Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Jean  >  chapitre 21, versets 15-17

Jn  21  15-17

Théophile. Après le repas, Jésus confie à Pierre, et non pas à d’autres, le gouvernement de toutes les brebis qui étaient dans le monde : « Lors donc qu’ils eurent mangé, Jésus dit à Simon-Pierre, » etc. — S. Augustin. (Traité 123 sur S. Jean.) Le Sauveur interroge, bien qu’il sût ce qu’il demandait, car il savait parfaitement que, non-seulement Pierre l’aimait, mais qu’il l’aimait plus que tous les autres.

Alcuin. Simon est appelé fils de Jean, parce que son père s’appelait Jean. Dans le sens mystique, Simon veut dire obéissant, et Jean signifie grâce. C’est à juste titre que Pierre est appelé obéissant à la grâce de Dieu, pour faire voir que s’il aime Jésus-Christ d’un amour plus ardent, ce n’est point à ses mérites, mais à la grâce de Dieu qu’il en est redevable.

S. Augustin. (Serm. sur la pass.) Lorsque le Seigneur fut sur le point d’être mis à mort, Pierre fut saisi de crainte et renia son divin Maître, car c’est la crainte de la mort qui lui fit renier Jésus-Christ ; mais maintenant qu’il est ressuscité, que pourrait-il craindre encore, puisque la mort a reçu elle-même dans sa personne le coup de la mort ? « Il lui répondit donc : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » Sur cette assurance que Pierre lui donne de son amour, Jésus lui confie le soin de sou troupeau. Il lui dit : « Paissez mes brebis, » comme si Pierre n’avait point d’autre occasion de manifester son amour pour Jésus-Christ, qu’en devenant un pasteur fidèle de ses brebis sous l’autorité du Prince de tous les pasteurs. — S. Chrys. (hom. 88 sur S. Jean.) Rien ne nous rend plus dignes de la bienveillance divine comme le soin que nous prenons du prochain. Notre-Seigneur donne cette charge à Pierre de préférence à tous les autres Apôtres, parce qu’il était le premier entre tous les Apôtres, la bouche des disciples, et la tête du sacré collège, et c’est pour cela qu’après lui avoir pardonné son reniement, il l’établit le chef de ses frères. Il ne lui reproche pas de l’avoir renié, mais il lui dit : « Si vous m’aimez, soyez à la tête de vos frères, montrez maintenant cet amour dont vous avez fait constamment preuve, et sacrifiez pour mes brebis cette vie que vous étiez prêt, disiez-vous, à donner pour moi. »

« Jésus lui dit de nouveau : Simon, fils de Jean, m’aimez-vous ? » — S. Augustin. (Traité 123 sur S. Jean.) C’est avec raison que Jésus demande à Pierre : « M’aimez-vous ? » et que sur la réponse qu’il lui fait : « Je vous aime. » Jésus lui dit : « Paissez mes agneaux. » Nous voyons ici que l’amour et la dilection sont une seule et même chose, car la troisième fois le Seigneur ne lui dit pas : Diligis me, avez-vous pour moi de la dilection ? mais : Amas me, m’aimez-vous. Jésus lui dit une troisième fois : « Simon, fils de Jean, m’aimez-vous ? » Jésus demande à Pierre pour la troisième fois s’il l’aime, à son triple renoncement correspond une triple confession, il faut que sa langue devienne l’organe de sou amour comme elle l’a été de sa crainte, et que le témoignage de sa parole soit aussi explicite en présence de la vie qu’il l’a été devant la mort qui le menaçait. — S. Chrys. Trois fois Jésus lui fait la même question, et trois fois aussi il lui renouvelle la même recommandation, pour nous apprendre quel prix il attache à la direction de ses brebis, et que c’est à ses yeux la preuve la plus grande d’amour. — Théophile. C’est de là qu’est venu l’usage de la triple promesse exigée de ceux qui demandent à recevoir le baptême.

