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Jn  12  20-26

Bède. Le temple élevé à Dieu dans la ville de Jérusalem avait une si grande célébrité, qu’aux jours de fête, non-seulement ceux qui étaient voisins, mais une nombreuse multitude accourue des points les plus éloignés de l’univers encombrait la ville ; comme les Actes des Apôtres nous l’apprennent de l’eunuque de Candace, reine d’Ethiopie. (Ac 8) C’est d’après cet usage que les Gentils, dont il est ici question, étaient venus pour adorer Dieu : « Or, parmi ceux qui étaient venus pour adorer en ces jours de fête, il y avait quelques Gentils. » — S. Chrys. Ils étaient sur le point de se faire prosélytes. Attirés par la réputation du Sauveur, ils désirent le voir : « Ils s’approchèrent donc de Philippe qui était de Bethsaide, de Galilée, et le prièrent disant : Seigneur, nous voudrions voir Jésus. » — S. Augustin. Voici que les Juifs veulent le mettre à mort, tandis que les Gentils désirent le voir, et aux Gentils se joignent ceux d’entre les Juifs qui criaient : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » Ainsi les uns viennent du peuple de la circoncision, les autres, du peuple des incirconcis, comme deux murailles qui ont un point de départ différent, et se réunissent par un baiser de paix dans la même foi de Jésus-Christ.

« Philippe le vint dire à André. » — S. Chrys. Comme étant plus ancien que lui dans l’apostolat. Ils avaient, en effet, entendu dire au Sauveur : « N’allez pas dans la voie des nations. » (Mt 10) Philippe croit donc, devoir soumettre la question à André avant d’en référer à leur divin Maître : « Et André et Philippe le dirent à Jésus. » — S. Augustin. (Traite 51) écoutons donc la réponse de la pierre angulaire : « Jésus leur répondit : L’heure est venue que le Fils de l’homme doit être glorifié. » Quelqu’un pourrait penser peut-être que Jésus annonce qu’il va être glorifié, parce que les Gentils désirent le voir ; non il n’en est pas ainsi. Jésus prévoyait que les Gentils de toutes les parties de l’univers croiraient en lui après sa passion et sa résurrection. Il prend donc occasion de ces Gentils qui désirent le voir, pour prédire la conversion future de toute la Gentilité, et il annonce la venue prochaine de l’heure de sa glorification dans les cieux, qui devait être suivie de la conversion à la foi de tous les Gentils. C’est ce que le Roi-prophète avait prédit : « Soyez exalté, ô Dieu, au-dessus des deux, et que votre gloire éclate par toute la terre. » (Ps 56, 12 ; 107, 6.) Mais cette haute élévation dans la gloire a dû être précédée par les humiliations de la passion. Aussi le Sauveur ajoute : « En vérité, en vérité, je vous le dis : Si le grain de froment qui tombe dans la terre, ne meurt, il demeure seul ; mais s’il meurt, il produit beaucoup de fruits. » Ce grain de froment c’était lui que l’incrédulité des Juifs devait faire mourir, et qui devait se multiplier par la foi des peuples. — Bède. Il est, en effet, ce grain qui a été semé de la semence des patriarches dans le champ du monde, c’est-à-dire qui s’est incarné pour mourir et ressusciter en se multipliant au centuple. Lui seul est mort, mais il est ressuscité avec un grand nombre d’autres.

