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Jn  2  18-22

Théophile. Les Juifs voyant Jésus agir avec une si grande puissance, et dire hautement : « Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de trafic, » lui demandent un miracle. « Les Juifs prenant la parole, lui dirent : Par quel miracle nous prouvez-vous que tous avez le droit de faire ces choses ? » — S. Chrys. (hom. 22.) Etait-il donc besoin d’un miracle pour lui donner le droit de mettre fin à des actions coupables ? Le zèle ardent qu’il faisait paraître pour la maison de Dieu, n’était-il pas une preuve éclatante de sa puissance ? Ils se souvenaient bien de la prédiction du prophète, mais ils ne laissent pas de lui demander un miracle, parce qu’ils sont mécontents de le voir entraver le honteux trafic auquel ils se livraient dans le temple et qu’ils veulent l’empêcher d’exercer cette puissance. Ils ont la prétention de le déterminer ou à faire un miracle, ou à revenir sur la défense qu’il leur a faite. Aussi Notre-Seigneur ne leur accorde pas le miracle qu’il demande. Il leur répond comme il fera plus tard à ceux qui venaient lui demander un prodige dans le ciel : « Cette génération coupable et adultère demande un signe, et il ne lui sera donné d’autre signe que celui du prophète Jonas. » (Mt 12) C’est la même réponse de part et d’autre, mais dans cette dernière circonstance, le Sauveur s’exprime plus clairement, tandis qu’ici sa réponse a quelque chose de plus obscur. Sans nul doute il eut accédé à leur demande, lui qui multipliait les miracles avant même qu’on le lui demandât, s’il n’avait remarqué tout ce que leur âme renfermait de fourberie : « Il leur dit donc : Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. » — Bède. Ils demandent à Notre-Seigneur un signe qui établit le droit qu’il se donnait de défendre dans le temple le trafic qui s’y faisait ordinairement ; et il leur répond que ce temple était la figure de son corps dans lequel on ne pourrait trouver la moindre tache du péché. Voici donc le sens de ses paroles : de même que je purifie ce temple inanimé du trafic coupable et des crimes dont vous le souillez, ainsi je ressusciterai après trois jours, lorsque tous l’aurez détruit de vos propres mains, ce temple de mon corps, dont ce temple matériel est la figure.

Théophile. Ces paroles : «Détruisez ce temple» ne sont pas toutefois une provocation à l’homicide, mais une preuve que leurs desseins criminels ne lui sont pas inconnus. Or, que les ariens écoutent cette parole du Seigneur qui vient détruire l’empire de la mort : « Je le relèverai par ma propre puissance. » — S. Augustin. (Traité 10 sur S. Jean.) C’est aussi Dieu le père qui l’a ressuscité, comme il le lui demande dans le livre des Psaumes : « Ressuscitez-moi, et je le leur rendrai. » (Ps 40, 10.) Mais que fait le Père sans le Verbe ? De même donc que le Père ressuscite le Fils, le Fils aussi se ressuscite lui-même, car le Fils a dit : « Mon père et moi nous ne sommes qu’un. » (Jn 10) — S. Chrys. (hom. 22.) Mais pourquoi leur donne-t-il de préférence le signe de sa résurrection ? Parce que ce miracle était celui de tous qui prouvait invinciblement qu’il n’était pas seulement un homme, qu’il pouvait triompher de la mort, et détruire d’un seul coup l’empire tyrannique qu’elle exerçait depuis si longtemps.

