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« Comme un cerf altéré cherche l’eau vive,
ainsi mon âme te cherche, toi, mon Dieu. » (Psaume 41)
Depuis près d’un siècle, le silence s’est fait dans l’Église catholique sur la fin du monde. Les théologiens et les prédicateurs n’ont plus osé en parler. Tant de récits effrayants avaient été donnés en chaire par les anciens curés du XIXème siècle, que ce genre de thème prêtait plus à la suspicion qu’à l’intérêt. Une autre peur, celle de paraître ridicule ou pire, sectaire, paralysait les docteurs. La recherche n’était autorisée que dans un seul sens qui visait à relativiser les textes, à leur donner une signification purement symbolique.
La peur n’est pas évangélique. Ce silence a eu de graves conséquences. Il a laissé une grande place aux sectes politiques ou religieuses. Beaucoup de fidèles en ont été réduits à mettre leur espoir, non dans la venue certaine du Royaume de Dieu, mais dans la construction sociale du monde d’ici-bas. Hegel, Marx ne sont pas autre chose que des théologiens politiques de la fin de l’histoire, de l’arrivée du paradis sur terre. L’espérance marxiste a causé de manière directe la mort d’au moins cent millions de personnes. Pour les plus religieux, les propositions théologiques des sectes fondamentalistes les ont détournés de cette foi qui, loin de répandre la peur, est source d’une paix profonde. Les sectes apocalyptiques chrétiennes[1] ont causé relativement peu de morts en comparaison des idéologies politiques. Mais elles transforment de manière hideuse en fanatisme illuminé ce qui devrait rayonner d’amour et d’humilité.
Une autre conséquence touche le cœur même de la vie spirituelle, à savoir l’espérance théologale. Depuis deux siècles, l’Église catholique vit une crise. En Occident, elle perd des fidèles. D’anciennes nations chrétiennes sont au bord d’apostasier* tout rapport à la foi. Des chrétiens perdent espoir. Ils ne comprennent plus. Le Christ n’avait-il pas annoncé que les portes de l’enfer ne l’emporteraient jamais ?
Or le Christ parle explicitement dans les évangiles d’événements difficiles. Il annonce même, de façon mystérieuse, « l’abomination de la désolation dans le Temple saint »[2]. Ce texte ne peut annoncer quelque chose de positif… Pourtant, dans un passage parallèle, parlant de la venue de ces malheurs, Jésus dit: « Quand tout cela commencera d’arriver, réjouissez-vous et relevez la tête car votre rédemption est proche »[3].
Comment Jésus peut-il demander de se réjouir d’un malheur? Qui peut, parmi les lecteurs de ce livre, répondre maintenant pour lui-même de manière claire à cette question ? La plupart est dans l’ignorance de ces sujets. Si le Christ, Maître et Seigneur de notre foi, en a parlé, ce n’était certainement pas pour que nous mettions un boisseau d’obscurité sur ses paroles[4].
Il est donc nécessaire, plus que jamais, de raconter l’espérance catholique pour la fin du monde. Lorsqu’on découvre qu’il ne s’agit pas seulement d’un traité théorique mais d’une vie qui de plus se raconte comme une histoire, avec une fin de lumière et d’amour, on ne peut qu’en être enthousiasmé. Cet ouvrage vise à le manifester.
Deux parties vont se succéder.
I - La fin du monde
Avant le retour du Christ, Dieu prépare un plan grandiose qui donne l’explication de ce que l’humanité vit déjà actuellement. Ces textes sont valables à deux niveaux : 1- Pour chaque génération qui a vécu depuis la venue du Messie. Je montrerai donc dans un premier temps comment les textes se sont historiquement et explicitement réalisés. 2- Mais ils annoncent aussi la venue historique, à un temps donné, d’une fin du monde entier. Les prophéties de l’Écriture Sainte ne permettent ni d’en connaître la date ni le détail avec une précision absolue. Mais elles sont assez explicites pour en dévoiler les grandes étapes et, à l’inverse de ce qu’en disent les sectes apocalyptiques, pour enflammer l’espérance.
II - Les sources de ces connaissances
Cette partie est destinée aux esprits curieux de mes sources, croyants ou incroyants[5].
— Les choses certaines : A chaque fois que je l’ai pu, je n’ai fait que rapporter la foi de l’Église (à travers l’Écriture Sainte ou le Magistère romain). Tout au long de l’ouvrage, je préciserai en note ou dans le texte quand il s’agit d’une telle source. Afin que le lecteur s’y retrouve, de tels textes seront marqués de la mention « choses certaines ».
