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ANNEXE 2

Signes à l’appui de l’hypothèse
de la parousie à l’heure de la mort

 

1. Fondements scripturaires
2. Sources chez les saints et les théologiens catholiques
3. Sources dans les autres religions
4. Fondements empiriques
5. Conclusion

 

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1. FONDEMENTS SCRIPTURAIRES

1.1. — La conversion de Paul, une N.D.E. ? 

Il s’agit d’un récit mystérieux et fort. Paul n’a pas approché la mort, pourtant ce qu’on raconte de lui ressemble à une Near Death Experience. Aurait-il vécu ici-bas, en vue de sa mission d’apôtre, ce que vivront tous les hommes à l’heure de la mort[1] ?

« Saul, ne respirant toujours que menaces et carnage à l’égard des disciples du Seigneur, alla trouver le grand prêtre et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s’il y trouvait quelques adeptes de la Voie, hommes ou femmes, il les amenât enchaînés à Jérusalem. Il faisait route et approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel l’enveloppa de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui lui disait: « Saoul, Saoul, pourquoi me persécutes-tu » -- « Qui es-tu, Seigneur? » Demanda-t-il. Et lui: « Je suis Jésus que tu persécutes. Mais relève-toi, entre dans la ville, et l’on te dira ce que tu dois faire. » Ses compagnons de route s’étaient arrêtés, muets de stupeur: ils entendaient bien la voix, mais sans voir personne. Saul se releva de terre, mais, quoiqu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. On le conduisit par la main pour le faire entrer à Damas. Trois jours durant, il resta sans voir, ne mangeant et ne buvant rien. »

Paul lui-même confirme et commente sa conversion dans la deuxième épître aux Corinthiens[2] : « J’en viendrai aux visions et révélations du Seigneur. Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans - était-ce en son corps? Je ne sais. était-ce hors de son corps? Je ne sais. Dieu le sait - cet homme-là fut ravi jusqu’au troisième ciel. Et cet homme-là - était-ce en son corps? Etait-ce sans son corps? Je ne sais, Dieu le sait --, je sais qu’il fut ravi jusqu’au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire. Pour cet homme-là je me glorifierai. mais pour moi, je ne me glorifierai que de mes faiblesses. Oh! si je voulais me glorifier, je ne serais pas insensé. je dirais la vérité. Mais je m’abstiens, de peur qu’on ne se fasse de moi une idée supérieure à ce qu’on voit en moi ou ce qu’on m’entend dire. Et pour que l’excellence même de ces révélations ne m’enorgueillisse pas, il m’a été mis une écharde en la chair, un ange de Satan chargé de me souffleter - pour que je ne m’enorgueillisse pas! A ce sujet, par trois fois, j’ai prié le Seigneur pour qu’il s’éloigne de moi. Mais il m’a déclaré: « Ma grâce te suffit: car la puissance se déploie dans la faiblesse. » C’est donc de grand coeur que je me glorifierai surtout de mes faiblesses, afin que repose sur moi la puissance du Christ.  »

Paul répète par deux fois la mention « - était-ce en son corps? Je ne sais. était-ce hors de son corps?  ». Il semble indiquer son trouble devant la nature de son expérience. Son état physique lui paraît mystérieux. On ne peut manquer de faire le rapport, à titre de piste, avec cette mystérieuse expérience de décorporation dont parlent beaucoup de témoins de l’approche de la mort.

1.2. — Le genre littéraire apocalyptique 

Il n’existe aucun texte de l’Écriture Sainte qui enseigne au sens littéral le mystère de la Parousie en l’appliquant à l’heure de la mort exclusivement. C’est pourquoi il faut reconnaître que la voie scripturaire ne peut constituer une preuve de notre hypothèse mais un signe de sa crédibilité.

Tous les exégètes depuis saint Césaire d’Arles dans son Commentaire de l’Apocalypse[3] reconnaissent que les discours eschatologiques mêlent des mystères divers. En général, on reconnaît à ces textes[4] une valeur d’annonce de la ruine du temple de Jérusalem, de la fin du monde, de la fin des sociétés humaines passagères et de la mort individuelle de chacun de nous. Ces diverses significations ne sont pas sans rapport, la première étant le symbole des autres. La difficulté des textes consiste dans le fait qu’ils passent très souvent, sans avertissement, selon leur littéralité d’une signification à une autre.

1.3. — Mathieu 24, 39-40 

Pour le sujet qui nous occupe, nous voudrions citer quelques uns de ces textes dont nous manifesterons la possibilité d’une interprétation dans le sens de la mort individuelle: 

« Comme aux jours de Noé, ainsi sera la Parousie du fils de l’homme. Alors, deux hommes seront dans un champ: l’un sera pris, l’autre laissé. Deux femmes seront en train de moudre, l’une sera prise, l’autre laissée. »[5] 

Habituellement, les exégètes commentent ce texte en insistant sur l’aspect inattendu de la Parousie. Ils y voient l’annonce d’une Parousie inopinée à l’image de la mort qui surprend l’agriculteur dans son champ. A cet égard, le meilleur commentaire est, me semble-t-il, celui de Daniel Marguerat[6]. » Cette impressionnante accumulation de matériel parabolique tend à exploiter l’apocalypse dans un sens précis: La communauté est invitée à saisir le sérieux de la situation engendrée par l’incertitude de l’heure de la Parousie. Le savoir sue l’ignorance de l’heure doit conduire les destinataires du discours à un faire: la vigilance. » Nous ne nions pas la portée de cette intention de Jésus. Elle apparaît trop clairement à travers le reste du discours eschatologique. Cependant, l’insistance concernant cette intention des textes ne peut supprimer un autre de leur enseignement, tiré du sens littéral de l’Ecriture: des logia de Jésus annonçaient la Parousie pour l’époque de la génération contemporaine du Christ. » Cette génération ne passera pas que tout cela ne soit accompli. » De fait, la génération contemporaine du Christ croyait fermement vivre cette Parousie avant la mort des onze apôtres. Saint Paul en témoigne par sa mise en garde contre ceux qui ne font plus rien dans ce monde qui leur paraît vain car voué à sa fin de manière imminente. La génération suivante, ayant constaté que la Parousie n’était pas venue, fut conduite à interpréter les textes autrement et dans le sens exclusif rapporté par Daniel Marguerat. Notre hypothèse permet de donner une autre interprétation de ces textes qui ne refoule pas dans la métaphore le sens littéral et historique qu’ils semblent contenir:

Ce texte est précieux puisqu’il unit en deux versets l’expression « Parousie du Fils de l’homme », et la description d’une scène de travail décrivant la mort individuelle d’un des deux travailleurs. La Parousie du Fils de l’homme n’est autre que son Avènement final, celui que Mathieu décrit en termes apocalyptiques dès le début du chapitre 24. Or, à lire le texte, on est tenté (et la majorité des exégètes le sont) de n’insister que sur la signification politique, visible aux yeux des nations toutes entières, de ces faits. Tout se passe en terme de ruine de temple (1-3), massacres et persécutions religieuses (4-25), cataclysmes cosmiques (29-31), apparition glorieuse du Fils comme l’éclair qui va de l’orient à l’occident (26-28.) Nous ne refusons pas cette interprétation traditionnelle[7], la plus évidente à la lecture des textes. Cependant, nous pensons qu’elle en cache bien d’autres dont celle sur laquelle nous voudrions insister. S’il s’agissait ici uniquement de la fin du monde, de la Parousie finale qui fera cesser le monde d’ici-bas, le Christ aurait-il parlé d’un homme laissé dans son champ à travailler ou d’une femme laissée à moudre? On ne peut d’ailleurs objecter à notre interprétation une autre, à savoir que cet homme et cette femme ne sont pas « laissés » sur terre mais « abandonnés » parce que ne méritant pas la Vie éternelle. L’expression « laissé » est en effet à opposer à « pris » qui signifie un enlèvement en plein travail réalisé sur l’un des deux travailleurs par l’Avènement du Seigneur. Ainsi, comme ces textes se réfèrent à des événements visibles au quotidien des hommes, nous pensons qu’ils se réfèrent à la mort individuelle, brutale et dangereuse pour celui qui n’a pas veillé[8].

1.4. — Mathieu 24, 29-31 

En nous référant à cette clef d’interprétation, les autres textes de ce chapitre de saint Mathieu prennent une autre lumière :

« Aussitôt après les tribulations de ces jours-ci, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Et alors apparaîtra le signe du Fils de l’homme. et alors toutes les races de la terre se frapperont la poitrine. et l’on verra le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec grande puissance et grande gloire. Et il enverra ses anges avec une trompette sonore pour rassembler les élus des quatre vents, des extrémités des cieux à leurs extrémités »[9].

Cet autre texte a toujours reçu une explication concernant la fin du monde. Cependant, son genre littéraire apocalyptique ne fait pas de doute et nous autorise à en diversifier les interprétations. L’auteur d’un tel texte n’a d’ailleurs pas d’autre intention. Sous le même symbole, il entend signifier des réalités multiples. Ainsi, appliqué à l’heure de la mort, ce texte prend une lumière particulière. Procédons à la manière de saint Césaire d’Arles, c’est-à-dire en relisant le texte point par point: Les tribulations de ces jours-ci signifient la vie terrestre et ses épreuves qui constituent un purgatoire préparatoire à la rencontre; le soleil qui s’obscurcit signifie le moment qui précède la fin de la vie où l’homme découvre à travers des épreuves physiques et psychologiques que la vie est passagère et le monde insensé lorsqu’il est recherché pour lui-même; la lune qui ne donne plus sa lumière peut symboliser les moments de l’agonie où les créatures qui reflétaient la lumière du soleil, c’est-à-dire donnaient sens à la vie d’ici-bas perdent leur utilité; les étoiles qui tombent du ciel annoncent que ce qui donnait à l’homme la direction dans sa vie devient vain; le signe du fils de l’homme est l’heure de la mort elle-même. En effet, la croix ou encore le signe de Jonas est le signe de la limite des fils d’homme mortels. C’est l’épreuve ultime et substantielle où chacun expérimente sa pauvreté, comme le Christ lui-même à son heure. Chacun se frappe la poitrine à cette heure ultime, ceux qui sont adonnés à la terre car ils perdent ce qui donnait sens à leur vie, ceux qui servaient le Seigneur car ils discernent ne pas avoir correspondu à leur vocation. Enfin, la Venue du Fils de l’homme signifie son apparition qui suit l’arrêt du cœur et précède la mort; il vient accompagné des anges qui coopèrent avec les saints au salut du mourant. Cette interprétation, nous le verrons en conclusion, ne supprime en rien celle qui annonce le retour du Christ à la fin du monde; elle respecte aussi celle qui lit la description de la fin des sociétés, des projets humains. Elle ne fait qu’ajouter une pierre aux sens multiples de la Parole de Dieu. 

1.5. — Mathieu 24, 34-35 

« En vérité, je vous le dis, cette génération ne passera pas que tout cela ne soit arrivé. Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas. »[10]

Ce troisième texte et d’autres analogues semble annoncer la fin du monde et la Parousie générale en en fixant la date à la génération de ceux qui ont connu Jésus. Il fut d’ailleurs à ce point interprété comme cela que saint Paul dut tenir un discours très ferme dans le sens du démenti[11]. Devant la ruine du temple de Jérusalem assaillis par les armées romaines, cette peur de la fin du monde se fit certitude. Pourtant, dès les années apostoliques, saint Pierre signale la venue de « railleurs pleins de raillerie, guidés par leurs passions qui disent: où est la promesse de son avènement? Depuis que les pères sont morts, tout demeure comme au début de la création. »[12]. Cette remarque des railleurs est d’actualité. Pourtant la parole de Jésus semble aussi nette que possible: « Cette génération ne passera pas… » S’est-il trompé?

Notre hypothèse permet d’ouvrir la voie à une interprétation nouvelle: il existe une Parousie au cours de l’histoire qui marque chaque génération tout aussi réellement que la Parousie définitive qui fera s’arrêter le cycle des générations. En effet, moins de cent ans après que Jésus a prononcé ses paroles prophétiques, toute la génération qui les avait entendues avait réellement et historiquement connu la Parousie. Cela ne s’était pas réalisé d’un seul coup mais par la somme des parousies individuelles à la mort de chacun. Ainsi, la génération entière des hommes de l’époque de Jésus s’est trouvé face à sa gloire très peu de temps après sa promesse. Ceux qui restaient sur terre n’ayant, quant à eux, encore rien vu venir, pouvaient se permettre de railler mais bien à tort… De même, notre interprétation permet de comprendre des saints comme Vincent Ferrier qui annoncèrent sur ordre du Seigneur, avec force signes et miracles prouvant leurs dires, le retour du Christ pour leur génération. Canonisé sous le vocable d’« ange de l’Apocalypse », ce dominicain mort en 1419 n’a pas menti. C’est ce dont pourrait témoigner sa génération, tout entière jugée et fixée à l’heure qu’il est sur son destin éternel. Somme toute, chaque homme peut recevoir pour lui cette parole de Jésus, sachant avec certitude que peu d’années le séparent de sa mort et de la Manifestation glorieuse du Christ. Quant à la fin définitive du monde, elle reste une réalité annoncée littéralement par l’Écriture, du même ordre, avec cependant une solennité particulière. 

Nous pourrions citer aussi de nombreux textes de l’Apocalypse. Ils se prêtent à une interprétation dans ce sens mais ne constituent pas un apport essentiel: « Interprétation symbolique ne constitue qu’un signe modéré de la vérité d’une hypothèse, selon saint Thomas d’Aquin[13] 

1.6. — 1 Pierre 1, 5 

Citons pour terminer un magnifique et peu connu texte de saint Pierre[14] :

« Béni soit le Dieu et Père de notre Seigneur Jésus-Christ: dans sa grande miséricorde, il nous a engendrés de nouveau par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour une vivante espérance, pour un héritage exempt de corruption, de souillure, de flétrissure, et qui vous est réservé dans les Cieux, à vous que, par la foi, la puissance de Dieu garde pour le salut prêt à se manifester au dernier moment. »

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2. SOURCES CHEZ LES SAINTS ET LES THÉOLOGIENS

2.1. — Fondements chez les saints: Le curé d’Ars, saint Thomas d’Aquin et saint Augustin, Bède le vénérable, la bienheureuse sœur Faustine, Marthe Robin, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus 

Au cours du XXe siècle, on a vu se multiplier chez les saints et les mystiques l’intuition de la nécessité d’un « événement spécial » à l’heure de la mort. Il s’agit d’une intuition qui se répand sans autre cause apparente, si ce n’est une pression divine du sens de la foi. Nos sources pour cette recherche sont diverses et glanées ici et là au cours de nos lectures. Certainement, nous ne sommes pas exhaustifs. Force nous est cependant de remarquer que la Venue du Christ à l’heure de la mort est très peu si ce n’est jamais explicitement enseignée. Les saints restent flous, n’osent affirmer, sans doute hésitant devant le manque de fondement traditionnel de cette doctrine. Si on trouve peu cette doctrine, on trouve par contre de nombreux témoignages, en particulier chez les Pères, d’expériences d’apparition du Christ auprès des mourants. 

Un saint comme le curé d’Ars, confronté au Saint Sacrement, découvre cette vérité à travers une lente maturation qui le fait passer d’un christianisme rigide à un christianisme centré sur l’amour de Dieu. Vers la fin de sa vie, il console une mère éplorée devant le suicide de sa fille. Loin de la croire nécessairement en enfer, comme semblait l’affirmer la traditionnelle théologie du péché mortel à l’heure de la mort, il affirme: « Entre le pont et l’eau, elle s’est convertie. » « Entre le pont et l’eau » : ne s’agit-il pas là d’une manière figurée, de la limite ultime de la vie terrestre, la dernière heure où le Maître en personne appelle ses ouvriers à la vigne?

Dans le même ordre d’idées, on pourrait citer le témoignage d’une N.D.E. “L’un des cas qui m’a le plus frappé… est celui de cette jeune femme de 27 ans qui s’est suicidée. Elle se souvient de ses hurlements lorsqu’elle se retrouva dans le tunnel et de sa dernière pensée qui fut “Mon Dieu, faites-moi savoir si Vous me pardonnez, avant de mourir”. Elle ne sait pas – et sa requête le prouve – qu’on ne meurt pas. A peine sa phrase achevée, Joan explique au docteur Serdahely que deux mains immenses sont sorties de cette Lumière et une voix d’amour, de compassion et de joie aussi retentit, lui disant en substance : “Je te pardonne, Je te pardonne. Je te donne une seconde chance ”.[15]

Saint Thomas d’Aquin lui-même, malgré la logique de sa doctrine augustinienne du salut, se permet parfois, poussé par une autre logique qui est celle de sa contemplation, des audaces pour le salut des infidèles. A la suite des Pères, il a compris, à travers le discours de Pierre à Corneille[16], que Dieu se manifeste à quiconque le craint et le cherche en pratiquant la justice. D’où l’axiome théologique: « A celui qui fait son possible, Dieu ne refuse pas la grâce. »[17] Thomas d’Aquin en a déduit la possibilité d’une révélation immédiate, à l’intime de la conscience, en concepts humains, de Dieu et de son Christ, accordée à l’homme fidèle à sa conscience, en vue de lui donner la foi chrétienne et le salut éternel. Même au sauvage vivant dans une forêt vierge… Il convient de citer le Docteur angélique:[18] 

 « A un homme qui, sans y mettre d’obstacle, suivrait la raison naturelle pour chercher le bien et éviter le mal, on doit tenir pour très certain que Dieu révélerait par une inspiration intérieure les choses qu’il est nécessaire de croire ou lui enverrait quelque prédicateur de la foi, comme Pierre à Corneille. »

Ce texte est le plus ancien que j’ai pu retrouver concernant la nécessité d’une prédication pour les païens justes. Cette doctrine n’est différente de la nôtre qu’en tant que nous l’avons poussée à l’extrême de son évidence, allant jusqu’à en faire un des principe de la théologie, et en la rendant nécessaire pour tout homme, saint, juste. Devant la croix de Jésus, et dans les limites de la foi catholique telle qu’elle est définie par l’Église, nous ne pouvons faire autre chose. Nous la poussons même plus loin, allant jusqu’à dire que Dieu ne refuse pas, même à l’homme le plus perverti, la grâce de la prédication de l’Évangile. Libre à cet homme de la rejeter. Telle est la justice de l’amour de Dieu en vue du salut de tous.

