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Arnaud Dumouch

La N.D.E.
Near Death Experience
(expérience de mort imminente)
Extrait du livre « L’heure de la mort », 2e partie, chap. 1

 

1. Qu’est ce que la N.D.E. ?
2. Est-ce vrai ? Est-ce imaginaire ?
3. Qu’en pense l’Eglise ?

Tableau de Jérôme Bosch.

 

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1. QU’EST CE QUE LA N.D.E. ?

Synthèse

Une expérience vécue en état d’arrêt cardiaque ou de mort imminente, exceptionnellement en état de relaxation profonde.

On peut discerner 5 phases, parfois dans un ordre variable :

1. Décorporation : la personne se trouve comme suspendue au-dessus de son corps.

2. Tunnel noir (comme un passage entre deux mondes).

3. Vision de l’Être de lumière doté de trois qualités (vérité, d’amour et d’humour).

4. Vision de proches décédés précédemment.

5. Le retour et ses conséquences psychologiques (découverte d’un sens de la vie, foi en la vie après la mort, attention aux autres).

Quand le docteur Moody, psychologue américain, publia son livre La vie après la vie[1], il eut un tel succès que des traductions furent faites un peu partout dans le monde. Il devint un best-seller et ce n’est pas étonnant. L’expérience et les sciences humaines semblent y rejoindre la religion pour proclamer l’existence d’une vie après la mort. Il s’agit d’une étude faite d’une manière très sérieuse auprès des américains ayant connu, à un moment, un état d’arrêt cardiaque ou même de mort clinique. Le résultat de l’enquête est bouleversant et d’un grand intérêt scientifique, philosophique et théologique.

En dépit des différences présentes pour chaque cas, écrit le docteur Moody, tant par les circonstances qui entraînent les approches de la mort que les différents types humains qui les subissent, il n’en reste pas moins que de frappantes similitudes se manifestent entre les témoignages qui relatent l’expérience elle-même. En fait, ces similitudes sont telles qu’il devient possible d’en dégager des traits communs, sans cesse répétés dans la mesure des documents qu’il a pu rassembler. En se fondant sur ces ressemblances, le docteur Moody s’efforce de reconstituer brièvement un modèle théorique idéal ou complet, de l’expérience en question en y introduisant tous les éléments communs dans l’ordre où il est typique de les voir apparaître.

« Voici donc un homme qui meurt et, tandis qu’il atteint le paroxysme de la détresse physique, il entend le médecin constater son décès. Il commence alors à percevoir un bruit désagréable, comme un fort timbre de sonnerie ou un bourdonnement et, dans le même temps, il se sent emporté avec une grande rapidité à travers un obscur et long tunnel. Après quoi il se retrouve hors de son corps physique immédiat. Il aperçoit son propre corps physique à distance, comme en spectateur. Il observe de ce point de vue privilégié les tentatives de réanimation dont son corps fait l’objet. Il se trouve dans un état de forte tension émotionnelle.

Au bout de quelques instants, il se reprend et s’accoutume peu à peu à l’étrangeté de sa nouvelle condition. Il s’aperçoit qu’il continue à posséder un “corps” mais ce corps est d’une nature très particulière et jouit de facultés très différentes de celles dont faisait preuve la dépouille qu’il vient d’abandonner. Bientôt, d’autres événements se produisent, d’autres êtres s’avancent à sa rencontre, paraissant vouloir lui venir en aide. Il entrevoit les esprits de parents et d’amis décédés avant lui. Et soudain, une entité spirituelle d’une espèce inconnue, un esprit de chaude tendresse, tout vibrant d’amour (un être de lumière) se montre à lui. Cet être fait surgir en lui une interrogation, qui n’est pas verbalement prononcée, et qui le porte à effectuer le bilan de sa vie passée. L’entité le seconde dans cette tâche en lui donnant une vision panoramique, instantanée, de tous les événements qui ont marqué son destin.

