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Lc  13  6-9

Tite de Bostra. Les Juifs tiraient vanité de ce que dix-huit d’entre eux ayant péri, tous avaient été préservés, c’est pour cela que Notre-seigneur leur propose cette parabole du figuier : « Il leur dit encore cette parabole : Un homme avait un figuier planté dans sa vigne. » — S. Ambr. La vigne du Dieu des armées est celle qu’il a livrée au prise aux nations. La comparaison de la synagogue avec le figuier est on ne peut plus juste ; de même, en effet, que cet arbre se couvre de larges feuilles en abondance, et trompe l’espérance de son maître qui en attend inutilement beaucoup de fruits ; ainsi la synagogue avec ses docteurs stériles en oeuvres, et fiers de leurs paroles pompeuses qui ressemblent aux feuilles du figuier est toute couverte des ombres d’une loi infructueuse. Le figuier est encore le seul arbre qui tout d’abord produit des fruits au lieu des fleurs, dont les premiers fruits tombent pour faire place à d’autres, et qui conserve cependant une partie des premiers fruits. C’est ainsi que le premier peuple qui était sous l’autorité de la synagogue est tombé comme un fruit inutile, afin que le nouveau peuple qui a formé l’Église sortit de la sève abondante de l’ancienne religion. Cependant les premiers d’entre les Israélites qui avaient été produits par un rameau d’une nature plus vigoureuse, à l’ombre de la loi et de la croix, dans le sein de l’une et de l’autre, nourris et colorés par cette double sève, et semblables aux premières figues qui arrivent à la maturité, l’ont emporté sur les autres par la richesse des plus beaux fruits ; et c’est à eux qu’il est dit : « Vous serez assis sur douze trônes. » Il en est cependant qui voient dans ce figuier la figure non de la synagogue, mais de la malice et de la perversité ; leur interprétation ne diffère de la précédente qu’en ce qu’ils prennent le genre pour l’espèce.

Bède. Or, le Seigneur qui avait daigné naître et se manifester dans une chair sensible, avait par ses fréquents enseignements dans la synagogue cherché le fruit de la foi et ne l’avait pas trouvé dans le coeur des pharisiens : « Il vint pour y chercher du fruit, et il n’en trouva point. » — S. Ambr. Le Maître cherchait du fruit, non pas qu’il ignorât que le figuier n’en portait pas, mais pour montrer par cette figure, que la synagogue aurait dû produire des fruits. D’ailleurs la suite fait bien voir qu’il n’est pas venu avant le temps, lui qui est venu pendant trois années consécutives : « Et il dit au vigneron : Voici trois ans que je viens chercher du fruit à ce figuier, et je n’en trouve point. Il est venu aux jours d’Abraham, sous Moïse et au temps de Marie ; c’est-à-dire dans le signe de la circoncision (Gn 17, 11 ; Rm 4, 11), dans la loi, et dans la chair qu’il a prise du sein de Marie, et nous reconnaissons son avènement à ses bienfaits, d’un côté la purification, de l’autre la sanctification, de l’autre enfin la justification. La circoncision purifiait, la loi sanctifiait, la grâce a justifié. Le peuple juif n’a donc pu ni être purifié, parce qu’il n’avait que la circoncision extérieure sans avoir la circoncision de l’esprit ; ni être sanctifié, parce qu’il ignorait la vertu de la loi, et qu’il était bien plus fidèle aux formalités extérieures qu’aux prescriptions spirituelles ; ni être justifié, parce que ne faisant aucune pénitence de ses péchés, il ne connaissait pas la grâce de Dieu. Il était donc impossible de trouver des fruits dans la synagogue, aussi commande-t-il, qu’elle soit retranchée : « Coupez-le donc, pourquoi occupe-t-il encore la terre ? » Cependant le bon vigneron, (peut-être celui sur lequel a été bâtie l’Église), présageant qu’un autre irait évangéliser les Gentils, tandis que lui-même serait envoyé au peuple de la circoncision, intervient dans un sentiment de charité chrétienne pour prier qu’il ne soit point coupé, parce qu’il puise dans sa vocation la confiance que le peuple juif pourra aussi être sauvé par l’Eglise : « Le vigneron lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année. » Il reconnut aussitôt que c’était la dureté et l’orgueil des Juifs qui étaient la cause de leur stérilité. Il sait donc comment il faut les cultiver, parce qu’il sait les reprendre de leurs vices : « Je creuserai tout autour. » Il promet de labourer profondément leurs coeurs si durs avec la bêche apostolique, afin que la racine de la sagesse ne soit ni étouffée ni cachée sous un amas de terre : « Et je mettrai du fumier, » c’est-à-dire le sentiment de l’humilité qui peut faire produire aux Juifs eux-mêmes des fruits dignes de l’Évangile de Jésus-Christ. Aussi ajoute-t-il : « Alors s’il porte du fruit, à la bonne heure, (c’est-à-dire ce sera bien), sinon vous le couperez. » — Bède. C’est ce qui s’accomplit, lorsque les Romains détruisirent la nation juive, et la chassèrent de la terre promise.

