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Lc  23  38-43

Théophile. Considérez le nouvel artifice que le démon met en oeuvre contre Jésus-Christ. Il publie par trois inscriptions, en caractères différents, la cause de la condamnation de Jésus, afin que tous les passants voient qu’il a été crucifié, parce qu’il se disait roi : « Et au-dessus de sa tête était une inscription en grec, en latin, et en hébreu, où était écrit : Celui-ci est le roi des Juifs. » Cette triple inscription signifiait que les peuples les plus puissants, comme les Romains, les plus sages, comme les Grecs, les plus religieux, comme le peuple juif, se soumettraient à l’empire de Jésus-Christ. — S. Athan. C’est avec raison que cette inscription est placée au haut de la croix, parce que le règne de Jésus-Christ n’a point pour principe sa nature humaine, mais sa puissance divine. Je lis l’inscription du roi des Juifs, lorsque je lis dans saint Jean : « Mon royaume n’est pas de ce monde. » (Jn 19.) Je lis au-dessus de la tête de Jésus-Christ la cause de sa condamnation, quand je lis : « Et le Verbe était Dieu ; car Dieu est la tête ou le chef de Jésus-Christ. » (1 Co 11.)

S. Cyrille. Cependant un des voleurs s’associait aux outrages des Juifs contre le Sauveur : « Or, l’un des voleurs qui étaient suspendus en croix, le blasphémait en disant : Si tu es le Christ, sauve-toi toi-même et nous avec toi, » l’autre lui adressait ce reproche : « Ne crains-tu pas Dieu non plus, toi qui partages le même supplice ? » Il va plus loin, et confesse ses propres crimes : « Pour nous, du moins, c’est justice, nous sommes traités comme nous le méritons. » — S. Chrys. Ici donc, c’est le condamné qui remplit les fonctions de juge, celui qui, après mille tortures, a fini par avouer ses crimes devant le tribunal de Pilate, commence à reconnaître de lui-même la vérité ; c’est qu’en effet, le jugement de l’homme qui ignore le secret des coeurs, est bien différent de celui de Dieu, qui pénètre jusqu’au fond des consciences. Là, d’ailleurs, l’aveu est suivi du châtiment, ici, au contraire, la confession de son crime devient pour lui un principe de salut. Il fait plus encore, il proclame l’innocence de Jésus-Christ en ajoutant : « Mais celui-ci n’a rien fait de mal ; » comme s’il disait : Voyez ce nouveau genre d’injustice qui condamne l’innocence avec le crime. Pour nous, nous avons tué les vivants, celui-ci a ressuscité les morts ; nous avons dérobé le bien d’autrui, celui-ci commande de donner son propre bien. C’est ainsi que ce bienheureux larron instruisait ceux qui étaient présents, tout en reprenant le complice de ses crimes, Mais dès qu’il vit que cette multitude avait les oreilles fermées, il revient à celui qui connaît le secret des coeurs : « Et il disait à Jésus : Seigneur, souvenez-vous de moi, quand vous serez entré dans votre royaume. » Quoi ! vous ne voyez qu’un crucifié, et vous l’appelez votre Seigneur ; vous avez sous les yeux la figure d’un condamné, et vous proclamez sa puissance royale ; vous êtes couvert de crimes, et vous demandez à la source de toute justice de se souvenir de vos iniquités ? Oui, mais je découvre son royaume caché aux yeux des autres, et vous, Seigneur, vous effacez mes crimes publics, et vous agréez la foi des sentiments secrets de mon âme. L’iniquité s’est emparé précédemment du disciple de la vérité, est-ce que la vérité ne changera point le disciple de l’iniquité ?

S. Grég. (Moral., 18, 23.) Les pieds et les mains de ce voleur étaient attachés à la croix avec des clous, et il n’avait de libre des souffrances que le coeur et la langue. Dieu lui inspire donc de lui offrir tout ce qu’il avait encore de libre, afin que selon la doctrine de l’Apôtre : « Il crût de coeur pour être justifié, et confessât de bouche pour obtenir le salut. » (Rm 10, 10.) C’est ainsi que cet heureux larron, rempli tout à coup de la grâce divine, reçut et conserva sur la croix les trois vertus dont parle encore l’Apôtre saint Paul (1 Co 3.) Il eut en effet la foi, puisqu’il crut que celui qu’il voyait mourir avec lui, régnerait un jour en Dieu, il eut l’espérance, puisqu’il lui demanda l’entrée de son royaume, il fit aussi profession en mourant d’une vive charité, en reprenant de sa conduite coupable, son compagnon et son complice, qui mourait en punition des mêmes crimes.

S. Ambr. Quel exemple plus puissant pour nous exciter à revenir à Dieu, que l’exemple de ce voleur qui obtient si facilement son pardon ? Le Seigneur pardonne promptement, mais la conversion a été prompte aussi ; la grâce est plus abondante et s’étend bien plus loin que la prière, car Dieu accorde toujours plus qu’on ne demande, le larron le prie de se souvenir de lui, et Jésus lui répond : « En vérité, je vous le dis, vous serez avec moi dans le paradis, » car la vie, c’est d’être avec Jésus-Christ, et là où est Jésus-Christ, là aussi est le royaume. — Théophile. De même qu’un roi victorieux rentre en triomphateur dans ses États, portant avec lui les plus riches dépouilles, ainsi Notre-Seigneur ayant enlevé au démon une partie de son butin (c’est-à-dire ce larron), la porte avec lui dans le paradis.