Le moment vient ensuite où le défunt semble rencontrer devant lui une sorte de barrière ou de frontière, symbolisant apparemment l’ultime limite entre la vie terrestre et la vie à venir. Mais il constate alors qu’il faut revenir en arrière, que le temps de mourir n’est pas encore venu pour lui. A cet instant, il résiste car il est désormais subjugué par le flux des événements de l’après vie, et ne souhaite pas ce retour. Il est envahi d’intenses sentiments de joie, d’amour et de paix. En dépit de quoi il se retrouve uni à son corps physique : Il renaît à la vie.

Par la suite, lorsqu’il tente d’expliquer à son entourage ce qu’il a éprouvé entre temps, il se heurte à différents obstacles. En premier lieu, il ne parvient pas à trouver des paroles humaines capables de décrire de façon adéquate cet épisode supraterrestre. De plus, il voit bien que ceux qui l’écoutent ne le prennent pas au sérieux, si bien qu’il renonce à se confier à d’autres. Pourtant, cette expérience marque profondément sa vie et bouleverse notamment toutes les idées qu’il s’était faites jusque-là à propos de la mort et de ses rapports avec la vie. »

On peut résumer ce tableau idéal en cinq grandes étapes[2] :

1. Décorporation : la personne se trouve comme suspendue au-dessus de son corps.

2. Tunnel noir.

3. Vision de l’être de lumière.

4. Vision de proches décédés précédemment.

5. Le retour et ses conséquences psychologiques.

L’ordre des étapes peut varier puisque certaines personnes affirment avoir vu l’être de lumière[3] avant le passage dans le tunnel noir. D’autre part, certains témoignages s’arrêtent à la première ou deuxième étape, la mort clinique n’ayant apparemment pas assez duré.

L’intérêt scientifique fut très vif aux USA et l’on s’efforça de vérifier la véracité des récits. Seule la décorporation peut être objet d’une enquête rigoureuse. Pour les autres phases, le témoignage des patients ne peut être confronté à aucun moyen de mesure.

Cette expérience de décorporation présente un intérêt unique. On ne peut qu’être frappé par le récit des victimes qui semble concorder en tous points avec la réalité. Or la victime, il ne faut pas l’oublier, est en état de mort clinique. Elle est allongée sur une table et ne peut, théoriquement, rien voir de ce qui l’entoure. Parfois, on mesure un Electroencéphalogramme plat. Pourtant, on est obligé d’admettre qu’elle voit de ses yeux ce qui se passe et qu’elle le voit d’un point situé en dehors de son propre corps.

Dans une salle de réanimation, un médecin eut l’idée de pousser les vérifications en fixant sur la face supérieure des armoires de petits autocollants représentant des grenouilles, de telle façon qu’on ne puisse les voir que du plafond. On eut la surprise de recueillir, dans le témoignage de ceux qui prétendaient avoir connu une expérience proche de la mort, la mention de ces autocollants.

A cause du perfectionnement des méthodes de réanimation, cette expérience se multiplie et met la philosophie devant un nouveau phénomène paranormal. On est obligé d’affirmer, à moins de faire mentir les multiples vérifications effectuées, qu’il existe une décorporation. Ce phénomène reste inexpliqué mais on peut en décrire les conditions.

Les propriétés du corps double ont pu être décrites d’une manière assez précise. Il s’agit tout d’abord d’un corps matériel, même s’il n’est pas composé de matière palpable. Il s’agit plutôt de matière sous forme d’énergie, de flux ondulatoire. C’est une sorte de champ magnétique, organisé sur lui-même, un corps psychique. Sa matière est actuellement totalement inconnue et non visualisable en physique. On a affaire à autre chose. Certains parlent déjà d’un « état psychique de la matière. »

Il s’agit malgré tout d’un véritable corps humain, double du corps physique, ayant toute une vie psychologique et spirituelle. Il possède trois sens. Le toucher et le goût ont disparu. L’imagination est entièrement présente, avec la mémoire et leur exercice cérébral. Des souvenirs disparus peuvent réapparaître intacts. Les émotions passionnelles sont présentent mais elles sont beaucoup plus paisibles. La joie, la paix, la peur et la tristesse s’exercent sans excès, comme si l’absence du corps physique les rendait plus contrôlables.

