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Jn  16  23-28

S. Chrys. (hom. 79 sur S. Jean.) Notre-Seigneur montre de nouveau à ses disciples qu’il leur est avantageux qu’il s’en aille, en leur disant : « Et en ce jour-là, vous ne m’interrogerez plus sur rien. » — S. Augustin. (Traité 101 sur S. Jean.) Le mot rogare ne signifie pas seulement demander, mais aussi interroger, et le verbe qui se trouve dans l’Evangile grec, dont le nôtre est une traduction, peut signifier également l’un et l’autre. — S. Chrys. Il leur dit donc : « En ce jour-là (c’est-à-dire, lorsque je serai ressuscité), vous ne m’interrogerez plus, » c’est-à-dire, vous ne direz pas : Montrez-nous votre Père, et où allez-vous ? car l’Esprit saint vous l’apprendra. On bien encore, vous ne me demanderez rien, c’est-à-dire, vous n’aurez pas besoin de médiateur pour obtenir l’effet de vos prières, mon nom seul suffira, et en l’invoquant, vous recevrez tout ce. que vous demanderez : « En vérité, en vérité, je vous le dis, tout ce que vous demanderez à mon Père en mon nom, il vous le donnera. » Il fait voir ainsi la puissance de son nom, puisque sans le voir, sans le prier, il suffira de prononcer ce nom pour qu’il opère des merveilles auprès de son Père. Ne vous regardez donc point comme abandonnés, parce que je ne serai plus avec vous ; mon nom seul vous inspirera une plus grande confiance : « Jusqu’à présent, vous n’avez rien demandé en mon nom, demandez et vous recevrez, afin que voire joie soit pleine. » — Théophile. Votre joie sera entière et parfaite, lorsque vos vœux seront pleinement satisfaits.

S. Chrys. Comme ses paroles étaient encore couvertes d’un certain voile pour ses disciples, il ajoute : « Je vous ai dit ces choses en paraboles, vient l’heure où je ne vous parlerai plus en paraboles, » c’est-à-dire, il viendra un temps (c’est le temps de sa résurrection), où vous comprendrez parfaitement ce que je vous dirai, et où je vous parlerai ouvertement de mon Père ; et, en effet, pendant quarante jours, il s’entretint avec tous ses disciples réunis du royaume de Dieu. Maintenant, leur dit-il, vous êtes remplis de crainte, et ne prêtez point d’attention à ce que je vous dis, mais lorsque vous me verrez ressuscité, vous pourrez apprendre toutes choses sans qu’il y ait pour vous d’obscurité.

Théophile. Il leur donne encore un nouveau motif de confiance, c’est qu’ils recevront dans leurs tentations le secours d’en haut : « En ce jour-là, vous demanderez en mon nom, » c’est-à-dire, je vous déclare que mon Père vous aime à ce point, que vous n’aurez plus besoin de mon intervention : « Et je ne vous dis point que je prierai mon Père pour vous, » etc. Mais ce ne doit pas être pour eux une raison de s’éloigner du Sauveur, comme s’ils n’en avaient plus besoin, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Parce que vous m’avez aimé, » c’est-à-dire, mon Père vous aime, parce que vous m’avez aimé, si donc vous veniez à vous détacher de mon amour, vous perdriez immédiatement l’amour de mon Père.

S. Augustin. (Traité 102 sur S. Jean.) Mais notre amour pour le Fils de Dieu est-il le motif de l’amour de son Père pour nous ? N’est-ce point, au contraire, son amour pour nous qui est la cause de notre amour ? C’est ce que nous dit l’évangéliste saint Jean, dans une de ses Epîtres : « Aimons Dieu, parce qu’il nous a aimés le premier. » (l Jn iv.) Le Père nous aime donc, parce que nous aimons le Fils, en vertu du pouvoir que le Père et le Fils nous ont donné de les aimer. Dieu aime en nous son œuvre, mais Dieu n’aurait pas fait en nous ce qui est digne de son amour, si avant de le faire il ne nous avait aimés le premier. — S. Hil. (de la Trin., 6) La foi parfaite que nous avons en Jésus-Christ, Fils de Dieu, n’a plus besoin d’intercession auprès de Dieu, car elle croit qu’il est sorti de Dieu et qu’elle l’aime, et elle mérite ainsi d’être écoutée et d’être aimée par elle-même, parce qu’elle professe hautement la naissance divine du Fils et son incarnation : « Et parce que vous avez cru que je suis sorti de Dieu. » C’est, en effet, à sa naissance divine et à son avènement en ce monde, que le Sauveur fait allusion dans ces paroles : « Je suis sorti de mon Père, et je suis venu en ce monde ; » la première de ces deux choses s’est accomplie dans sa nature divine, la seconde dans sou incarnation ; car ces deux expressions : « Venir de son Père, et sortir de son Père, » n’ont plus la même signification ; autre chose, en effet, est pour le Fils de sortir du Père par une naissance qui lui donne toute la substance divine ; autre chose est d’être venu du Père en ce monde pour y consommer les mystères de notre saint. Mais comme sortir de Dieu n’est autre chose que d’avoir par naissance la nature divine, celui qui a le privilège de cette naissance ne peut être que Dieu.