S. Chrys. A cette troisième question, le trouble s’empare de l’âme de Pierre : « Pierre fut contristé de ce que Jésus lui demandait pour la troisième fois : M’aimez-vous ? » Il tremble au souvenir de sa conduite passée, il craint de se tromper en croyant qu’il aime Jésus, et de mériter de nouveau la rude leçon qu’il a reçue par suite de la trop grande confiance qu’il avait dans ses propres forces. C’est donc auprès de Jésus-Christ qu’il cherche son refuge : « Et il lui dit : Seigneur, vous connaissez toutes choses, » c’est-à-dire, les secrets les plus intimes du cœur pour le présent et pour l’avenir. — S. Augustin. (Serm. 50 sur les par. du Seig.) Ce qui l’attriste, c’est de se voir renouveler cette question par celui qui savait parfaitement ce qu’il demandait et qui avait inspiré à Pierre les assurances qu’il donnait de son amour. Il répond donc en toute vérité, et c’est du fond de son cœur qu’il fait sortir ces accents d’un véritable amour : « Vous savez que je vous aime. » — S. Augustin. (Traité 124 sur S. Jean.) Pierre n’ajoute pas : Plus que ceux-ci, il ne répond que sur ce qu’il sait de lui-même, car il ne pouvait connaître le degré d’amour qu’avaient les autres disciples pour Jésus, puisqu’il ne pouvait lire dans le fond de leur cœur : « Jésus lui dit : Paissez mes brebis, » c’est-à-dire, donnez un témoignage de votre amour en paissant le troupeau du Seigneur, comme vous avez donné une preuve de votre timidité en reniant le pasteur.

Théophile. On peut établir une différence entre les agneaux et les brebis ; les agneaux sont ceux qui commencent à faire partie du troupeau ; les brebis sont les âmes qui ont atteint la perfection. — Alcuin. Paître les brebis, c’est fortifier ceux qui croient en Jésus-Christ, pour que leur foi ne vienne pas à défaillir, pourvoir, lorsqu’il le faut, aux nécessités temporelles de ceux qu’on dirige, s’opposer à leurs ennemis, et ramener ceux d’entre eux qui s’égarent. — S. Augustin. (Traité 123 sur S. Jean.) Ceux qui paissent les brebis de Jésus-Christ, dans l’intention d’en faire leurs propres brebis plutôt que de les attacher à Jésus-Christ, sont convaincus de s’aimer au lieu d’aimer Jésus-Christ, d’être conduits par le désir de la gloire, de la domination ou de l’intérêt plutôt que par la charité qui ne se propose que d’obéir, de secourir et de plaire à Dieu. Gardons-nous donc de nous aimer nous-mêmes, au lieu d’aimer Jésus-Christ ; en paissant ses brebis, cherchons ses intérêts plutôt que les nôtres. Celui qui s’aime au lieu d’aimer Dieu, ne s’aime pas véritablement, car puisqu’il ne peut vivre par lui-même, en n’aimant que soi il se condamne à la mort. Ce n’est donc point s’aimer véritablement que de s’aimer d’un amour qui fait perdre la vie. Lorsqu’au contraire ou aime celui qui nous fait vivre, en ne s’aimant pas soi-même, on s’aime beaucoup plus, puisqu’on refuse de s’aimer pour aimer davantage celui qui est pour nous le principe de la vie. — S. Augustin. (Serm. sur la pass.) Il s’est trouvé des serviteurs infidèles qui ont divisé le troupeau de Jésus-Christ, et qui, par leurs rapines, se sont amassé une certaine fortune. Vous les entendez dire : Ce sont là mes brebis, que venez-vous faire près de mes brebis, prenez garde que je vous retrouve parmi mes brebis. Si nous tenons nous-mêmes ce langage, et qu’à leur exemple, nous disions aussi : Mes brebis ; c’en est fait, Jésus-Christ a perdu ses brebis.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle