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Jn  7  1-8

S. Augustin. (Traité 28 sur S. Jean.) Les fidèles disciples de Jésus-Christ devaient dans la suite chercher dans des retraites cachées un asile contre la fureur de leurs persécuteurs, et c’est pour justifier cette fuite prudente, que Notre-Seigneur veut donner dans le chef l’exemple que devaient un jour suivre les membres : « Après cela, Jésus parcourut la Galilée, car il ne voulait point aller en Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir. » — Bède. La liaison que ces paroles : « Après cela, » semblent établir entre ce chapitre et le précédent, n’est pas tellement étroite, qu’on ne puisse supposer dans l’intervalle on grand nombre d’événements intermédiaires. Or, la Judée et la Galilée sont des provinces de la Palestine, la Judée tire son nom de la tribu de Juda, et cependant ce nom de Judée ne fut pas seulement donné à la contrée occupée par la tribu de Juda, mais à celle qui était échue à la tribu de Benjamin, parce que c’est de la Judée que les rois tiraient leur origine. La Galilée, au contraire, fut ainsi appelée de la blancheur du teint qui distingue ses habitants, car le mot grec γάλα, signifie lait en latin.

S. Augustin. (Traité 28.) L’Evangéliste s’exprime ici comme si Notre-Soigneur ne pouvait parcourir la Judée sans être mis à mort par les Juifs. Il manifesta, lorsqu’il le voulut, la puissance divine qui était en lui, mais il n’avait point perdu cette puissance, parce qu’il voulait servir d’exemple à notre faiblesse. — S. Chrys. (hom. 48.) Disons encore que Notre-Seigneur faisait paraître en lui tour à tour les caractères de sa divinité et de son humanité, il fuyait ses persécuteurs en tant qu’homme, et il se manifestait à eux comme Dieu, puisqu’il était à la fois l’un et l’autre.

Théophile. Il se retire pour le moment dans la Galilée, parce que le temps de sa passion n’était pas encore venu. Il regardait donc comme inutile de demeurer au milieu de ses ennemis, pour ne point augmenter la haine qu’ils avaient contre lui. L’Evangéliste nous fait connaître ensuite à quelle époque de l’année on se trouvait alors : « Or, la fête des Juifs, dite Scénopégie ou des Tabernacles, était proche. »

S. Augustin. (Traité 28.) Ceux qui ont lu les saintes Ecritures savent ce que c’est que cette fête des Tabernacles. Pendant cette fête, les Juifs se construisaient des tentes semblables à celles que leurs pères avaient habitées, en traversant le désert après leur sortie d’Egypte. Ils célébraient cette fête en souvenir des bienfaits du Seigneur, eux qui bientôt devaient, mettre à mort le Seigneur. L’Evangéliste appelle cette fête un jour de fête bien qu’elle durât, non pas un jour seulement, mais sept jours consécutifs.

S. Chrys. (hom. 48.) Nous avons ici une preuve que l’Evangéliste passe sous silence un temps assez long de la vie du Sauveur. Lorsqu’on effet, Notre-Seigneur s’assit sur la montagne, on était près de la fête de Pâques, ici c’est la fête des Tabernacles qui était proche, et saint Jean ne mentionne d’autre fait dans les cinq mois intermédiaires entre ces deux fêtes, que le miracle de la multiplication des pains, et le discours que le Sauveur fit à ceux qu’il avait miraculeusement nourris. Il faut en conclure que les Evangélistes ne pouvaient raconter tous les miracles que le Seigneur ne cessait de faire, non plus que tous ses discours, mais qu’ils s’attachaient de préférence à ce qui était, de la part des Juifs, l’objet d’une dispute ou d’une contradiction quelconque, comme nous le voyons ici. — Théophile. Ses frères, voyant qu’il n’était pas disposé à aller à Jérusalem, lui dirent : « Quittez ce pays et allez en Judée. » — Bède. C’est-à-dire, vous faites des miracles devant un petit nombre de témoins, allez dans la ville royale où se trouvent les princes de la nation, pour recueillir la gloire qu’ils ne peuvent manquer d’accorder à l’auteur de si grands prodiges. Comme tous les disciples de Jésus ne marchaient pas à sa suite, et qu’il en était un grand nombre dans la Judée, ils ajoutent : « Afin que vos disciples voient eux aussi les œuvres que vous faites. » — Théophile. C’est-à-dire la multitude qui s’empresse autour de vous, car ils ne veulent point parler ici des douze, mais de ceux qui accompagnaient ordinairement le Sauveur.

S. Augustin. (Traité 28.) Par les frères du Seigneur, vous ne devez entendre que les parents de Marie, et non aucun autre fils né de son sein ; car de même que ni avant ni après la mort du Sauveur aucun corps ne fut placé dans le sépulcre où avait été déposé son corps sacré, ainsi le sein virginal ne porta aucun autre enfant soit avant soit après la naissance de Jésus : Les œuvres du Seigneur n’étaient point cachées pour les disciples du Seigneur, mais elles demeuraient voilées pour ceux dont il est ici question. Aussi écoutez leur langage : « Afin que vos disciples eux aussi voient les œuvres que vous faites. » C’est le langage de la prudence de la chair au Verbe qui est fait chair ; ils ajoutent : « Car personne n’agit en secret, lorsqu’il désire être connu. » c’est-à-dire, vous opérez des prodiges, faites-les en présence des hommes pour recueillir leurs louanges. En lui parlant de la sorte, ils semblaient épouser les intérêts de sa gloire ; mais comme ils recherchaient une gloire tout humaine, ils ne croyaient pas en lui : « Car ses frères mêmes, dit l’Evangéliste, ne croyaient pas en lui. » Ils étaient unis à Jésus-Christ par les liens du sang, mais cette parenté fut pour eux un obstacle volontaire qui les empêcha de croire en lui.