On peut en ajouter un autre texte, tiré du même ouvrage : On n’est jamais fixé dans le bien ou dans le mal avant le dernier acte de liberté. « cas où la justification ne se fait pas en un seul instant mais à travers de lentes préparations. On pourrait ajouter que le poids des conditionnement négatifs est au moins contrecarré partiellement par la rencontre de la beauté du Christ, icône de Dieu, qui parle à la sensibilité !  »[19]

Mais, encore plus troublante est chez ce saint, l’effet d’une expérience bouleversante qu’il fit vers la fin de sa vie. En 1273, Frère Thomas d’Aquin dictait la troisième et dernière partie de sa Somme Théologique. Il avait dicté à son fidèle disciple, frère Reginald, un article concernant le sacrement de la Pénitence. S’étant rendu à l’église Sainte Dominique pour y célébrer la messe, il fut pris d’une extase. Lorsqu’il revint à lui, plusieurs frères dominicains qui avaient été témoins de son ravissement voulurent connaître de sa bouche ce qu’il avait vu. Mais Frère Thomas se tut puis se retira dans sa cellule. Frère Reginald étant venu près de lui comme à l’habitude pour recevoir la dictée de la suite de son travail, il fut renvoyé. Le lendemain, il revint mais Frère Thomas d’Aquin ne voulut rien lui dicter. Il en fut ainsi les jours suivants au point que son ami finit par lui demander en privé la raison d’un tel comportement. Frère Thomas d’Aquin lui avoua alors ceci: « J’ai vu des choses que la langue de l’homme ne peut exprimer ». Et comme Frère Reginald insistait, il continua: « A côté de ce qui m’a été révélé, tout ce que j’ai écrit et dit m’apparaît comme rien. » A partir de ce jour, Frère Thomas d’Aquin n’écrivit plus rien. Sa Somme resta inachevée, à l’endroit même où son extase l’avait saisi. On ne peut manquer de penser à l’expérience de saint Paul lors de sa conversion, à son trouble devant non seulement la profondeur du mystère entrevu : « Je connais un homme dans le Christ qui, voici quatorze ans fut ravi jusqu’au paradis et entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire  », mais aussi devant le caractère incompréhensible du mode de son expérience: « Etait-ce en son corps? Je ne sais; était-ce hors de son corps? Je ne sais; Dieu le sait »[20]. Si l’on pense à une expérience de décorporation du type de celle dont témoignent les témoins d’une expérience de mort approchée (N.D.E.), on comprend le trouble de saint Thomas. Sa théologie de l’âme séparée est à réformer. Le psychisme et ses facultés sensibles peuvent s’exercer d’une manière séparée du cerveau…

On trouve, paraît-il chez Saint Augustin des récits concernant des miraculés de la mort, des gens ayant connu un terrible accident et qui se réveillent à la surprise générale. Ils rapporteraient tous des visions du Christ et des saints. Saint Augustin dit: « L’âme se sépare du corps, emportant tout avec elle: la sensibilité, l’imagination, la raison, l’intellection, l’intelligence, l’appétit concupiscible et l’appétit irascible. »[21] S. Augustin dit encore: « Nous croyons que seul l’homme possède une âme subsistante qui, séparée du corps, continue à vivre et garde vivants ses sens et son intelligence. »[22]

Il appuyait ses dires sur des expériences de mort approchée, déjà fréquentes à son époque. Les expérience de mort approchée se multipliant de nos jours et étant de mieux en mieux étudiées, on est obligé d’admettre au plan philosophique le fait d’une survie, non seulement des puissances de la vie sensible mais de leurs actes.

Le Docteur Raymond Moody cite, quant à lui un récit de Bède le Vénérable[23]. Nous le rapportons in extenso, en priant le lecteur de nous pardonner la longueur de la citation: 

« En ce temps là, un miracle insigne, semblable à ceux des jours anciens, eut lieu dans la Grande-Bretagne. Car afin de réveiller les vivants de la torpeur spirituelle où ils étaient tombés, un homme qui était mort revint à la vie corporelle et raconta maintes choses remarquables dont il avait été témoin, et dont il m’a paru opportun de donner ici une brève mention.

Un chef de famille vivait naguère dans une ville du pays de Northumbrie appelée Cunningham; il menait, avec tous ceux de sa maison, une vie fort dévote. Cependant, il tomba malade et son état empira rapidement; aux premières heures de la nuit, il mourut. Mais à l’aube, il revint à la vie et s’assit soudainement sur sa couche, au grand effroi de ceux qui l’entouraient en pleurant, et qui s’enfuirent à toutes jambes. Seule son épouse qui l’aimait tendrement demeura auprès de lui, tremblante et apeurée. L’homme la rassura et lui dit: « Sois sans crainte; car j’ai vraiment échappé à l’étreinte de la mort, et il m’a été donné de vivre à nouveau parmi les hommes. Mais il me faudra dorénavant vivre autrement que je ne l’ai fait jusqu’ici, et adopter un mode de vie très différent. » Peu de temps après, il renonça à toutes ses obligations mondaines et se retira dans le monastère de Melrose.

Voici comment il avait coutume de raconter son aventure: « J’avais pour guide un homme avenant vêtu d’une robe brillante, et nous marchions en silence vers ce qui semblait être la direction du nord-est. Tout en allant droit devant nous, nous arrivâmes à une large et profonde vallée dont la longueur paraissait infinie (…) Il me fit bientôt passer de l’obscurité à une atmosphère de claire lumière, et tandis que j’avançais dans la lumière brillante, j’aperçus au devant de nous une muraille colossale qui n’avait de limite ni en hauteur ni en longueur, dans toutes les directions. Ne lui voyant aucun porche, aucune fenêtre, aucune entrée, je commençais à me demander pourquoi nous étions venus jusqu’à ce mur; mais lorsque nous parvînmes à son pied, tout d’un coup, et je ne sais par quel moyen, nous nous trouvâmes à son fait. A l’intérieur s’étendait une vaste et agréable prairie (…) La lumière qui resplendissait en ce lieu surpassait en brillance la lumière du jour ou les rayons du soleil à midi.

Le guide dit: « Il te faut maintenant rejoindre le corps que tu as laissé et revivre parmi les hommes; toutefois, si tu veux bien peser tes actes avec plus de soin de façon à conserver tes paroles et ta conduite dans les voies de la vertu et de la simplicité, alors quand tu mourras, tu obtiendras toi aussi une demeure parmi ces esprits bienheureux que tu vois. Car lorsque je t’ai quitté durant quelques instants, je l’ai fait pour découvrir ce que sera ton avenir. »

Comme il disait cela, je ne me sentais guère enclin à retourner vers mon corps, car j’étais ravi par le charme et la beauté du lieu, ainsi que par l’agrément de la compagnie que j’entrevoyais. Mais je n’osais pas questionner mon guide et, sur ces entrefaites, je me retrouvais soudain vivant à nouveau parmi les hommes. »

Cet homme de Dieu se refusait à commenter tout cela et les autres choses qu’il avait vues lorsqu’il s’adressait à des indifférents ou à des personnes aux mœurs relâchées; il réservait ses récits à ceux qui vivaient dans la crainte du châtiment ou dans l’espérance des joies éternelles, ceux qui voulaient bien prendre à cœur sa parole et croître en sainteté. »

Certains détails du récit ci-dessus rappellent ceux des témoignages rapportés par le psychologue R. Moody dans son étude sur ceux qui ont approché la mort: le brusque changement que cette expérience a apporté dans la vie et les perspectives de cet homme, la présence d’un esprit servant de guide à travers cette pérégrination, enfin les réticences montrées par le héros à raconter son histoire à quiconque ne l’aurait pas écoutée avec un esprit ouvert et bienveillant. Par rapport à notre hypothèse, nous remarquons que les visions sensibles et imaginatives de cet homme prouvent qu’il est par quelque partie de lui-même lié à son corps, au moins par son psychisme. Il n’est donc pas vraiment mort, la séparation de son âme n’est pas totale. D’autre part, le guide qui ne semble pas être nécessairement le Christ lui-même en est cependant la ressemblance puisqu’il provoque une conversion vers l’amour et la vie contemplative. Nous sommes donc bien, semble-t-il, devant une prédication mystérieuse et forte de l’Évangile à l’heure de la mort.

Chez les saints modernes ou contemporains, l’intuition devient parfois enseignement explicite. Leur autorité est malheureusement difficile à utiliser en théologie car ils parlent le plus souvent par mode de visions ou de révélations privées.

Citons en premier lieu sainte Faustine, canonisée par le Pape Jean-Paul II en 2000[24]:

« J’accompagne souvent les âmes agonisantes et je leur obtiens la confiance en la miséricorde divine. Je supplie Dieu de leur donner toute la grâce divine, qui est toujours victorieuse. La miséricorde divine atteint plus d’une fois le pécheur au dernier moment, d’une manière étrange et mystérieuse. A l’extérieur, nous croyons que tout est perdu, mais il n’en est pas ainsi. L’âme éclairée par un puissant rayon de la grâce suprême, se tourne vers Dieu avec une telle puissance d’amour, qu’en un instant elle reçoit de Dieu le pardon de ses fautes et de leurs punitions. Elle ne nous donne à l’extérieur aucun signe de repentir ou de contrition, car elle ne réagit plus aux choses extérieures. Oh! Que la miséricorde divine est insondable!
 
Mais horreur! il y a aussi des âmes, qui volontairement et consciemment, rejettent cette grâce et la dédaigne. C’est déjà le moment même de l’agonie. Mais Dieu, dans sa miséricorde, donne à l’âme dans son for intérieur ce moment de clarté. Et si l’âme le veut, elle a la possibilité de revenir à Dieu.
 
Mais parfois, il y a des âmes d’une telle dureté de cœur qu’elles choisissent consciemment l’enfer. Elles font échouer non seulement toutes les prières que d’autres âmes dirigent vers Dieu à leur intention, mais même aussi les efforts divins. »

Ce texte nous est précieux. Il est sans doute le plus explicite de tous ceux que nous avons trouvés. Il se situe bien à l’heure de la mort, sur le lit d’agonie, et non après la mort comme l’entendent bien des théologiens de l’option finale, sortant en cela du domaine de la foi catholique. Il reste cependant imprécis sur la nature de la grâce du dernier moment, appelée « clarté », « puissant rayon de la Grâce suprême. » Sœur Faustine ne sait pas en définir la nature qui reste à ses yeux « étrange et mystérieuse » quoique « puissante. » S’agit-il d’une simple Révélation spirituelle, dans l’intelligence ou comme nous espérons l’avoir démontré, d’une Apparition glorieuse, donc sensible et spirituelle à la fois, du Christ accompagné des saints et des anges? 

Il nous paraît possible de citer Marthe Robin. Cette mystique stigmatisée, dont la sainteté est à l’étude dans son diocèse d’origine, est morte en 1983. Après vérification auprès du Père Pagnoux des Foyers de charité, il apparaît qu’elle a développé une véritable pensée sur les agonisants. Sans aller trop loin et dans l’attente des textes non encore publiés, il semble qu’elle considérait la mort comme l’instant ultime où se joue dans la logique d’une vie le destin éternel. Elle parlait de l’importance de la prière pour les mourants, de ces instants qui pouvaient durer longtemps, et de la grâce ultime donne par Jésus en personne

Les témoignages nombreux que nous connaissons sur les derniers moments des saints (canonisés ou non) vont plutôt dans le sens de cette apparition du Christ à l’heure de la mort: extases finales d’enfants, illumination du visage du mourant, sourire d’accueil devant une présence invisible. On ne compte plus les témoignages de ce genre. L’un des plus significatifs concerne l’extase finale de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus telle qu’elle fut observée par quelques-uns unes de ses sœurs. Elles voulaient d’ailleurs assister à sa mort dans l’espoir bien naturel chez des religieuses de voir un éclat du Ciel.

Le Père Jean-Michel Maldamé rapportait lors d’une session de théologie à Toulouse (25 janvier 1995) une histoire vécue et racontée par un ancien déporté russe du camp de Dora: il assistait tous les jours au décès de dizaines de prisonniers épuisés par les mauvais traitements et la sous-alimentation. Or le visage d’un parmi ces hommes s’est illuminé juste avant sa mort. Certains affirmaient qu’il avait vu le Christ.

Cette conviction est d’ailleurs ancrée chez beaucoup parmi les revenants des camps. Un polonais qui m’entendait présenter l’hypothèse ici soutenue ne cessait d’acquiescer de la tête. Il me posa à la fin la question suivante: « Connaissez-vous le lieu où la Vierge est apparue au plus grand nombre de personnes? » Devant mon ignorance, il continua: « C’est la chambre à gaz du camp d’extermination d’Auschwitz… »  

Le Père Maldamé me conseillait de chercher parmi les écrits mystiques orthodoxes quelques traces allant dans le sens de la Parousie du Christ à l’heure de la mort, convaincu que les visions répétées des déportés russes avaient laissé une trace en théologie. Je n’ai pour le moment rien trouvé si ce n’est une multitude sans cesse grandissante de témoignages. Il est d’ailleurs étonnant qu’aucune thèse ne soit encore parue sur ce thème. On ne peut plus reprocher un manque de bases empiriques. 

2.2. — Intuition des théologiens (Mgr. d’Hulst, F.X. Durwell) 

Nous avons vu comment des théologiens, sortant malheureusement des indications précieuses du Magistère de l’Église, ont formalisé cette intuition sous la forme d’une grâce « après la mort. » L. Boros et Mgr Glorieux s’en défendent. Il nous a paru cependant qu’une opération intellectuelle « à la manière des substances séparées » ne peut avoir lieu qu’après la mort.

D’autres théologiens cependant, quoique de manière encore imprécise concernant la nature de la grâce finale ou le moment de son don, ont eu l’intuition de ce mystère. Au sommet de tous, tant par sa précision que par la sûreté de sa doctrine, on trouve Mgr. d’Hulst. Cet évêque français, mort au début du XXe siècle, fut un directeur spirituel apprécié pour avoir su unir douceur et fermeté. Dans ses lettres de direction, confronté à la question du salut des infidèles, il sait unir rigueur de la doctrine et audace de l’amour.[25] Selon lui, il faut chercher la solution de tous ces problèmes théologiques épineux dans la contemplation de la croix de Jésus. Elle permet à l’esprit un envol d’aigle car elle est un scandale de l’amour qui dépasse toutes les formalisations de la pensée. Fondé sur cette contemplation, il distingue une formule officielle du salut: « Il faut mourir dans les règles » ; et une loi du sauveur qui dépasse toutes les lois et ne demande la permission à personne pour proposer son salut à qui il veut. Cette liberté de l’amour de Jésus ne vient pas détruire la formule officielle du salut et les ministres de Dieu qui n’ont pas fait les règles, ont le devoir de les appliquer. Citons Mgr d’Hulst à propos de l’heure de la mort:[26]

« Dans ce dernier combat de l’agonie, quand la pensée est lucide et la voix muette, quand le monde extérieur s’éteint autour du moribond et le laisse seul avec son monde intérieur, quand son oreille n’entend plus ses paroles trompeuses destinées à le rassurer et que son âme entend la réponse de mort, qui lui dit la prochaine et terrible vérité, à cette heure d’angoisse et de clairvoyance, il y a certainement une sollicitation suprême de la miséricorde; Il y a une apparition (je prends ce mot dans le sens métaphysique et le plus large), une apparition de Jésus. Il y a le souvenir, tout d’un coup ranimé, de ces fragments épars d’instruction religieuse oubliés depuis l’enfance, d’idées religieuses répandues çà et là dans la société et que l’on rencontrait autrefois sur son chemin d’indifférence. Tout cela s’assemble, tout cela revit comme les ossements d’Ezéchiel, tout cela se recompose une figure de la vérité qui s’offre à l’âme dans les traits bénis du Rédempteur. »

Selon Mgr d’Hulst, cette grâce finale qui précède la mort est si certaine qu’in ne doit jamais désespérer du salut de personne. L’âme du mourant se sent attirée par la miséricorde, elle jette vers la croix le dernier regard et peut, si elle ne résiste pas, être sauvée.

Dans une autre lettre de direction, écrite en 1882 pour une religieuse, Mgr d’Hulst précise sa pensée à propos de la mort d’un franc maçon militant:[27]

« La voie unique du salut est Jésus-Christ, mais s’il y a la façon officielle de trouver Jésus-Christ, nul ne lui refusera, je pense, le droit de se mettre en rapport avec les âmes par d’autres moyens. (…) Saint Thomas d’Aquin disait lui-même, à propos des bons infidèles: « A une âme ainsi disposée, Dieu enverra plutôt un ange à l’heure de la mort que de la laisser en dehors de la Rédemption. »[28]

Mgr. d’Hulst reste à notre sens imprécis sur la nature de la grâce qu’il sait pourtant nécessaire à l’heure de la mort. Une apparition au sens le plus métaphysique du mot signifie à ses yeux que, quel que soit le moyen (intuition intellectuelle, imaginative, apparition d’un ange ou du Christ glorieux), Dieu trouve le moyen de donner à la connaissance du mourant l’être même de l’Évangile. A l’époque où ce prêtre reçut sa formation, « métaphysique » ne signifiait pas nécessairement « présence de l’être » mais aussi « connaissance de l’être. » Quoi qu’il en soit, il nous paraît être le premier auteur à avoir enseigné avec un tel développement la nécessité vitale pour le salut d’une grâce de conversion à l’heure de la mort. Il est remarquable qu’à peu près à la même époque, sœur Faustine ait reçu par voie de révélation privée, la même certitude.

Parmi les théologiens actuels, nous voudrions citer le Père François-Xavier Durwell. Domicilié à Strasbourg, ancien professeur à la Faculté de Théologie catholique, son oeuvre écrite témoigne de son intérêt pour le mystère de la mort[29]. A plusieurs reprise, à l’occasion de la rédaction de ce travail, j’ai pu le rencontrer.

La thèse du Père Durwell concernant notre sujet consiste dans l’affirmation d’une grâce de lumière à l’heure de la mort, en vue du choix final qui oriente le destin éternel. Selon lui, cette grâce n’est pas à considérer comme un « retour sensible » du Christ tel que je l’entends, mais par une révélation mystique et purement spirituelle de la Lumière de son Évangile. Au cours de nos discussions, le Père Durwell s’est plutôt opposé à ma position, la qualifiant de « mythologique. » Une heureuse réponse m’est venue: « Quand un exégète veut s’opposer à l’historicité d’une donnée de l’Évangile, il la qualifie de mythologique; s’il veut la défendre, il la qualifie de mystère de l’Incarnation. » Au cours d’un entretien avec lui en 1993 au Carmel de Forges près d’Avon, nous avons pu nettement nous expliquer sur cette divergence qui, de fait, ne bouleverse pas le fond commun de notre entente. L’essentiel est ailleurs: Dieu sauve. Plutôt que de citer des passages de ses écrits, nous reproduisons un extrait d’une de ses lettres:[30]

« Le thème de la mort est important. Il y a une très grave lacune en théologie: on ne sait pas, on ne dit pas ce qu’est la mort, ce qui s’y passe. Pourtant Jésus est venu, selon Hé. 2, 14ss, nous délivrer par sa mort de la peur de la mort. Il y a des théologiens qui prétendent qu’il ne s’y passe rien du tout. Un théologien allemand, Greshake, a écrit: « on sort de la vie comme on y entre, sans le savoir et sans le vouloir. » Dans Esprit et Vie, un recenseur, Pierre Jay, ironise au sujet de mon petit livre « Le Christ, l’homme et la mort », où je prétends que c’est l’instant suprême de la vie. Je ne me suis nullement inspiré des thèses de Ladislas Boros dans Mysteruim Mortis à propos de l’option finale. Je l’ai moi-même ignoré plus ou moins, pour ne m’inspirer que de ce que je crois savoir du mystère pascal, à l’aide de l’Écriture Sainte. Les théologiens ne sont pas assez attentifs à ce problème de la mort. J’ai multiplié les publications. Mais du moins en France, les théologiens ne tiennent guère compte de ce que je dis. »

Les remarques un peu douloureuses du Père Durwell sont malheureusement tout à fait justifiées. La théologie sort à peine de ses controverses sur l’existence de l’âme séparée du corps, rejetée par peur panique de tomber dans un dualisme soi-disant non biblique (comme si l’Ancien Testament n’avait pas eu le droit de mûrir sous l’influence de la pensée grecque, lui qui s’est nourri des conceptions égyptiennes et babyloniennes.) Force est de constater que de nos jours, l’interrogation sur l’existence et la nature d’une vie après la mort est passée au second plan de la recherche théologique. La pensée des grandes Église a été relayée par celle des sectes qui trouvent dans ce terrain en friche un champ d’apostolat. Or il semble que les années 1990 ait transformé pour le peuple des croyants et des non-croyants cette question en urgence vitale. L’espérance manque et l’espoir terrestre déçoit à plus ou moins long terme. On est loin des années 70 qui ont davantage insisté sur la construction du monde d’ici-bas. Vingt cinq ans plus tard, la soif consciente des hommes se situe bien ailleurs. Puisse le monde de la théologie et de la prédication ne pas manquer cette pastorale.

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3. SOURCES DANS LES AUTRES RELIGIONS

A travers les mythes et récits des nombreuses traditions religieuses, on trouve une constante affirmation d’un jugement à l’heure de la mort. Nous aurions pu ici rapporter les multiples analogies à notre hypothèse: Apparition d’un Dieu, d’une barque, d’un fleuve symbolisant le passage et le jugement. Nous nous contenterons de rapporter les plus significatives, celles en qui nous estimons que tout le reste est présent. Nous avons retenu le tantrisme et l’Islam. Nos sources se trouvent dans l’Encyclopédia Universalis, articles Tantrisme, Bouddhisme, Islam, le livre des morts tibétains, un traité de catéchisme islamique doté de l’Imprimatur, de Fdal Haja. 

A) Tantrisme 

Le livre des morts tibétain est un ouvrage hors du commun qui se présente comme une anthologie des enseignements dispensés au long des siècles par les sages de l’ancien Tibet. Il s’agit de la mise par écrit au VIIIe siècle de notre ère de traditions orales plus anciennes.

La forme adoptée par ce livre étrange résulte des différents usages auxquels il a été destiné. Tout d’abord, aux yeux des érudits qui l’avaient rédigé, la mort passait pour une activité impliquant une certaine technique; on pouvait s’en tirer avec art, comme aussi avec maladresse, selon que l’on possédait ou non les connaissances requises à cet effet. C’est pourquoi la lecture de ce livre faisait partie de la cérémonie funéraire ou s’effectuait au chevet d’un mourant pour accompagner ses derniers instants. On assignait donc à cette lecture deux fonctions. La première: aider le mourant à se pénétrer de la nature de chacun des phénomènes accompagnant la mort, si nouveaux et si merveilleux, à mesure qu’il en faisait l’expérience. La seconde: Encourager les survivants à former des pensées bénéfiques, de manière à ne pas retarder le mourant par des manifestations d’amour ou de tension émotionnelle, en sorte qu’il puisse accéder aux plans de l’après vie dans un état d’esprit approprié, dégagé de tout souci terrestre.

Pour parvenir à ces fins, le livre contient une longue description des différentes étapes par lesquelles l’âme passe après la mort (ou au moment?) de la mort physique. Or, la concordance entre les premiers stades de la mort ainsi présentée et ce que nous soutenons comme nécessaire à la mort chrétienne à travers notre hypothèse est tout bonnement fantastique. De même, on ne peut manquer de remarquer les similitudes avec les récits de l’expérience de ceux qui ont approché la mort[31].

Pour commencer, dans l’exposé tibétain, l’esprit ou l’âme (la précision scolastique des mots n’est pas à rechercher dans ces descriptions) du mourant se détache de son corps. Peu après, cette âme connaît une sorte de syncope et se trouve dans un vide (non pas un vide physique, mais un vide qui possède en fait des limites qui lui sont propres), et où la conscience est conservée. Il se peut que le défunt entende à ce moment là des bruits ou des sons alarmants ou désagréables, qualifiés de grondements, de tonnerres ou de sifflements semblables à ceux du vent. Il se retrouve ensuite, en général, aussi bien lui-même que ce qui l’entoure, comme enveloppé d’un éclairage gris et brumeux.

Il s’étonne en s’apercevant qu’il a quitté son corps. Il voit et il entend ses parents et ses amis qui se lamentent tout en se livrant à la toilette du corps en vue des funérailles. Il voit et il entend, ce qui signifie que, sans être dans son corps physique qu’il peut regarder, il est doté d’une activité sensible qui implique un certain lien de son esprit avec une partie physique de lui-même. C’est donc que la mort au sens chrétien du mot (séparation de l’âme et du corps), n’est pas réalisée. Le mourant ne se rend d’ailleurs pas encore compte qu’il est mort, si ce n’est par le fait que lorsqu’il essaye de parler à ceux qui entourent sa dépouille, ils ne l’entendent pas. Il en est désorienté. Il se demande s’il est mort ou non et, quand il finit par concevoir qu’il l’est effectivement, il ne sait où aller ni quoi faire. Un grand regret s’abat sur lui et il se sent déprimé par ce nouvel état. Il demeure un certain temps au voisinage des lieux qui lui sont familiers.

Il constate qu’il continue à avoir un corps (dénommé par le livre corps brillant) qui ne paraît pas constitué de matière au sens palpable du mot. Ainsi, il peut traverser les murs, les rochers et même les montagnes sans rencontrer la moindre résistance. Les déplacements sont instantanés; quel que soit le lieu où il désire aller, il y parvient en une seconde. Sa pensée et ses perceptions sont moins limitées; son intellect devient lucide, et ses sens lui paraissent plus aiguisés, plus parfaits, et d’une nature plus proche du divin. S’il a été, durant sa vie physique, sourd ou aveugle ou estropié, il est surpris de se découvrir dans son corps brillant doté de l’intégrité de ses membres. Il rencontre éventuellement d’autres êtres possédant un corps semblable, et peut aussi se trouver devant ce que le texte désigne comme « une claire et pure lumière. » Les Tibétains conseillent au mourant, lorsqu’il approche de cette lumière, de s’efforcer de n’avoir que des pensées d’amour et de compassion à l’égard d’autrui. Les descriptions de cette lumière sont à la fois physiques et spirituelles. Plus qu’une lumière, il s’agit d’une entité rayonnant lumière physique et spirituelle, chaleur physique et spirituelle. Le mourant est attiré vers elle et découvre à travers sa présence que l’amour seul est digne de foi. Ces descriptions ne peuvent que frapper le chrétien dans la mesure où il ne voit pas autrement le Christ: la gloire de son corps, telle qu’elle est apparue aux disciples le jour de la transfiguration ne rayonnait-elle pas lumière et amour, comme une image sensible de la gloire de Dieu? En ce qui concerne notre hypothèse, nous ne pouvons manquer de faire remarquer à quel point cette apparition, qui semble appartenir encore à ce monde et devancer la séparation totale de l’âme et du corps, ressemble à une Parousie.

Le livre décrit aussi des sensations de paix immense et de bonheur éprouvé par le défunt; et, également, une sorte de « miroir » dans lequel sa vie entière, les bonnes et les mauvaises actions, se reflètent à sa propre vue comme à celle des entités qui la jugent. Dans cette circonstance, aucune erreur n’est possible. Nul ne peut tricher sur sa propre vie. Ceci nous paraît s’identifier à ce que nous avons cru pouvoir admettre comme nécessaire, à travers une recherche de théologie catholique, au choix qui précède le destin éternel. En termes scolastiques, on parlerait de « disparition du foyer de péché » et de conditions parfaites au choix libre. L’analogie est en tout cas frappante.

Bref, bien que le Livre des morts tibétain contienne encore de nombreuses informations sur les stades ultérieurs de la vie après la mort, qui sont nécessairement teintés de croyances bouddhiques et outrepassent le domaine dont nous nous sommes fixé l’étude, il est notoirement évident que de frappantes similitudes s’établissent entre ce que la théologie catholique fondée sur ses dogmes se doit d’admettre et les descriptions de ces hommes qui semblent avoir expérimenté le phénomène.

Grande spécialiste du bouddhisme tibétain, Françoise Pommaret rapporte remarquablement des récits d’expériences qu’elle nomme, non sans une certaine pertinence, des « descentes aux enfers ». On rencontre, explique-t-elle,

« Les récits de descente aux enfers par une personne apparemment morte, forment un genre littéraire bien connu aussi en Chine. Il en est de deux espèces… [Dans l’une] un individu quelconque s’évanouit et revient à la vie. L’autre concerne de héros religieux comme Maudgalyâyana qui va volontairement en enfer grâce à sa puissance religieuse… Cette seconde catégorie de personnes [ne traverse pas la mort]… mais descend simplement aux enfers… de son plein gré, pour “sauver” un être qui lui est cher et le amener sur terre, ou bien le faire renaître dans un meilleur domaine de réincarnation afin qu’il trouve pleinement le salut.

[Le récit relevant de la première catégorie, lui,]… met en scène un personnage qui n’est au départ ni un héros, ni un saint… Il “meurt” à la suite d’une maladie et se trouve propulsé dans un voyage à travers les enfers et quelquefois les paradis… il doit faire face aux acolytes du dieu des morts, Yama Dharmarâya, puis assister aux tortures des pécheurs dans les différents enfers, rencontrer des personnages qui lui expliquent la raison de leurs châtiments… Ce message [pour les vivants] enjoint [à ceux-ci] d’accomplir de bonnes actions et d’éviter les péchés. Tout au long de son parcours dans l’au-delà, le ’das log est souvent accompagné par une entité surnaturelle [!] qui le protège et lui explique ce qu’il voit. »[32]

Au Bhoutan, l’auteur a rencontré plusieurs de ces ’das log, qui, en majorité, sont des femmes.

Françoise Pommaret rapporte des récits d’expériences du type NDE, conférant à ceux qui les ont vécues (seulement à l’occasion d’une « maladie » ?), un statut particulier dans la communauté sociale, celui de ’das log. Au Bhoutan, l’auteur a rencontré plusieurs de ces ’das log, qui, en majorité, sont des femmes.

« Les récits de descente aux enfers par une personne apparemment morte, forment un genre littéraire bien connu [pas seulement au Tibet mais] aussi en Chine… [Un tel récit] met en scène un personnage qui n’est au départ ni un héros, ni un saint… Il « meurt » à la suite d’une maladie et se trouve propulsé dans un voyage à travers les enfers et quelquefois les paradis… il doit faire face aux acolytes du dieu des morts, Yama Dharmarâya, puis assister aux tortures des pécheurs dans les différents enfers, rencontrer des personnages qui lui expliquent la raison de leurs châtiments… Ce message [pour les vivants] enjoint [à ceux-ci] d’accomplir de bonnes actions et d’éviter les péchés. Tout au long de son parcours dans l’au-delà, le ’das log est souvent accompagné par une entité surnaturelle [!] qui le protège et lui explique ce qu’il voit. »[33]

B) L’Islam

L’Islam est une religion d’un tout autre genre que l’origine judéo-chrétienne rapproche davantage des dogmes de l’Église catholique. Elle croit que Jésus, vrai homme et non pas Dieu, est le Messie et qu’il apparaîtra à la fin du monde pour remettre entre les mains de Dieu les vrais musulmans. La foi dans le retour du Christ est très vivante en Islam. Mais, curieusement, cette venue est explicitement enseignée comme ne concernant pas seulement la fin du monde mais la mort individuelle de chacun. L’Islam a donc franchi le pas que nous nous efforçons de franchir en théologie catholique par notre recherche. Notre source principale est l’excellent résumé de Fdal Haja dans son ouvrage: la mort et le jugement dernier selon les enseignements de l’Islam[34].

Son travail a le mérite d’avoir été approuvé par les autorités religieuses de l’Islam Chiite et sunnite. L’auteur part d’un verset du Coran[35]: « Il n’en pas un seul parmi les gens du Livre à ne pas croire à lui avant sa mort, et le jour de la Résurrection Jésus sera témoin contre eux. » Haja, s’appuyant sur les commentaires des Docteurs qui l’ont précédé croit pouvoir interpréter de la manière suivante ce verset: il y est dit que tout homme verra la vérité dévoilée sur son lit de mort au point que pas un seul être humain ne mourra sans avoir reconnu avant le vrai du faux. La vérité sera prêchée par Jésus, et les gens sauront en particulier toute la vérité sur lui: ils sauront qu’il est homme et non pas Dieu.

Alors la religion deviendra une, la religion d’Abraham, le musulman, le fervent. Jésus tuera l’Antichrist dans le cœur de chacun, sur ordre de Dieu. Haja cite un propos prêté au prophète Mahomet par Abu Hurayra: « Comment vous comporterez vous au jour de l’apparition parmi vous du fils de Marie, si vous vous comportez ainsi avec votre guide qui est pourtant des vôtres? »

On le voit, la pensée Islamique, sans doute grâce à une plus grande familiarité avec le genre littéraire apocalyptique, n’hésite pas à appliquer à l’heure de la mort individuelle de tels textes. Elle résout de cette manière sans difficulté la question du salut des gens du Livre (juifs et chrétiens) qui vivent dans l’erreur par la faute de leurs premiers imams. Nous ne souscrivons certes pas au contenu de la prédication faite par Jésus sur le lit de mort mais nous reconnaissons avec l’Islam la nécessité d’une telle prédication pour tout homme sous peine de non-compréhension du mystère de la justice de Dieu.

Force nous est aussi de remarquer l’importance qu’a prise en terre d’Islam la théologie du « lit de mort. » Il s’y passe des événements spirituels d’une extrême importance pour le salut.

Victor Hugo est loin d’être un prophète mais il est, en un certain sens un fondateur de religion, d’une sorte de culte spirite dont les îles anglo-normandes furent la matrice. A sa façon de poète, il fut un mystique. Nous ne pouvons résister à la tentation de citer en conclusion quelques vers de son poème intitulé Ce que c’est que la mort[36]:

 

Ne dites pas: mourir; dites: naître.
On voit ce que je vois et ce que vous voyez;
On tâche d’oublier le bas, la fin, l’écueil.
La sombre égalité du mal et du cercueil;
Quoique le plus petit vaille le plus prospère;
Car tous les hommes sont les fils du même père;
Ils sont la même larme et sortent du même oeil.
On vit usant ses jours à se remplir d’orgueil;
On marche, on court, on rêve, on souffre, on penche, on tombe,
On monte. Quelle est donc cette aube? C’est la tombe.
Où suis-je? Dans la mort. Viens! Un vent inconnu
Vous jette au seuil des cieux. On tremble; on se voit nu,
Impurs hideux, noué de mille nœuds funèbres;
De ses torts de ses maux honteux, de ses ténèbres;
Et soudain on entend quelqu’un dans l’infini
Qui chante et par quelqu’un on sent qu’on est béni.
Sans voir la main d’où tombe à notre âme méchante
L’amour, et sans savoir quelle est la voix qui chante. 
On arrive homme, deuil, glaçon, neige: on se sent
Fondre et vivre: et d’extase et d’azur s’emplissant,
Tout notre être frémit de la défaite étrange
Du monstre qui devient dans la lumière un ange.

Au dolmen de la tour Blanche,
jour des morts, novembre 1854
Victor Hugo, Les contemplations

 

On tremble, on se voit nu. Où suis-je? Dans la mort… Et soudain on entend quelqu’un dans l’infini qui chante, et par quelqu’un on sent qu’on est béni, sans voir la main d’où tombe à notre âme méchante, l’amour.

 

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4. FONDEMENTS EMPIRIQUES

4.1. — Importance pour notre hypothèse d’un fondement empirique

Dans sa synthèse dogmatique, le Père J.H. Nicolas n’a pas de mots trop durs pour attaquer une position proche de celle que nous défendons et qu’il attribue à Boros, Glorieux et Geffré[37]. Il cite un texte de Geffré: « La mort coïnciderait avec le premier acte pleinement personnel de l’homme. Elle serait ainsi le lieu privilégié de la conscience de soi, de la liberté, de la rencontre avec Dieu et de sa décision quant à sa destinée éternelle. La mort réaliserait ainsi l’achèvement de notre dynamisme humain et épuiserait toutes nos possibilités de choix. Cet acte ultime n’est pas à situer avant ou après la mort. Il coïncide avec l’instant même de la mort. » Puis le Père Nicolas le commente de la façon suivante: « Il faut noter que c’est là pure hypothèse, absolument invérifiable, qui va plutôt à l’encontre de tout ce qu’on peut vérifier de l’état de la personne au moment de la mort. (…) Il n’existe pas de dernier instant qualitativement différent des précédents. Ordinairement, la personne est au contraire extrêmement diminuée et incapable d’agir et de décider à ce point ultime de la vie terrestre. Il est tout à fait arbitraire d’affirmer qu’elle est à ce moment plus capable qu’auparavant de se décider librement à l’égard de Dieu, du Christ. »

Le Père Nicolas élabore ensuite une théorie du salut de type classique en montrant que les choix terrestres, malgré les limites de leur liberté, suffisent à déterminer le destin éternel. Il semble ne pas se rendre compte de la contradiction interne que présente sa théologie puisqu’il reconnaît par ailleurs que celui qui se met en enfer ne le fait qu’à travers un acte parfaitement libre (blasphème contre le Saint Esprit au sens le plus thomiste de l’expression), blasphème dont il reconnaît ici l’impossibilité puisque la liberté est limitée. De fait, il n’échappe pas à la contradiction interne de la conception traditionnelle de l’eschatologie. Mais sa critique contre la position de Geffré nous atteint: de fait, la faiblesse de notre position vient du manque apparent de fondements empiriques. Notre position est-elle si arbitraire qu’il y paraît? C’est ce que nous allons étudier. Cependant, qu’on ne pense pas que nous fondons notre hypothèse sur ce qui va suivre. Il semble, en effet, que des hommes réanimés par la médecine, témoignent d’une expérience très semblable à celle dont nous avons posé la nécessité en théologie. Au delà de l’expérience de mort approchée (« Near Death Experience »), c’est la logique interne de toute la foi catholique telle que nous l’avons rapportée précédemment, qui nous a obligé à poser cette Parousie à l’heure de la mort. Nous répondrons au Père Nicolas comme à tous ceux qui formulent ce genre de critique trop rapide: le problème n’est pas que cela paraît arbitraire, à cause d’un manque de fondement empirique; le problème est de savoir si cela est nécessaire, compte tenu de qui est Dieu.

L’expérience de mort approchée, telle qu’elle est rapportée par des personnes de plus en plus nombreuses, les progrès des techniques de réanimation expliquant cela, n’est pas de l’ordre d’une révélation privée. Étant vécu par un nombre important, elle entre dans le domaine expérimental de la philosophie. Mais est-elle autre chose qu’un rêve? Epistémologiquement, elle ne relève donc pas de la théologie catholique mais de la philosophie. Elle ne relève pas de la foi mais de l’expérience, même si cette expérience n’est vécue que dans des circonstances particulières. Or, il est toujours intéressant pour un théologien de voir le domaine de la théologie entrer en intersection avec le sien. Nous avons prouvé théologiquement la nécessité d’admettre une révélation à l’heure de la mort. cette révélation peut-elle être identifiée à l’expérience de ceux qui ont approché la mort?

4.2. — Lecture critique de « La vie après la vie »[38]

A) Les ouvrages du Docteur Moody: une étude de philosophe, non de théologien

En 1977, le Docteur Raymond Moody publie chez Laffont un ouvrage intitulé la vie après la vie, suivi d’une étude plus approfondie et critique en 1978 sous le titre de Lumières nouvelles sur la vie après la vie. Ces deux ouvrages deviennent vite des best seller et suscitent de vifs débats dans les milieux catholiques, où ils sont tour à tour taxés de « religion au rabais » ou de « phénomène parapsychique. » Il s’agit d’une sélection et d’une analyse des témoignages de plus de trois cents personnes qui, étant passées par une mort clinique et ayant ensuite été réanimées, ont vécu l’expérience d’un mode de vie préternaturel pendant la durée où elles étaient cliniquement mortes. Docteur et praticien à la fois en psychologie et en médecine, Moody était bien préparé pour mener cette étude. Sa méthode consiste avant tout dans l’écoute des témoignages, dans leur affinement à l’aide d’un questionnaire ciblé. Il en souligne lui-même les insuffisances. Dans ce domaine nouveau, il lui a été impossible de suivre une méthode rigoureusement scientifique, telle que celle du double aveugle. Les témoignages recueillis sont d’autre part encore trop peu nombreux, et surtout ils proviennent d’un milieu trop homogène: l’américain moyen, c’est-à-dire des chrétiens (qui ne le sont souvent que de nom) et quelques juifs. Dans les années qui ont suivi ses premières publications, ce handicap a été en partie supprimé et la palette des témoignages est aujourd’hui à la fois plus large et toujours concordante. Moody a tenté d’élargir son enquête en retrouvant des expériences analogues dans les écrits de Platon, des Tibétains, des orphiques et dans ceux de Emmanuel Sweedenborg (1688-1772.) De son côté, le traducteur a enrichi l’enquête de quelques témoignages relevés dans la culture occidentale catholique. Son enquête est donc typiquement philosophique puisqu’elle par de l’expérience (non de la foi) et cherche à en établir la nature. Certes, il n’a pas lui-même vécu cette expérience. Il prend donc le temps de vérifier la crédibilité de ceux qu’il interroge.

Moody est chrétien et certaines de ses remarques témoignent d’une foi vivante. Il nous laisse donc entrevoir le regard de sa foi sur cette expérience. Il note qu’il n’a relevé de goût pour l’occultisme que chez cinq ou six témoins, soit avant, soit après leur aventure[39]. Et il n’a « relevé dans aucun des cas la moindre indication concernant l’éventualité d’une réincarnation. Néanmoins, il est juste de reconnaître qu’aucun d’eux n’élimine radicalement cette hypothèse. »[40] Il s’est efforcé de faire abstraction de ses convictions chrétiennes, n’ayant indiqué sa propre lecture de ces phénomènes qu’avec la plus grande discrétion dans sa dédicace: « A George Ritchie, docteur en médecine, et, à travers lui, à Celui dont il a suggéré le nom. » Il a cherché à s’assurer la collaboration d’un théologien et malheureusement il n’y est pas parvenu, ceux qui se sont intéressés à ses recherches appartenant comme lui au milieu des évangélistes ou fidéistes, esprits simplistes incapables d’aborder ces faits avec une mentalité théologiquement critique.

On peut reprocher à son étude d’être, philosophiquement parlant, involontairement tendancieuse, tant à cause des influences de sa foi que des nécessités de son public avide de sensationnel. Elle l’est déjà dans son titre, qui devrait être, non pas « la vie après la vie » mais: « la vie pendant la mort clinique. » Les témoins ont en effet tous survécu à leur expérience. Ils ne sont donc pas morts mais ont été considérés comme morts. Selon R. Chatillon, la nuance est capitale[41]. Toute l’ équivoque est dans l’emploi de la préposition « après. » Il est probable que ce titre a été choisi par l’éditeur et imposé à l’auteur par l’éditeur en raison d’arguments publicitaires. Moody ne fait pas de mise au point, même discrète, dans son deuxième ouvrage. C’est regrettable. Au contraire, il se permet de sortir de son objectivité de clinicien pour interpréter les témoignages d’une façon tendancieuse, dans le sens de l’ équivoque suggérée par le titre. En ce qui concerne les témoins, il est remarquable de constater qu’ils demeurent objectifs. En général, ils n’ont pas de culture religieuse concernant les fins dernières, aussi leur témoignage n’est pas entaché d’influences idéologiques extérieures. Or, ils retrouvent pour décrire l’inexprimable les mêmes mots: la rencontre avec « l’être de lumière » est à cet égard significative.

On peut adresser une autre critique à Moody: il fait oeuvre de clinicien aussi il s’efforce d’isoler dans les témoignages les phases les plus significatives. Il s’ensuit malheureusement que très peu de relations sont données dans leur ensemble et d’une seule venue, en particulier les expériences les plus complètes et les relations les plus détaillées. De plus, l’auteur a peu développé la phase ultime, celle qui à notre avis est essentielle et va dans le sens de notre hypothèse: les fruits de la vision de l’être de lumière, la conversion à une vie spirituelle.

B) Description de l’expérience de mort approchée

Dans un premier temps, il est légitime de se demander ce que nous entendons par ce terme d’expérience. Il ne s’agit pas d’expérience au sens d’expérimentation scientifique. Le film intitulé l’expérience interdite, sorti sur les écrans en 1993, raconte une approche de ce type réalisée par un groupe d’étudiants qui veut observer ce qui se passe de l’autre côté de la mort. Dans ce but, ils provoquent artificiellement la mort clinique de l’un d’entre eux. Leur expérience, quoique très risquée (c’est ce que veut montrer le film), est de type scientifique. En ce qui nous concerne, nous prenons ce mot dans son sens très général, à savoir celui d’une aventure vécue au plan extérieur ou intérieur, sans chercher dans un premier temps à déterminer sa vérité ou son caractère purement imaginaire. Notre étude comporte trois parties:

1 - Description.
2 - Analyse et recherche critique au plan philosophique et théologique.
3 - Conclusion et confrontation à notre hypothèse.

A la lecture des divers témoignages, nous pouvons discerner diverses phases dans l’expérience de mort approchée. Toutes ne sont pas décrites par tous les témoins. Il s’agit d’éléments divers qui en général ont été vécus dans leur ensemble, quoique l’un ou l’autre puisse manquer. Par ailleurs, même dans les expériences les plus complètes, la rencontre avec l’être de lumière fait parfois défaut. Notons qu’aucune de ces phases n’est conditionnée par la mort clinique. Il peut arriver qu’un simple état de choc à la suite d’un accident suffise. L’auteur en donne des exemples. Enfin, il faut remarquer que les témoins sont unanimes à dire que leur expérience est inexprimable. Ce qu’ils en disent n’est qu’un effort pour l’exprimer en images sensibles.

1 - Tunnel

La première phase, la moins profonde et la plus vécue, est décrite ainsi: le mourant entend des bruits désagréables ou au contraire des sons harmonieux, et se sent emporté dans un tunnel obscur ou une spirale. Ce phénomène est connu dans d’autres cas comme lors d’une anesthésie à l’éther ou d’une prise de fortes doses de drogue. Il semble que c’est une réaction purement psychique, une réaction du cerveau au choc de la mort approchée. Cette phase ne présente donc pas d’intérêt.

2 - Décorporation

La deuxième phase est beaucoup plus intéressante et méritera une étude particulière. Le mourant se retrouve soudain hors de son corps physique. Il constate qu’il peut regarder son corps en dehors de lui-même, de la même manière que tous les objets extérieurs qui l’entourent. Il voit, il entend parler ceux qui entourent son corps, personnel médical ou famille. Certains récits émanant d’aveugles de naissance témoignent d’un retour à la vue. Le corps dans lequel se retrouve le mourant est une entité particulière, invisible à ceux qui sont vivants dans la pièce et incapable de communiquer avec eux. Il est doté de propriétés étonnantes. Il obéit à la volonté de telle manière que le désir de passer dans une autre pièce est immédiatement exécuté, en passant à travers les murs. Il peut lire les pensées de ceux qui sont présents ( télépathie?.) Le mourant éprouve alors en général un sentiment de grande inquiétude: il ne comprend pas ce qui lui arrive. Tout se passe comme si ce n’était pas l’âme seule qui quitte le corps, mais un être plus complexe, immatériel mais jouissant encore de facultés corporelles. Avec quelques témoins, l’auteur le désigne sous le nom équivoque de « corps spirituel »[42]. Cette décomposition de l’être humain semble accompagner nécessairement la mort clinique sans que cette mort en soit la condition nécessaire, puisque certains témoignages connus en parapsychologie attestent de décorporations provoquées volontairement ou sous l’influence de drogues.

3 - Apparition de proches décédés

Il arrive souvent qu’à cette étape ou plus tard, des parents ou amis décédés, et quelquefois des inconnus, se montrent. Ils se présentent dotés d’un corps « spirituel » semblable à celui du mourant. Ils veulent aider le mourant. Par ailleurs, à une étape que les témoins ne parviennent pas à préciser, certains ont rencontré des « âmes en peine »[43].

4 - Rencontre avec un être de lumière

Cette quatrième phase est la plus importante à nos yeux et dans le cadre de cette étude. Nous reviendrons donc de manière particulière et critique sur elle ultérieurement.

Le mourant se trouve face à une grande lumière blanche (donc sensible et non seulement spirituelle.) Elle est décrite invariablement comme un être doué de personnalité, débordant d’un amour miséricordieux. Certains précisent qu’ils se sentent aimés « tels qu’ils sont. » Immédiatement ou bientôt, ils se sentent envahis par de la joie et de la paix, d’une manière inconnue de telle sorte qu’ils ne désirent plus revenir dans le monde qu’ils viennent de quitter.

Nous voici au noyau de l’expérience. Il est ressenti à la fois comme surnaturel et humain, bien qu’aucun des témoins n’emploie ces mots. Cet « être de lumière » comme le qualifient la plupart, n’est pas rencontré par ceux qui se trouvent en état de mort clinique à la suite d’un suicide, au moins dans les expériences étudiées par l’auteur. Les souffrances de ces témoins particuliers demeurent cependant relatives. Une femme raconte que les circonstances qui l’avaient poussée au suicide « en étaient toujours au même point. » C’était comme si la même chose se répétait sans cesse, un éternel retour »[44]. Un témoin précise: « Je ne voyais pas seulement tout ce que j’avais fait (de mal) mais même les répercussions que mes actes avaient entraînées pour d’autres personnes »[45]. C’est une expérience difficile, mais elle ne nous permet pas d’y voir l’enfer. Moody nous semble sortir de sa méthode et de ses compétences de cliniciens en se permettant cette conclusion. Quand on lui demande si quelque témoin a vu l’enfer, il répond qu’aucun d’eux n’a été un grand pécheur, et il évoque ce que peut être la souffrance par exemple d’un des responsables des atrocités nazies, confronté non seulement à ses actes, mais à leurs conséquences. Il se déclare incapable « d’imaginer un enfer plus horrible, plus fondamentalement insupportable que celui là »[46]. Et pourtant, il manque à l’enfer tel que l’imagine Moody la qualité particulière qui le distingue de tout ce qu’on peut appeler purgatoire: la volonté libre et obstinément maintenue face à la révélation de l’amour de Dieu, de ne pas se convertir.