S. Chrys. Quel spectacle admirable de voir le Sauveur au milieu de ces deux larrons, pesant avec la balance de la justice la foi et l’incrédulité. Le démon avait chassé Adam du paradis, Jésus-Christ introduit un voleur dans le ciel avant tous les hommes, avant les Apôtres eux-mêmes, une simple parole et la foi seule lui ont ouvert les portes du paradis, afin que personne ne désespère d’obtenir la même grâce après ses égarements. Et voyez avec quelle promptitude s’opère ce changement, il passe de la croix dans les cieux, d’un supplice infâme dans le paradis, pour vous apprendre que c’est ici l’oeuvre de la miséricorde de Dieu plutôt que l’effet des bons sentiments de ce grand coupable. Or, si Dieu accorde dès maintenant la récompense des cieux, la résurrection ne devient-elle pas inutile ? Le Seigneur introduit ce larron dans le paradis, et abandonne sur la terre son corps à la corruption, il est donc évident qu’il n’y a point de résurrection des corps. Tel est le langage que tiennent quelques-uns. Mais quoi ! est-ce que le corps qui a partagé les travaux de l’âme, n’aurait aucune part dans les récompenses ? Écoutez ces paroles de saint Paul : « Il faut que ce corps corruptible soit revêtu de l’incorruptibilité. » (1 Co 15.) Mais puisque le Seigneur a promis au bon larron le royaume des cieux, et qu’il le fait entrer dans le paradis, il ne lui a pas encore donné la récompense promise. On dit à cela que sous le nom de paradis, le Sauveur a voulu désigner le royaume des cieux, et il s’est servi de cette expression usitée chez les Juifs, en s’adressant au larron qui n’avait jamais entendu ses sublimes enseignements. Il en est d’autres qui au lieu de lire : « Aujourd’hui vous serez avec moi dans le paradis, » coupent ainsi la phrase : « Je vous le dis aujourd’hui ; vous serez avec moi dans le paradis. » Voici toutefois une explication plus claire : lorsque les médecins voient un malade dans un état désespéré, ils disent : « Il est mort ; » ainsi dit-on de ce larron qu’il est entre dans le paradis, parce qu’on n’avait plus à craindre qu’il retombât dans l’abîme de la perdition. — Théophile. Enfin, il est plus vrai de dire encore que le bon larron et les autres saints n’ont pas encore reçu tout l’effet des promesses, parce que selon la doctrine de saint Paul dans l’épître aux Hébreux (He 11, 40), Dieu n’a pas voulu qu’ils reçussent sans nous l’accomplissement de leur félicité, mais ils sont néanmoins dans le royaume des cieux et dans le paradis.

S. Grég. de Nysse. Il nous faut encore examiner comment le bon larron est jugé digne d’entrer dans le paradis, alors qu’un glaive de feu en interdit l’entrée aux saints. Mais remarquez que le texte sacré dit que ce glaive de feu s’agitait toujours pour éloigner les indignes et laisser librement entrer dans la vie ceux qui en sont dignes. — S. Grég. (Moral., 12, 61.) Ou encore, il est dit que ce glaive de feu s’agitait toujours, parce qu’il savait qu’il devait disparaître un jour, lorsque viendrait celui qui devait nous ouvrir le chemin du paradis par le mystère de l’incarnation. — S. Ambr. Une autre difficulté se présente : les autres évangélistes, saint Matthieu et saint Marc, rapportent que les deux voleurs insultaient le Sauveur ; d’après saint Luc, au contraire, l’un deux insultait Jésus, et l’autre s’opposait à ces outrages. Nous répondons qu’ils ont pu tous deux commencer par l’insulter, et que l’un d’eux ne tarda pas à changer de sentiments et de langage. On peut encore dire que les deux premiers évangélistes ont employé ici le pluriel pour le singulier comme dans ce passage : « Ils ont mené une vie errante, couverts de peaux de chèvres, » et dans cet autre : « Ils ont été sciés, » bien qu’Élie seul fût vêtu de cette manière, et que le seul prophète Isaïe ait souffert le supplice de la scie. Dans le sens figuré, ces deux larrons sont le symbole des deux peuples pécheurs qui devaient être crucifiés par le baptême avec Jésus-Christ, et leur conduite si opposée représente la conduite si différente de ceux qui ont embrassé la foi. — Bède. « Car nous tous qui avons été baptisés en Jésus-Christ, nous avons été baptisés en sa mort, » (Rm 5.) Et lorsque nous étions pécheurs, nous avons été purifiés dans les eaux du baptême ; cependant les uns sont couronnés, parce qu’ils glorifient le Dieu qui a daigné souffrir dans une chair mortelle, tandis que les autres perdent la grâce qu’ils ont reçue, parce qu’ils ont renoncé à la foi et aux oeuvres de leur baptême.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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