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Lc  12  49-53

S. Ambr. C’est aux dispensateurs, c’est-à-dire aux prêtres, que Notre-Seigneur adresse les enseignements qui précèdent, et il leur apprend qu’un châtiment sévère les attend dans l’autre vie, si l’amour des plaisirs du monde les détourne de veiller sur la maison du Seigneur et de gouverner le peuple qui leur est confié. Cependant comme on fait peu de progrès quand on ne revient de ses égarements que par la crainte du châtiment, et qu’il vaut mieux devoir ce retour à la charité cl à l’amour de Dieu, le Sauveur cherche à enflammer ses disciples de cet amour de Dieu en leur disant : « Je suis venu jeter le feu sur la terre, » non pas ce feu qui dévore les bons, mais ce feu qui produit la bonne volonté, qui purifie et transforme les vases d’or de la maison du Seigneur, tandis qu’il consume l’herbe et la paille.

S. Cyrille. (Ch. des Pèr. gr., ou comment. sur S. Luc.) Les saintes Écritures ont coutume de désigner par le feu les discours inspirés et divins. En effet, de même que ceux qui travaillent à l’épuration de l’or, le purifient par le feu de toutes ses souillures ; ainsi le Sauveur purifie par les enseignements de l’Évangile, par la vertu de l’Esprit saint l’intelligence de ceux qui croient en lui. C’est donc là le feu salutaire et utile qui embrase d’ardeur pour la vie de la piété les habitants de la terre froids, et comme éteints sous les glaces du péché. — S. Chrys. Cette terre dont parle le Sauveur, n’est pas celle que nous foulons aux pieds, mais celle que Dieu a formée de ses mains, c’est-à-dire l’homme à qui Dieu inspire un feu tout divin pour détruire ses péchés et renouveler son âme. — Tite de Bostra. Or, c’est du ciel que descend ce feu ; car s’il venait de la terre sur la terre, Notre-Seigneur ne dirait pas : « Je suis venu jeter le feu sur la terre. » — S. Cyrille. Le Seigneur hâtait l’embrasement de ce feu, comme il le déclare : « Et que désire-je, sinon qu’il s’allume. » Quelques israélites avaient embrassé la foi, et les premiers avaient été ses fidèles disciples, mais ce feu une fois allumé dans la Judée, devait embraser tout l’univers, lorsque le mystère de sa passion serait consommé. C’est pour cela qu’il ajoute : « Je dois être baptisé d’un baptême, et combien je me sens pressé jusqu’à ce qu’il s’accomplisse. » En effet, avant l’auguste mystère de la croix, et la résurrection du Sauveur d’entré les morts, la Judée seule était témoin de ses prédications et de ses miracles ; mais après que dans l’excès de leur fureur, ils eurent mis à mort l’auteur de la vie, c’est alors qu’il ordonna à ses disciples d’aller enseigner toutes les nations. (Mt 28) — S. Grég. (hom. 12 sur les Evang.) Ou bien encore, le feu est jeté sur la terre, quand les ardeurs de l’Esprit saint embrasent une âme terrestre, consument en elle tous les désirs charnels, et l’enflamment d’un amour spirituel, qui lui fait déplorer le mal qu’elle a commis, c’est ainsi que la terre est embrasée lorsque ta conscience s’accuse elle-même, et que le coeur est comme consumé dans les douleurs de la pénitence. — Bède. Notre-Seigneur ajoute : « Je dois être baptisé d’un baptême, » c’est-à-dire je dois être d’abord comme inondé de mon propre sang avant d’embraser les coeurs des fidèles du feu de l’Esprit saint.

S. Ambr. La bonté du Sauveur pour nous est si grande, qu’il éprouve le besoin de nous attester le désir qu’il a de nous inspirer son divin amour, de nous conduire à la perfection, et de hâter le moment où il doit souffrir et verser son sang pour notre salut : « Et comme je me sens pressé jusqu’à ce qu’il s’accomplisse. » — Bède. Quelques manuscrits portent : Combien je suis dans l’angoisse, c’est-à-dire dans la tristesse. Notre-Seigneur n’avait rien en lui qui pût l’attrister, mais il s’attristait de nos misères, et cette tristesse qu’il montrait aux approches de sa mort, ne venait point de la crainte qu’il avait de mourir, mais du retard même de l’oeuvre de notre rédemption. En effet, puisqu’il était dans l’angoisse jusqu’à l’accomplissement de sa passion, il devait l’envisager sans inquiétude et sans trouble, et s’il manifeste quelque frayeur, elle ne vient point de la crainte de la. mort, mais d’un sentiment naturel à la faiblesse humaine, car dès lors qu’il s’est revêtu d’un corps semblable au nôtre, il a dû prendre sur lui toutes les infirmités du corps, la faim, l’anxiété, la tristesse ; mais la divinité reste immuable au milieu de ces affections. Il nous montre encore par ces paroles, que dans le combat qu’il eut à soutenir au temps de sa passion, la mort du corps mit un terme à ses angoisses, et ne fut point pour lui la cause d’un redoublement de douleur.