De même, ceux qui n’ont pas connu la mort clinique ne connaissent en aucun cas une rencontre avec l’être de lumière.

« Pas un seul de mes sujets, écrit l’auteur, n’a exprimé le moindre doute quant au fait qu’il s’agissait d’un être, d’un être de lumière. Et qui plus est, cet être est une personne, il possède une personnalité nettement définie. Il émane de lui une chaleur et un amour à l’adresse du mourant qu’il est postérieurement impossible de décrire. Le témoin est comme envahi et transporté hors de lui par cet amour; il s’abandonne en paix à celui qui l’accueille et, en même temps, il voudrait ne jamais le quitter. L’être de lumière est attirant, magnétique et l’homme est inéluctablement entraîné. Tous les témoignages sont unanimes sur ce point. Par contre, lorsqu’il s’agit d’identifier l’être de lumière, les réponses varient et sont en dépendance des antécédents, de l’éducation et des croyances religieuses de chaque individu. Ainsi, la plupart de ceux qui ont été élevés dans la tradition et la foi chrétiennes identifient cette lumière au Christ. (…) Un homme et une femme de tradition israélite voyaient en cette entité un ange (…) Un homme qui n’avait reçu ni croyance ni éducation religieuse parlait simplement d’un « être de lumière. » Cette même appellation a également été utilisée par une dame professant la foi chrétienne et qui, apparemment, ne se sentait nullement portée à considérer que cette lumière était le Christ. »[50]

Avant de procéder à l’étude du rôle de cet être de lumière au cours de la revue de la vie passée, nous pouvons nous arrêter à un témoignage exceptionnel qui ne comporte ni revue de la vie, ni mort clinique, et qui fut pourtant très complexe. Trois jours avant une opération critique, apparemment au cours d’un évanouissement, l’être de lumière apparut à ce témoin et l’invita à le suivre. C’est alors seulement que se produisit la décorporation. Il fut conduit à la salle de réanimation: il n’allait pas survivre à l’opération et « l’être ne voulait pas que je prenne peur au moment où mon esprit quitterait mon corps, il voulait me faire reconnaître ce que j’éprouverais à l’instant du passage, parce qu’il ne m’apparaîtrait pas immédiatement;Il fallait que je passe d’abord par d’autres épreuves. Mais il me promettait de tout surveiller d’en haut, et se présenterait à moi tout à fait à la fin. » Jusqu’au lendemain matin, le malade se sentit tout à fin calme: « Je me rendais compte que j’allais mourir et je n’en concevais ni regret ni terreur. » Puis, il se sentit préoccupé par le sort d’un neveu qu’il avait adopté, et se mit à rédiger une lettre posthume pour sa femme et pour son neveu, et bientôt il fondit en larmes. Il sentit alors de nouveau la présence de l’être de lumière, qu’il prit d’abord pour une infirmière: « Pourquoi pleures-tu? Je pensais que tu serais heureux de venir à moi. » Il songeait: « Oui, c’est vrai, je le désire vivement » - « Alors, pourquoi pleures-tu? » Le malade expliqua le souci qu’il avait pour le sort de son neveu. L’être répondit: « Parce que tu intercèdes pour quelqu’un d’autre, parce que tu penses à autrui et non à toi-même, je vais t’accorder ce que tu demandes. Tu vivras jusqu’à ce que ton neveu ait atteint l’âge d’homme. » Le lendemain, l’opération fut menée à bien et, à la grande surprise des docteurs, il n’y eut pas besoin de technique spéciale de réanimation.[51]

5 - Interrogation sur la vie passée

La rencontre avec l’être de lumière est intense et se prolonge dans un dialogue, non fait de paroles articulées mais d’intuition directe. Une question est posée qui invite le mourant à faire le bilan de sa vie. Selon les témoins, il s’agit d’un « jugement. »

Le mourant relit sa vie en compagnie de l’être de lumière. Auparavant, il comprend qu’une question lui est posée. La question n’est pas formulée verbalement aussi elle est traduite de manière diverse par les témoins. Le docteur Moody en donne plusieurs formulations[52]: « Es-tu préparé à la mort? - Qu’as-tu fait de ta vie, que tu puisse me montrer?- Qu’as-tu fait de ta vie que tu estimes suffisamment? - Veux-tu mourir? - Est-ce que cela valait la peine? - M’aimes-tu? - Jusqu’à quel point as-tu appris à aimer?- Te sens- tu capable d’aimer les autres avec la même intensité que je t’aime?. » Chez plusieurs autres témoins, la formulation est presque identique. Tandis que se déroule le film de la vie, l’être de lumière accompagne tel un guide le mourant et la miséricorde qui émane de lui rend l’expérience pleine de compréhension et non de condamnation. Dans cette lumière, même les actions mauvaises prennent un aspect positif. Un témoin déclare: « Il insistait aussi sur l’importance de la connaissance. Il me signalait sans arrêt tout ce qui a rapport avec apprendre. Il m’a dit que j’allais devoir continuer (parce que, entre temps, il m’avait révélé que j’allais revivre.) Il y aurait toujours en moi un besoin de savoir. Il m’a dit que c’était un besoin permanent, d’où j’ai conclu que cela doit continuer après la mort. Je crois bien que son but, en me faisant assister à mon passé, était de m’instruire. »[53] Cela s’est traduit chez ce témoin par un changement de vie vers une conversion au savoir qui permet de mieux aimer. Ce témoignage manifeste le caractère pleinement humain, quoique souverain ou transcendant, de l’intervention de l’être de lumière.

Un témoin qui ne semble pas avoir vu le film de sa vie ou qui a omis de le mentionner, déclare: « J’imagine maintenant que cette voix qui me parlait a dû constater que je n’étais pas du tout prêt à mourir. Elle voulait simplement me mettre à l’épreuve, sans plus. Et cependant, à partir du moment où elle a commencé à parler, je me suis senti délicieusement bien, protégé et aimé. L’amour qui émanait de la lumière est inimaginable, indescriptible. Et, par dessus le marché, elle dégage de la gaieté! Elle avait le sens de l’humour, je vous assure! »[54].

6 - Film de la vie passée

L’être de lumière reste présent et assiste le mourant dans son examen. Il peut y avoir une vue rapide et intense de leur vie passée que les témoins décrivent comme un film d’une rapidité vertigineuse, comme une vue panoramique et pourtant détaillée. Certains précisent qu’ils se voyaient objectivement, se reconnaissant par exemple enfant.

7 - Frontière de l’autre monde, retour à cette vie

Le mourant se trouve ensuite devant une sorte de passage, de frontière qui semble figurer le point de non-retour de l’au-delà. Elle se présente sous la forme de nombreux symboles sensibles: rivière, mur, précipice, prairie. A ce moment, il lui est indiqué par l’un de ses proches ou par l’être de lumière qu’il lui faut retourner en arrière. Assez souvent, il en prend lui-même la décision, avec la permission de l’être de lumière, souvent parce que ses enfants ou ses proches ont besoin de lui. Il peut y avoir un combat intérieur tant la paix de ce qui est vécu contraste avec l’état habituel du monde des hommes. A son grand regret, il se retrouve dans son corps. Ce regret est moins sensible lorsque l’être de lumière n’a pas été rencontré.

8 - Conversion et discrétion

A près le retour dans le corps, le témoin ne trouve pas de mots pour décrire son aventure. Il pense pourtant l’avoir vécue comme « quelque chose de réel, de plus réel non seulement que le rêve, mais que la réalité elle-même. » La distinction avec le rêve lui paraît en tous cas évidente. S’il essaie d’en parler, on ne le prend pas au sérieux. Mais la vie et la mort prennent pour lui un sens nouveau. Il peut se produire une véritable conversion du comportement et des finalités de la vie: aimer son prochain et se préparer à la rencontre avec l’être de lumière. S’il n’a pas rencontré l’être de lumière, il s’efforce en général d’oublier cette aventure plus mystérieuse qu’angoissante.

C) Analyse et étude critique de l’expérience de mort approchée

1 - Expérience d’un tunnel noir

(voir ci-dessus)

2 - Décorporation 

a) Analyse : La description de cette expérience, telle qu’elle est rapportée plus haut, permet d’établir, par induction ou déduction philosophique, quelques conclusions. Elle pose surtout au philosophe de nombreuses questions.

— Les témoins ne sont pas morts (séparation de l’esprit et du cerveau) puisqu’ils demeurent capables d’opérations sensibles: ils voient, entendent, ils éprouvent des sentiments (paix, bien être et, sous d’autres rapports, inquiétude, angoisse.) Ils restent en rapport avec les facultés sensibles dont l’exercice lié à la matière ne peut être le fait d’un pur esprit. Ils sont liés à leur corps ou, pour le moins, à quelque chose de leur corps. C’est pourquoi il est raisonnable de parler d’expérience de mort approchée et non d’expérience de la mort.

— Les témoins décrivent une sorte de rupture entre leur vie végétative, représentée par leur corps physique qu’ils observent comme mort au-dessous d’eux et leur vie psychologique et spirituelle qui subsiste en dehors de ce corps dans un double fait de matière non palpable. Faut-il donc parler pour décrire le cheminement de la mort d’une étape de séparation entre le corps physique et un corps psychique? Ce serait un apport intéressant qui, s’il s’avérait vrai, pourrait avoir des conséquences importantes pour la philosophie des vivants. D’autre part, l’existence d’une manière de corps psychique, fait de matière réelle quoique impalpable, pourrait ouvrir la voie à une meilleure connaissance des propriétés de la matière en science physique. Il n’est pas exclu qu’à l’état corpusculaire et ondulatoire de la matière, on puisse ajouter un état psychique encore inconnu et siège de la vie sensible.

— Les témoins décrivent avec étonnement ce phénomène inconnu en Occident quoique très connu en Chine, de séparation du corps physique et d’un corps psychique. Les théologiens occidentaux parlent plutôt de séparation du corps (vie végétative et vie sensible) de l’âme spirituelle (vie de l’esprit) quand ils analysent la mort. Faut-il renouveler notre conception théologique de la mort (les morts seraient des esprits liés à leur vie sensible) ou simplement parler d’une étape non encore décrite (en admettant une étape suivante de séparation du psychisme sensible et de l’esprit)?

— Les témoins décrivent tous une augmentation qualitative de leur vie sensible et l’apparition de nouvelles facultés sensibles comme la télépathie, la liberté des mouvements locaux par rapport aux limites habituelles comme la gravitation, les obstacles matériels. Il semblerait donc que la séparation d’avec le corps biologique libère la vie psychique sensible d’obstacles importants. Toute la difficulté de cette description réside dans la question suivante: le siège des facultés sensibles est le cerveau. La neurologie le montre de manière expérimentale. Comment expliquer la subsistance de telles facultés alors que l’activité électrique du cerveau est nulle? Le cerveau et son activité neurologique ne serait-il qu’un siège facultatif de la vie psychique. Dans ce cas, il est difficile d’en comprendre l’utilité. Est-il au contraire un siège nécessaire mais qui laisse subsister une activité psychique quelque temps après sa destruction, un peu comme un aimant naturel transforme pendant quelques minutes un morceau d’acier en aimant, alors qu’il n’est plus en contact avec lui?

 

b) Critique : S’agit-il d’une expérience imaginaire ou d’une réalité? L’étude de la condition nouvelle où prétendent se trouver les témoins intéresse davantage le philosophe que le théologien. Elle n’a pas en soi de valeur religieuse. Mais elle est extrêmement importante pour décider si la suite de l’expérience de mort approchée est un pur effet subjectif dans le cerveau fragilisé ou une expérience réelle. En effet, la vérification de la valeur objective de toute l’expérience de mort approchée trouve une aide précieuse dans le fait que, pour cette phase, une enquête de type policier peut être faite: le récit des témoins concorde-t-il avec ce qui s’est passé réellement pendant leur mort clinique? Par cette méthode, il n’est pas possible d’obtenir une certitude de type mathématique ou positive. Il est possible par contre d’obtenir une certitude humaine rigoureuse, fondée sur des témoignages impossibles à falsifier dans leur confrontation à ce qui s’est réellement passé au cours de leur mort clinique.

Fondé sur la base d’enquêtes sérieuses décrites par le Docteur Moody et bien des chercheurs après lui, il est possible de conclure à la réalité d’un phénomène paranormal particulier, réel et non seulement lié à la réaction subjective d’un cerveau fragilisé. En effet, un questionnaire sérieux réalisé auprès des témoins et confronté aux récits de ceux qui ont assisté aux tentatives de réanimation, confirme la vérité de ses dires: il a bien vu, de manière vraie et vérifiable, ce qui se passait dans la pièce, alors même qu’il gisait inanimé sans activité apparente du cœur et du cerveau. Il a donc été conscient alors que son corps était en état de mort clinique. Le Docteur Moody, aidé de médecins intéressés par ses recherches, est allé jusqu’à imaginer de petites expériences significatives. Ils cachèrent sur des armoires des salles d’opération, à l’insu de tous et surtout des malades, de petits objets surprenants dans de tels lieux (peluches, autocollants.) Après les opérations, dans les cas de graves difficultés opératoires, ils obtenaient auprès des malades réanimés des réactions nettes: « Pourquoi y a-t-il une peluche rouge sur l’armoire. Je la voyais bien du lieu où j’étais. » [55]. Il est de nos jours difficile d’expliquer cette expérience de décorporation par un rêve sans suite du cerveau traumatisé. Il s’agit bien d’une expérience sensible objectivée par le réel. Cette deuxième phase, même si elle n’est pas la plus profonde, est à cet égard intéressante car elle augure bien, par son objectivité vérifiable, de l’objectivité des autres phases.[56]

 

c) Recherche du comment : Comment expliquer le phénomène de la décorporation? Il semble que l’étude de la constitution même de l’homme pourrait amener des pistes de réponse. Selon des traditions philosophiques chinoises et indiennes[57], on peut discerner dans l’être humain trois degrés de vie auxquels correspondent trois corps parfaitement adaptés l’un à l’autre pour former une seule personne: le corps physique, le corps astral et le corps mental. Le corps physique est le siège des facultés végétatives comme la nutrition, la reproduction, la croissance. Il est aussi le siège d’un autre corps appelé corps astral. Le corps physique est source de l’existence du corps astral à tel point que, selon eux, la survie de ce dernier est assez éphémère après la mort du premier. Mais la phase de survie peut expliquer l’expérience de la décorporation que rapportent ces nombreux témoignages. Le corps astral serait le siège des facultés psychiques comme les sensations, les passions, l’imagination et la mémoire sensible. Le corps mental n’est autre que ce que la théologie occidentale appelle l’esprit, siège de l’intelligence et de la volonté. Ils ne lui donnent le nom de corps que par métaphore car, selon eux, il dépasse cette notion pour être entièrement spirituel. C’est lui qui, dans la pensée hindouiste, se réincarne à travers les ages. Aristote distingue de la même façon trois degrés de vie mais son analyse s’attache moins à la cause matérielle. Peut-être faudrait-il revenir à l’anthropologie tripartite de saint Paul: il y a dans l’homme le corps, l’esprit et l’âme. Il fut suivi par quelques-uns uns des Pères mais le laborieux développement des sciences expérimentales fit préférer la division bipartite.

Cette approche philosophique est à travailler. Il est clair en tout cas que la théologie occidentale classique ne nous fournit que peu de lumière. Nous pouvons peut-être nous rapporter au commentaire théologique que saint Thomas d’Aquin, à la suite de saint Augustin, donne des « visions et révélations du Seigneur » dont fait état saint Paul dans la seconde lettre aux Corinthiens[58]: « Je connais un homme en Christ qui, voici quatorze ans -était-ce avec son corps? Je ne sais, Dieu le sait -était-ce sans son corps? je ne sais, Dieu le sais-, cet homme-là fut enlevé jusqu’au troisième ciel (…) « Ce passage de saint Paul relate une grâce tout à fait particulière appelée, du terme utilisé par l’Écriture « enlevé », raptus. Saint Paul révèle dans ses paroles une gêne à expliquer le rapport à son corps dans son expérience. Doit-on y voir une allusion à une mystérieuse décomposition en deux parties?

Quant aux sciences exactes, elles n’ont pas su faire place pour l’étude de quantité de phénomènes dits extraordinaires, et cependant communs, tels que la communication de pensées à distance, et moins encore à la prescience d’un événement futur. Des expériences ont été faites en U.R.S.S. au temps de la guerre froide[59]. Mais la décorporation reste ignorée jusqu’à ce jour ou qualifiée de phénomène imaginaire.

 

d) Apport pour notre hypothèse : Cependant, vécu par tous dans le moment de l’approche de la mort, elle semble correspondre à un supplément de vie terrestre et on peut y voir ce moment si nécessaire que nous avons cru devoir poser en théologie catholique pour justifier du salut des hommes. Une révélation ne peut-elle se produire dans cet espace qui, tout en faisant partie de la vie terrestre, est déjà passage vers l’autre monde (voir l’étape 4.)

