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Introduction

L’espérance est en crise

« Comme un cerf altéré cherche l’eau vive,
ainsi mon âme te cherche, toi, mon Dieu. » (Psaume 41)

Sandro Botticelli, La Derelitta

 

La plupart du temps, lorsqu’un chrétien demande au prêtre (donc au spécialiste en théologie) un enseignement précis concernant ce qui se passe après la mort, il s’entend répondre: «Nous ne savons pas trop. Nous n’avons aucune certitude. Mieux vaut ne pas poser ces questions. L’essentiel est de faire du bien autour de soi. Dieu nous a préparé en reconnaissance des merveilles. » Rien n’est faux dans cette réponse. Elle mérite cependant un reproche grave, celui de ne pas raconter la nature des merveilles préparées par Dieu.

Le silence des prêtres et des théologiens est compréhensible. Tant de récits effrayants ont été donnés sur l’autre monde, jetant la peur, que ce genre de thème prête plus à la suspicion qu’à l’intérêt. De fait, la peur n’est pas évangélique. Une autre raison, moins pastorale et plus intellectuelle peut expliquer cette circonspection. Au nom d’une forme moderne de la lecture de la foi appelée exégèse historico-critique, la plupart des théologiens actuels rejettent comme surajoutées toutes les précisions apportées depuis des siècles par l’Église et les saints. Ils pensent que seule une méthode rationnelle de lecture de l’Écriture peut permettre de connaître la foi. Cette méthode s’affirme bien sûr en opposition avec l’intervention des papes et des Conciles de l’Église, trop autoritaires à leurs yeux. Est-ce légitime? La vie du monde d’où vient Jésus est-elle vraiment mieux comprise si l’on exclut le charisme de confirmation de la vérité présent dans les successeurs des apôtres?

Toujours est-il que le grand silence des hommes de Dieu depuis trente ans a provoqué chez les fidèles une mutation attristante. L’espérance est moribonde. La plupart ont oublié le contenu de la promesse faite par le Christ pour ce qui suit la mort. Or la nature a horreur du vide. L’absence d’espérance laisse un vide dans le christianisme qui se remplit très vite d’autres formes d’espoirs humains. Beaucoup en ont été réduits à mettre leur attente dans la construction sociale du monde d’ici-bas. Pour les plus religieux, un hypothétique retour sur terre par la réincarnation constitue un espoir, le Ciel ne paraissant pas assez désirable.

Il est donc nécessaire, plus que jamais, de raconter l’espérance chrétienne. Lorsqu’on découvre qu’il ne s’agit pas d’un traité théorique mais d’une vie, d’une espérance qui, de plus, se raconte comme une histoire, on ne peut qu’être enthousiasmé.

Cet ouvrage porte en lui une autre intention, à l’adresse des théologiens actuels. Il veut montrer que la théologie, même lorsqu’elle fait le pari de la foi, est Parole de vie. Il est rare de nos jours, dans les Universités Catholiques, qu’on se mette entièrement à l’écoute de l’Écriture Sainte, des saints, du Magistère de l’Église et, d’autre part, de la raison philosophique sans en rien rejeter. Or cette voie intellectuelle peut conduire à une profonde approche de la vérité, capable de répondre aux aspirations de chacun. La théologie ainsi comprise reste un trésor et le rationalisme des professeurs de Théologie qui ne veulent plus croire qu’en leur raison peut être dépassé.

 

Trois parties vont se succéder :

I — Un rappel de ce qui fonde tout : Dieu est amour. Il nous a créés pour que nous le voyions face à face

Il n’est pas possible de comprendre quoi que ce soit au plan chrétien sur les événements que nous vivrons à l’heure de notre mort ou à la fin du monde, sans connaître la raison et l’origine de tout. Comment comprendre l’Oméga si l’on ne connaît pas l’Alpha ? Tout dans cette espérance s’explique par un principe simple. Il s’agit d’un projet de Dieu. Il veut se montrer à nous, face à face, ­ pour nous combler de bonheur. Rien, dans l’histoire de l’homme, ne se comprend sans cette lumière. Mais tout peut être compris avec elle. Pour manifester cela, nous ne cesserons au cours de tout ce livre de nous pencher sur le mystère le plus difficile de tous : la souffrance.

