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Jn  14  15-17

S. Chrys. (hom. 74 sur S. Jean.) Les paroles que Notre-Seigneur venait de dire : « Tout ce que vous demanderez, je le ferai, » pouvaient donner aux Apôtres la pensée que toute prière indistinctement devait être exaucée ; il se hâte donc de prévenir cette idée, en ajoutant : « Si vous m’aimez, gardez mes commandements ; » comme s’il leur disait : C’est à cette condition que j’exaucerai vos prières. Ou bien encore, comme la nouvelle qu’il venait de leur apprendre, qu’il allait à son Père, devait naturellement les jeter dans le trouble, il leur dit : « L’amour que vous devez avoir pour moi, ne doit point avoir pour effet de troubler votre âme, mais de vous faire accomplir mes commandements ; car l’amour consista à obéir et à croire à celui qu’on aime. » Il prévoit aussi qu’ils devaient désirer vivement cette présence extérieure et cette, consolation sensible dont ils avaient joui jusqu’à présent, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Et moi, je prierai mon Père, et il vous donnera un autre Paraclet. » — S. Augustin. (Traîté 74) En parlant ainsi, il fait voir qu’il est lui-même un Paraclet. Le mot Paraclet veut dire, en latin, avocat, et saint Jean dit du Sauveur : « Nous avons pour avocat auprès du Père, Notre-Seigneur Jésus-Christ. » (Jn 1) — Alcuin. Ou bien, le mot Paraclet veut dire Consolateur, et les Apôtres, en effet, avaient eu jusqu’alors un Consolateur, qui les animait et les fortifiait par l’éclat de ses miracles et par la douceur de ses enseignements. — Didyme. (De l’Eprit saint.) Notre-Seigneur appelle l’Esprit saint un autre consolateur, non qu’il ait une nature autre que la sienne, mais parce que son opération est différente. Le Sauveur était venu pour remplir l’office de médiateur et d’ambassadeur, et comme un pontife qui devait prier pour nos péchés, l’Esprit saint reçoit le nom de Paraclet ou de consolateur dans un autre sens, parce que ça mission est de consoler ceux qui sont dans la tristesse. Mais de cette diversité d’opérations, il faut se garder de conclure à la différence de natures, puisque nous voyons dans un autre endroit l’Esprit consolateur remplir près du Père l’office d’ambassadeur. « L’Esprit lui-même, dit saint Paul, demande pour nous par des gémissements inénarrables. » (Rm 8, 20.) Le Sauveur, de son côté, répand la consolation dans les coeurs affligés, car il est écrit : « Il a consolé tous les humbles de son peuple. » (1 M 14, 14)

S. Chrys. Le Sauveur dit : « Je prierai mon Père » pour rendre ses paroles plus dignes de foi : car s’il avait dit simplement : Je vous enverrai un autre consolateur, ils ne l’auraient pas cru aussi facilement. — S. Augustin. (Cont.le. Serm. Des Ar, 19) Et cependant pour montrer que ses oeuvres ne sont point distinctes de celles du Père, il dit ailleurs : « Lorsque je m’en serai allé, je vous l’enverrai. » (Jn 16) — S. Chrys. Qu’aurait-il eu, en effet, plus que les apôtres, s’il avait dû prier son Père pour qu’il envoyât l’Esprit saint, alors que nous voyons les apôtres eux-mêmes le communiquer aux autres, sans avoir recoins à la prière ? — Alcuin. Je prierai, comme inférieur par mon humanité, mon Père, à qui je suis égal et consubstantiel par ma nature divine. — S. Chrys. Il leur promet que l’Esprit saint demeurera avec eux éternellement, parce qu’il ne les quittera même pas après leur mort ; et il leur enseigne, indirectement, par là même, que l’Esprit saint ne doit ni souffrir la mort comme lui, ni se séparer d’eux. Et pour éloigner de leur esprit, la pensée d’une nouvelle incarnation qui rendrait le Saint-Esprit visible à leurs yeux, il ajoute : « L’Esprit de vérité, que le monde ne peut recevoir parce qu’il ne le voit point et ne le connaît point. » — S. Augustin. Cet Esprit saint est une des personnes de la sainte Trinité, et la foi catholique le proclame consubstantiel et coéternel au Père et au Fils.

S. Chrys. Il l’appelle l’Esprit de vérité, parce que c’est lui qui nous révèle le sens des figures de l’Ancien Testament ; le monde ici, ce sont les méchants ; et voir, c’est connaître avec certitude, parce que la vue est le plus clair de tous les sens.

Bède. Remarquez encore qu’en appelant l’Esprit saint l’Esprit de vérité, il prouve en même temps qu’il est son Esprit. De même encore lorsqu’il enseigne que cet Esprit est donné par le Père, il déclare par là même qu’il est l’Esprit du Père, et que par conséquent l’Esprit saint procède du Père et du Fils.

S. Grég. (Moral., 5, 19 ou 20, dans les anc. ex. ) Dès que l’Esprit saint remplit un cœur, il excite en lui un ardent désir des biens invisibles. Mais comme les cœurs des mondains n’ont d’amour que pour les biens extérieurs, le monde ne peut recevoir cet Esprit, parce qu’il est incapable de s’élever jusqu’à l’amour des choses invisibles. En effet, plus les âmes mondaines s’étendent et s’élargissent au dehors par leurs désirs, plus elles se resserrent et deviennent étroites pour recevoir ce divin Esprit.