S. Chrys. Comme la promesse de la résurrection du Sauveur était un véritable adoucissement à leurs peines, aussi bien que de lui entendre dire qu’il sortait de Dieu et qu’il retournait à Dieu, il les entretient continuellement dans cette pensée : « Je quitte de nouveau le monde et je vais à mon Père. » Il leur donnait ainsi la certitude d’un côté qu’ils avaient en lui une foi droite et pure, et de l’autre qu’ils seraient désormais sous sa protection. — S. Augustin. Il est sorti du Père, parce qu’il vient du Père, et il est venu dans le monde, parce qu’il est apparu au monde dans le corps qu’il avait pris dans le sein de la vierge Marie. Il a quitté le monde corporellement, et il est retourne vers son Père, en conduisant son humanité dans les cieux ; mais il n’a point cessé de gouverner le monde par sa présence, parce qu’il est sorti de son Père pour venir dans le monde sans quitter le sein de son Père. Or, nous voyons que les Apôtres et les disciples de Jésus-Christ lui ont adressé, après sa résurrection, et des questions et des prières ; des questions, lorsqu’ils lui demandèrent avant son ascension, en quel temps il rétablirait le royaume d’Israël (Ac 1), des prières lorsque Etienne le vit dans les deux à la droite du Père, et le pria de recevoir son esprit. (Ac 6) Et qui oserait dire que nous ne devions plus le prier depuis qu’il est immortel, tandis qu’on devait le prier pendant sa vie mortelle ? Je pense donc que ses paroles : « En ce jour-là vous ne me demanderez plus rien, » ne doivent pas être rapportées au temps qui suivit sa résurrection, mais à celui où nous le verrons tel qu’il est (1 Jn 3), vision qui n’est pas de cette vie que le temps mesure, mais qui est le privilège de cette vie éternelle, dans laquelle nous n’aurons plus aucune prière, aucune question à faire, parce qu’il ne nous restera plus rien à désirer, rien à connaître.

Alcuin. Voici donc le sens des paroles du Sauveur : Dans la vie future, vous ne me demanderez plus rien, mais durant le pèlerinage de cette vie de misères et d’épreuves, si vous demandez quelque chose à mon Père, il vous l’accordera. Comme il le déclare expressément : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous demandez quoique chose à mon Père on mon nom, il vous l’accordera. » — S. Augustin. Il ne veut point dire toutes sortes de choses indifféremment, mais quelque chose, qui ne soit pas comme un rien en comparaison de la vie éternelle. Or, toute prière dont l’objet est contraire aux intérêts de notre salut, n’est pas faite au nom du Sauveur, car par ces paroles : « En mon nom, » il faut entendre, non pas le son extérieur des lettres et des syllabes dont ce nom est composé, mais la signification véritable de ce nom. Donc celui qui a de Jésus-Christ des idées autres que celles qu’il faut avoir du Fils unique de Dieu, ne demande point en son nom, bien que ses lèvres prononcent le nom de Jésus-Christ, parce qu’il demande au nom de celui qui est présent à sa pensée, au moment de sa prière. Celui, au contraire, qui a de Jésus-Christ des idées justes et droites, demande véritablement en son nom, et reçoit infailliblement l’objet de ses prières, s’il ne demande rien du contraire au salut éternel de son âme. Or, il reçoit dans le temps où Dieu juge devoir l’exaucer, car il est des choses que Dieu ne nous refuse pas, mais qu’il diffère de nous donner dans un temps plus favorable. Il font encore entendre ces paroles : « Il vous donnera, » des grâces exclusivement propres à ceux qui demandent ; car tous les saints sont exaucés dans les prières qu’ils font pour eux-mêmes, mais non dans celles qu’ils adressent à Dieu pour tous les antres, parce qu’en effet, le Sauveur ne dit pas en général : Il donnera, mais : « Il vous donnera. » Quant aux paroles qui suivent : « Jusqu’à présent, vous n’avez rien demandé en mon nom, » on peut les entendre de deux manières : Ou bien, vous n’avez rien demandé en mon nom, parce que vous n’aviez pas de ce nom le connaissance que vous deviez en avoir, ou bien vous n’avez rien demandé, parce que ce qui a fait l’objet de vos prières doit être considéré comme rien, en comparaison de ce que vous auriez dû demander. C’est donc, pour les engager à ne plus demander des choses de rien, mais une joie pleine et entière, qu’il ajoute : « Demandez, et vous recevrez, afin que votre joie soit pleine. » Cette joie pleine n’est point une joie sensible, mais une joie toute spirituelle, et elle sera pleine, lorsqu’elle sera si grande, qu’on ne pourra plus y rien ajouter.