S. Chrys. Comme les paroles du Sauveur ne portaient pas toujours la persuasion dans les cœurs, il a recours à cette comparaison, parce que le froment est une des graines qui produit le plus de fruit lorsqu’elle est morte. Or, si ce phénomène se manifeste dans les semences, à plus forte raison se produira-t-il en moi. Notre-Seigneur devait dans la suite envoyer ses disciples vers les Gentils, et il les voit déjà venir d’eux-mêmes avec ardeur pour embrasser la foi, il annonce donc que le moment est venu pour lui de souffrir le supplice de la croix ; car il n’envoya point ses Apôtres vers les nations avant que les Juifs se fussent brisés eux-mêmes contre la pierre, avant qu’ils l’eussent crucifié : Et, comme il prévoyait que sa mort devait jeter ses disciples dans une profonde tristesse, il expose pleinement la doctrine de la croix, et semble dire à ses disciples : Il ne suffit pas que vous supportiez ma mort avec patience ; si vous ne mourez vous-mêmes, vous n’avez aucun fruit à espérer de ma mort : « Celui qui aime son âme, la perdra. » — S. Augustin. On peut entendre ces paroles de deux manières : la première, « celui qui aime son âme, la perdra ; » c’est-à-dire, si vous l’aimez véritablement, n’hésitez pas à la perdre ; si vous désirez obtenir la vie, qui est en Jésus-Christ, ne craignez pas de souffrir la mort pour Jésus-Christ. Ou bien : « Celui qui aime son âme, la perdra. » N’aimez donc point votre âme dans cette vie, pour ne point la perdre dans la vie éternelle. Cette seconde interprétation est plus conforme à l’ensemble du texte évangélique, où nous lisons ensuite : « Et celui qui hait son âme dans ce monde, » etc. Donc, dans le membre de phrase précédent : « Celui qui aime, » il faut sous-entendre : En ce monde. — S. Chrys. (hom. 67.) Or, aimer son âme en ce monde, c’est satisfaire ses désirs criminels ; haïr son âme, c’est résister à ses désirs coupables. Et remarquez que Notre-Seigneur ne dit pas : Celui qui ne se rend pas aux désirs de son âme, mais : « Celui qui la hait. » Lorsque nous avons de la haine contre quelqu’un, nous ne pouvons entendre sa voix, sa présence nous est désagréable ; ainsi lorsque notre âme nous suggère des pensées contraires à la loi de Dieu, nous devons la repousser avec horreur. — Théophile. Comme cette obligation de haïr son âme pouvait paraître bien dure, le Sauveur adoucit cette dure obligation en ajoutant : « En ce monde, » paroles qui annoncent la brièveté de l’épreuve ; il ne nous commande pas de haïr notre âme pour toujours, et il nous fait savoir quel sera le prix de ce sacrifice : « Il la conservera pour la vie éternelle. » — S. Augustin. Mais prenez garde de vous laisser aller à la pensée de vous donner la mort à vous-même par une fausse interprétation de ce précepte : « Qu’il faut haïr son âme eu ce monde. » C’est ainsi que l’entendent certains hommes pervers et mal inspirés, qui se rendent coupables d’homicide et trouvent la mort en se jetant dans les flammes, en s’étouffant dans les eaux, en se précipitant d’un lieu élevé (1). Ce n’est pas ce que Jésus-Christ a enseigné ; au contraire, lorsque le démon lui eut conseillé de se jeter du haut du temple, il lui répondit : « Retire-toi, Satan. » Lors donc que vous vous trouvez dans cette alternative ou d’enfreindre un précepte divin, ou de sortir de cette vie sous la menace de mort d’un persécuteur, c’est alors que vous devez haïr votre âme eu ce monde, pour la conserver dans la vie éternelle.

S. Chrys. (hom. 67.) Cette vie présente paraît pleine de douceur à ceux qui en sont violemment épris, mais celui qui jette les yeux vers le ciel et qui considère les biens qui l’y attendent, n’aura que du mépris pour la vie présente ; car, en présence d’un plus grand bien, le bien qui est moindre n’a plus de valeur. Or, Jésus-Christ nous conseille ce mépris, lorsqu’il nous dit : « Si quelqu’un veut être mon serviteur, qu’il me suive ; » c’est-à-dire, qu’il marche sur mes traces. Le Sauveur veut parler ici de la mort et de l’imitation par les œuvres, car le serviteur doit nécessairement suivre celui qu’il sert. — S. Augustin. Notre-Seigneur nous apprend lui-même ce que c’est que le servir, en nous disant : » Si quelqu’un veut être mon serviteur, qu’il me suive, » etc. Servir Jésus-Christ, c’est donc ne pas chercher ses intérêts, mais ceux de Jésus-Christ. C’est ce que signifient ces paroles : « Qu’il me suive, » c’est-à-dire, qu’il marche dans mes voies, et non dans les siennes ; qu’il ne se contente pas des œuvres extérieures de miséricorde, mais qu’il fasse tontes ses bonnes œuvres pour Jésus-Christ, jusqu’à cette oeuvre de charité héroïque qui consiste à donner sa vie pour ses frères. Mais quel en sera le fruit, quelle en sera la récompense ? « Et où je suis, là sera aussi mon serviteur. » Que le serviteur de Jésus-Christ l’aime d’un amour désintéressé, afin que la récompense du dévouement à son service soit d’être avec lui. — S. Chrys. (hom. 67.) Notre-Seigneur nous apprend ainsi que la mort sera suivie de la résurrection : il dit : « Là où je suis, » parce qu’avant même sa résurrection, il était dans ciel ; c’est donc là que nous devons transporter nos pensées et nos affections.

« Si quelqu’un me sert, mon Père l’honorera. — S. Augustin. C’est l’explication de ces paroles : « Où je suis, là sera aussi mon serviteur. » Car, quel plus grand honneur pour le fils adoptif, que d’être là où est le Fils unique ? — S. Chrys. Il ne dit point : C’est moi qui l’honorerai, mais : « Mon Père l’honorera. » Car, ils n’avaient pas encore des idées convenables sur le Sauveur, et ils regardaient le Père comme lui étant supérieur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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