Origène. (Traité 12 sur S. Jean.) Ces deux choses, le corps de Jésus et le temple, me paraissent être la figure de l’Eglise qui est construite de pierres vivantes pour former une maison spirituelle, un sacerdoce saint ; et aussi conformément à ces autres paroles : « Vous êtes le corps de Jésus-Christ et les membres les uns des autres. » (1 Co 12, 27.) Cet édifice de pierre semble renversé, et les os du Christ semblent dispersés par le vent des adversités et des tribulations, mais il sera rétabli et ressuscitera le troisième jour qui doit répandre ses clartés sur un nouveau ciel et sur une nouvelle terre. De même que le corps sensible de Jésus-Christ a été crucifié et enseveli avant de ressusciter, ainsi le corps mystique du Sauveur composé de tous les saints a été crucifié avec lui. Aucun d’eux, en effet, qui se glorifie en autre chose qu’en la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par laquelle il est crucifié pour le monde. (Ga 6, 14.) Aucun d’eux également qui ne soit enseveli avec Jésus-Christ, et ne ressuscite avec lui, parce qu’il marche dans une sainte nouveauté de vie (Rm 6) ; mais aucun d’eux cependant n’a encore eu part à la bienheureuse résurrection. Aussi n’est-il point écrit : Je le rétablirai le troisième jour, mais : « dans trois jours, » pour marquer que la restauration de ce temple s’accomplira pendant toute la durée de ces trois jours. — Théophile. Les Juifs qui s’imaginaient qu’il parlait du temple matériel, se moquaient de lui. « Les Juifs répartirent : On a mis quarante-six ans à bâtir ce temple, et vous le rebâtirez en trois jours ? »

Alcuin. Remarquez que les Juifs ne veulent point parler ici de la première construction du temple par Salomon, et qui dura sept ans, mais de sa reconstruction par Zorobabel, qui se prolongea pendant quarante-six ans au milieu des obstacles sans nombre que les ennemis ne cessaient d’y apporter. (Esd 1, 4.) — Origène. Il en est qui prétendent qu’on peut compter ces quarante-six ans du jour où David consulta le prophète Nathan sur la construction du temple, s’occupant dès lors d’amasser les matériaux nécessaires. Ne serait-il pas même possible que ce nombre quarante appliqué au temple soit la figure des quatre éléments du monde, et le nombre six le symbole du sixième jour où l’homme fut créé ? — S. Augustin. (de la Trinité, ch. 5.) On peut dire encore que ce nombre exprime convenablement la perfection du corps du Seigneur. En effet, six fois quarante-six font deux cent soixante-seize, c’est-à-dire neuf mois et six jours. Or, c’est justement le temps que le corps de Jésus se développa dans le sein de sa mère jusqu’au jour de sa naissance, comme nous pouvons le conclure delà tradition de nos ancêtres, tradition que l’Eglise a revêtue de son autorité. C’est en effet, le huitième jour des calendes d’avril, c’est-à-dire le vingt-cinq mars, que l’on croit que Jésus fut conçu et souffrit la mort, et c’est le huitième jour des calendes de janvier, c’est-à-dire le vingt-cinq décembre, qu’il est né. Depuis le jour de sa conception jusqu’à celui de sa naissance, on compte donc deux cent soixante-seize jours que l’on obtient par le nombre quarante-six multiplié par six. — S. Augustin. (Liv. des 88 quest., quest. 6.) Tels sont, dît-on, les phénomènes progressifs de la conception de l’homme ; pendant les six premiers jours son corps, a l’apparence du lait ; durant les neuf jours suivants ce lait se change en sang ; ce sang se coagule pendant les douze jours qui suivent ; puis les organes se forment et les contours des membres se dessinent pendant dix-huit autres jours, et le corps continue à se développer le reste du temps jusqu’à l’époque de l’enfantement. Or, les nombres six, neuf, douze, dix-huit additionnés ensemble, font quarante-cinq ; et en ajoutant un, quarante-six. Si on multiplie quarante-six par le nombre six qui se trouve en tête de cette addition, on obtient deux cent soixante-seize, c’est-à-dire neuf mois et six jours. Ce n’est donc point sans raison qu’on a mis quarante-six ans à construire le temple qui était la figure du corps du Sauveur, mais pour que les années de sa construction fussent le symbole et l’image des jours pendant lesquels le corps du Seigneur atteignit sa perfection.