— Les choses probables : Mais tout dans cet ouvrage n’est pas explicitement la foi de l’Église. A chaque époque, des signes et des prophéties ont été donnés aux hommes. C’est le cas de révélations* faites à des saints canonisés ou lors d’apparitions* célestes reconnues canoniquement par l’Église. Ces sources secondaires ne constituent pas, loin de là, des vétilles. Elles ont une très grande valeur, non pour ajouter à la foi, mais pour expliquer sa réalisation concrète (l’espérance). Elles seront qualifiées de « choses probables » tout au long du texte.
— Les choses indécises : La manière concrète, avec les détails de date, de lieu et de circonstances dont ces prophéties se réaliseront à l’avenir est affaire d’hypothèse, de réflexion, d’analyse sociologique, de connaissance prédictive de l’homme. Ce sont les « choses indécises » de ce livre.
— Les opinions personnelles : J’émets parfois des hypothèses personnelles, l’Église demandant au chercheur un tel travail (voir par exemple des questions comme l’origine de l’islam, son destin, la manière dont Israël reconnaîtra le Christ etc.). Je peux assurer que cet ouvrage ne contient rien qui est contre la foi (contra fidem). Mais il contient quelques précisions qui sont en marge de la foi (praeter fidem). L’Imprimatur ecclésiastique ne veut rien signifier d’autre. Je me trompe peut-être. Ce livre doit rester sans cesse en chantier. Ces aspects sont marqués de la mention : « Selon moi… Au lecteur de juger ».
A l’origine de tout, un grand secret…
(La chose la plus certaine)
Dans un premier ouvrage, j’ai décrit l’histoire sainte des individus, la manière dont Dieu s’efforce de conduire chaque homme à l’humilité puis à l’amour[6]. Ici, je vais m’efforcer de raconter l’Histoire Sainte des peuples, des nations*, de l’humanité entière. Ces deux histoires ont le même commencement et le même terme… Avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler en quelques mots ce fondement de tout, cet Alpha qui donne sens à tout le reste.
Il n’est pas possible de comprendre quoi que ce soit de la lecture chrétienne des événements de la fin du monde sans connaître la raison et l’origine de tout. Comment comprendre l’Oméga si l’on ne connaît pas l’Alpha? Tout dans cette espérance s’explique par un principe simple. Il s’agit d’un projet de Dieu. Il veut se montrer à l’humanité entière, face à face, pour la combler de bonheur. Rien, dans l’histoire de l’humanité, ne se comprend au plan chrétien sans cette lumière. Mais tout peut être compris avec elle. L’Évangile de Jésus Christ, celui qui explique la souffrance des communautés humaines, se résume à cela:
« Avant que le monde n’existe, depuis toute éternité, il existe un Être unique, une personne infinie. Il vit totalement heureux, comblé par sa propre nature. Il est mystérieux puisque, tout en étant un seul être, trois personnes[7] s’aiment et se contemplent en lui, le Père, le Fils et l’Esprit Saint[8]. Il s’agit d’une inimaginable vie intime, faite de tendresse et de lumière inaccessibles. Deux qualités du cœur peuvent résumer la vie de Dieu, l’humilité et l’amour[9]. Sans cesse, le Père glorifie le Fils, Le Fils glorifie le Saint Esprit parce qu’il l’aime. Dieu est ainsi et nul ne peut le changer.
Dans son éternité, il conçut le projet suivant: faire partager ce bonheur à d’autres êtres ; Créer de nombreuses personnes, dotées d’intelligence et de liberté, et les introduire, si elles le veulent, au cœur des trois personnes. Ce serait comme un mariage, un acte d’amour réciproque. Mais il convient de faire ici une remarque importante. Dieu ne désirait pas créer un paradis où chaque personne, perdue dans sa contemplation, serait uniquement tournée face à lui. Il voulait créer une Église, c’est-à-dire une communauté immense vivant en Lui dans une totale communion d’humilité et d’amour. Ce serait ainsi une fête éternelle où des milliards d’êtres épousés communieraient au même pain. C’est pourquoi, Dieu décida de faire de l’histoire de ses créatures spirituelles une Histoire Sainte dirigée vers ce but unique. Dieu agit. Il créa d’abord les anges, de purs esprits sans corps[10]. Puis il créa les hommes et les femmes, êtres spirituels et physiques. Anges et hommes étaient faits pour voir Dieu face à face.