On trouve dans l’Écriture quelques allusions à un délai avant la mort définitive. Quand Jésus ressuscite la fille de Jaïre, il dit: « L’enfant n’est pas morte mais elle dort. Et on se moquait de lui. »[60] De même, Jésus dit de Lazare: « Cette maladie n’est pas mortelle » et « Notre ami Lazare repose; je vais aller le réveiller »[61]. Lorsqu’un jeune homme de l’auditoire de Paul tombe par la fenêtre, Luc nous affirme qu’ » on le releva mort. » Mais Paul dit: « Ne vous agitez pas: Son âme est encore en lui »[62]. Dans ce dernier cas, il y aurait bien délai. Et, plus important encore, ce délai permettrait une intense activité spirituelle, profondément humaine car fondée sur des sensations comme il est naturel à l’homme, paisible car libérée des affres d’un corps en agonie, qualitative car liée à une sensibilité affinée. Nous n’entendons pas autre chose dans notre recherche théologique quand nous posons la nécessaire disparition du fomes peccati.

3 - Rencontre avec des proches décédés

a) Au plan philosophique, la vérité de cette phase est beaucoup moins vérifiable que celle de la précédente. En effet, on pourrait attribuer à une subjectivité en détresse la mémorisation des visages des proches décédés. Il existe cependant certaines expériences troublantes permettant d’hypothéquer sans trop de risques de la vérité de ces rencontres. Un patient, hospitalisé dans un état critique, avait dans le même temps perdu son épouse. Nul ne lui avait annoncé, craignant de lui causer un choc fatal. Suite à un arrêt cardiaque, il sort de son corps et est accueilli par la vision de proches décédés parmi lesquels se trouve sa femme. Revenu à lui, il demandait autour de lui pourquoi on lui avait caché son décès.[63] De tels témoignages peuvent-ils être mis en doute? En poussant l’exigence critique, il est certain que beaucoup de chercheurs n’hésitent pas à les rejeter complètement. Cependant, leur attitude est souvent exagérée, et suscitée par une intention autre que scientifique (La peur de paraître crédule donc non crédible devant ses pairs est un motif très actuel chez beaucoup de chercheurs.)

Il ne s’agit pas de rechercher en science humaine une certitude de type positiviste. Les témoignages humains ont leurs limites, bien établies en psychologie. Faut-il les rejeter parce qu’ils sont liés à une part de subjectivité? Dans cette hypothèse, il conviendrait de rejeter toutes les disciplines liées au témoignage comme l’histoire ou la recherche judiciaire des coupables car leur fondement est bien souvent lié exclusivement à des témoignages concordants. L’histoire et la justice peuvent se tromper. Mais lorsque les témoins visuels sont nombreux et dignes de confiance, l’erreur est rare. Qui peut nier, par exemple, Auschwitz alors que des millions de témoins silencieux ou encore vivants parlent? Seuls de malhonnêtes historiens mus par une idéologie cachée ont osé nier ce crime.

 

b) Au plan de la théologie catholique, cette phase va dans le sens de la communion des saints. L’Église a toujours enseigné la protection particulière exercée par les fidèles défunts sur les vivants. La fête de la Toussaint n’a pas d’autre but que de rappeler la présence affectueuse et agissante des morts auprès des vivants. L’hagiographie fait souvent état de telles apparitions d’âmes à des saints qui témoignent avoir été ainsi avertis de se préparer à la mort (voir le récit de Bède le Vénérable, ci-dessus.) D’autre part, dans la première épître à Timothée[64], l’apôtre Paul parle de « l’avènement du Seigneur Jésus avec tous les saints. » C’est donc accompagné de personnes déjà décédées que le Seigneur se montrera à la fin. On le voit, cette venue des proches décédés à l’heure de la fin individuelle, telle que l’expérimentent les agonisants, n’a rien de contradictoire avec la foi.

Certains témoignages attestent la rencontre avec des âmes en peine. Il faut dire que cette expression religieuse n’est employée par aucun des témoins. Ils les décrivent comme des hommes décédés errant avec leur propre détresse et incapables psychologiquement de se sortir de cette errance. Les témoignages recueillis par le docteur Moody sont rares à leur sujet. Ils sont aussi rapportés dans l’hagiographie chrétienne, islamique ou bouddhiste, aussi bien du reste que dans l’expérience de ceux qui s’adonnent aux drogues ou au spiritisme. S’agit-il, comme l’affirment certains théologiens (84) de cette catégorie d’hommes que la notion d’altruisme et de bonté laisse indifférents, sans qu’ils soient cependant foncièrement pervers, et auquel Dieu laisse un temps de réflexion au désert avant de se révéler pour leur salut En Russie orthodoxe, on appelle ces êtres les « âmes qui paient », c’est-à-dire qui paient un droit de passage dans l’éternité. Il s’agit d’un souvenir des croyances judéo-chrétiennes sur la nécessaire purification. Une pieuse croyance, respectée par l’Église d’Orient et justifiée par un texte attribué à Saint Antoine le Grand, veut qu’à l’image du Christ les morts n’entrent dans leur état définitif que par étapes. C’est pourquoi on prie pour eux aux 3e, 9e, 40e jours après leur décès.

En rapport avec notre hypothèse, il nous sera possible d’établir ultérieurement l’importance de la manifestation des saints qui accompagne la Parousie du Christ[65]. Nous montrerons qu’il ne s’agit pas d’un épiphénomène mais d’une réalité essentielle à la conception catholique du salut par la charité, c’est-à-dire par la communion avec Dieu et ses saints. En tout état de cause, le fait que les agonisants réanimés prétendent rencontrer des proches décédés ne peut qu’apporter un surcroît de crédibilité à ce que nous avons posé auparavant dans notre approche théologique.

4 - La rencontre avec l’ « être de lumière » 

a) Analyse du phénomène

— La première difficulté qui ressort à mon sens des descriptions du phénomène, consiste à établir ce que voient réellement les témoins. S’agit-il d’une vision spirituelle d’un être de vérité (lumière) et de compréhension (chaleur)? S’agit-il d’une simple lumière et chaleur de type physique? A la lecture des témoignages descriptifs, on constate que les deux approches sont intimement liées: des couleurs magnifiques ont été vues, avec des nuances de dégradés inconnues sur terre; Une chaleur douce a été ressentie, accompagnée d’une impression de paix psychologique totale. En même temps, les témoins s’accordent à dire que cette lumière et cette chaleur étaient un être spirituel dont ils comprenaient la vérité et l’amour. L’expérience semble donc mêler intimement des aspects sensibles et spirituels. Nous pourrions même parler, sans trop nous avancer, de spirituel par le sensible. Nous l’avons montré précédemment, il s’agit là du mode le plus naturel de la connaissance humaine puisque l’homme est par nature un être sensible dont l’intelligence et la volonté s’exercent naturellement en s’appuyant sur l’apport des sens.

— Quelle est l’image sensible qui leur apparaît? Unanimement, les témoins s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas d’un être humain. Ils distinguent facilement l’être de lumière des autres créatures qui les entourent comme les proches décédés. Les proches décédés ont un corps humain semblable au leur. Ils reconnaissent les visages. L’être de lumière leur paraît être de nature différente, supérieure. Il n’a pas de visage, ni de regard sensible (jamais aucun des témoignages ne rapporte qu’il en ait.) Sa personnalité rayonne autrement. Il semble que nous sommes obligés d’admettre qu’il ne s’agit pas d’un homme. Dans ce cas, une objection majeure semble apparaître au plan théologique vis à vis du titre même de notre hypothèse. La Parousie du Christ, si elle a lieu à l’heure de la mort, est celle d’un vrai Dieu mais aussi d’un vrai homme. Son mode de manifestation ne devrait-il pas se rapprocher davantage de celle des proches décédés que de celle des anges qui n’ont pas de corps qui leur soit naturellement uni? Sommes-nous donc en présence du Christ? Ne sommes-nous pas plutôt en présence d’une créature d’un autre type? En fait, nous l’avons montré précédemment, il ne s’agit pas d’une contradiction fondamentale de notre hypothèse. Le plus important est situé ailleurs, dans la question suivante à laquelle il nous faudra répondre: cet être est-il une image de Dieu? S’agit-il d’une expérience mystique? (Nous entendrons par expérience mystique tout au long de ce travail la rencontre personnelle avec la vie de la grâce ou de la gloire. Nous n’en parlons pas dans le sens analogique attribué par les modernes aux expériences bouddhique du nirvana ou aux expériences de contemplation artistique.)

— En philosophie, il est impossible de parler des anges. Ils échappent à sa raison formelle voir[66] car ils ne peuvent en aucune manière être découverts par les seules forces naturelles de l’intelligence. Leur existence est révélée et seule la foi, tant que l’homme vit ici-bas, peut les atteindre. Par contre, il est possible de découvrir en philosophie l’existence d’un être supérieur, que les traditions religieuses appellent Dieu et qui est Créateur. Saint Thomas d’Aquin montre dans son De Deo uno que ce Créateur est nécessairement Acte pur, donc indépendant de tout corps physique comme du temps, du lieu, des limites de toutes sortes. Il est donc possible de conclure en philosophie, par simple comparaison avec ces conclusions nécessaire, que ce que voient les agonisants n’est pas Dieu dans son Essence, mais une créature. Il est évident que Dieu est au delà du rayonnement des plus magnifiques couleurs. Celles-ci peuvent constituer un vestige de sa nature infinie mais un vestige seulement.

— Comment expliquer qu’une image de lumière sensible puisse être source d’une connaissance spirituelle d’une telle intensité? Bergson, dans ses études sur les phénomènes de la vie mystique, discerne chez certains saints la possibilité d’une connaissance nouvelle au plan qualitatif, de type extatique[67]. Au plan artistique, il existe un « analogué » de cette expérience: à travers une vision sublime de beauté sensible, il peut arriver qu’une sensibilité fine discerne d’un seul regard une profondeur insoupçonnée de signification spirituelle. La beauté sensible est source d’un déclic spirituel fugace qui peut laisser par la suite une impression inoubliable. Dans la connaissance extatique d’une beauté de l’autre monde, un phénomène semblable peut sans doute se produire. L’intelligence est happée par la vision sensible qui rayonne surnaturellement. Elle discerne par mode d’intuition et d’un seul coup l’intensité spirituelle sous jacente.

 

b) Approche critique au plan philosophique

Jugeant de l’extérieur ce phénomène, il n’est guère possible de trancher définitivement sur sa vérité. Certains signes inclinent à pencher dans ce sens comme le témoignage unanime des personnes interrogées qui sont certaines de pouvoir distinguer cette apparition d’un simple rêve. Les effets à moyens et long terme sont aussi très significatifs: ils vont dans le sens d’un progrès, d’une meilleure attention aux autres, d’une envie de vivre pleinement, tous phénomènes positifs très étrangers à ce que produit une simple hallucination. Cependant, le philosophe Feuerbach, s’il avait eu à critiquer ce phénomène, aurait certainement écrit la même théorie qu’il utilise pour expliquer le christianisme: « projection sublime dans un au-delà objectif des désirs d’une subjectivité portant en elle l’infini. » Il est donc difficile de conclure sans se voir retourner ses propres arguments dans le sens inverse. Nous ne pouvons donc pas aller plus loin que l’établissement de cette vérité par mode de signes de crédibilité.

Il est légitime de se demander pourquoi seulement un petit pourcentage de ceux qui sont passés par la mort clinique y vivent une telle rencontre. L’auteur mentionne un malade qui, étant passé plusieurs fois par la mort clinique, n’a vu l’être de lumière qu’une fois. Cette expérience n’est pas nécessairement conditionnée par la mort clinique. Elle peut la précéder ou même se produire en pleine santé. Sans doute trouvons-nous là un signe de plus de son objectivité puisqu’elle se dissocie de l’état d’un cerveau traumatisé. 

 

c) Approche critique au plan théologique

L’Église utilise habituellement certains critères qui lui permettent de juger d’un phénomène paranormal. Ils sont au nombre de trois[68].

1 - Conformité à la foi catholique;

2 - Fruits spirituels positifs;

Ces deux premiers signes permettent d’établir un a priori positif face à la réalité d’un phénomène mystique. Ils ne suffisent cependant pas fonder une conclusion définitive puisqu’il est possible d’imiter de tels critères. Le cas de Vassula, récemment traité par la Congrégation de la Foi[69] est à cet égard significatif. C’est pourquoi l’Église demande, avant de se prononcer définitivement sur tel ou tel phénomène, la confirmation de son caractère surnaturel par:

3 - Un miracle d’origine divine, impossible à mettre en doute, comme une guérison instantanée échappant au pouvoir de la psychologie, la résurrection d’un mort etc. dans le cas qui nous occupe, il n’existe rien de tel. Notre approche reste donc probable.

1 - Conformité à la foi catholique

Pour le théologien catholique, au plan du dogme, une conclusion positive, s’impose: rien dans l’expérience de mort approchée ne s’oppose à la foi de l’Église catholique. Tout n’appartient pas à son enseignement officiel certes mais rien ne va contre. Au contraire, la rencontre d’un être personnel, sensible et surnaturel, dont la personnalité s’épanouit en sagesse et amour, va dans le sens de l’Évangile. Si l’Évangile n’est pas là, où le trouvera-t-on?

Quelques questions méritent d’être soulevées

En premier lieu, cette expérience n’est pas en lien avec l’Église prise dans le sens de sa hiérarchie. L’expérience n’est pas ecclésiale au sens d’un lien avec la hiérarchie terrestre. Il semble qu’il y ait ici un premier problème. Le Père Bot, professeur au Séminaire International d’Ars y voyait l’objection la plus déterminante. Rien, selon lui, ne peut advenir de surnaturel dans une séparation totale à l’Église militante (spiritualité sulpicienne.)

Il est possible de répondre à cette objection. Quoiqu’il en paraisse, cette expérience est ecclésiale[70]. Elle l’est dans le sens d’une rencontre avec l’Église du Ciel puisqu’elle implique la rencontre avec des personnes rayonnant la vérité et l’amour, qualités essentielles à l’Église sainte. Cette expérience est d’autre part ecclésiale au plan de ses effets puisqu’elle dispose celui qui en revient à l’attention au prochain à cause de l’être de lumière. Le fruit premier de cette aventure est là et non, comme c’est le plus souvent le cas pour les adeptes du spiritisme, dans une curiosité malsaine pour les phénomènes parapsychiques: c’est la conscience d’être réellement aimé par un amour souverain, et le désir d’apprendre à aimer réellement le prochain. D’un chrétien qui choisit la voie des conseils évangéliques, il est remarquable qu’on dise: « Il a entendu l’appel du Christ », alors qu’on pourrait dire avec plus de réserve: « Il a entendu l’appel de l’Église. » La première formule a pour elle un argument scripturaire: « Ils n’auront plus à s’instruire mutuellement se disant l’un à l’autre: Ayez la connaissance de Yahvé! Mais ils me connaîtront tous, des plus petits jusqu’aux plus grands - oracle de Yahvé »[71].

Le fait que cette expérience n’ait pas de lien avec l’Église hiérarchique ne peut être un argument décisif. Il est vrai que le chemin habituel de la grâce est dans l’Église à travers sa prédication, son enseignement, et ses sacrements. Cependant, Dieu n’a institué ces moyens humains que pour rendre l’Évangile accessible de manière sociale. L’homme étant par nature un animal politique, la nécessité de ces modes de communication de la grâce est évidente. Cependant, Dieu n’est pas lié à ces seuls moyens et la grâce peut parvenir à l’homme par bien d’autres voies selon son initiative. L’Abbé Mugnier, aumônier des artistes parisiens à la fin du siècle dernier, se plaignait dans son journal de ce que la grâce était rendue prisonnière du seul culte par l’Église. Sa critique est absolument juste en ce qui concerne la spiritualité des prêtres séculiers français de son milieu. Elle ne porte pas s’il s’agit de l’enseignement le plus profond de l’Église. Sainte Thérèse d’Avila, Docteur en ces matières mystiques, enseigne tout autre chose. Pour elle, la grâce de Dieu et communiquée à l’homme par tous les moyens imaginables, l’essentiel de cette grâce n’étant pas son caractère sacramentel mais son intensité de rencontre personnelle.

Autre question: La conversion que rapportent les témoins semble liée au don d’une grâce sensible et visible. N’est-ce pas en opposition avec ce qu’implique une réelle conversion chrétienne: « Heureux ceux qui croient sans avoir vu »[72]?

Cette question est un faux problème. Qu’ils aient bénéficié ou non de grâces sensibles extraordinaires, la générosité des saints à suivre le Christ ne peut s’expliquer psychologiquement que par l’amour d’un ami. Ils témoignent unanimement et ce jusque dans une fidélité héroïque, que le Christ est vivant et s’est manifesté à eux. Chez les uns, cette rencontre peut être retracée jusqu’à une manifestation sensible extérieure; Chez les autres -le plus grand nombre, peut-être- il n’y a eu que l’expérience ressentie au fond de leur sensibilité, d’une Présence. Mais chez les uns et les autres, il y a rencontre, il y a révélation personnelle et affective. Etant hommes, cette rencontre se fait obligatoirement par l’intermédiaire de grâces sensibles. Ce n’est que dans un second temps que ces grâces sensibles peuvent disparaître pour laisser la place à la foi nue (nuit des sens et surtout nuit de l’esprit.) Les fruits de cette rencontre sont considérés par l’unanimité des maîtres spirituels comme des signes certains de son origine: toute authentique théophanie produit des fruits en paix, joie intérieure et en désir de charité fraternelle extérieure.