La vie spirituelle est, quant à elle, intensément présente. L’intelligence commence à comprendre ce qui arrive, la volonté se porte vers tel ou tel choix. Mais le plus étonnant demeure sans doute l’apparition de propriétés parapsychologiques nouvelles.

Ce corps est fluide. Il peut passer à travers les murs les plus épais, obéissant aux désirs de la volonté. Une femme raconte que, s’étant aperçu qu’elle mourait, elle eut une pensée pour son mari et son fils présents dans la salle d’attente. Elle se retrouva aussitôt auprès d’eux, ayant traversé plusieurs pièces de l’hôpital à travers les murs. Elle décrivit après son réveil des détails sur cette salle d’attente qui ne laissent aucun doute de sa bonne foi.

Ce corps est agile. Il peut se déplacer à volonté avec une vitesse incroyable. Un homme se voyant quitter son corps physique pensa intensément à son épouse qu’il avait laissée à l’étranger. Il se retrouva auprès d’elle, ayant franchi en quelques instants des milliers de kilomètres.

Ce corps est léger. Il ne présente aucun des inconvénients du corps physique, fatigue, poids, inertie. Étant entièrement soumis à la volonté, il peut être appelé en ce sens « corps spirituel ».

Ce corps est parfait. Il ne présente aucun des handicaps du corps physique. Une jeune fille, aveugle de naissance, put décrire avec force détails la couleur de ce qu’elle avait vu dans la pièce lors de son expérience. Un ancien combattant, amputé des deux jambes, eut la surprise de se voir tel qu’il était avant son accident.

Enfin, ce corps est doué de perceptions extrasensorielles nouvelles et qui lui apparaissent comme naturelles. Les témoins prétendent non seulement entendre les paroles proférées autours d’eux mais lire directement les sentiments et les pensées de chacun. C’est une sorte de télépathie à sens unique puisqu’ils sont, quant à eux, incapables d’attirer l’attention de qui que ce soit. Chaque personne, chaque objet, leur apparaît nimbé dans une auréole de lumière aux couleurs vivantes ce qui rend leur perception de l’univers presque féerique. Selon les pensées et les sentiments de ceux qui sont dans la pièce ces couleurs prennent des nuances différentes.

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2. EST-CE VRAI ? EST-CE IMAGINAIRE ?

Synthèse

1° Certains pensent que c’est un effet du cerveau en détresse (endomorphines).

2° Explication impossible à cause de l’objectivité de ce qui est vu dans la décorporation. Un rêve n’explique pas comment on peut voir objectivement (objectivité vérifiable) ce qui se passe dans la pièce ou ailleurs alors que le cerveau est en état de mort clinique.

3° Par contre, les autres phases (tunnel, Etre de lumière, proches décédés) sont philosophiquement indémontrables. Mais leur effet étant toujours positif, ce qui n’est jamais le cas pour les effets de la drogue, on a le signe d’une véritable rencontre mystique.

Devant de telles propriétés, qui paraissent irréelles, on serait tenté de rejeter tout cela dans le domaine imaginatif. L’hypothèse d’un effet psychique subjectif dû à la mort clinique a été émise. Elle ne résiste pas à une analyse sérieuse. Les récits liés à la décorporation ont une objectivité vérifiable. Une hallucination due à des endomorphines pourrait expliquer des apparitions d’images subjectives (éléphants roses, images du passé etc.). Mais comment expliquer la vision physique, précise et vérifiable du réel ? Le problème n’est donc pas d’affirmer que ce n’est pas possible. Le problème est que cela est.