Un problème se posait pourtant. Pour que ces communautés humaines entrent auprès de Dieu et vivent comme une Église sainte du bonheur infini qui consiste à le comprendre et à l’aimer face à face, il était absolument nécessaire qu’elles deviennent au plan du cœur semblables à lui, à savoir tout humbles et toutes données à l’amour. Ici se trouve la clef de tout[11]. “Nul ne peut voir Dieu sans mourir à lui-même[12]”. A cause de la pureté et de la délicatesse de Dieu, n’importe quel amour ne suffisait pas mais seulement un amour total, dépouillé de toute recherche intéressée. Le moindre orgueil, le moindre égoïsme, et l’entrée face à Dieu devenait impossible, comparable à un viol alors qu’elle devrait être un mariage. Ceci était vrai non seulement pour les individus, mais pour l’humanité dans son ensemble. C’est pourquoi, afin de laisser aux communautés humaines le temps de découvrir leur misère, il décida de les faire transiter par un devenir terrestre, par une gloire puis une décadence, par la mort enfin. Il appliqua cette loi à toutes, sans exceptions, y compris à celles qu’il avait voulu lui-même, celles qui portaient son nom[13] (ses Églises). Tout cela constituait une série d’étapes purificatrices. Toutes étaient marquées par la souffrance[14]. Ce temps, par tout ce qu’il était, devait servir d’école de la vie. »
Dieu abaisse les puissants et relève les humbles.[15]
1. Sans compter l’islamisme Wahhabite qui est une secte apocalyptique et un cancer de l’islam. [↩]
2. Marc 13, 14. [↩]
3. Luc 21, 28. [↩]
4. Les éditions Pierre Téqui signèrent les premières un contrat pour éditer ce livre. Elles y renoncèrent pourtant au dernier moment, sans doute effrayées par la raideur de certains passages concernant les derniers moments de l’Église. Pour s’en excuser, la lettre disait : « Au moment de mourir, le Christ dit sept paroles puis il se tait. Il invite au silence sur les mystères qui lui appartiennent seuls. » Pourquoi, dans ce cas, a-t-il prononcé juste avant de mourir les discours eschatologiques (Matthieu 24, Marc 13, Luc 21), allant jusqu’à insister : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point. » (Luc 21, 33) ? Pourquoi saint Pierre, saint Paul et saint Jean ont-ils laissé de nombreux enseignement sur la fin du monde ? Tout cela n’est-il que spéculation ? [↩]
5. Ce livre n’est pas une thèse de Théologie. Il aurait été trop lourd de rappeler, à chaque étape, le niveau d’autorité dogmatique de chaque source utilisée. Elles sont multiples, selon la méthode d’ouverture de Thomas d’Aquin. Mais ce travail a été fait. Voir, du même auteur, Traité des Fins dernières, édition à compte d’auteur, Paris, 1992. Tout au long de cet ouvrage, des notes rappelleront la nécessité de cette prudence critique. [↩]
6. Voir du même auteur, L’heure de la mort. [↩]
7. Comprendre sous le mot “personnes” trois jaillissements de lumière et d’amour. [↩]
8. Leur vrai nom théologique est « le Non-né, le Verbe et l’Amour » [↩]
9. « L’humilité et l’amour de Dieu, telles sont les deux révélations explicitement et exclusivement chrétiennes. Nulle autre religion n’en parle de cette manière. Le fait que le Christ soit né dans une crèche, son geste du lavement des pieds qui scandalisa tant Pierre, sa mort d’esclave révèlent que le Dieu tout puissant, le maître et Seigneur, est le plus humble. Il ne s’agit pas, bien sûr, de l’humilité propre à nous, créatures et pécheurs. Il s’agit de l’humilité de celui qui, Tout-puissant et sans péché, veut s’unir à nous comme à un égal, dans une amitié cœur à cœur. Curieusement, ce ne sont pas les théologiens catholiques qui ont le plus manifesté cette humilité de Dieu. Ce sont les musulmans, en en critiquant la présence dans « les évangiles falsifiés et hérétiques de Jésus » …
Le fait que Verbe fait chair meure pour sauver des gens qui ricanent au pied de la croix révèle jusqu’où va son amour. [↩]
10. Certaines traditions ajoutent que Dieu créa des êtres intermédiaires dotés d’esprit et d’un psychisme mais dépourvus de chair. Ce sont les « djinns » de l’islam. [↩]
11. Ce que l’Écriture appelle « le baptême d’eau et d’esprit ». Jean 3, 5 Jésus répondit: « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. » De même, l’eau et le sang qui sortit du côté du Christ symbolisaient ces deux qualités. Il s’agit donc d’un mystère central de la Révélation. [↩]
12. 1 Rois 19, 13. [↩]
13. D’après saint Paul 2 Thessaloniciens, 2, 4 « tout ce qui porte le nom de Dieu », par exemple le judaïsme (atteint dans son être même par la destruction du Temple), mais aussi, nous le verrons, le christianisme. [↩]
14. Mais au commencement, il n’y avait ni souffrance ni mort. Tout était utile pour préparer chacun à devenir humble, sauf la croix. J’ai rapporté au début de l’ouvrage sur l’heure de la mort. L’histoire du monde tel que Dieu l’avait pensé au commencement et celle du péché originel. [↩]
15. Luc 1, 51-52. [↩]
Arnaud Dumouch, La fin du monde, Éditions Docteur angélique, Avignon, 2007.