Bède. Il nous enseigne ensuite comment la terre doit s’embraser après le baptême de sa passion, après la venue de ce feu tout spirituel : « Pensez-vous que je sois venu apporter la paix sur la terre ? » etc. — S. Cyrille. Que dites-vous, Seigneur ? Est-ce que vous n’êtes pas venu apporter la paix, vous qui êtes devenu notre paix (Ep 2), pacifiant par le sang que vous avez répandu sur la croix, tant ce qui est sur la terre, que ce qui est dans le ciel (Col 1), vous qui avez dit : « Je vous donne ma paix ? » Il est évident que la paix a ses avantages, mais elle devient quelquefois funeste, et nous sépare de l’amour de Dieu, lorsque, par exemple, elle nous fait vivre en intelligence avec ceux qui sont éloignés de Dieu ; et ce sont ces liaisons de la terre que le Sauveur nous enseigne à éviter. C’est pour cela qu’il ajoute : « Car désormais cinq personnes dans une maison seront divisées, trois contre deux et deux contre trois, » etc. — S. Ambr. Quoique l’énumération qui suit, comprenne six personnes, le père et le fils, la mère et la fille, la belle-mère et la belle-fille, il n’y en a réellement que cinq, parce que la mère et la belle-mère peuvent être prises pour une seule et même personne ; car la mère du fils est naturellement la belle-mère de son épouse. — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) C’est ici une prédiction de ce qui devait arriver. On vit, en effet, dans la même maison, des chrétiens que leur père voulait entraîner à l’apostasie, mais telle fut la puissance de la doctrine de Jésus-Christ, que les fils se séparaient de leurs pères, les filles de leurs mères, et les parents de leurs enfants. Les disciples fidèles de Jésus-Christ consentirent non seulement à sacrifier tous leurs biens, mais à endurer tous les genres de souffrance, pour conserver la foi qu’ils avaient embrassée. Si Jésus-Christ n’avait été qu’un homme, comment aurait-il pu entrer dans son esprit que les pères l’aimeraient plus qu’ils n’aimaient leurs enfants, que les enfants l’aimeraient plus que leurs pères, les époux plus que leurs épouses ? et cela non seulement dans une seule maison, dans cent familles, mais par toute la terre. Or, non seulement il a fait cette prédiction, mais il l’a réellement accomplie.

S. Ambr. Dans le sens mystique, cette maison c’est l’homme, nous lisons souvent que l’homme est composé de deux parties, de l’âme et du corps ; si ces deux parties sont d’accord entre elles, elles ne font plus qu’un. On distingue aussi trois parties dans l’âme, l’une raisonnable, l’autre concupiscible, et la troisième irascible ; c’est ainsi que deux sont divisés contre trois, et trois contre deux ; car à l’avènement de Jésus-Christ, l’homme qui, dans sa conduite, était dépourvu de raison, est devenu raisonnable nous étions charnels terrestres, Dieu a envoyé son Esprit dans nos coeurs (Ga 4), et nous sommes devenus des enfants spirituels. On peut encore dire qu’il y a dans cette maison cinq autres choses, l’odorat, le toucher, le goût, la vue et l’ouïe. Si donc, nous rendant dociles à ce que nous lisons ou à ce que nous entendons par les sens de la vue et de l’orne, nous renonçons aux plaisirs superflus du corps, dont les trois sens du goût, du tact et de l’odorat sont pour nous les instruments, nous en opposons deux à trois, en préservant notre âme de tomber dans les piéges de la volupté. Ou, si nous admettons que les cinq sens sont corporels, la division sera entre les vices et les péchés du corps. On peut encore voir ici le corps et l’âme qui est séparée de l’odorat, du tact et du goût des plaisirs sensuels ; car la raison, comme représentant le sexe le plus fort, aspire aussi à des sentiments plus nobles, tandis que le corps cherche à amollir la raison. Telle est donc la source des diverses passions ; mais dès que l’âme rentre en elle-même, elle renie ces enfants dégénérés, la chair elle-même gémit d’être ainsi enlacée dans les liassions auxquelles elle a donné naissance, comme dans les buissons du monde ; mais la volupté, comme la bru du corps et de l’âme, a épousé ces mouvements des passions mauvaises. Tant que la paix régnait dans cette maison par l’accord et la complicité des vices entre eux, on n’y voyait point de division ; mais dès que Jésus-Christ eut jeta sur la terre le feu qui devait consumer les péchés du coeur, ou qu’il eut apporté ce glaive qui pénètre au plus intime de l’âme, alors le corps et l’âme, renouvelés dans le mystère de la régénération, se séparent de leur malheureuse postérité ; et les pères sont ainsi divisés contre leurs fils, lorsque la passion de l’intempérance renonce à se satisfaire, et que l’âme refuse la complicité du consentement coupable. Les enfants sont aussi divisés contre leurs parents, alors que les hommes renouvelés rompent avec leurs anciennes habitudes criminelles, tandis que la volupté, avec la fougue du jeune âge, refuse de se soumettre aux règles de la piété, et semble se révolter contre le régime d’une maison trop sévère. — Bède. Ou bien encore, les trois représentent ceux qui croient à la Trinité ; les deux, ceux qui se sont séparés de l’unité de la foi. Le père, c’est le démon, dont nous étions les enfants en marchant sur ses traces ; mais lorsque ce feu du ciel fut descendu sur la terre, il nous sépara du démon, et nous montra un autre père qui est dans les cieux. La mère, c’est la synagogue ; la fille, c’est la primitive Église, qui a été persécutée dans sa foi par la synagogue qui lui avait donné le jour, et qui, forte de la vérité de sa foi, lutta elle-même contre la synagogue. La belle-mère, c’est encore la synagogue ; la bru, c’est l’Église qui vient des nations ; car Jésus-Christ, qui est l’époux de l’Église, est le Fils de la synagogue selon la chair. La synagogue se trouve donc divisée contre sa bru et contre sa fille, en persécutant les fidèles qui viennent de l’un et de l’autre peuple ; et celles-ci sont à leur tour divisées contre leur mère et leur belle-mère, en refusant de se soumettre à la circoncision de la chair.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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