Certains philosophes américains ont donc essayé de se pencher sur la question. Il leur est apparu d’abord que le phénomène de la décorporation n’est pas nouveau. La psychologie le décrit comme propriété, distincte de l’hallucination, de certains psychotropes puissants. D’autre part, de longs traités pluriséculaires, écrits dans les traditions philosophiques égyptiennes (le ka et le ba), chinoises, hindoues et tibétaines (corps astral), animistes (esprits) en parlent. C’est d’ailleurs là qu’on trouve les plus profondes explications philosophiques du phénomène. Selon ces traditions, on peut discerner dans l’être humain trois degrés de vie auxquels correspondent trois corps parfaitement adaptés l’un à l’autre pour former une seule personne : le corps physique, le corps psychique et l’esprit[4].

Dans l’hindouisme, le corps physique est le siège des facultés végétatives comme la nutrition, la reproduction, la croissance. Il est aussi le siège d’un autre corps, appelé le corps astral. C’est le corps physique qui est source du développement du corps astral. Mais, selon cette tradition, la survie de ce dernier est indépendante de la mort du premier. Une simple comparaison permet de comprendre son point de vue. Le corps astral peut être comparé et différencié, dans son rapport avec le corps physique, à un champ magnétique créé par un électro-aimant. Si l’on coupe l’électricité, le champ magnétique s’arrête à son tour. Au contraire, si l’on tue le corps physique, son double subsiste. Après la mort du corps physique, le corps astral s’en sépare et subsiste en se nourrissant de sa propre énergie. Cette propriété explique l’expérience de la décorporation, aussi bien chez l’homme que chez l’animal. Le corps astral est, avec le corps physique, siège des facultés psychiques comme les sensations, les passions, l’imagination et la mémoire.

Le corps mental n’est autre que ce que nous appelons l’esprit, siège de l’intelligence et de la volonté. Il est propre à l’homme. Les animaux en sont dénués[5]. Les philosophes orientaux ne lui donnent le nom de “corps” que par métaphore car selon eux, il dépasse cette notion pour être entièrement spirituel. Le corps mental est immortel et indestructible[6].

Cette explication orientale traditionnelle, loin de s’opposer à la philosophie occidentale, semble au contraire lui donner chair. Elle le fait cependant en permettant une importante correction[7] : l’Occident chrétien croyait, depuis 2000 ans, à la suite de Platon et d’Aristote, de saint Augustin et saint Thomas d’Aquin, qu’un mort était dénué de toute sa sensibilité!

Aristote, père de notre philosophie, distingue comme les orientaux trois degrés de vie. Mais son analyse s’attache moins au trois « corps » de la vie. Selon lui, certaines opérations vitales sont communes avec les plantes. Ce sont des opérations de la vie végétative; d’autres sont communes avec les animaux. Ce sont les opérations de la vie sensible. D’autres, enfin sont spécifiques aux hommes. C’est la vie spirituelle. Elle s’épanouit en deux facultés : l’intelligence et la volonté. Les deux facultés de l’esprit humain ont un objet immatériel[8], c’est donc qu’elles-mêmes dépassent la matière. Elles ne peuvent avoir d’organe matériel. Aristote prouve ainsi leur survie après la mort. Par contre, toute faculté liée à un organe matériel lui paraissait devoir disparaître avec la mort du corps matériel. Parce que l’œil est fait de matière, il peut capter la lumière matérielle. En conséquence, le sens de la vision disparaissait nécessairement pour lui avec la destruction de l’œil.

Saint Thomas d’Aquin suivit Aristote dans cette logique. Selon lui, après la mort, les hommes devenaient comme les anges, c’est-à-dire de purs esprits, dénués de toute sensibilité. Le souvenir des visages, des sons et des paysages s’effaçaient avec le cerveau. Ne subsistait de la personne que le tréfonds spirituel de ses connaissances et de ses choix. Visiblement, Aristote et saint Thomas d’Aquin se sont trompés, sans aucune faute de leur part. Le psychisme ne disparaît aucunement avec la mort. La raison philosophique est contredite par l’expérience. Apparemment, Dieu veut que l’homme, qu’il a créé par nature pour connaître et aimer avec sa sensibilité, ne la perde jamais. Il ne l’a condamné, pour le changer, qu’à perdre sa chair, et c’est déjà une effrayante épreuve. Ainsi, ceux qui ont approché la mort témoignent avoir vu avec leur oeil sensible, de la même manière qu’ils voyaient les infirmières s’agiter dans la pièce, un Être de lumière et leurs proches déjà décédés. Il ne s’agit pas d’une simple vision intérieure, de l’intuition intellectuelle d’une présence. Il y a des couleurs, des formes. Cette beauté sensible, qui leur révèle une beauté spirituelle leur semble tellement puissante qu’ils n’arrivent pas à la décrire. Nous semblons être, tout en restant dans le monde sensible, dans une dimension spirituelle[9].