S. Augustin. (serm. 23, sur les par. du Seig.) Ou bien encore, ce figuier c’est le genre humain ; car lorsque le premier homme eut péché, il prit des feuilles de figuier pour couvrir sa nudité, c’est-à-dire les membres dont nous sommes nés. — Théophile. Chacun de nous est encore ce figuier planté dans la vigne de Dieu, c’est-à-dire dans l’Église de Dieu ou dans ce monde. — S. Grég. (hom. 31, sur les Evang.) Le Seigneur est venu trois fois à ce figuier, parce qu’il a cherché le fruit que produirait le genre humain avant la loi, sous la loi, et sous la grâce, (en l’attendant, en l’avertissant, en le visitant). Et cependant il se plaint de ce que pendant trois années consécutives, il n’a point trouvé de fruit, parce que certains esprits dépravés n’ont pu être corrigés par la loi naturelle gravée dans leurs coeurs, ni instruits par les préceptes de la loi, ni convertis par les miracles de l’incarnation. — Théophile. Par trois fois notre nature a refusé de donner le fruit qui lui est demandé ; dans le paradis lorsque dans la personne de nos premiers parents nous avons désobéi au commandement de Dieu, en second lieu, lorsque les Israélites adorèrent le veau d’or qu’ils avaient fabriqué (Ex 32), troisièmement, lorsqu’ils renièrent le Sauveur. Ces trois ans peuvent encore figurer les trois âges de la vie ; l’enfance, la virilité et la vieillesse.

S. Grég. (hom. 31 sur les Evang.) C’est avec un grand sentiment de crainte qu’il faut entendre ces paroles : « Coupez-le, pourquoi occupe-t-il inutilement la terre ? » Tout homme, en effet, à sa manière, et en tant qu’il tient une place dans cette vie, occupe inutilement la terre comme un arbre infructueux, s’il ne peut présenter les fruits de ses bonnes oeuvres ; parce qu’en effet, dans la place qu’il occupe, il est un obstacle au bien que d’autres pourraient produire.

S. Basile. (serm. 8 sur la pénit.) C’est le propre de la divine miséricorde, de ne pas infliger de punitions sans avertir, mais de faire toujours précéder les menaces, pour rappeler à la pénitence. C’est ainsi qu’il avait fait pour les Ninivites, et qu’il fait encore ici en disant au vigneron : « Coupez-le ; » il le presse par là d’en prendre soin, et il excite cette âme stérile à produire les fruits qu’il a droit d’exiger d’elle. — S. Grég. de Nazianze. (disc. 26 sur la modération qu’il faut garder dans les discussions.) Ne soyons donc pas nous-mêmes trop prompts à frapper, faisons prévaloir la miséricorde ; ne coupons pas le figuier qui peut encore faire du fruit, et qui peut être guéri de sa stérilité par les soins d’un habile jardinier : « Le vigneron lui répondit : Seigneur, laissez-le encore cette année, » etc.

S. Grég. (hom. 31 sur les Evang.) Le cultivateur de la vigne représente l’ordre des supérieurs qui sont placés à la tête de l’Église, pour prendre soin de la vigne du Seigneur. — Théophile. Ou bien le père de famille, c’est Dieu le Père ; le cultivateur, c’est Jésus-Christ qui ne permet pas que l’on coupe le figuier stérile, et qui semble dire à son Père : Ni la loi, ni les prophètes n’ont pu leur faire produire des fruits de pénitence, cependant je les arroserai de mes souffrances et de mes enseignements, peut-être alors ils produiront des fruits d’obéissance.

S. Augustin. (serm. 31 sur les par. du Seig.) Ou bien encore, le cultivateur qui intercède, c’est toute âme sainte qui, dans le sein de l’Église, prie pour ceux qui sont hors de l’Église en disant à Dieu : « Seigneur, laissez-le encore cette année (c’est-à-dire dans ce temps de grâce), jusqu’à ce que je creuse tout autour. » Creuser autour, c’est enseigner l’humilité et la patience, car une terre creusée est déprimée ; le fumier (il faut l’entendre dans un bon sens), c’est de l’ordure, mais il aide à produire des fruits. Le fumier du cultivateur, c’est la douleur du pécheur. Ceux qui font pénitence, paraissent sous des dehors négligés, et agissent en cela selon la vérité. — S. Grég. (hom. 31.) Ou bien encore, ce sont les péchés de la chair qui sont appelés du fumier, ainsi c’est du fumier qu’il tire sa vie et sa fécondité, parce que c’est la considération du péché qui ressuscite l’âme à la vie des bonnes oeuvres. Mais la plupart entendent ces menaces, et refusent cependant de faire pénitence, c’est pour cela que le cultivateur ajoute : « S’il porte du fruit, à la bonne heure. » — S. Augustin. (comme précéd.) « Sinon, vous le couperez, » c’est-à-dire lorsque vous viendrez au jour du jugement pour juger les vivants et les morts, jusque-là, le figuier est épargné. — S. Grég. (hom. 31.) Celui donc qui ne veut pas écouter ces menaces pour revenir à la vie et à la fécondité, tombe dans un état dont il lui est impossible de se relever par la pénitence.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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