Ainsi, les grâces sensibles, plus ou moins intenses ou intérieures sont nécessaires au commencement de toute vie spirituelle. Elles peuvent aussi se montrer indispensables pour certaines étapes de sa croissance. C’est du moins l’opinion des plus grands maîtres[73]. La raison de la nécessité de ces grâces sensibles est à rechercher dans la nature même de l’homme qui ne peut arriver au spirituel sans l’instrument de ses sens.

Une objection pourrait encore être formulée: Comment est-il possible que ceux qui ont eu l’expérience d’une rencontre avec l’être de lumière, dans l’hypothèse où cette rencontre fut réelle et d’origine surnaturelle, comment peuvent-ils encore avoir la foi? Ou bien on vit sous le régime de la foi ou bien sous celui de l’expérience, et si on a eu l’expérience on n’est plus capable d’être assailli par le doute. A cette question, la réponse est en premier lieu pratique: Saint Paul, lui dont nous tenons cette définition de la foi, avait-il lui même la foi, alors qu’il avait rencontré Jésus dans une grande lumière sur le chemin de Damas et que plus tard il fut enlevé jusqu’au septième ciel. Les mystiques ont-ils cessé de vivre sous le régime de la foi? Thérèse de Lisieux endura dans son agonie le désespoir des incroyants et Bernadette à la fin de sa vie ne savait plus dire si elle avait vu réellement la Dame. Elles étaient donc bien sous le régime de la foi pure. En effet, la disparition de la foi ne peut intervenir que dans la pleine Vision, c’est-à-dire dans le face à face de la vision de Dieu. Or aucun des saints cités ni même ceux qui ont approché la mort n’ont vu Dieu face à face. Leur expérience reste sensible, adaptée au mode humain de connaissance, quoique extatique. De retour dans ce monde, elle laisse une trace sensible qui ne supprime pas l’absence de nouveau vécue. Certes, le doute sur l’existence de l’au-delà n’est plus de mise, sauf épreuve particulière envoyée comme une nuit par Dieu. Mais absence de doute n’est qu’une propriété normale de la foi, certitude des choses qu’on ne voit pas.

Qui est l’être de lumière? Peut-il être identifié au Christ glorieux? Nous avons montré précédemment que tout semblait indiquer la nature non humaine de cet être. Or cela semble constituer un signe contraire à notre hypothèse concernant l’apparition glorieuse du Christ - Vrai homme à l’heure de la mort.

En fait, cette objection nous parait peu essentielle: dans le cadre de notre hypothèse et en particulier du paragraphe I-3-2-2 concernant l’auteur de la prédication à l’heure de la mort, une seule chose nous paraît importante. A l’heure de la mort, un envoyé de Dieu, homme ou ange, suffit par sa manifestation, à révéler au mourant qui est Dieu. En effet, tout homme et tout ange entré dans la vision béatifique est devenu image parfaite de Dieu, christoconforme.

Qu’en est-il de la « Near Death Experience »? Nous sommes obligés de reconnaître que la description faite par les témoins de l’être de lumière constitue une remarquable Image de Dieu. Tout en étant perçu par les sens (lumière blanche, couleurs ineffables, chaleur), il rayonne spirituellement jusqu’au fond de l’âme du témoin de Lumière spirituelle et d’amour. On ne saurait mieux décrire en termes humains et surnaturels ce qu’est à un tout autre niveau le Dieu de l’Évangile. Le fait qu’il s’agisse d’une Image glorieuse (c’est-à-dire resplendissante de la Beauté qu’elle représente) suffit à notre hypothèse. C’est bien, nous semble-t-il, une prédication de l’Évangile qui se réalise ici. Par contre, en toute objectivité, nous hésitons à conclure en une apparition glorieuse du Christ: nulle part en effet, il n’est dit que cet être de lumière a forme humaine. La tradition judéo-chrétienne m’invite à interpréter plutôt cette apparition comme celle d’un ange, les « messagers » de Dieu, créatures purement spirituelles et pourtant capables de se rendre visibles aux sens, et qui ne font pas écran entre Dieu et le sujet, comme nous le voyons à l’Annonciation. A travers l’ange, c’est Dieu lui-même qui se manifeste, en la personne de Jésus ou en celle du Saint Esprit. La « lumière blanche » dont parlent tant de témoins fait penser à la transfiguration dont bénéficièrent Séraphim de Sarov et son disciple. Mais cet être de lumière se montrant le maître de nos destinées et la qualité de son amour étant profondément humaine, nous sommes ramenés à la personne de Jésus. L’hagiographie nous montre que l’expérience des saints est tantôt christique, tantôt plus pneumatique, mais en fin de compte le Verbe et le Saint Esprit ne font qu’un quand ils se manifestent aux âmes: c’est une question d’accent. Quand Dieu se manifeste à un Israélite, on conçoit que l’accent ne soit pas mis d’emblée sur l’Incarnation, qu’il ignore. Si cette délicatesse peut être interprétée par certains comme une preuve du subjectivisme de l’expérience, elle nous paraît plutôt un signe de plus du caractère surnaturel car très respectueux, de cette Parousie. L’essentiel est que tous les témoins ont expérimenté cette présence comme celle de l’Ami qui les aime et qui les sauve, et non comme celle d’un inconnu qu’ils chercheraient à identifier.

 

2 - Fruits spirituels postérieurs à l’expérience

Le docteur Moody a voulu confronter l’expérience qu’il rapporte aux critères habituellement utilisés par l’Église catholique pour vérifier la vérité d’une révélation privée. L’auteur peut répondre que « c’est précisément dans ce sens que les personnes interviewées ont été poussées à la suite de leur approche de la mort. »[74] Les fruits spirituels de cette rencontre sont multiples.

a — Un certain changement de vie

Beaucoup de témoins paraissent n’avoir eu qu’une conversion embryonnaire. Cela n’est pas étonnant si l’on considère leur point de départ, souvent étranger à toute vie spirituelle. » J’agissais auparavant sous le coup d’impulsions; maintenant, je réfléchis d’abord aux choses, calmement, lentement »[75]. » La vie m’est devenue bien plus précieuse depuis lors » (p. 111) « C’est l’esprit qui est devenu pour moi la partie la plus essentielle de moi-même, au lieu de la forme de mon corps. » (p. 111) Il existe aussi des conversions plus complètes et plus radicales: « Un homme, à sa rencontre avec l’être de lumière, s’est senti totalement aimé et accepté, alors même que sa vie se déroulait en un panorama destiné à être vu de l’entité. Il lui semblait que la question posée par celui-ci équivalait à lui demander s’il était capable d’aimer les autres avec la même intensité. Il pense maintenant que sa mission sur terre consiste à s’efforcer d’apprendre à aimer ainsi. »[76]. D’une façon générale, l’auteur peut affirmer que « tous reconnaissent que leur foi religieuse est sortie de l’épreuve fortifiée »[77].

b — L’amour du prochain

La plupart des témoins insistent sur leur désir de se montrer généreux envers leurs prochains à la suite de cette expérience. Ils semblent marqués par la relecture accomplie en compagnie de l’être de lumière et qui portait essentiellement sur les relations aux autres. Ce désir ressort clairement de l’ensemble des témoignages. » A mon retour, j’étais dominé par un désir envahissant, cuisant, de faire quelque chose pour autrui (…) J’avais tellement honte de ce que j’avais fait ou n’avais pas fait dans ma vie; Il me semblait qu’il fallait tout réparer tout de suite, que cela ne pouvait attendre »[78].

L’auteur analyse cet amour dans son deuxième livre: l’amour est selon lui l’« agapé » grec et la connaissance est la « Sofia. » « Il s’agissait d’un amour qui n’a rien à voir avec sous-estimer les gens; Etais-je capable d’aimer les gens, même ceux que je connaissais, à fond, avec leurs défauts- voilà ce que l’être de lumière me demandait. » « Ce que voulait l’être de lumière en parlant de savoir, c’était une connaissance en profondeur, en quelque sorte reliée à l’âme… la sagesse plutôt »[79]. L’auteur ajoute: « C’était l’amour qui se présentait comme le but essentiel. Quand l’être de lumière évoquait la connaissance, il le faisait en passant, et comme par dessus le marché. »[80].

c — Un désir de la sagesse

A ce désir d’aimer le prochain s’ajoute donc chez certains un désir de s’instruire.

Certains ont expérimenté un mode transcendant de savoir: « Plusieurs sujets m’ont affirmé que, à un certain moment de leur expérience, ils avaient eu de furtifs aperçus d’une façon d’exister entièrement différente, dans laquelle toutes les connaissances -celles du passé, du présent et de l’avenir- se fondaient en une sorte d’état intemporel (…) Cette fugitive vision ne les avait en aucune façon détournés de l’effort de s’instruire au cours de cette vie, mais avait au contraire produit chez eux un effet de stimulation. »[81]

d — L’humilité

L’auteur remarque en concluant: « Pas un seul de ceux que j’ai interrogés n’a prétendu sortir de l’expérience purifié ou amélioré par rapport aux autres. Aucun n’a fait montre d’une attitude du style « je suis plus saint que toi. » En fait, la plupart ont spécifié qu’ils se sentent comme en recherche, en travail. Leur vision leur a assigné de nouveaux buts à poursuivre, de nouveaux préceptes moraux (…), mais en aucun cas elle ne leur a inspiré l’idée d’un salut instantané ou d’une infaillibilité morale »[82]. Quand il y a mission explicite, c’est seulement en accomplissement des devoirs familiaux.

Autre point remarquable et qui explique peut-être une forme de réticence à admettre la valeur de cette expérience de mort approchée par les responsables des religions instituées, c’est que dans aucun des cas étudiés, il n’a été demandé au mourant de se tourner vers telle ou telle Église pour y trouver la vérité. Le converti se sent simplement « en travail, en recherche », livré à lui-même sans autre assistance que le souvenir de sa rencontre. Mais cela n’est pas étonnant: ainsi en est-il de toute grâce de conversion. Elle est donnée dans un cœur à cœur sensible et spirituel, d’où la possibilité pour elle de se corrompre ensuite au contact de mauvais bergers. Sur le chemin de Damas, Paul fait exception à cette règle commune. Mais il ne s’agit pas d’un simple fidèle bénéficiant d’une révélation privée: sa vocation était de devenir l’apôtre des nations. Il convenait que le salut lui vienne à travers l’Église. 

e — Au dessus de tout, l’amour et l’obéissance à l’être de lumière

Pour notre part, en tant que théologien catholique, nous ne pouvons manquer d’admirer la haute valeur spirituelle de ces fruits. Ils se résument en deux axes: un désir de changer sa vie dans le sens de la préparation à la rencontre de l’être de lumière et dans le sens de l’amour du prochain. Or ce désir, si on l’analyse selon les critères du théologien, n’est pas celui d’un humanisme mais d’une véritable charité théologale. Le prochain est aimé dans la lumière et pour l’être de lumière qui, s’il n’est pas Dieu en personne, n’en est pas moins, nous l’avons montré, son Image souveraine et humaine.

En employant l’expression « expérience mystique », nous l’opposons à « naturelle » : Il reste en effet à décider de la nature de l’expérience de mort approchée. Est-elle porteuse d’une grâce surnaturelle originée dans la rencontre avec un représentant de Dieu (telle est selon nous la définition chrétienne de la vie mystique)? Est-elle un rêve du cerveau en détresse? Un témoin rapporte: « J’ai voulu tout raconter à mon confesseur. Mais il m’a répondu que j’avais eu des hallucinations. Du coup, je n’ai plus rien dit »[83]. Le positivisme de notre culture a contaminé bien des pasteurs.

5 - Interrogation sur la vie passée

Dans l’expérience de mort approchée, au delà des phénomènes paranormaux secondaires, l’élément essentiel est d’une part la vision d’un être souverain et aimant, et d’autre part une parole -la vocation- qui n’a pas besoin d’être formulée verbalement pour être perçue. Ces deux phénomènes nous apparaissent comme ordonnés l’un à l’autre: c’est pour « appeler » que l’être de lumière semble se manifester. Le fait que cette manifestation puisse arriver à tous les hommes (y compris aux chrétiens fervents) et qu’elle est toujours source d’une prise de conscience supérieure de l’importance de l’amour, manifeste sa qualité spirituelle, supérieure à tout ce qui peut être imaginé humainement. Seule sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, parmi les mystiques, eut l’audace d’affirmer avant sa mort: « Lorsque je le verrai, je crois qu’il ne pourra pas me surprendre. »[84] En fait, elle fut surprise car l’apparition glorieuse du Christ dépasse tout ce que peut imaginer un homme ici-bas.

Au terme l’expérience mystique, la parole intérieure est perçue comme distincte de la voie de la conscience. La croissance de la vie spirituelle (quatrièmes et sixièmes demeures de sainte Thérèse d’Avila) conduit le croyant à ne plus chercher autre chose que l’amour, au delà des besoins naturels de sentir ou même de comprendre la finalité de l’appel. Il apprend par diverses étapes purifiantes que sa réponse fidèle suffit, au delà de toutes les lumières de la grâce.

Le docteur Moody pense pouvoir l’identifier[85] au jugement particulier et définitif de la théologie catholique. Il n’en est rien. Le jugement dernier prend en théologie catholique un sens très particulier. Il suit l’acte d’un choix définitif posé par l’âme du mourant et aboutit à l’assignation par Dieu de son destin éternel. Il s’agit plutôt ici d’un examen de conscience portant sur l’état provisoire d’une vie non encore pleinement mûre: « Le jugement que je portais sur la valeur de ma vie, sachant désormais ce que je savais »[86]. Il semble être mesuré en fonction du degré de développement spirituel du sujet: « J’avais brusquement mûri (…) La vie ne se borne pas au cinéma du vendredi soir et aux matches de football; il y a, dans ma propre vie, beaucoup plus que je n’en connais moi-même. »[87] Généralement cependant, l’examen de conscience est spécifiquement moral: « En face d’une action égoïste, les sujets avaient ressenti une impression de repentir cuisant; là où ils avaient fait preuve d’amour désintéressé, ils en éprouvaient du bonheur. »[88]. Aussi, déclare un témoin, « quand je suis revenu à moi, j’avais pris la résolution de tout changer. »[89].

Par rapport à l’hypothèse qui nous intéresse, la relecture de la vie passée prend un sens très favorable: nous avons montré en théologie catholique à quel point la vie terrestre est importante puisqu’elle façonne notre personnalité; En même temps, nous affirmions que les choix d’ici-bas, parce que teintés d’ignorance et de faiblesse, ne pouvaient suffire à eux seul à déterminer le choix éternel. L’expérience de ceux qui ont approché la mort semble confirmer ce fait: la vie passée a sa place, mais elle est relue à la lumière de la vérité et de l’amour. Elle prend alors tout son sens pédagogique, quoique restant une disposition au choix final qui ne relève pas des témoignages rapportés par l’auteur. En tout état de cause, l’expérience de mort approchée semble aller dans le sens d’une vision du salut telle que nous l’avons décrite en première partie. 

6 - Film de la vie passée 

On connaît en psychologie des cas purement naturels de vision des souvenirs passés. La revue de la vie est parfois vécue comme un phénomène simplement psychique, provoqué par un état de stress brutal du cerveau ou de frayeur incontrôlable. Cela arrive fréquemment dans l’instant d’un danger de mort ressenti intensément, sans qu’il y ait aucune rencontre avec un être de lumière. Guy de Larigaudie, auteur d’un petit livre de mémoires intitulé Étoile au grand large[90], décrit une expérience de ce type. Voulant épater des amies en plongeant du haut d’une falaise dans l’eau d’un torrent, il eut l’impression fugitive mais certaine qu’il allait s’écraser sur un rocher en contrebas alors qu’il s’était déjà élancé. » Dans la seconde qui sépara mon départ de mon arrivée sain et sauf dans l’eau, je vis défiler ma vie, à une vitesse inimaginable et pourtant avec un luxe de détails qui me laissa tout étourdi. Je me revis enfant, je revis jeune le visage de ma mère. » Des phénomènes analogues peuvent être provoqués cliniquement ou par hypnose. Cela se produit en un instant réel et peut paraître subjectivement très long. Cette fausse impression de durée est-elle due à une accélération de la faculté de perception, sous l’effet de l’émotion? parfois, lors d’un accident, la catastrophe est vue comme au ralenti. Cela peut se produire dans de nombreux cas que Moody cite. Il emploie l’expression de « décomposition du temps », de parenthèse dans le temps linéaire.

Le cas qui nous occupe est différent. L’être de lumière semble être la source d’une relecture à la suite de la question qu’il pose au mourant. Même en présence de l’être de lumière, il arrive qu’il soit ressenti par les témoins comme autre chose qu’un jugement. Certains témoins ont trouvé plutôt amusant de revoir leur enfance[91]. Un accidenté par exemple[92] entre directement dans la phase 2 et voit les sauveteurs s’activer à la réanimation de son corps. Après avoir parcouru les phases 4 à 7, il fait retour à la phase 2 et revoit les sauveteurs au moment même où il les a quittés, comme s’ils s’étaient figés dans leur mouvement, alors qu’il a l’impression subjective de s’être absenté une heure. Puis il réintègre son corps et le temps reprend son cours normal.