En toute rigueur, la vérité des phases 3 et 4 de l’expérience de la mort approchée (vision de l’Être de lumière et de proches décédés) est indémontrable au plan philosophique. En effet, si on analyse avec précision le témoignage de ceux qui ont frôlé la mort, ces expériences sont souvent adaptées à leur sensibilité. Certains auteurs ont donc pu affirmer qu’ils rêvaient. Comment démontrer l’inverse? C’est difficile. Si la philosophie et la psychologie n’ont pas de preuves, elles ont par contre un signe de l’objectivité de ces témoignages. Le docteur Moody sans se prononcer définitivement, affirme son sentiment d’être en présence d’un phénomène réel. Selon lui, les maladies psychiques de type hallucinatoire ou hystérique, si elles produisent l’audition de voix et la vision de fantômes imaginaires, ont après coup un effet destructeur sur la personnalité. Les personnes s’enfoncent dans leurs névroses (angoisses, obsession, désespoir) et parfois sombrent définitivement dans leurs psychoses (paranoïa, schizophrénie).

Bien au contraire, la N.D.E (Near Death Experience) donne comme un souffle puissant de renouveau à leur vie. Pour nombre d’entre eux, la valeur première devient l’amour, selon deux formes significatives : l’amour de l’Être de lumière, qu’ils savent devoir rejoindre un jour (certains l’appellent Dieu, d’autres Jésus ou Bouddha ou Mahomet, selon leur culture), et l’amour de leurs frères. En vue de ces deux amours, ils s’efforcent de progresser, d’éliminer leurs défauts, de développer leur intelligence.

Selon le docteur Moody, de tels effets ne peuvent venir d’un état malade d’hallucination mais d’une véritable expérience mystique. Je suis pour ma part assez d’accord avec lui, tout en maintenant que ce raisonnement ne prouve pas mais suggère. Il m’apparaît comme un simple signe de la vérité du phénomène car “d’un mauvais arbre ne sortent pas de bons fruits”.

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3. QU’EN PENSE L’EGLISE ?

Synthèse

1° Pas de contradiction avec la foi de l’Église.

2° Comme il s’agit de philosophie, l’Église n’a pas à se prononcer. A la philosophie de dire si c’est vrai ou imaginaire.

3° Mais c’est très intéressant pour la théologie de l’heure de la mort, peut-être même essentiel.

L’Église, par la voix de son Magistère, ne s’est jamais prononcée à propos de l’expérience proche de la mort. En général, l’Église catholique recherche trois critères avant de se prononcer sur la vérité d’un phénomène mystique :

1. Une vision peut être considérée comme valide si lorsque, entre autres choses, les effets qu’elle produit sur le comportement humain sont profondément positifs : par exemple, si elle les porte à se rapprocher de Dieu (humilité, sens de l’importance de l’amour) ou encore à approfondir la connaissance de la religion.

2. Il est indispensable qu’une vision soit cohérente avec le message de la Bible, selon l’interprétation authentique du Magistère romain.

3. Ces deux critères ne suffisent pas à prouver aux yeux de l’Église qu’il y a bien eu vision. N’importe quel faussaire pourrait singer une apparente conversion et une grande orthodoxie. L’Église demande en outre, avant de reconnaître une apparition, quelques miracles dont l’origine divine est manifeste.

Les deux premiers critères sont parfaitement vérifiés[10]. Mais le troisième manque. L’Église ne se prononce donc pas sur la N.D.E. Elle laisse aux théologiens le soin d’approfondir, de rechercher si les critères 1 et 2 sont valables pour la N.D.E.

