d’affronter les combats avant la descente de l’Esprit saint : « Vous, tenez-vous eu repos dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut. » — Théophile. C’est-à-dire, d’une force qui n’a rien d’humain et qui est toute céleste. Et il ne dit pas : Jusqu’à ce que vous receviez, mais : « Jusqu’à ce que vous soyez revêtus, » pour signifier la protection toute-puissante dont les couvrira l’Esprit saint. — Bède. C’est de cette vertu céleste, c’est-à-dire, de l’Esprit saint, que l’ange dit à Marie : « La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ; » (Lc 1) et que le Seigneur lui-même dit ailleurs : « J’ai senti qu’une vertu était sortie de moi. » (Lc 8.)

S. Chrys. Mais pourquoi l’Esprit saint ne descendit-il pas sur les Apôtres pendant que le Sauveur était encore sur la terre ou aussitôt qu’il l’eût quittée ? Il voulait leur faire désirer ardemment cette grâce, avant de la leur accorder, car c’est lorsque la nécessité nous presse que nous nous empressons de recourir à Dieu. Il fallait auparavant que notre nature fit son entrée dans le ciel, et que notre alliance avec Dieu fût consommée. C’est alors que l’Esprit saint devait descendre et répandre dans notre âme une joie pure et sans mélange. Remarquez aussi l’obligation expresse qu’il leur impose de demeurer à Jérusalem, parce que c’est là qu’ils recevront l’Esprit saint qu’il leur a promis, et comment il les enchaîne par cette bienheureuse attente, qui les empêche de prendre de nouveau la fuite après sa résurrection. Il leur dit : « Jusqu’à ce que vous soyez revêtus de la force d’en haut. » Il ne précise pas le moment pour les tenir dans une constante vigilance. Qu’y a-t-il donc d’étonnant qu’il ne nous ait pas fait connaître le dernier jour, puisqu’il n’a pas voulu indiquer à ses Apôtres le jour qui était si proche ?

S. Grég. (Past., part. 3, chap. 26.) Il faut donner de sévères avertissements à ceux que leur âge ou leurs imperfections devraient éloigner du ministère de la prédication, et qui s’y jettent cependant avec présomption ; car en usurpant avec autant de témérité un ministère aussi sublime et aussi redoutable, ils se ferment la voie à tout progrès dans la vertu. Voyez la Vérité elle-même qui pouvait en un instant donner à ses Apôtres la force qui leur manquait, qui leur avait donné les instructions les plus complètes sur l’objet de leurs prédications, leur commande cependant de se tenir en repos dans la ville, jusqu’à ce qu’ils soient revêtus de la force d’en haut, exemple qu’elle voulait donner à tous les siècles suivants, et qui devait détourner les âmes imparfaites de se charger témérairement du ministère de la prédication. Or, nous nous tenons en repos dans la ville, lorsque nous nous renfermons dans l’intérieur de notre âme, évitant de nous répandre dans les conversations extérieures, et attendant que nous soyons pleinement revêtus de la force divine, avant de sortir de nous-mêmes pour instruire les autres. 

S. Ambr. Mais comment se fait-il que d’après saint Jean (Jn 20, 23), les Apôtres avaient déjà reçu alors l’Esprit saint, tandis qu’ici nous voyons le Sauveur leur commander de demeurer dans la ville, jusqu’à ce qu’ils soient revêtus de la force d’en haut ? Peut-être soufflait-il d’abord sur les onze Apôtres pour leur donner l’Esprit Saint, comme étant plus parfaits, et promet-il ici de le donner ensuite aux autres. Ou bien, c’est aux mêmes qu’il le donne d’un côté et qu’il le promet de l’autre. Et il n’y a en cela aucune contradiction, puisque les grâces sont différentes ; ainsi le Sauveur donne, d’après saint Jean, la grâce d’une opération divine, et en promet une autre d’après saint Luc. En effet, la première fois il donne à ses Apôtres le pouvoir de remettre les. péchés (pouvoir qui est moins étendu), et Jésus-Christ le leur donne en soufflant sur eux, afin que vous croyiez que l’Esprit saint est l’esprit de Jésus-Christ, et que c’est le même que l’esprit de Dieu, car Dieu seul peut remettre les péchés. Saint Luc, au contraire, veut parler du don des langues que l’Esprit saint communiqua aux Apôtres. — S. Cyrille. Ou encore, il leur dit d’abord : « Recevez l’Esprit saint, afin de les préparer à le recevoir ; ou il parle au présent de ce qui ne devait arriver que plus tard. — S. Augustin. (de la Trin., 15, 26.) Ou encore, le Seigneur adonné deux fois l’Esprit saint à ses Apôtres après sa résurrection, la première fois sur la terre pour leur inspirer l’amour du prochain, et la seconde du haut du ciel pour allumer dans leurs coeurs l’amour de Dieu.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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