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Jn  19  9-11

S. Chrys. (hom. 84 sur S. Jean.) Pilate, saisi de crainte, adresse à Jésus une nouvelle question : « Et, étant rentré dans le prétoire, il dit à Jésus : D’où êtes-vous ? » Il ne lui demande plus : Qu’avez-vous fait ? Mais Jésus ne lui fit aucune réponse. Pilate lui avait entendu dire qu’il était né, et qu’il était venu pour rendre témoignage à la vérité, et que son royaume n’était pas de ce monde ; son devoir était donc de résister courageusement à ses ennemis, et de le délivrer ; mais au contraire il se laisse entraîner par les injustes fureurs des Juifs : Jésus ne lui fait donc aucune réponse, parce que les questions de Pilate n’étaient pas sérieuses. D’ailleurs ses œuvres lui rendaient un témoignage assez éclatant, et il ne voulait point triompher de ses accusateurs par ses discours et par l’habileté de ses moyens de défense pour montrer qu’il était venu volontairement pour souffrir.

S. Augustin. Ce silence de Notre-Seigneur Jésus-Christ, dans plusieurs circonstances, est rapporté par tous les évangélistes. Jésus se tait, en effet, devant le prince des prêtres, devant Hérode et devant Pilate lui-même. Il accomplit ainsi pleinement cette prophétie : « Il est demeuré dans le silence, sans ouvrir la bouche, comme un agneau est muet devant celui qui le tond, » (Is 53) en ne répondant pas à ceux qui l’interrogent. Il a répondu, sans doute, à plusieurs des questions qui lui étaient faites, cependant la comparaison de l’agneau reste vraie pour les circonstances où il n’a pas voulu répondre ; ainsi sou silence est une preuve, non de sa culpabilité, mais de son innocence, et il a été devant ses juges, non comme un coupable convaincu de ses crimes, mais comme un innocent, immolé pour les péchés des autres.

S. Chrys. Jésus, continuant de se taire, « Pilate lui dit : Vous ne me parlez pas, ignorez-vous donc que j’ai le pouvoir de vous crucifier et le pouvoir de vous délivrer ? » Voyez comme Pilate est lui-même ici son propre juge. En effet, si tout dépend de vous, pourquoi ne délivrez-vous pas celui en qui vous ne trouvez aucune cause de mort ? Après que Pilate eut ainsi prononcé sa propre condamnation, Jésus lui répondit : « Vous n’auriez sur moi aucun pouvoir, s’il ne vous était donné d’en haut. » Il lui apprend ainsi que les événements qui le concernent ne suivent pas la marche ordinaire des choses, et ne découlent pas de causes naturelles, mais de raisons secrètes et surnaturelles ; ne croyez pas cependant que le Sauveur justifie entièrement pour cela la conduite de Pilate : « C’est pourquoi, ajoute-t-il, celui qui m’a livré à vous est coupable, d’un plus grand péché. » Mais, me direz-vous, si ce pouvoir a été donné d’en haut, ni Pilate, ni les Juifs ne sont coupables d’aucun crime ? Vaine objection, car ce pouvoir lui a été donné dans ce sens qu’il lui a été accordé, c’est-à-dire que Dieu a permis tout ce qui arrivait, mais Pilate, et les Juifs n’en sont pas pour cela moins coupables.

S. Augustin. Notre-Seigneur répond ici à la question qui lui était faite ; lors donc qu’il ne répondra pas, ce n’est ni par conscience de sa culpabilité, ni par artifice, mais parce qu’il est semblable à l’agneau, qui se tait devant ceux qui le tondent ; et, lorsqu’il croit devoir répondre, c’est pour enseigner, comme pasteur. Recueillons donc ici la leçon que Notre-Seigneur nous donne, et qu’il nous enseigne encore par son Apôtre : « Il n’y a point de puissance qui ne soit de Dieu ; » (Rm 13, 1) et celui qui, poussé par un noir sentiment d’envie, livre au pouvoir un innocent pour le faire mettre à mort, est plus coupable que le dépositaire du pouvoir lui-même qui condamne cet innocent, parce qu’il craint le pouvoir qui lui est supérieur. En effet, le pouvoir que Dieu avait donné à Pilate était subordonné à celui de César. C’est pour cela que Jésus lui dit : « Vous n’auriez sur moi aucun pouvoir (c’est-à-dire le moindre pouvoir tel que celui que vous avez), si ce pouvoir, quel qu’il soit, ne vous avait été donné d’en haut. » Mais comme je connais l’étendue de ce pouvoir (qui ne va pas jusqu’à être complètement indépendant), je déclare que a celui qui m’a livré entre vos mains est coupable d’un plus grand péché. » C’est par un sentiment d’envie qu’il m’a livré à votre pouvoir, tandis que c’est par un sentiment de crainte que vous exercez contre moi ce pouvoir. Jamais on ne doit sacrifier à la crainte la vie d’un innocent, mais c’est un bien plus grand crime de la sacrifier à l’envie. Aussi Notre-Seigneur ne dit pas : Celui qui m’a livré entre vos mains est coupable de péché (comme si Pilate lui-même ne l’était pas), mais : il est coupable d’un plus grand péché ; » paroles qui devaient faire comprendre à Pilate qu’il était loin d’être exempt de faute. — Théophylacte. « Celui qui m’a livré, » c’est-à-dire Judas, ou la foule. Devant cette réponse si claire de Jésus : « Si je ne me livrais moi-même, et si mon Père ne vous l’accordait, vous n’auriez sur moi aucun pouvoir, » Pilate fait de plus grands efforts pour délivrer Jésus. « De ce moment, Pilate cherchait à le délivrer. » — S. Augustin. Lisez ce qui précède, et vous trouverez que déjà il avait cherché les moyens de mettre Jésus en liberté. L’expression : « Depuis lors, de ce moment, de là, » signifie : à cause de cela, pour ce motif, c’est-à-dire pour ne pas se rendre coupable de péché, en condamnant à mort un innocent qui était livré entre ses mains.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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