S. Augustin. Notre-Seigneur déclare que le monde (c’est-à-dire ceux qui aiment le monde), ne peuvent recevoir l’Esprit saint, comme si nous disions : L’injustice ne peut être juste. Le monde donc, c’est-à-dire ceux qui aiment le monde, ne peuvent recevoir l’Esprit saint, parce qu’ils ne le voit point. En effet, l’amour du monde est privé de ces yeux invisibles par lesquels nous ne pouvons voir l’Esprit saint que d’une manière invisible. « Pour vous, vous le connaîtrez, parce qu’il demeurera au milieu de vous. » Et afin qu’ils n’entendent pas ces paroles : « Il demeurera au milieu de vous, » d’une demeure visible, comme celle d’un hôte à qui l’on donne l’hospitalité, il ajoute : « Et il sera en vous. » — S. Chrys. C’est-à-dire il ne demeurera pas au milieu de vous comme j’y suis demeuré moi-même, mais il habitera dans vos âmes.

S. Augustin. Il faut d’abord se donner à quelqu’un avant de demeurer ni lui, et Notre-Seigneur explique ces paroles : « Au milieu de vous, » par ces autres : « En vous ; » car s’il n’est pas en vous, vous ne pouvez non plus avoir en vous la connaissance de ce divin Esprit. C’est ainsi que vous voyez en vous-même votre propre conscience.

S. Grég. (Moral., 2, 28 ou 41 dans les anc. ex. ) Si l’Esprit saint demeure dans les disciples, comment donner encore comme signe distinctif du médiateur que l’Esprit saint demeure en lui, comme il est dit à Jean-Baptiste : « Celui sur qui vous verrez l’Esprit saint descendre et demeurer, c’est lui qui baptise ? » Cette difficulté disparaîtra bientôt, si nous prenons soin de faire une distinction entre les dons de l’Esprit saint. Quant aux dons sans lesquels il est impossible de parvenir à la vie, l’Esprit saint demeure dans tous les élus ; s’il s’agit au contraire des dons qui ont pour objet non de conserver, mais de produire dans les autres la vie surnaturelle, il ne demeure pas toujours ; quelquefois, en effet, il suspend le pouvoir d’opérer des miracles, pour que l’humilité garde plus sûrement les vertus qu’il inspire. Jésus-Christ, au contraire, jouit toujours, et en toutes circonstances, de la présence de l’Esprit saint.

S. Chrys. Par ces seules paroles, Notre-Seigneur renverse d’un seul coup deux hérésies contraires. En disant : « Je vous enverrai un autre, » il établit la différence de personnes ; et en lui donnant le nom de consolateur, l’identité de nature. — S. Augustin. (contr. le serm. des Ar., ch. 19.) L’office de consolateur, que les hérétiques abandonnent à l’Esprit saint, comme à la dernière personne de la sainte Trinité, l’Apôtre l’attribue à Dieu lui-même, quand il dit : « Dieu qui console les humbles nous a consolés. (2 Co 7, 6) L’Esprit saint qui console les humbles, est donc Dieu. Ou s’ils prétendent que saint Paul veut parler ici du Père et du Fils, qu’ils cessent de séparer l’Esprit saint du Père du Fils, en lui attribuant exclusivement l’office de consolateur.

S. Augustin. (Traité 64 sur S. Jean.) Mais s’il est vrai que la charité de Dieu a été répandue dans nos cœurs par l’Esprit saint qui nous y été donné (Rm 5), comment aimer Jésus-Christ et observer ses commandements pour mériter de recevoir l’Esprit saint, puisque nous ne pouvons sans lui ni aimer ni observer les commandements ? Peut-on dire que nous avons d’abord en nous la charité qui nous fait aimer Jésus-Christ, et que cet amour de Jésus-Christ et l’observation de ses commandements attirent en nous l’Esprit saint qui répand la charité de Dieu le Père dans nos cœurs ? Cette interprétation est tout à fait erronée ; celui qui croit aimer le Fils de Dieu, et n’aime pas le Père, n’aime certainement pas le Fils, il aime le produit de son imagination. La seule manière de résoudre cette difficulté est donc de dire que celui qui aime a déjà l’Esprit saint, et qu’en le possédant, il mérite de le posséder encore davantage et d’avoir ainsi un plus grand amour. Les disciples de Jésus avaient déjà en eux l’Esprit saint que le Sauveur leur promettait, mais ils devaient le recevoir d’une manière plus abondante. Ils le possédaient au dedans d’eux-mêmes, il devait leur être donné d’une manière visible, ce n’est donc point sans raison que ce divin Esprit est promis, non-seulement à celui qui ne l’a pas encore, mais à celui qui le possède déjà. Il est promis à celui qui ne l’a pas, pour qu’il le possède, et à celui qui l’a déjà pour qu’il le reçoive plus abondamment. — S. Chrys. Lorsque Jésus eut purifié ses disciples par le sacrifice de sa passion, que leurs péchés furent effacés et que le temps fut venu de les envoyer affronter les dangers et les combats, ils eurent besoin de recevoir l’Esprit saint dans toute sa plénitude. Il ne leur fut point donné aussitôt sa résurrection, afin que leurs désirs plus ardents fussent une préparation à recevoir l’abondance de ses grâces.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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