D) Conclusion  

Depuis toujours, les maîtres spirituels et les responsables de l’Église catholique sont unanimes à enseigner la plus grande prudence vis à vis des manifestations extraordinaires. Prudence ne veut pas dire refus systématique mais discernement des esprits, car tout ne vient pas du Saint Esprit. La rencontre avec l’être de lumière peut-elle être un effet de l’imagination? Il est difficile d’être définitivement concluant pour cette question. L’expérience de mort approchée a suscité de vifs débats entre les tenants de son authenticité et les autres. Ces derniers ont fait remarquer avec justesse l’existence de faits analogues chez les drogués ou dans certaines formes de maladies mentales. La décorporation, la vision de scènes du passé inscrite dans la mémoire, l’apparition de morts, tout cela pourrait selon eux être expliqué par un surgissement dans certaines conditions de l’inconscient personnel. Cependant, peut-on objecter, chez les malades, de tels phénomènes, loin de provoquer un mieux être, sont source au contraire d’une aggravation de l’état mental, d’un désir de fuite du monde et de refuge dans cet imaginaire protecteur. Les relations avec le réel se dégradent, l’attention au prochain disparaît. Au contraire, l’expérience de mort approchée suscite toujours un mieux être: les pensées de suicide disparaissent, l’attention aux autres redouble, le comportement moral change, une lutte contre les défauts est entreprise, l’espérance théologale naît. Tout cela ne prouve pas mais indique avec force qu’on n’est pas en présence d’un rêve mais d’une expérience forte dont l’effet réaliste est suffisamment puissant pour durer un certain temps dans la majorité des cas. Ce fait peut être constaté non seulement par le psychologue mais par tous les proches. La radicale nouveauté de l’expérience n’est pas à rechercher dans les phénomènes cités mais dans la rencontre personnelle avec l’être de lumière.

Dans sa chronique du Figaro du 22 janvier 1979, Jean Guitton se dit « frappé de l’analogie de ces expériences de récupération avec les témoignages des mystiques dans toutes les religions. » Sa réticence vient d’une crainte, justifiée à l’époque comme de nos jours, de réduire la mystique à une rencontre impersonnelle de type New Age avec un Tout harmonieux. Or il nous semble que Jean Guitton a fait un contre sens en ne remarquant pas que le noyau de ces expériences est une rencontre entre avec une entité personnelle, un « être de lumière » qui lui manifeste un amour souverain et miséricordieux. Le fruit de cette expérience est une conversion, au sens chrétien du mot, qui cependant n’inclut pas nécessairement un rapprochement avec l’Église chez ceux qui lui étaient étrangers. Ainsi, il y a analogie avec les expériences mystiques judéo-chrétiennes, bien plus spécifiquement qu’avec les religions orientales qui ignorent une entité divine personnelle. Et comme cet amour semble bien avoir un caractère, non pas seulement souverain, mais en même temps humain, il y aurait, plus spécifiquement encore, analogie avec la mystique chrétienne. Ainsi, malgré les réserves qu’il faut faire, le lecteur chrétien se trouve confronté à la question suivante: comment justifier ces grâces, abondantes, reçues hors de l’Église visible? Secondairement, le lecteur est amené à se demander que penser de l’état de décorporation où se trouve généralement le sujet au cours de cette expérience. Enfin, quelques témoignages, rares mais précis, faisant état de la rencontre avec ce que la sagesse populaire appelle des « âmes en peine », le lecteur ne peut manquer d’être frappé du caractère d’orthodoxie chrétienne de ce qui est dit à leur sujet.

Une autre critique moins traditionnelle et très contemporaine mérite d’être citée. Dans la lignée du courant théologique symbolique contemporain (exaltation du sens symbolique de l’Écriture et relégation dans le mythe du sens historique) Jacques Neirynck, professeur à l’École polytechnique fédérale de Lausanne écrit:[93] « L’exégèse historico-critique appliquée aux évangiles a sérieusement changé la perspective où nous les lisons.(…) Lire les évangiles de Pâques, ces récits bien évidemment non historiques, est tout aussi nécessaire aujourd’hui pour l’esprit cultivé que de connaître les textes littéraires que sont Oedipe-roi, la belle au bois dormant et Robinson Crusoë. Mais seuls les enfants posent la question naïve de savoir s’ils ont existé. (…) Ne sommes-nous pas restés dans cette attitude infantile à l’égard de Pâques? Ne cherchons-nous pas des assurances pseudo-scientifiques de notre résurrection dans les comptes rendus de « Near Death Experience » (Near Death Expérience)? »

Le côté paradoxal de l’exégèse historico-critique, consiste en ce qu’elle prétend distinguer de manière scientifique ce qui dans l’Écriture est historique et ce qui n’est que symbolique. Or, bien souvent, ses arguments rationnels sont si faibles que ses conclusions apparemment scientifiques ne sont que le reflet de la foi ou de l’incroyance de leur auteur. Monsieur Neirynck illustre ce travers. Son argumentation exégétique est faible: parce qu’il discerne quelques contradictions dans les récits de la résurrection du Christ (Y avait-il une femme ou deux femmes au tombeau, un ange ou deux anges?), il les relègue tout entiers dans le domaine des contes symboliques. Il ressemble en cela à Drewerman. Sans doute a-t-il trop étudié en faculté pour savoir discerner épistémologiquement un témoignage d’une Thèse d’État en histoire. Parce qu’il est incroyant (la foi rappelons-le, est une réponse d’enfant à une révélation digne de confiance) et parce qu’il veut paraître intelligent, il se pose dans une attitude de recul rationaliste. Il en résulte une bouillie théologico-littéraire d’où il est difficile de discerner ce qui relève de l’incroyant et de l’exégète rigoureux. On peut porter un regard analogue sur sa critique de la « Near Death Experience » La rejette-t-il parce que, a priori, l’homme cultivé ne saurait porter un regard scientifique sur une telle expérience trop grossièrement évangélique? Ou parce qu’il s’est appliqué de manière rigoureuse à étudier les témoignages? Ainsi, dans ce monde où il est de bon ton pour l’homme cultivé de ne pas paraître naïf en restant croyant, il est souvent de bon ton de ne pas paraître naïf en restant philosophe.

Pour notre part, quitte à paraître naïf, nous avons abordé ce phénomène paranormal avec la même option de crédibilité philosophique que nous accordons à tout récit hagiographique ou simplement au récit ingénu d’une conversion, avec l’apport supplémentaire du nombre. Il ne s’agit pas d’un récit mais de centaines. Nous n’avons rien rejeté a priori mais nous avons soumis les témoignages à une étude critique raisonnable (l’hyper criticisme n’est pas philosophique.)

Pour notre étude, insérée dans le cadre d’une recherche théologique, l’essentiel n’était pas de prouver la vérité du phénomène, mais d’en indiquer la probable réalité. Ceci étant fait, nous sommes maintenant en mesure de répondre en théologien aux critiques théologiques du Père J.H. Nicolas, rapportée ci-dessus, à propos d’une révélation à l’heure de la mort: Non, l’hypothèse d’une prédication évangélique au moment de la mort, alors même que l’inconscience paraît totale aux regards extérieurs, n’est pas purement gratuite. Non seulement elle est la seule qui en définitive donne raison de la manière dont Dieu propose à tous les hommes son salut, mais elle n’est pas dénuée de crédibles arguments expérimentaux. Ceux-ci ne constituent pas une preuve et c’est tant mieux: la foi a à y gagner.

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5. CONCLUSION

Nous avions cité précédemment un dilemme posé par J.J.Rousseau à l’Église dans la Profession de foi d’un vicaire savoyard. Il le pensait insoluble.

« Ou le christianisme est nécessaire au salut, et vous êtes obligés de damner tous les millions d’hommes qui ont vécu avant le Christ; Ou bien vous direz qu’ils pouvaient être sauvés, mais alors le christianisme n’est pas nécessaire au salut. »

Il est vrai que ce dilemme est difficile à résoudre dans le cadre d’une ecclésiologie trop centrée sur l’aspect hiérarchique ou sacramentel de l’Église. A travers cette hypothèse, nous espérons avoir ouvert la voie d’une réponse authentiquement évangélique:

Dans le christianisme, les seules réalités absolues, faites pour demeurer éternellement, sont les personnes, à savoir le Christ et nos frères. L’amour de charité est le lien qui unit pour toujours Dieu et ses amis. Pris en ce sens, qui n’est autre que la communion des saints, le christianisme ne disparaîtra jamais. Tout le reste (hiérarchie, sacrements, états de vie etc.), est appelé à disparaître. Il ne constituait qu’un moyen en vue de la croissance du lien de la charité qui construit la communion des saints, c’est-à-dire l’Église.

Nul homme ne peut être sauvé en dehors de la communion des saints. Mais, parallèlement, nul homme ne peut être damné sans avoir lucidement blasphémé la communion des saints.

Ainsi, le christianisme en tant que religion structurée n’est nécessaire que dans la mesure où il construit la charité théologale. S’il ne le fait plus, par manque de saints, il devient inutile et parfois nuisible.

Mais le christianisme, en tant que communion des saints fut nécessaire pour tous les hommes de tous les temps. Tous ont expérimenté, avant même la naissance du Christ, ce que signifie être accueillis par une Église Sainte et éternelle à l’heure de la mort. C’est ce que nous espérons avoir démontré.

L’heure de la mort est l’heure de la réunion définitive des saints, libérés enfin, dans la lumière de la venue du Christ accompagné des habitants du Ciel, d’une trop longue séparation.

 

 

1. Actes 9, 1-12. [↩]

2. 2 Corinthiens 12, 1-9. [↩]

3. Saint Césaire d’Arles, Commentaire de l’Apocalypse , Les Pères dans la foi, Desclée de Brouwer 1980. [↩]

4. Voir par exemple Mathieu 24. [↩]

5. Mathieu 24, 39-40. [↩]

6. Le jugement dernier dans l’évangile de Mathieu, Le monde de la Bible n°6, p. 522. [↩]

7. Arnaud Dumouch, Traité des fins dernières, 1991, 26 et ss.. [↩]

8. Mathieu 24, 42-51. [↩]

9. Mathieu 24, 29-31. [↩]

10. Mathieu 24, 34-35. [↩]

11. 2 Théssaloniciens 2. [↩]

12. 2 Pierre 3, 3-4. [↩]

13. Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique, Ia Question 1 article 9-10. [↩]

14. 1Pierre 1, 5. [↩]

15. Jovanovic Pierre, Enquête sur l’existence des anges gardiens, Paris, Filipacchi, 1993, p.116 . cas tiré des témoignages rapportés par le Dr William Serdahely dans le Journal of Near Death Studies, 10/3, Human Sciences Press, London /New York, spring 1992, p.171-182 [↩]

16. Actes 10. [↩]

17. Faciendi quod est in se, Deus non denegat gratiam. [↩]

18. Saint Thomas d’Aquin, De Veritate, 14, 11, 1. [↩]

19. in  De Veritate, IaIIae, qu. sur la Grâce et le libre-arbitre. [↩]

20. 2 Corinthiens 12, 3. [↩]

21. Saint Augustin, De l’esprit et de l’âme, Chap. 15. [↩]

22. Commentaire dulivre de Qohelet, Chap. 16. [↩]

23. Bède le Vénérable, A history of the english Chuch and people, traduction anglaise Leo Sherley-Price, Harmondsworth, Moody R. Lumières nouvelles sur la vie après la vie, Paris, Laffont, 1978.
Voir aussi Rochcau V. Essai d’une lecture chrétienne de « la vie après la vie », en Nova et Vetera, 1980/2, 134-153.
England, Penguin books, 289-293. [↩]

24. Bienheureuse Soeur Faustine, Journal de soeur Faustine, édition J. Hovine, 1992, 542. [↩]

25. Mgr d’Hulst, Lettres de direction, Paris, 1906, 40-41. [↩]

26. Ibidem 41. [↩]

27. Ibidem 51-52. [↩]

28. Référence non retrouvée. [↩]

29. Durwell F. X., Le Christ, l’homme et la mort, Médiapaul, 1991, 3ème édition en 1993.
Durwell F. X., Regards chrétiens sur l’au-delà, Médiapaul, 1994. Voir aussi les articles: Le Père, Dieu en son mystère, Paris, Cerf, 1987, 238-249.
Une réflexion sur la mort chrétienne, en Vie Thérésienne, 1976, nème 64, 252-258.
Le mystère pascal source de l’apostolat, Paris, édition ouvrières, 1970, chap. 13: Le dernier apostolat, 297-320.
La resurrection de Jésus, mystère du salut, 1ème édition 1950, Cerf, Paris, 248-250.
La mort vécue, Der Mensch in seinem Tod, Théologie der Gegenwart, 27, 1984, 170 -175. [↩]

30. Lettre du 7 septembre 1994. [↩]

31. Moody R., La vie après la vie, Paris, Laffont 1977. [↩]

32. Pommaret Françoise, Les revenants de l’au-delà dans le monde tibétain. Sources littéraires et tradition vivante, Paris, Editions du CNRS, 1998. [↩]

33. Pommaret Françoise, Les revenants de l’au-delà dans le monde tibétain. Sources littéraires et tradition vivante, Paris, Editions du CNRS, 1998. [↩]

34. Haja Fdal, La mort selon les enseignements de l’Islam, Rayane édition, Paris 1991, 63. [↩]

35. Coran 4, 159. [↩]

36. Hugo Victor, Les contemplations, Paris, Nelson éditeurs, 1856. p. 412. [↩]

37. Nicolas J. H., Synthèse dogmatique, Op. cit. 600-602. [↩]

38. Moody R., La vie après la vie, Paris, Laffont, 1977. [↩]

39. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 120. [↩]

40. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 161 [↩]

41. Chatillon R., Bulletin de la société de Thanatologie, Paris, nème41, 1978, 36. [↩]

42. « La vie après la vie » p. 62 et seq.. [↩]

43. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 51-59. [↩]

44. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 81-82. [↩]

45. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 73. [↩]

46. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 75-76. [↩]

47. Arnaud Dumouch, Traité des fins dernières, 1991, 17, 5. [↩]

48. « La vie après la vie » p. 131. [↩]

49. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 131. [↩]

50. « La vie après la vie » p. 78-79. [↩]

51. « La vie après la vie » pp. 122 à 127. [↩]

52. « La vie après la vie » pp. 8O à 82, 94 et 113. [↩]

53. « La vie après la vie » p. 87. [↩]

54. « La vie après la vie » p. 83. [↩]

55. La vie après la vie, Reportage, Antenne 2, 12 octobre 1988. [↩]

56. Op. cit. 750-751. [↩]

58. Corinthiens 12, 1-7. [↩]

59. Russo F., La décorporation, journal La Vie, nème1798, 23. [↩]

60. Marc 5, 39. [↩]

61. Jean 11, 4 et 11. [↩]

62. Actes 20, 10. [↩]

63. « La vie après la vie », Reportage, Antenne 2, 12 octobre 1988. [↩]

64. Timothée 3, 13. [↩]

65. Thèse III-3-2, l’heure de la mort, Question 8, article 7. [↩]

66. Saint Thomas d’Aquin, somme de Théologie Ia, Question 1, article 1. [↩]

67. Voir Maritain J., La philosophie bergsonienne, Paris, Téqui, 1948. [↩]

68. Voir Benoît 14, De servorum Dei beatificatione et canonisatione, Prati, 1840. [↩]

69. Documentation Catholique, novembre 1995. [↩]

70. Voir le Cardinal Journet, Qui est membre de l’Église? Nova et Vetera 36, 193-203. Repris et amélioré dans l’Église du Verbe incarné,tome 2, 2ème édition , 1304-1314. [↩]

71. Jérémie 31, 34-35. [↩]

72. Jean 20, 29. [↩]

73. Voir par exemples les développements magistraux sur ce thème du Père Marie-Eugène de l’Enfant-Jésus, Je veux Voir Dieu, édition du carmel. [↩]

74. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 94-95. [↩]

75. « La vie après la vie » p. 110. [↩]

76. « La vie après la vie » p. 113. [↩]

77. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 60. [↩]

78. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 73. [↩]

79. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », pp. 132-133. [↩]

80. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 133. [↩]

81. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », pp. 45-46. [↩]

82. « La vie après la vie » p. 113. [↩]

83. « La vie après la vie » p. 106. [↩]

84. Sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus, Derniers entretien, Desclée de Brouwer, 11. [↩]

85. Lumières Nouvelles sur la vie après la vie, « réflexions ». [↩]

86. « La vie après la vie » p. 81. [↩]

87. « La vie après la vie » p. 110. [↩]

88. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 70. [↩]

89. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 73. [↩]

90. Édition du Scoutisme, Paris, 1946. [↩]

91. « La vie après la vie » p. 87. [↩]

92. « Lumières Nouvelles dur la vie après la vie », p. 137-138. [↩]

93. Mort et résurrection aux approches de l’an 2000, Revue de l’Université Catholique de Louvain, novembre 95, n°63, p. 31. [↩]

Arnaud Dumouch, L’heure de la mort, Éditions Docteur angélique, Avignon, 2006.

 

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