S. Chrys. (hom. 48.) C’est une chose digne d’admiration de voir que les Evangélistes, dans leur amour pour la vérité, n’ont pas craint de raconter les faits qui paraissaient les plus défavorables à leur Maître, et se sont même attaché à en conserver le souvenir. En effet, l’incrédulité de ses frères ne paraissait pas fort honorable pour le Sauveur. Le langage qu’ils lui tiennent parait inspiré par l’amitié, mais il est empreint d’un profond sentiment d’aigreur, et ils l’accusent à la fois de timidité et d’amour de la vaine gloire : « Personne, disent-ils, n’agit en secret. » Voilà l’accusation de crainte et de timidité, et en même temps l’expression d’an doute sur la vérité de ses miracles. Ils ajoutent : « Lorsqu’il désire d’être connu, » voilà le reproche d’aimer la vaine gloire. Cependant Jésus leur répond avec douceur, et nous enseigne par sa conduite à ne point nous irriter des conseils qui peuvent nous être donnés par des hommes peu estimables. Mais Jésus leur dit : « Mon temps n’est pas encore venu, pour vous votre temps est toujours prêt. »

Bède. Ces paroles pourraient paraître contraires à ce que dit l’Apôtre : « Lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; » etc. (Ga 4) il faut donc les rapporter non pas au temps de la naissance du Sauveur, mais à celui où il devait être glorifié. — S. Augustin. (Traité 28.) Ils lui donnent le conseil de rechercher la gloire, obéissant en cela à des inspirations mondaines et terrestres, et ne pouvant souffrir que le Sauveur restât dans l’obscurité et l’oubli. Mais Jésus veut au contraire frayer par l’humilité le chemin qui conduit à la gloire : « Il leur dit donc : Mon temps (c’est-à-dire le temps de ma gloire, où je viendrai juger le monde avec majesté), n’est pas encore venu, mais votre temps (c’est-à-dire le temps de la gloire du monde), est toujours prêt. » Puisque nous sommes le corps du Seigneur, lorsque les partisans du monde nous insultent, répondons-leur : « Votre temps est toujours prêt, notre temps n’est pas encore arrivé ; » notre patrie est sur les hauteurs, le chemin qui nous y conduit est humble : celui qui refuse de suivre le chemin, c’est en vain qu’il cherche la patrie.

S. Chrys. (hom. 48.) Ou bien encore, Notre-Seigneur fait allusion aux dispositions secrètes de ceux qui lui tenaient ce langage. Peut-être avaient-ils l’intention de le trahir et de le livrer aux Juifs ; il leur dit donc : « Mon temps n’est pas encore venu (c’est-à-dire le temps de ma croix et de ma mort) ; mais votre temps est toujours prêt, car vous êtes bien toujours au milieu des Juifs, » mais ils ne vous mettront point à mort, puisque vous partagez leurs sentiments. C’est pourquoi il ajoute : « Le monde ne saurait vous haïr, mais il me hait, parce que je rends de lui le témoignage que ses œuvres sont mauvaises. » C’est-à-dire, comment voulez-vous que le monde haïsse ceux qui n’ont point d’autres volontés que les siennes, et obéissent aux mêmes inclinations ? Pour moi, au contraire, il me hait, parce que je le reprends de ses vices. Je suis si loin de rechercher la gloire des hommes, que je me fais un devoir de leur adresser de sévères reproches, bien que je sache qu’ils en concevront une haine violente, et qu’ils chercheront à me faire mourir. Nous avons ici une preuve que la cause de la haine des Juifs contre le Sauveur, n’était point la transgression du sabbat, mais les reproches publics qu’il leur adressait.

Théophile. On peut dire encore que le Seigneur fait ici deux réponses aux deux accusations dont il était l’objet, on l’accusait de se laisser dominer par la crainte, et il répond en disant qu’il censure publiquement les œuvres du monde, c’est-à-dire les œuvres des mondains, ce qui n’est point le fait d’un homme accessible à la crainte. Il répond au reproche de vaine gloire, en les envoyant eux-mêmes à la fête : « Pour vous, allez à cette fête. » S’il avait été l’esclave de la vaine gloire, il les eût retenus près de lui, car ceux qui sont dominés par cette passion aiment à se voir environnés d’un grand nombre de personnes. — S. Chrys. (hom. 48.) Il s’exprime de la sorte, pour leur montrer que son intention n’est pas de les flatter, et qu’il leur laisse accomplir les observances légales. — S. Augustin. Ou bien : « vous allez à cette fête où vous cherchez la gloire humaine, où vous voulez augmenter les joies de la chair au lieu de penser aux joies éternelles. Pour moi, je n’y vais point, parce que mon temps n’est pas encore accompli. » — S. Chrys. (hom. 48.) C’est-à-dire, je n’y vais point avec vous, parce que mon temps n’est pas encore accompli, car ce n’était qu’à la fête de Pâque suivante qu’il devait être crucifié. — S. Augustin. (Traité 28.) Ou bien encore, mon temps, c’est-à-dire le temps de ma gloire n’est pas encore venu, ce sera là mon véritable jour de fête, non pas une fête passagère et transitoire comme les fêtes d’ici-bas, mais une fête qui durera éternellement ; ce sera la fête et la joie sans fin, l’éternité sans travail, la sérénité sans nuages.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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