Qu’on me permette de donner ici mon opinion personnelle. Je suis intimement persuadé que la N.D.E., telle que le docteur Moody l’a fait découvrir au monde, est un bienfait pour l’humanité. En ces temps où la foi est rejetée comme une attitude indigne d’un adulte doué d’esprit critique, Dieu, encore une fois, me semble avoir accepté de se mettre à notre niveau. Pour se révéler à nous, il parle pour la première fois un langage pourtant ancien de sa part. Il s’adapte à la mentalité de son public. Le monde actuel a besoin de rationalité et se méfie de la foi aimante. Dieu se fait donc philosophe. Jadis, aux astrologues chaldéens, qui ne comprenaient que l’astrologie, il révéla sa naissance en faisant apparaître une étoile. Il se fit astrologue. Aux bergers, prêts à croire le moindre miracle, il envoya un ange lumineux.

Une telle condescendance de la part de Dieu est habituelle. Je souhaite qu’elle soit pour beaucoup le chemin qui conduit à l’espérance. Ce fut le cas pour saint Paul, apôtre des païens, qui vécut lui-même une expérience proche de celle-ci : “Je connais quelqu’un, confie-t-il à propos de lui-même, qui, voici quatorze ans -étais ce avec son corps? Je ne sais; étais-ce hors de son corps? Je ne sais; Dieu le sait-, cet homme là fut ravis jusqu’au troisième ciel. Et cet homme là -était ce en son corps? Je ne sais. Dieu le sait-. Je sais qu’il fut ravi jusqu’au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire”[11].

 

1. La vie après la vie, docteur Moody, Robert Laffont, 1977, page 35. [↩]

2. Voir les commentaires du docteur Kenneth King. [↩]

3. On le raconte de sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus. Juste avant son dernier soupir, ses sœurs virent son visage s’éclairer. Quelqu’un semblait venir à sa rencontre. [↩]

4. Dans l’Egypte pharaonique, on parle du corps physique, du Ka (le double) et du Ba représenté sous la forme d’un oiseau portant la tête du mort (l’esprit). Le grand et ultime voyage commence par la sé­paration du Ka spirituel du corps matériel. Le Ka est le corps double du défunt, qui sort de son cadavre. Avec lui, le Ba, âme de l’homme, est détaché de la vie terrestre et tourne déso­rienté autour du cadavre. La compatissante Isis (épouse aimante du dieu de la mort Osiris) l’ac­cueille sous ses grandes ailes affectueuses et le confie au savant dieu Anubis (représenté avec une tête de chacal) afin qu’il le réconforte et lui serve de guide et de soutien jusqu’au jugement divin. Sous forme imagée, il s’agit de la même réalité. [↩]

5. Les animaux supérieurs sont certes dotés d’une forme d’intelligence que saint Thomas d’Aquin appelle « l’estimative ». En effet, loin d’avoir l’objet de l’intelligence humaine qui, potentiellement peut tout connaître, elle est bornée à trouver des moyens en vue de la survie et reproduction. Elle « estime » l’utile et le nuisible. Dans les années 1970, une femme américaine voulue prouver le contraire en élevant de la même façon son nourrisson et un bébé chimpanzé. L’animal, communiquant en langage des signes, battit pendant deux ans l’enfant dans les domaines du jeu, de l’espièglerie. Mais l’enfant fut le seul à partir d’un certain temps à se poser des questions sur des domaines intelligibles comme : « Que faisons-nous sur terre ? » [↩]

6. Selon eux, il se réincarne à travers les âges. Selon la tradition monothéiste et personnaliste de l’occident, il n’y a jamais de réincarnation. [↩]

7. Cela ne reste bien sûr encore qu’une explication hypothétique, une piste de recherche qui devrait pourtant encourager la science à s’intéresser au phénomène. En effet, si le corps astral existe et est matériel, il doit y avoir moyen d’en mesurer la présence. [↩]