S. Augustin. (de la Trin., 1, 2.) Cette joie pleine, au-dessus de laquelle il n’y a plus rien, sera de jouir de la présence de Dieu dans la Trinité, à l’image de laquelle nous avons été créés. — S. Augustin. (Traité 102 sur S. Jean.) C’est donc au nom de Jésus-Christ qu’il nous faut demander tout ce qui tend à nous faire obtenir cette joie éternelle, et jamais la miséricorde divine ne trompera la confiance de ses saints qui persévèrent dans la demande d’un si grand bien. Tout ce qu’on demande en dehors de ce bien, n’est rien, non pas que l’objet de nos prières soit nul absolument, mais parce qu’un comparaison d’un si grand bien, tout ce que l’on peut désirer n’est rien.

« Je vous ai dit ces choses en paraboles, mais vient l’heure où je ne vous parlerai plus en paraboles, mais où je vous parlerai ouvertement de mon Père. » Je dirais volontiers que cette heure dont il parle est la vie future où nous le verrons à découvert, comme le dit l’Apôtre : « Nous le verrons face à face. » (1 Co 13, 12.) Et alors ces paroles du Sauveur : « Je vous ai dit ces choses en paraboles, » se rapporteraient à ce que dit saint Paul : « Nous ne voyons maintenant que comme dans un miroir et sous des images obscures, » je vous parlerai ouvertement de mon Père, parce que c’est par le Fils qu’on peut voir le Père, « car personne ne connaît le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils a voulu le révéler. » (Mt 11) — S. Grég. (Moral., 20, 5, ou dans les anc. éd., 8.) Il leur annonce qu’il leur parlera ouvertement de son Père, parce qu’en leur découvrant l’éclat de sa majesté, il leur fera voir comment il est égal dans sa naissance à celui qui l’a engendré, et comment l’Esprit saint est coéternel au Père et au Fils dont il procède. — S. Augustin. Mais les paroles qui suivent semblent s’opposer à l’explication que nous venons de donner : « En ce jour, dit le Sauveur, vous demanderez en mon nom, » car que pourrons-nous demander dans le siècle futur, quand nos désirs seront rassasiés de l’abondance de tous les biens ? car la demande suppose toujours une indigence quelconque. Il est donc mieux d’entendre ces paroles dans ce sens, que Jésus rendra ses disciples spirituels de charnels, et d’esclaves de leurs sens qu’ils étaient. En effet l’homme animal ne se représente que sous des images matérielles et sensibles tout ce qu’il entend dire de la nature de Dieu. Tous les enseignements de la sagesse sur la nature incorporelle et immuable de Dieu sont pour lui autant de paraboles, non qu’il les prenne positivement pour des paraboles, mais parce qu’il n’a d’autres pensées que ceux qui entendent des paraboles sans les comprendre. Mais lorsque l’homme devenu spirituel commence à juger tout avec discernement, bien que dans cette vie il ne puisse voir que comme dans un miroir et en partie, il comprend que Dieu n’est pas un corps, mais un esprit, et cela sans l’aide d’aucun sens, d’aucune image sensible, mais par une perception claire et distincte de son intelligence. Lorsque le Fils nous parle ainsi à découvert de son Père, et nous fait voir en même temps qu’il a une même nature avec, lui, alors nous demandons véritablement en son nom, parce que ce nom représente alors à notre esprit la vérité même qu’il exprime. Nous pouvons comprendre alors que Notre-Seigneur Jésus-Christ, en tant qu’homme, prie pour nous son Père, et que, comme Dieu, il nous exauce conjointement avec son Père, ce qu’il paraît indiquer dans les paroles suivantes : « Et je ne vous dis pas que je prierai mon Père pour vous. » Il n’y a, en effet, que l’œil spirituel de l’âme qui puisse s’élever jusqu’à cette vérité que le Fils ne prie pas le Père, mais que le Père et le Fils exaucent ensemble les prières qui leur sont adressées.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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