S. Augustin. (Traité 10 sur S. Jean.) Ou bien encore, Notre Seigneur a reçu son corps d’Adam, mais sans en prendre le péché. Il a donc reçu de lui le temple de son corps, mais non l’iniquité qui doit être bannie de ce temple. Si vous prenez les quatre mots grecs άνατολή, orient ; δύσις, l’occident ; άρχρτς, le septentrion ; μεσημξρία, le midi ; et que vous réunissiez les quatre premières lettres de ces mots, vous avez le nom d’Adam. Aussi le Seigneur nous déclare qu’il rassemblera ses élus des quatre vents, lorsqu’il viendra juger les hommes. Les lettres qui servent à former le nom d’Adam, correspondent en grec au nombre quarante-six qui est le nombre d’années qu’a duré la construction du temple. Ce nom, en effet, est composé de α, c’est-à-dire un ; de δ, quatre ; de α, c’est-à-dire un ; de y, quarante ; ce qui fait en tout quarante-six. Mais les Juifs, esclaves des inclinations de la chair, ne pouvaient goûter que les choses charnelles, et ne comprenaient pas le langage spirituel du Sauveur. Aussi l’Evangéliste nous explique de quel temple il voulait parler : « Mais Jésus voulait parler du temple de son corps. »

Théophile. Apollinaire nous oppose ce texte pour prouver que la chair de Jésus-Christ était inanimée, parce que le temple auquel il la compare était lui-même inanimé. Dites donc alors que la chair de Jésus était un composé de pierres et de bois, puisque tels sont les éléments qui entrent dans la construction du temple. Vous prétendez que ces paroles : « Mon âme est troublée, » etc. (Jn 12) « J’ai le pouvoir de donner mon âme, » etc. (Jn 10) ne doivent point s’entendre d’une âme raisonnable ; dans quel sens prendrez-vous donc ces paroles : « Seigneur, je remets mon âme entre vos mains ? » (Lc 23) Car vous ne pouvez pas davantage l’entendre d’une âme raisonnable, pas plus que ces autres paroles : « Vous ne laisserez pas mon âme dans l’enfer. » (Ps 15) — Origène. Le corps du Seigneur est ici appelé le temple de Dieu, parce que de même que le temple de Dieu était rempli de la gloire de Dieu qui l’habitait, ainsi le corps de Jésus-Christ qui représente l’Eglise contient le Fils unique, qui est l’image substantielle de la gloire de Dieu.

S. Chrys. (hom. 22 sur S. Jean.) Deux choses s’opposaient à ce que les disciples comprissent parfaitement le sens de ces paroles : la première, c’était le fait même de la résurrection ; la seconde, c’est que Dieu lui-même habitait le temple de son corps, ce que le Seigneur avait exprimé en termes mystérieux et cachés, en disant : « Détruisez ce temple, et je le relèverai en trois jours. » Aussi ajoute-t-il : « Lors donc qu’il fut ressuscité d’entre les morts, ses disciples se ressouvinrent qu’il avait dit cela, et ils crurent à l’Ecriture et à la parole qu’avait dite Jésus.» — Alcuin. Avant la résurrection, ils ne comprenaient pas les Ecritures, parce qu’ils n’avaient pas encore reçu l’Esprit saint, et « l’Esprit saint n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. » (Jn 7) Mais le jour de sa résurrection, Notre-Seigneur apparut à ses disciples, et leur ouvrit l’intelligence pour comprendre ce que la loi et les prophètes avaient prédit de lui. (Lc 24) « Et ils crurent alors à l’Ecriture, » (c’est-à-dire aux prophètes qui avaient prédit qu’il ressusciterait le troisième jour), et à la parole que Jésus leur avait dite : « Détruisez ce temple, » etc.

Origène. Dans le sens analogique, nous parviendrons au complément de la foi, au jour de la grande résurrection du corps entier de Jésus, c’est-à-dire de son Eglise ; car la foi qui voit Dieu tel qu’il est, est bien différente de celle qui ne le voit que comme dans un miroir et sous des images obscures.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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