8. Elles peuvent concevoir le bien, le vrai, elles peuvent potentiellement comprendre tout ce qui existe, non seulement les corps mais aussi les esprits. Tout cela dépasse la matière. [↩]

9. La théologie catholique parle de la venue du Christ dans « son corps de gloire ». Nous verrons plus loin qu’il s’agit très exactement de cela. La chair ne cache plus l’esprit. Elle le révèle. Les témoins de la mort approchée semblent réaliser la prophétie de Job 19, 25 : « Je sais, moi, que mon Défenseur est vivant, que lui, le dernier, se lèvera sur la poussière. Après mon éveil, il me dressera près de lui et, de ma chair, je verrai Dieu. » [↩]

10. Le premier critère est manifestement vérifié. C’est justement dans le sens d’un retour au religieux que se sont senties poussées les personnes marquées par cette expérience. On peut même affirmer que la plupart d’entre elles, même si elles ne deviennent pas chrétiennes, se font sans le savoir disciples de Jésus-Christ quand il disait : « Je vous donne deux commandements : tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et tu aimeras ton prochain comme toi même ».
 
Le deuxième critère est aussi vérifié : la théologie catholique parle en effet de la vie après la mort. Appuyé sur la Bible et la Tradition, ces deux sources par lesquelles l’Esprit de Dieu se donne à l’homme, l’Église a mis à disposition des fidèles une série de précisions sur ce qu’ils vivent après la mort. Son regard profond va bien plus loin que l’approche de la mort, telle que pensent l’avoir vécue les rescapés. Il va jusqu’à l’au-delà de cette barrière qu’aucun d’eux n’a franchie. Le Magistère solennel de l’Église, aide précieuse pour le théologien, affirme :
 
1) Nous croyons en la vie éternelle.
2) Au moment de la mort, l’âme se retrouve en présence de l’humanité Sainte de Jésus
3) Cette vision d’amour est le commencement de ce qu’on appelle son jugement particulier.
4) Les âmes mortes en état de péché mortel sont immédiatement conduites en enfer. Les autres, soit qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que dès l’instant où elles quittent leur corps Jésus les prenne au paradis comme il a fait pour le bon larron, deviennent le peuple de Dieu dans l’au-delà de la mort.
5) Le paradis consiste en la vision de Dieu, face à face.
 
La N.D.E. semble indiquer que tout homme, au moment même de sa mort, qu’il soit baptisé, Juif, païen ou athée, se retrouve face à un être qui rayonne de trois vertus : la vérité, l’amour et, quand c’est nécessaire, l’humour. N’est-ce pas un portrait, une image de ce qu’est Dieu? Il se pourrait même que l’être de lumière soit l’humanité Sainte de Jésus. Aucune opposition ne semble apparaître vis-à-vis du dogme catholique. Si l’on compare, maintenant, la théologie traditionnelle décrite ici avec le récit de ceux qui ont approché la mort, on est obligé d’admettre qu’il n’existe aucune opposition entre les deux. Bien au contraire, la foi semble trouver dans ces récits une éclatante confirmation. Les critères 1 et 2 me paraissent donc parfaitement vérifiés. [↩]

11. Epître de saint Paul II Corinthiens 12, 2 à 4. Anne-Catherine Emmerich (citée à titre de simple témoignage, sans qu’il lui soit attribué d’autorité), une stigmatisée du XIXème siècle, eut la vision du saint Jean lors de sa mort. Elle semble assister au phénomène de décorporation. « Pendant que Jean prononçait une dernière parole, une grande lumière apparut au-dessus de lui. Au moment où il s’affaissa en rendant le dernier soupir, j’aperçus au milieu de l’auréole qui l’entourait, une forme lumineuse entièrement semblable à lui qui se dépouillait de son corps comme d’une enveloppe grossière et disparaissait ensuite avec la lumière. » (Visions d’Anne-Catherine Emmerich sur la vie de Jésus, Tome 3, Téqui, page 555). [↩]

Arnaud Dumouch, L’heure de la mort (extrait), Éditions Docteur angélique, Avignon, 2006.

 

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