 

II — Notre mort et ce qui la suivra

Dans cette lumière, une deuxième partie s’efforcera de rapporter en termes simples ce que nous vivrons à l’heure de notre mort. Comment Dieu agit-il pour sauver les hommes à l’heure de leur mort ? L’enfer existe-t-il ?

Il se passera des événements concrets, aptes à être racontés, comme on le fait pour un récit d’aventure. Rien de cela n’est inventé. Tout est suggéré et parfois explicitement décrit dans l’Évangile. Les saints et l’Église en ont approfondi le mystère au cours des siècles. Les théologiens n’ont eu qu’à se servir et compléter par leur réflexion les aspects manquants.

 

III — Une explication plus théorique sur la manière dont tout cela nous est connu

Elle est destinée aux esprits curieux de mes sources, croyants ou incroyants.

1 - A chaque fois que je l’ai pu, je n’ai fait que rapporter ce qui constitue avec certitude la foi de l’Église :

1. Quand l’Écriture Sainte raconte explicitement quelque chose ;

2. Quand, en plus, de grands saints dont la canonisation engage l’Église[1] ont enseigné cette même chose ;

3. Et quand, pour couronner le tout, une Parole de Pierre[2] en a confirmé la vérité, c’est que cet enseignement est vrai.

Un catholique peut y mettre sa foi. Il vivra après sa mort ce qui est raconté sous la pauvreté des mots d’ici-bas. Un esprit non croyant mais curieux peut dire: « Voici l’enseignement du christianisme catholique. » Chaque fois que cela sera possible, tout au long du texte, je préciserai en note ou par la mention « Chose certaine » quand nous avons affaire à de telles vérités.

2 - Mais tout dans cet ouvrage n’est pas directement la foi de l’Église tout en ayant un statut particulier de certitude. Ce sont principalement les apports de saints canonisés qui ne cessent de se répéter au cours des siècles, au point de constituer la Tradition la plus profonde de l’Église. Ce sont les « choses probables » indiquées dans ce livre.

3 - Il existe deux points selon moi essentiels qui ne constituent pourtant que des déductions théologiques ou philosophiques. J’ai été amené à enseigner, dans mon désir d’être fidèle à tout l’enseignement de l’Église, deux choses nouvelles.

Le retour du Christ dans sa gloire accompagné des nuées du Ciel, « comme l’éclair de l’orient à l’Occident »[3], ne concerne pas uniquement la fin du monde. Il est vécu par chaque homme au moment qui constitue la fin de son monde à lui, c’est-à-dire à l’heure de la mort. A chacun de se faire une opinion personnelle sur ce point. Il n’est pas contradictoire avec la foi[4]. Mais il ne fait pas partie de cette foi confirmée par la parole de Pierre. Il est enseigné par une sainte authentique, Faustine[5]. Selon moi, il s’agit de la clef de voûte, celle dont Dieu conservait l’explicitation pour la fin des temps « afin de conduire l’Église à la découverte de la vérité tout entière »[6]. Dans la troisième partie, j’indique avec précision pourquoi je ne peux dire autre chose.

Les morts ne sont pas simplement des esprits semblables aux anges (c’est-à-dire des intelligences séparées de tout lien avec le corps et des volontés dénuées des passions sensibles). Les morts emmènent avec eux les facultés de leur psychisme (ils voient, ils entendent, leurs souvenirs sensibles demeurent, ils éprouvent des sentiments et pourtant… leur cerveau, qui est le siège des sentiments a bien disparu !) Formé à l’école de saint Thomas d’Aquin, j’ai essayé pendant des années de trouver des failles dans les récits de ceux qui avaient approché la mort suite à un arrêt du cœur[7]. Il me paraissait impossible qu’ils conservent leurs sensations alors que leur cerveau était en état de mort clinique. Mais j’ai dû céder, encore un fois à cause de saint Thomas d’Aquin : « Lorsque l’expérience et les faits enseignent une vérité philosophique contraire à un raisonnement rationnel, c’est à l’expérience de s’imposer et au raisonnement de se réformer. » Devant ce fait nouveau, rien n’est changé d’essentiel dans ce qui constitue la description du Ciel. Mais tout devient sensible, physiquement lumineux, fait pour nous.

Ces deux aspects sont marqués de la mention : « Chose, selon moi, certaine. Au lecteur de juger ».

4 - Je peux assurer que cet ouvrage ne contient rien qui soit contre la foi (contra fidem). Mais il contient nécessairement quelques précisions qui sont en marge de la foi (praeter fidem) (exemple : la nature du monde nouveau, la présence d’animaux dans le monde nouveau…). Je peux assurer que ce livre ne contient rien qui soit contre la foi (Contra Fidem). L’Imprimatur ecclésiastique ne veut rien signifier d’autre. Quand de telles opinions seront rapportées, elles seront marquées de la mention « Chose indécise. Au lecteur de juger »

Nous sommes à la veille
D’une autre vie,
D’un autre esprit,
D’un autre langage,
D’un plus grand amour
Pour Dieu.[8]

 

 

 

1. Un récent document romain « Ad Tuendam fidem » publié le 18 mai 1998, rappelle que la canonisation des saints engage l’autorité infaillible de l’Église (Voir commentaires du Cardinal Ratzinger, par. 11). Mieux encore, l’Église affirme que, dans une canonisation, c’est Dieu lui-même qui engage son autorité puisque la procédure nécessite des miracles venant de lui. Le mépris où sont parfois tenus les écrits des saints est plus qu’une erreur théologique, c’est une folie. Leur enseignement n’est donc pas à mettre au même niveau que celui des simples théologiens, même s’ils ne sont pas exempts d’erreurs. [↩]

2. C’est-à-dire des papes ou des conciles unis aux papes. [↩]

3. Matthieu 24, 27. [↩]

4. D’où le Nihil Obstat et l’Imprimatur qu’a obtenu ce livre. [↩]

5. … qui est une sainte canonisée. De ce fait, ses écrits ont une certaine autorité, d’un degré bien sûr inférieur à celui de l’Écriture Sainte ou du Magistère de l’Église.
Journal de sœur Faustine, édition Hovine, 1985, p. 542 : « J’accompagne souvent les âmes agonisantes et je leur obtiens la confiance en la miséricorde divine. Je supplie Dieu de leur donner toute la grâce divine, qui est toujours victo­rieuse. La miséricorde divine atteint plus d’une fois le pécheur au dernier moment, d’une manière étrange et mystérieuse. A l’extérieur nous croyons que tout est perdu, mais il n’en est pas ainsi. L’âme éclairée par un puissant rayon de la grâce suprême, se tourne vers Dieu avec une telle puissance d’amour, qu’en un instant elle reçoit de Dieu le pardon de ses fautes et de leurs punitions. Elle ne nous donne à l’extérieur, aucun signe de repentir ou de contrition, car elle ne réagit plus aux choses extérieures. Oh! Que la miséricorde divine est insondable.
Mais horreur! Il y a aussi des âmes, qui volontairement et consciemment rejettent cette grâce et la dédaignent. C’est déjà le moment même de l’agonie, mais Dieu, dans sa miséricorde, donne à l’âme en son for intérieur ce moment de clarté. Et si l’âme le veut, elle a la possibilité de revenir à Dieu. Mais parfois il y a des âmes d’une telle dureté de cœur, qu’elles choisissent consciemment l’Enfer. Elles font échouer non seulement toutes les prières que d’autres âmes dirigent vers Dieu à leur intention, mais même aussi les efforts divins. » [↩]

6. Jean 16, 13 rapporte une parole de Jésus: « Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir. » Cette phrase constitue l’explication de la lente redécouverte au cours de l’histoire de vérités qui avaient pourtant été enseignées en pleine lumière aux premiers chrétiens et aux apôtres. Je pense que Jésus a maintenu volontairement caché au cœur de la Révélation durant 2000 ans la manière dont il sauve les païens. Si les missionnaires avaient su que le Christ venait prêcher lui-même l’Évangile à l’heure de leur mort, ils ne se seraient pas angoissés pour le sort des païens. Et, sans cette angoisse d’amour, leur zèle missionnaire aurait-il été aussi fort? [↩]

7. Les fameuses N.D.E., Near Death Experience, misent en lumière par le Docteur Raymond Moody, La vie après la vie. [↩]

8. 9 janvier 1949, Clémence Ledoux, fondatrice de la Fraternité de Marie-Reine Immaculée, 1888-1966. [↩]

Arnaud Dumouch, L’heure de la mort, Éditions Docteur angélique, Avignon, 2006.

 

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